Aujourd'hui, les contrôles des massifs filtrants sont effectués à partir des seuls éléments visibles en surface. La trousse à outil du contrôleur est vide pour aller faire des mesures au coeur des massifs filtrants qui sont enterrés. Après 3 ans de recherche, un outil innovant, INVESTIG+®, permettant des mesures au coeur des massifs filtrants mis en place, a été breveté en 2009. Il est issu d'une collaboration public/privé Cemagref/Université de Clermont-Ferrand/Veolia Eau. Ces travaux rendent aujourd'hui possible le contrôle factuel de l'ensemble du massif filtrant du particulier sans altérer l'intégrité du filtre visité. Cet article présente la composition de cet outil INVESTIG+® et ses applications sur le terrain.
Ces travaux rendent aujourd’hui possible le contrôle factuel de l’ensemble du massif filtrant du particulier sans altérer l’intégrité du filtre visité. Cet article présente la composition de cet outil INVESTIG’+® et ses applications sur le terrain.
Depuis près d’un siècle la France recommande l’usage du sol naturel ou « reconstitué » pour assurer le traitement des eaux usées d’une maison individuelle ou d’un groupe de maisons.
Contexte de la naissance d’INVESTIG’+®
En 2012, le parc français des Petites Installations d’Assainissement est évalué à plus de 5 millions d’installations mais ce nombre ne résulte pas d’un comptage réel même approximatif. De l’ordre de 20 % de la population française est assainie par ces filières, pudiquement appelées traditionnelles, la seule tradition véritable étant de faire disparaître dans le sol les eaux usées.
Impossibles à contrôler, impossibles à évaluer, ces filières constituaient, voilà quelques dizaines d’années, un moyen rudimentaire de prévenir les épidémies en soustrayant aux humains la possibilité d’être en contact avec les eaux usées.
Dire par extension que ces filières traditionnelles dépolluent les eaux usées relève d’une foi en la nature qu’aucune expertise scientifique n’est jamais venue confirmer. Pourtant, au plan méthodologique, vouloir connaître l’efficacité d’un traitement des eaux usées implique des savoirs et des savoir-faire totalement connus et maîtrisés.
D’apparence critique, voire sévère, ce constat n’en est pas moins l’expression de la réalité toute simple issue du terrain, avec, à titre d’exemple, des contrôles organisés sur des filières où il est strictement impossible de constater quoi que ce soit, hormis en surface, ce qui équivaut à donner à un véhicule une autorisation de rouler sur le simple examen de sa carrosserie, sans s’être donné la peine d’ouvrir le capot du moteur ou de contrôler le freinage.
Face à cette réalité de méconnaissance du fonctionnement et de l’évolution dans le temps des filières traditionnelles, Veolia Eau a décidé dès 2006 de s’intéresser à la mise au point d’outils aptes à aller voir au cœur de ces filières de filtration pour les diagnostiquer de façon factuelle et rapide.
En 2009, un brevet INVESTIG’+® a été déposé conjointement par le Cemagref de Lyon, l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand et Veolia Eau, mettant en lumière toute l’efficacité d’une collaboration entre des structures publiques et privées.
Cet outil répond aux exigences fixées d’aller chercher au cœur de massifs filtrants de
manière non destructive des informations factuelles permettant d’apprécier leur état et leur fonctionnement.
Présentation d’INVESTIG’+®
L’outil INVESTIG’+® est composé de l’association de cinq instruments qui, individuellement, sont utilisés dans d’autres contextes que celui du traitement des eaux usées. Suite à trois années de recherches effectuées conjointement par deux équipes de scientifiques et d’universitaires (Université de Clermont-Ferrand – laboratoire de génie civil –, le Cemagref de Lyon) et Veolia Eau, le brevet INVESTIG’+® a été déposé. INVESTIG’+® est l’association d’un pénétromètre, d’un endoscope, d’un résistivimètre, d’un analyseur de gaz et de bandelettes de mesures chimiques des formes azotées. L’ensemble de ces instruments est utilisé pour obtenir les informations factuelles nécessaires au contrôle d’une petite installation d’assainissement de la famille des massifs filtrants.
Le résistivimètre électrique, le pénétromètre et l’endoscope nous informent sur la structure du massif (taille et composition) et sur la façon dont les éléments qui le constituent se trouvent mis en œuvre. Ces informations correspondent à des paramètres d’« état ».
L’endoscope, l’analyseur de gaz et les bandelettes de mesures chimiques des formes azotées nous renseignent sur l’état biologique du massif. Ces informations correspondent à des paramètres de « fonctionnement ».
En allant voir au cœur du massif filtrant, INVESTIG’+® permet d’obtenir des informations sur l’état et le fonctionnement du massif investigué tout en conservant l’intégrité du filtre et de ses abords.
Le résistivimètre
Il permet de déterminer l’emplacement exact et la surface du massif enterré grâce à une injection de courant électrique dans le sol via une série d’électrodes enfoncées manuellement (piquet métallique). Les propriétés de propagation du courant sont dépendantes du type de matériau traversé.
La présence de gravier entraîne des valeurs de résistivité différentes de celles mesurées dans le terrain naturel. On peut localiser précisément la couche supérieure de gravier dans le cas d’un filtre à sable vertical drainé ou non. Dès qu’un système de traitement est constitué de gravier (tranchée d’épandage, lit d’épandage), il peut être localisé grâce à ces mesures.
L’ensemble des réponses aux impulsions électriques est traité par un logiciel qui procède à une inversion mathématique afin de mettre en évidence la position des différentes couches de matériaux sur un profil vertical. À partir de cette inversion, il devient possible de déterminer la longueur de la zone où le gravier est mis en place sur le profil. Pour connaître la surface du filtre, il suffit de faire une mesure de résistivité dans la longueur et une autre dans la largeur. Un exemple de résultats des mesures et le détail du calcul est présenté dans la figure 3.
À partir de ces profils, il est possible de connaître la surface du massif en mesurant la distance sur laquelle du gravier est présent. La mesure est précise à 10 cm.
près. Dans le cas de l’exemple présenté en figure 3 nous obtenons le calcul suivant :
[Profil longitudinal (6-5.1)] * [Profil transversal (7.422)] = 28 m²
Le pénétromètre
Cet instrument permet de déterminer la nature et la hauteur des matériaux qui composent le système filtrant d’assainissement. Il est basé sur les différentes résistances des matériaux rencontrés à l’enfoncement d'une pointe métallique.
Une tige métallique équipée d'une pointe de 20 mm est introduite dans le sol à l’aide d'une tête de frappe et d’une massette de poids calibré. Le faible diamètre de la pointe permet de ne pas détériorer la terre végétale de recouvrement du filtre ainsi que le massif filtrant lui-même. La précision de la mesure est de l’ordre du centimètre.
À chaque coup porté, la tige s'enfonce d'une certaine profondeur. Le boitier (à droite sur la figure 4) enregistre cette profondeur et calcule immédiatement la résistance de pointe de la zone traversée (relation entre l’enfoncement de la tige et la puissance du coup de massette).
L’ensemble des données fournit un profil vertical par sondage réalisé, dans lequel les différentes couches de matériaux rencontrées se visualisent facilement car elles n'offrent pas toutes la même résistance de pointe (exemple de résultat sur la figure 5).
Cette mesure est répétée plusieurs fois sur le filtre afin de vérifier l'homogénéité du massif sur l'ensemble de la construction.
Les sondages de 20 mm de diamètre effectués lors de ces mesures sont réutilisés pour la mesure avec l'endoscope.
L’endoscope
Une caméra miniature est insérée dans une tige creuse munie de fenêtres. Cette tige est mise en place dans le forage de 20 mm de diamètre effectué avec le pénétromètre. L'image donnée par la caméra est retransmise en temps réel sur l’écran de l’ordinateur.
La caméra est descendue, entraînée par un moteur, jusqu’au fond du forage (couche inférieure de gravier pour le Filtre à Sable Vertical Drainé (FASVD), et de terre en place située sous le massif de sable pour le Filtre à Sable Vertical (FASV)).
Lors de la descente de la caméra dans le forage, nous pouvons observer facilement les éléments rencontrés composant le massif (géotextile, gravier, sable, géogrille). Des photos prises sur des sites sont présentées dans la figure 7.
Les images obtenues via l’endoscope nous renseignent également sur l’état de fonctionnement du massif par observation du niveau de colonisation par la biomasse épuratrice et le niveau de saturation du filtre. Les différents niveaux sont présentés dans les figures 8 et 9.
Ces informations factuelles sont indispensables pour connaître le fonctionnement du massif.
Des photos sont prises dans la zone du massif de sable. L’ensemble des photos
est enregistré pour permettre l’analyse d’images ultérieurement. La recomposition précise de la courbe granulométrique du sable en place est réalisée hors du site diagnostiqué.
L’analyse d’image est effectuée sur chaque sondage à partir de plusieurs dizaines d’images enregistrées. Trente photos, au moins, sont nécessaires pour déterminer la courbe granulométrique du sable investigué en place. La taille de l’ensemble des grains sur chaque photo est mesurée par un logiciel informatique. Une fois l’ensemble des photos traitées, la courbe granulométrique du sable en place est reconstituée.
- • le pourcentage de fines, qui correspond au pourcentage de particules inférieures à 80 μm.
Ces trois paramètres permettent d’apprécier la qualité du sable et ils peuvent être comparés aux valeurs fournies dans le document de référence.
Cette courbe peut alors être comparée à celle indiquée dans la norme expérimentale XP DTU 64-1 P1-2, annexe A (normative). Un exemple est présenté sur la figure 10.
À partir de la courbe granulométrique reconstituée, trois valeurs caractéristiques sont extraites :
- • le d10 correspond au diamètre du tamis laissant passer 10 % de la masse du sable, en mm ;
- • le CU, qui correspond au coefficient d’uniformité du sable (rapport d60/d10) ;
- • le pourcentage de fines.
L’endoscope permet d’obtenir des informations factuelles sur l’état du filtre (courbes granulométriques, présence de géotextile, hauteur de couches) et également des données mesurées sur son fonctionnement (niveau de colonisation, niveau de saturation). Ces mesures sont effectuées en plusieurs points du massif (même localisation que les mesures au pénétromètre). Cela permet de visualiser des déséquilibres d’alimentation du filtre et également de connaître sa surface utile réelle.
Les mesures de gaz
L’appareil permet de mesurer dans le filtre les teneurs atmosphériques sur les paramètres oxygène et dioxyde de carbone à différentes profondeurs. Une pompe permet d’amener l’échantillon gazeux prélevé devant les cellules de mesures.
Pour effectuer ces mesures au cœur du massif, des cannes creuses de 20 mm de diamètre équipées de pointes rétractables sont utilisées (figure 11).
La pointe est nécessaire pour permettre l’enfoncement de la tige dans le massif (meilleure pénétration dans le sol). Afin de ne pas ressortir la canne pour pomper l’air à la profondeur désirée, il suffit de relever légèrement la canne (quelques millimètres). Cette manœuvre permet d’ouvrir la pointe.
pointe rétractable. Le prélèvement d’air en profondeur peut se faire. Pour continuer la mesure la canne est enfoncée jusqu'à atteindre le point de mesure suivant où la même opération est répétée.
Des profils de consommations sont établis sur la hauteur du massif. Plusieurs profils sont effectués sur le filtre diagnostiqué.
La figure 12 présente un filtre où les profils montrent une forte différence entre la zone de gravier dans laquelle l’air circule facilement et la zone de sable où la biomasse épuratrice, en se développant, réduit la porosité du sable et rend difficile le renouvellement d’oxygène. La teneur en oxygène retrouve des valeurs élevées dans les graviers du fond puisque la circulation d’air est à nouveau facilitée grâce aux tuyaux de drainage raccordés au regard de sortie (présence d’air atmosphérique).
Ces mesures nous permettent de localiser les zones biologiquement actives dans le massif filtrant investigué.
Les bandelettes
Quand l'eau usée traitée est accessible, des tests avec des bandelettes chimiques peuvent être faits pour estimer les performances épuratoires du système sur les formes azotées.
Ce qui est visé, au-delà de la qualité de la nitrification, est bien l’évaluation de la présence ou du manque d’oxygène au sein du massif puisqu’il est nécessaire pour assurer une bonne qualité de nitrification. Dans un système où l’oxygène est rare la qualité de la nitrification devient médiocre.
La qualité de la nitrification est en lien avec la dégradation de la pollution carbonée et n’intervient qu’après qu’elle soit largement réalisée.
Une bonne qualité de nitrification signifie un excès d’oxygène qui induit obligatoirement une bonne qualité de la dépollution du carbone.
Une qualité de nitrification médiocre signifie que l’oxygène est présent en quantité insuffisante pour assurer la nitrification de l’azote ammoniacal. La probabilité d’un déficit d’oxygène pour assurer la dégradation du carbone est ainsi forte.
L’ensemble des cinq équipements constituant l’outil INVESTIG’+® assure un diagnostic complet du massif filtrant vis-à-vis de son état physique (mise en œuvre, dimensionnement) et de son état de fonctionnement (présence de colonisation visible, de saturation, qualité de l’épuration).
Les contrôles de massifs filtrants avec INVESTIG’+
INVESTIG’+® permet de répondre, grâce à des mesures factuelles, aux vérifications réglementaires décrites en annexe de l’arrêté du 27 avril 2012 relatif aux modalités de l’exécution de la mission de contrôles pour l'ensemble des installations d’assainissement non collectif.
Pour les installations neuves (construites après le 9 octobre 2009 d'après l’arrêté du 7 mars 2012) ou à réhabiliter, INVESTIG’+® permet de faire le contrôle « vérification de l’exécution » en identifiant (mesures pénétromètre et endoscope), localisant (mesures de résistivité) et caractérisant (mesures pénétromètre et endoscope) le dispositif de traitement des eaux usées par filtration.
Pour les autres installations (autres que neuves et à réhabiliter selon l’arrêté du 27 avril 2012), INVESTIG’+® permet la « vérification de l’existence du traitement » (résistivité, pénétromètre, endoscope) et également la « vérification du bon fonctionnement et l’entretien » (endoscope, teneur en oxygène, bandelettes).
Les mesures effectuées sur site permettent de vérifier le respect des prescriptions techniques réglementaires en vigueur (dimensionnement de l'installation) et le respect des règles de l'art pour la mise en œuvre des massifs filtrants (XP DTU 64.1). Seul INVESTIG’+® peut aller voir au cœur du système sans le détériorer. Grâce aux mesures in situ nous pouvons effectuer des contrôles véritables permettant de s’assurer de façon factuelle du bon état et du bon fonctionnement du filtre.
INVESTIG’+® est conçu pour assister nos techniciens lors des étapes essentielles de la vie d’un filtre :
- - lors de sa construction afin de garantir le respect des règles de l’art (décrites dans l’XP DTU 64-1),
- - lors de son entretien afin de suivre l’évolution du cœur du massif dans le temps,
- - lors de la vente de l’habitation pour garantir à l'acheteur l’état et le fonctionnement de la petite installation d’assainissement desservant la maison qu'il achète.
Lors d’expertises pour trouver les
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causes précises et enfouies de dysfonctionnements.
Conclusion
INVESTIG’+® est un outil innovant qui permet de réaliser des diagnostics factuels, fiables et pertinents basés sur des mesures effectuées au cœur du massif filtrant. Ces mesures nous permettent de connaître la composition et le résultat de la mise en œuvre des massifs diagnostiqués ainsi que l’état de fonctionnement de ces systèmes et leurs niveaux de vieillissement.
Les diagnostics effectués avec les outils sont issus de mesures réelles et non pas d’interprétations ou de déductions hypothétiques à partir des seuls éléments visibles à la surface du sol. Le diagnostic devient indiscutable car les éléments qui composent le filtre ont été observés et mesurés de façon factuelle.
Grâce à INVESTIG’+®, nous engageons notre responsabilité sur la base des mesures réalisées et des constats visualisés au cœur des filtres.
INVESTIG’+® apporte des informations jusque-là inaccessibles qui sont essentielles pour la compréhension du fonctionnement réel des massifs filtrants. Les outils composant INVESTIG’+® permettent de satisfaire avec certitude aux contrôles réglementaires et permettent de suivre l’évolution d’un filtre de façon non destructive.
Cet outil a été utilisé pendant 18 mois pour investiguer le cœur de plus de 500 filtres à sable. L’ensemble des mesures effectuées constitue une base de données sur ces filières issues de filtres en fonctionnement chez des particuliers sur l’ensemble du territoire (Article « Retour de terrain d’investigations au cœur de 500 filtres à sable avec l’outil INVESTIG’+® »).
(1) Retour de terrain d'investigations au cœur de 500 filtres à sable avec l’outil INVESTIG’+®, BIN N° 355, octobre 2012, page XX