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Instrumentation pour le contrôle et régulation dans le domaine des eaux

26 decembre 1980 Paru dans le N°50 à la page 19 ( mots)
Rédigé par : B. FESTY et J.-c. COURNARIE

B. FESTY,Directeur du Laboratoire d'Hygiènede la Ville de Paris.

J.-C. COURNARIE,Laboratoire de la SLEE(Le Pecq).

I - INTRODUCTION

La nécessité de fournir à la population « des eaux destinées à la consommation humaine (*) qui soient saines, acceptables et autant que possible agréables », implique, d'une part, le choix de ressources en eau convenables, de préférence souterraines, mais, en pratique, le plus souvent superficielles et devant obéir à certains critères (**) ; d'autre part, des traitements industriels fiables et adaptés aux caractéristiques de ces ressources et, enfin, des contrôles de qualité physico-chimique et biologique des eaux aux stades de la production et de l'utilisation. À ce dernier stade, la qualité de l'eau reflète l'ensemble des caractères et modifications de tous ordres, favorables ou non, résultant de la ressource, des traitements, primaires ou secondaires, et de l'interaction constante de l'eau avec les matériaux des circuits de traitement, de stockage et de distribution.

La surveillance continuelle qui s'impose met donc en jeu de manière coordonnée et successive les industriels traiteurs d'eau et les hygiénistes, intervenant sur le terrain, en usine et en laboratoire.

(*) Selon la Proposition de Directive du Conseil des Communautés Européennes du 31 juillet 1975 (J.O. C.E. 18 septembre 1975).

(**) Directive du Conseil des Communautés Européennes concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États Membres – 16 juin 1975 (J.O. C.E. 25 juillet 1975).

[Photo : Le coagulomètre permet la détermination de la quantité de réactif coagulant qu'il convient d'ajouter à une eau pour en obtenir la meilleure floculation. (Document DEGREMONT.)]

Elle présente en premier lieu un aspect systématique et préventif comportant l'analyse des ressources, le contrôle des traitements, l'analyse des eaux distribuées, la vérification de la conformité des installations intérieures de distribution des immeubles et de la protection du réseau public. En second lieu, elle comporte un aspect ponctuel et curatif faisant suite à des incidents ou accidents marqués par des modifications esthétiques ou sanitaires des eaux distribuées.

Les contrôles de production et d'utilisation sont généralement réalisés par des laboratoires différents et avec des finalités en partie différentes. Le premier permet d'ajuster les opérations de traitement à la qualité des ressources en fonction du but à atteindre ; le second tient compte de l'ensemble des modifications, fortuites ou délibérées, pouvant survenir dans le circuit stockage (éventuel) — distribution (publique, privée) — utilisation et pouvant nuire à la qualité du produit industriel : ce qui intéresse finalement l'usager et l'autorité sanitaire, c'est la qualité de l'eau livrée au robinet.

Ces deux contrôles se doivent d'être permanents et, dans bon nombre de cas, nécessiteraient une surveillance en continu depuis le prélèvement jusqu'à l'analyse. Cette situation idéale est loin d'être systématiquement applicable pour des raisons techniques et économiques et il convient de bien différencier les problèmes et besoins en instrumentation et contrôle de l'industriel du traitement de l'eau, de ceux des laboratoires de contrôle et de l'autorité sanitaire, bien qu'ils soient convergents. Par conséquent, les procédés, méthodes et instrumentations plus ou moins complexes et automatisables ne semblent pas justiciables de progrès techniques équivalents dans tous les domaines de la fourniture de l'eau potable.

[Photo : Laboratoire RIKER - Pithiviers]

II - LA DIRECTIVE EUROPEENNE DES EAUX DE CONSOMMATION

Elle définit en particulier les modèles et fréquences des analyses types, une liste des paramètres de qualité des eaux et les méthodes analytiques de référence correspondantes.

— Le contrôle analytique revêt 4 aspects différents : il est « minimal », « courant », « périodique » ou « occasionnel » selon les circonstances, la fréquence des contrôles étant indexée à l’importance de la population desservie.

— Les facteurs globaux ou spécifiques à prendre en considération, dont l’importance et le poids sont divers et dépendent des modèles de contrôle, sont regroupés en facteurs « organoleptiques », « physico-chimiques », « indésirables », « toxiques » et « microbiologiques ». Dans la plupart des cas, des « niveaux guides » sont définis pour chaque paramètre, le plus souvent assortis de « concentrations maximales admissibles », parfois de « concentrations minimales requises » (eaux adoucies).

— Les paramètres organoleptiques (goût, odeur...) sont extrêmement importants car directement appréciables par l’usager ; les facteurs physico-chimiques sont indicateurs de la qualité naturelle des eaux et éventuellement de leurs traitements. Les facteurs indésirables concernent des constituants de base ou des macro-contaminants d’origine variée dont la concentration excessive n’est pas souhaitable (exemple NO₃⁻, A.B.S.). Les facteurs toxiques correspondent aux micropolluants minéraux ou organiques dangereux (métaux lourds, pesticides, H.P.A.). Enfin, les facteurs microbiologiques classiques (bactéries, virus surtout), marquant essentiellement la prévention du risque fécal, sont indispensables ; ils reflètent la qualité de la ressource, l’efficacité du traitement, la protection et l’entretien des réseaux de distribution. Il est cependant souhaitable de prendre en compte d’autres facteurs biologiques (animacules, algues...).

— Par souci d’harmonisation, des « méthodes analytiques de référence » sont indiquées pour chacun des paramètres ; cependant, elles n’empêchent pas les analystes d’améliorer leur technologie et, éventuellement, d’automatiser les opérations. Il convient néanmoins de remarquer que pour quelques paramètres, l’appréciation des niveaux retenus est difficile, voire impossible par les moyens analytiques actuels, ce qui pose des problèmes d’interprétation des résultats.

III - PROBLEMES DE CONTROLE ET REGULATION AU STADE DE LA PRODUCTION

Au niveau de la production d’eau potable, le traiteur d’eau doit être en mesure d’effectuer de manière automatique la détermination d’un certain nombre de paramètres s’il veut optimiser les chaînes de traitement dont il dispose, et ce pour délivrer un produit fini conforme aux normes de potabilité définies précédemment, de plus en plus sévères pour la sécurité du consommateur. Ce contrôle automatique est en effet souhaitable pour réagir plus rapidement aux variations de qualité du produit brut, très complexe, sans attendre les résultats donnés par le laboratoire avec un délai plus ou moins long. Les mesures effectuées par le laboratoire seront toujours indispensables ; d’une part, tous les paramètres mesurés ne seront pas automatisables, d’autre part les automates nécessiteront un contrôle fin en laboratoire.

Ces besoins de mesures automatiques s’expriment à plusieurs niveaux :

1. AU NIVEAU DE L'EAU BRUTE :

— comme processus d'alerte en cas de pollution accidentelle ; — comme moyen de contrôle des variations de la qualité de l'eau brute pour réagir rapidement au niveau du traitement.

2. AU NIVEAU DES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU TRAITEMENT :

— comme moyen de régulation (automatique ou manuelle) des processus ou des taux de traitement ; — comme moyen de contrôle de la qualité de l'effluent de chaque étape du traitement.

3. AU NIVEAU DE LA DISTRIBUTION :

— comme moyen de contrôle de la qualité du produit fini sur le réseau de distribution après un parcours plus ou moins long.

Ces mesures automatiques font appel à des capteurs de paramètres physiques quantitatifs et à des capteurs physico-chimiques qualitatifs. En ce qui concerne les paramètres physiques que sont les débits, pressions, niveaux, consommation électrique, il existe des capteurs fiables et d'une précision convenable depuis plusieurs années (6), (7).

1. Contrôle au niveau de l'eau brute

Ce contrôle au niveau de l'eau brute s’exerce généralement de deux façons :

— par un test global de pollution (test biologique) ; — par une station d'analyse automatique pouvant comprendre plusieurs éléments suivant le site et les risques de pollution.

a) Test global de pollution (test biologique)

Dans l'état actuel de nos connaissances, nous ne disposons pas de capteurs spécifiques permettant de mesurer toutes les formes de pollution. On s'est orienté vers un test portant sur le comportement d'un animal réagissant globalement à l'ensemble des polluants éventuels d'une eau. L'animal témoin choisi est la truite ; il existe actuellement plusieurs appareils mesurant le comportement de la truite appelés : Truitomètre, Truitotest, Ichtyotest ; leur principe est à peu près le même : la truite nage à contre-courant et, en cas de pollution de l’eau, son comportement anormal, maladie ou mort, est détecté soit par un barrage électrique, soit par un barrage physique qui déclenche une alarme et un prélèvement automatique (1).

b) Station d'analyse automatique

La station d’analyse automatique peut comporter plusieurs automates :

— Un automate mesurant en continu, avec une fiabilité et une précision suffisantes, les paramètres classiques suivants : température, résistivité électrique, pH, oxygène dissous, turbidité. Il comporte un dispositif d’échantillonnage permettant un débit continu et suffisant d'eau à analyser, une chambre de mesure comportant les capteurs, un dispositif de nettoyage automatique, des dispositifs d’enregistrement ou de télétransmission des données ; sur chaque paramètre peuvent être fixés des points de consigne déclenchant une alarme et un prélèvement d'échantillon. Il existe actuellement de nombreuses stations de ce type.

— D'autres automates peuvent mesurer de façon discontinue un ou plusieurs paramètres à une cadence de quelques minutes à quinze minutes que l'on peut classer par technique :

• photo-colorimétrie automatique permettant la mesure des paramètres suivants : l’ammoniaque, les phénols, les détergents. Il existe également de nombreux appareils de ce type. • automate à électrode spécifique permettant la mesure des paramètres suivants : l'ammoniaque, les nitrates, les chlorures, les cyanures, les fluorures.

Ces automates sont des appareils assez complexes comportant des cycles de mesures avec échantillonnage, injection de réactifs, mesures, rinçages ; ils peuvent comporter également un dispositif d'enregistrement, de transmission des données, alarmes et prélèvements d’échantillon.

— D’autres automates sont au stade du développement. Citons parmi ceux-ci :

• un automate de mesure par polarographie (en discontinu) permettant la mesure de micropolluants minéraux (métaux lourds) : cadmium, plomb, cuivre, zinc, chrome et mercure. Il comporte une minéralisation des échantillons par UV, par une lampe à quartz, puis une détection par polarographie ; la cadence d'analyse est de vingt minutes. Un automate de ce type est actuellement à l'essai au Service des Eaux de la Ville de Paris, un autre à la Compagnie Générale des Eaux (4).

• un automate de mesure par absorption ultraviolet à 254 nm (en continu) permettant une mesure globale de la teneur en matières organiques de l'eau que l’on peut mettre en corrélation par exemple avec la mesure du carbone organique total. Un automate est actuellement à l'essai à la station de Vigneux (S.L.E.E.).

• Il faut également signaler la possibilité d'automatiser une mesure par fluorescence que l'on peut également corréler avec la mesure du C.O.T.

2. Contrôle et régulation au niveau des différentes étapes du traitement. (6), (7)

Une chaîne de traitement d'eau potable conventionnelle comprend généralement les étapes suivantes :

  1. (1) Préoxydation, pouvant être :— chloration au seuil au « Break-Point »— traitement au bioxyde de chlore— ozonation.
  2. (2) Coagulation chimique — floculation décantation.
  3. (3) Filtration rapide sur sable.
  4. (4) Une étape de finition portant sur l'élimination du goût, de l’odeur, des matières organiques, réalisée par filtration sur charbon actif.
  5. (5) Neutralisation.
  6. (6) Désinfection finale à l'ozone, au chlore, au bioxyde de chlore.

Quels sont les moyens existants ou à développer permettant un contrôle automatique de l'efficacité du processus de traitement mis en jeu dans chaque étape et une régulation des taux de traitement ?

[Photo : Le chloramètre permettant le dosage de chlore. (Doc. DEGREMONT)]

A. Traitement d’oxydation et de désinfection(à l'exception de préchloration au « Break-Point » ou point critique). Étapes (1) et (6).

Il existe des automates permettant le contrôle du résiduel d’oxydant fort (chlore libre, bioxyde de chlore, ozone) par mesure galvanométrique. Le principe est le suivant : la cellule de mesure se compose de deux électrodes de métaux différents qui forment une pile ; en l'absence d’agent oxydant, la pile est polarisée et s’oppose à tout passage du courant ; la présence d'oxydant permet le passage d'un courant de dépolarisation dont l'intensité est proportionnelle à la concentration de l'agent oxydant. Cet automate peut être équipé de points de consigne et programmé pour réguler les doses de chlore, bioxyde de chlore, ozone, à mettre en œuvre.

B. Traitement de préchloration au « Break-Point » ou « Point critique ». Étape (1).

L'appareil précédemment cité, par mesure galvanométrique, présente le défaut de répondre aux chloramines quand on traite en deçà du « Break-Point » et donc ne peut être utilisé pour le contrôle de ce traitement où l'on ne doit mesurer que le chlore libre.

Deux automates de principe différent ont été développés ces dernières années et permettent actuellement la mesure du chlore libre pour le contrôle du traitement au « Break-Point » :

  1. (1) le premier est un photo-colorimètre qui mesure le chlore libre par réaction avec un réactif spécifique : la Syringaldazine, développant en présence de chlore libre une coloration pourpre. (8).
  2. (2) le second est un automate de mesure galvanométrique mesurant le chlore libre par différence : dans une première cellule on mesure le chlore total, dans une seconde on mesure le chlore combiné, le chlore libre ayant été séquestré par un réactif chimique. La différence chlore total — chlore combiné est calculée et la valeur du chlore libre est enregistrée.

Ces deux appareils, s'ils permettent de vérifier que la préchloration est bien effectuée au-delà du « Break-Point », n'effectuent pas un calcul direct de cette valeur du « Break-Point » permettant une régulation automatique. Deux appareils automatiques pour la détermination du « Break-Point » de l’eau ont été développés récemment. Ce sont des appareils complexes et coûteux qui jusqu'à présent, à notre connaissance, n'ont pas eu un gros développement.

  1. (1) Le principe de l'un de ces appareils est le suivant : quelques minutes après l'injection d'une dose de chlore, un automate mesure le pH, la température, le chlore total, le chlore combiné, calcule le chlore libre et le chlore actif ; en fonction de la mesure de ces paramètres, un microprocesseur calcule la valeur du « Break-Point » à l'aide d'une formule mathématique « formule de SAULNIER » et permet ainsi la régulation automatique de la dose de chlore à injecter.
  2. (2) Le principe du deuxième automate est différent ; il s'agit d'un appareil indépendant qui reçoit l'eau à traiter, détermine initialement sur un échantillon discret le « Break-Point » en introduisant de l'eau de javel par ajouts successifs et croissants et en mesurant la teneur en chlore résiduel total après passage dans une ligne à retard hydraulique de 30 minutes. Après cette détermination initiale permettant de fixer une valeur de consigne pour le

chlore résiduel correspondant à un taux de traitement au-delà du « Break-Point », un asservissement modifie le taux d'ajout pour que la valeur du résiduel de chlore revienne autour de la valeur de consigne ; les valeurs visualisées et disponibles pour la régulation automatique de la chloration sont le taux d'ajout dans l'automate, la teneur en chlore résiduel, la valeur du « Break-Point ».

C. Traitements de clarification. Étapes (2) et (3).

Si l'on est actuellement en mesure de programmer les cycles de durée de vie des filtres et leur lavage par mesure des pertes de charge, niveaux, et de la turbidité de l'eau filtrée, l’automatisation de la détermination du taux de coagulant n'est pas encore un problème résolu.

Les principales méthodes manuelles actuellement utilisées pour la détermination du taux de coagulant sont les suivantes :

— Essai de floculation ou JAR-TEST dans lequel on essaye de reproduire les conditions de fonctionnement d'un clarificateur. Les critères retenus pour la détermination du taux optimum de traitement dépendent de la nature de l’eau : turbidité, oxydabilité au permanganate, C.O.T., couleur, vitesse de sédimentation du floc, etc.

Cet essai est long, nécessite de grandes quantités d'eau et doit être effectué par un personnel expérimenté. Du fait de ces inconvénients, il ne peut être effectué, bien souvent, avec la fréquence souhaitable.

— Mesure du potentiel Zeta ou mesure du potentiel électrocinétique des particules en suspension. La valeur de ce potentiel s'exprime par le mouvement des particules dans un champ électrique connu sous le nom d’électrophorèse ; la mesure se fait en évaluant le déplacement des colloïdes entre deux électrodes créant un champ électrique. Le taux de traitement optimum correspond à un potentiel Zeta nul.

Cette mesure présente des inconvénients ; elle demande des mesures statistiques, chaque particule n'ayant pas la même mobilité ; elle est d'un maniement délicat.

Jusqu'à présent, le seul automate existant permettant de déterminer le taux de traitement en coagulant est un appareil robot réalisant de façon automatique le JAR-TEST traditionnel avec comme seul critère déterminant, la mesure de la turbidité.

L'automatisation et la régulation de la détermination du taux de coagulant s'orientent actuellement dans deux voies distinctes :

— La première orientation est la mesure directe du taux de coagulant. À cet effet, plusieurs types d'appareils sont en voie de développement :

• un Zétamètre automatique dans lequel le déplacement des colloïdes est suivi automatiquement par un laser. Il s'agit d'un appareil très coûteux et qui n'a pas encore été expérimenté dans le domaine des eaux potables.

• un appareil basé également sur la mesure de la mobilité de particules colloïdales dans un champ électrique mais dont le dispositif de détection est différent : on mesure la densité optique d'un faisceau lumineux perpendiculaire au déplacement des particules et restant parallèlement à l'électrode « dite active » d'où partent ces particules colloïdales, avant et après l'application du champ électrique. La variation de la densité optique représente alors la variation de concentration des colloïdes au voisinage de l'électrode active. Le taux de traitement optimum correspondra à une variation la plus faible de cette densité optique. La mesure est rapide, quelques secondes, et la quantité d'eau nécessaire très faible. L'automatisation de cet appareil est encore au stade d'étude.

• un appareil basé sur l'observation empirique suivante faite sur le « JAR-TEST » : la turbidité de l'eau obtenue quelques minutes après l'adjonction du coagulant serait d’autant plus élevée que l'on se rapproche du taux optimum, c’est-à-dire que la turbidité de l'eau obtenue après décantation serait la plus faible. Le temps de réponse de la mesure serait donc très rapide et permettrait l'automatisation du contrôle et de la régulation du taux de coagulant. Un appareil automatique a déjà été réalisé, mais nécessite une expérimentation appropriée au domaine du traitement de l'eau potable.

— La deuxième voie de recherche est une voie indirecte ; il ne s'agit plus de mesurer directement le taux de coagulant à appliquer, mais de prévoir le taux de traitement optimum en fonction de la mesure de paramètres simples et facilement automatisables tels que la turbidité, le pH, le TAC, éventuellement la mesure de l'adsorption en UV à 254 nm. Il est nécessaire pour cela d'acquérir pendant plusieurs années suffisamment de données couvrant les variations possibles de qualité d’eau brute de façon à déterminer un modèle mathématique permettant de calculer le taux de traitement optimal.

Signalons que de tels modèles ont été déjà mis au point avec succès pour la détermination du taux de coagulant dans certaines stations de traitement aux États-Unis ; il est possible de donner un exemple de formule utilisée à la station de TORRESDALE, pour l’alimentation en eau potable de la ville de PHILADELPHIE :

Taux en traitement = a + b Turbidité (eau brute)
— c TAC (eau brute) + d [Turbidité (eau décantée) — 2,5] + e [Turbidité (eau filtrée) — 0,10]

a, b, c, d et e étant des constantes ; le coagulant utilisé est le chlorure ferrique.

D. Traitement de neutralisation. Étape (5).

La neutralisation automatique de l'eau est déjà réalisée depuis de nombreuses années ; l'addition d'un réactif alcalin en fin de traitement : soude, chaux, carbonate de soude, etc., peut être régulée par une mesure de pH avec choix d'un point de consigne (pH d'équilibre calculé à partir des nombreuses formules ou diagrammes existants).

E. Traitement d'affinage par filtration sur charbon actif.

Les paramètres mesurant l'efficacité d'un tel traitement : odeur, goût, matières organiques, sont des paramètres qu'il semble actuellement difficile d'automatiser.

On fonde présentement beaucoup d'espoir sur le capteur « Absorption en UV à 254 nm » dont on a déjà parlé et qui pourra peut-être permettre de suivre en continu l'évolution de la teneur globale en matières organiques après filtration sur charbon actif, de déterminer d'éventuels relargages, et la fréquence de la régénération du charbon.

F. Contrôle du produit fini.

Outre certains paramètres déjà automatisables ou en voie de développement dont nous avons parlé au niveau du contrôle de la qualité de l'eau brute et de l'effluent des différentes étapes de traitement qu'il est possible d'utiliser pour le contrôle de l'eau traitée à la sortie de la station, à savoir :

  • — paramètres classiques : turbidité, pH, oxygène dissous, résistivité, NH₄⁺, NO₃⁻.
  • — toxiques minéraux (métaux lourds) : Cadmium, Plomb, Cuivre, Zinc, Chrome, Mercure.
  • — paramètres assurant une bonne désinfection : chlore, ozone résiduels, l'automatisation de certains paramètres nocifs risquant de se former au cours du processus de traitement, fait l'objet des préoccupations actuelles.

Une technique de dosage automatique des organochlorés volatils en discontinu (cadence 15 minutes) a été mise au point et est à l'essai ; son principe est le suivant :

  • — les haloformes et autres dérivés halogénés sont purgés par un gaz de l'échantillon d'eau prélevé, envoyés dans un four et les chlorures libérés sont dosés par coulométrie.

3. Contrôle de l'eau potable sur le réseau de distribution.

Le composant final d'un système de traitement d'eau pour l'alimentation en eau potable est le réseau de distribution. Des problèmes de corrosions, de couleur, de goûts, d'odeurs, de proliférations bactériennes peuvent être importants à ce niveau.

Il peut arriver que des eaux bien traitées à la sortie des installations de traitement se détériorent dans le réseau de distribution.

Bien que ces problèmes soient effectifs, peu d'informations sont collectées sur de telles détériorations par manque de station de contrôle de la qualité de l'eau dans le réseau de distribution.

Il est certain que dans ce domaine, un vaste effort de recherche est nécessaire afin de déterminer les critères scientifiques et les spécifications de systèmes automatiques pour le contrôle de la qualité de l'eau dans un réseau de distribution.

[Photo : Traitement au chlore, ozone et bioxyde de chlore avec injection de charbon actif des eaux de la MARNE. (Document CIFEC)]

IV - PROBLEMES DE QUALITEET DE CONTROLE SANITAIREAU STADE DE L’UTILISATION

Cette qualité peut être altérée dans plusieurs circonstances :

— interaction avec le système de distribution (corrosions) ; il faut alors tenir compte de l’eau elle-même (déséquilibre) mais aussi du réseau (profil, matériau (x), dynamique de l’eau, pression...) ;

— modifications résultant de post-traitements mal conduits (adoucissement excessif, correctifs divers...) avec retentissement sur l’agressivité de l’eau, sur sa composition, son esthétique... ;

— altérations résultant de retours d'eaux résiduaires ou de liquides contaminants (exemple solvants) à la faveur de dépression du réseau : exemple tuyaux plongeants, douchette mobile de baignoire, submersion d'extrémités du réseau, percement de circuits de refroidissement...

À ce niveau de l'utilisation, des précautions sanitaires s'imposent :

— mise en place de dispositifs protecteurs anti-retours adéquats au niveau de la conduite publique (branchement), au niveau des extrémités du réseau, des circuits d'eau technique ou sanitaire traitée (chauffage, adoucissement...) ; dans les installations importantes des appareils de mesure de conductivité, de dureté peuvent s'imposer ;

— désinfection (KMnO₄ ou Cl₂) des conduites publiques ou privées neuves, rénovées ou contaminées, convenablement isolées du reste du réseau, et contrôle de l'efficacité de la désinfection après rinçage ; les indicateurs bactériens (et le contrôle de Mn⁴⁺) sont systématiquement suivis ;

— contrôle périodique de la qualité de l'eau : le contrôle sanitaire, essentiellement préventif, régulier, le plus large possible, donne une vue complète mais différée de la situation ; il se différencie en cela et complète le contrôle de production, souvent plus spécifique dans le choix des paramètres (globaux) et répercutant dans les meilleurs délais les enseignements physico-chimiques obtenus sur la filière de traitement.

Par conséquent, ce contrôle sanitaire comporte quasi obligatoirement des prélèvements ponctuels effectués manuellement, des contrôles de laboratoire dont quelques-uns sont justiciables de méthodes d'analyses automatiques ou semi-automatiques selon le nombre d'échantillons à traiter (appareils ou chaînes à flux continu) et, éventuellement, des opérations de traitement des données, sur chaîne automatique ou plutôt en différé. Généralement, l'automatisation a pour effet de réaliser un nombre maximal de contrôles dans un temps minimal. Les améliorations par rapport à la situation actuelle pourraient porter sur plusieurs plans :

1. Automatisation de mesures physico-chimiques en plus grand nombre, notamment pour des indices globaux de qualité. À côté des paramètres conductivité, Cl⁻, SO₄²⁻, dureté, Na⁺, K⁺, SiO₂, PO₄³⁻, NO₂⁻, NO₃⁻, NH₄⁺, NKj, Pt, A.B.S., il faudrait développer l'automatisation de paramètres classiques tels que le pH, la turbidité, l'oxydabilité (KMnO₄), le COT, etc. De nombreuses possibilités existent avec des détecteurs colorimétriques, photométriques ou électrométriques. Il conviendrait aussi de développer l'application des mesures du chlore organique (total ou volatil), des métaux lourds (cf. contrôle de production) et, si possible, des pesticides et des hydrocarbures polycycliques aromatiques, ce qui paraît beaucoup plus problématique et implique de toute façon une pré-concentration.

[Photo : Le photocolorimètre permet de mesurer de façon entièrement automatique les concentrations en silicates, phosphates, phénols, dérivés nitrités, hydrazine, dureté d'une eau, etc. (Doc. DEGREMONT)]

2. Prélèvements automatiques ponctuels ou en continu ; ils concerneraient par exemple des points de référence du système public de distribution (réservoirs, réseau et sous-réseaux élémentaires) et privé (points fixes au robinet et « panel » d'usagers). Ils permettraient, soit d'effectuer des contrôles à fréquence donnée après transfert des échantillons au laboratoire (ou des mesures télé-

[Photo : Turbidimètre destiné à mesurer la valeur de la turbidité de l'eau à contrôler. (Doc. DEGREMONT)]

(*) On peut s’étonner qu'il n'existe pas pour les réseaux d'eaux d'alimentation, sous les réserves inhérentes à ce cas, ce qui est courant pour la surveillance (et l'alerte) dans le domaine atmosphérique, c'est-à-dire des dispositifs de surveillance en continu des grands réseaux portant sur des paramètres essentiels (turbidité, Cl₂, oxydabilité, NH₄⁺, bactéries...).

transmises portant sur quelques paramètres (*), soit de réaliser un prélèvement cumulé représentatif, 13), capable d'indiquer a posteriori le niveau de microcontamination correspondant, par exemple, à 24 heures de prélèvement. Il faudrait concevoir des dispositifs concentrant les micropolluants chimiques et biologiques (bactéries, virus, parasites…) permet- tant ensuite des essais physico-chimiques ou bio- logiques (cytotoxicité, mutagénicité… 14) 15), d'intérêt épidémiologique (exemple : part de l'eau dans la contamination alimentaire ou globale). Des dispositifs plus ou moins sophistiqués de ce genre fonctionnent actuellement dans certains laboratoires (résines, charbons, supports divers pour virus…) parfois même sur le terrain, 16) 17).

3. Développement de la détection continue ou semi-continue d'indicateurs bactériens qui auraient aussi un intérêt au stade de la production des eaux ;

le principal handicap des essais microbiologiques, pourtant essentiels, est leur délai de réponse, difficilement compressible ; il faut y ajouter les difficultés tenant à la diversité des indicateurs, la sensibilité et la spécificité exigées pour la réponse. Un dispositif d'analyse en continu a été proposé pour E. coli par P. LECLERC et commercialisé ; il fait actuellement l'objet d'une étude de marché, 18).

Rappelons que la méthode consiste à détecter E. coli, après sélection, par la mise en évidence d'une enzyme, la décarboxylase de l'acide glutamique dans des conditions très précises. D'autres méthodes sont envisageables a priori ; citons par exemple le Limulus-test consistant à détecter par spectro- photométrie la fraction lipopolysaccharidique des enveloppes de bactéries Gram négatif (1 pg/ml) 19), l'utilisation de méthodes immunologiques, 20) (im- munofluorescence) ou radio-isotopiques, 21).

CONCLUSION :

En résumé, il semble que l’automatisation et le contrôle s'appliquent principalement et soient appelés à se développer bien davantage au stade de la production des eaux potables, qui implique un suivi technique et analytique de la filière de traite- ment plutôt qu'au contrôle sanitaire d'utilisation. Cependant, cela ne doit pas exclure des études et recherches dans ce dernier domaine qui offre un champ d'application important avec le renforcement des législations et réglementations européennes et françaises.

L'effort principal devrait à notre sens porter sur les dispositifs de prélèvement, sur l'élargissement des paramètres mesurés, surtout dans le domaine de la microcontamination chimique et biologique ; ces efforts auraient évidemment des retombées au niveau de la production. Enfin, il faudrait sans doute réfléchir à la possibilité de surveillance automatique et instantanée de la qualité de l'eau distribuée.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) « Étude d'un dispositif biologique de contrôle de la qualité d'une eau de rivière à l'amont d'une station de traitement ». C.T.G.R.E.F., novembre 1973. Rapport A.F.B.S.N.

2) G. DEVILLERS, R. LOUBOUTIN — « Contrôle automatique des indications relatives à la qualité des eaux et au fonctionnement des appareils de traitement ». Mars 1970. A.G.H.T.M., Congrès de Rabat.

3) J. BERNARD, J.J. PROMPSY — « Les stations auto- matiques de contrôle de la qualité des eaux ».

4) J. CHEZE, J.-M. DOTANG, A. GUIRAUD — « Contrôle et surveillance automatiques de la qualité des eaux de surface ». Juin-juillet 1979, L’EAU ET L’INDUSTRIE, n° 36.

5) J. MALLEVIALLE, C. ROUSSEAU, M. SUCHET — « La fluorescence des eaux ». Techniques et Sciences Munici- pales, 74e année, n° 3.

6) V. RADZIUL, J.H. SUFFET — « Automation of water analysis and its use to control the water purification process ». Septembre 1972, 9e congrès de l’A.I.D.E.

7) W.F. ECHELBERGER — « Automation of water supply systems ». Mars 1975, distributed by National Technical Information Service, U.S. Department of Commerce.

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11) R.A. VAN STEENDIREN — « Automated Chemical Analysis for Measuring Microgram Levels of Organic Carbon in Potable Waters ». Water Research, 13 (1979), 539.

12) C. LUE HING et al. — « Automated Analytical Techniques Utilized in the Laboratories of the Metropolitan Sanitary District of Greater Chicago ». 7e Technicon Int. Congress, New York, 1976.

13) National Institute for Water Supply, The Netherlands — Quarterly Report 1977, n° 10, septembre.

14) H.J. KOOL — « Quelques techniques pour mesurer les effets toxiques des polluants chimiques dans l'eau ». CEBEDEAU, n° 383 (1975), 348.

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