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Installation de centrales de mesures débit/pression à Calcutta : retour d'expérience

30 avril 2003 Paru dans le N°261 à la page 58 ( mots)
Rédigé par : Llywelyn JONES et Cédric BATAILLE

Le réseau de distribution d'eau potable de la ville de Calcutta (ou Kolkata) en Inde nécessite une sérieuse remise à niveau. L?alimentation intermittente, le gaspillage, l'inégale répartition de l'eau suscitent le mécontentement d'une population toujours croissante. Face à ce constat, la municipalité a tenté de réagir en lançant un vaste projet d'amélioration des outils de gestion du réseau d'eau potable. Dans ce cadre, elle a attribué à Seureca, filiale de Vivendi Water spécialisée dans l'ingénierie de l'eau à l'international, un contrat d'assistance technique pour une durée de 3 ans. Nous traiterons ici de l'installation de centrales de mesures débit/pression dans le réseau et du retour d'expérience de Seureca.

Le contrat d’assistance technique, d'un montant de sept millions d’euros, vise avant tout à mettre en place une série d’outils et d’équipements permettant une meilleure connaissance du réseau et, par la même, une meilleure gestion opérationnelle. Il s'inscrit dans une démarche de développement durable, où économies d'eau, amélioration du niveau de service et répartition équitable de l'eau sont primordiaux. Ce projet est un préalable à la réhabilitation du réseau.

Un projet à plusieurs facettes

Le projet se compose des quatre principales composantes suivantes :

Dans ce cadre, l'installation de centrales de mesures du débit et de la pression au sein du réseau est indispensable. Associée à un logiciel de gestion des infrastructures hydrauliques, leur mise en place permet une quantification des paramètres du réseau, sa connaissance plus fine et, par conséquent, la prise de décisions plus aisée en termes d’exploitation et d’investissements futurs.

Cartographie du réseau primaire

Avant d'installer les centrales de mesures de débit/pression, il s’agissait de sélectionner les sites de mesure. Les plans du réseau existant dataient pour la plupart de plus d'une cinquantaine d’années et n’avaient pas

Tableau 1 : Les composantes du Projet

Composantes
I Cartographie du réseau primaire Installation de centrale de mesure du débit et de la pression
II Mise en place d'un système de gestion des infrastructures hydrauliques Étude et réduction de l’Eau Non Comptabilisée (ENC) dans une zone pilote
III Transfert de technologie et connaissance du réseau Outils d'aide à la décision en matière d'exploitation de réseau et de réhabilitation
IV Validation des méthodes de réduction de l'ENC

La première étape a donc consisté à identifier et cartographier les 250 kilomètres du réseau primaire, c’est-à-dire toutes les canalisations ayant un diamètre supérieur à 250 mm.

Pour ce faire, Seureca a engagé une société locale, Descon, qui a été formée à l’utilisation d’appareils de détection de canalisations. Il a fallu un an pour mettre à jour un fond de plan et collecter les informations nécessaires à l’établissement de cartes précises du réseau primaire. Toutes ces informations ont ensuite été digitalisées et insérées dans GIRIS, le système d’information géographique utilisé par Vivendi Water.

[Photo : Mise en service d'une centrale de mesure du débit et de la pression.]
[Photo : Vue d’ensemble du réseau d’eau de Calcutta sous GIRIS.]

Conception du système de mesures et choix des sites

Grâce à la cartographie du réseau primaire, un système de 150 sites de mesures a pu être installé.

Il a fallu partir de zéro car aucun débitmètre n’était installé au niveau des stations de pompage ou sur les canalisations maîtresses alimentant les différentes zones de la ville. Aucune mesure de consommation n’existait et la base de données usagers était incomplète, de sorte que la municipalité de Calcutta n’était pas en mesure de donner de chiffres fiables quant aux taux de fuite réels du réseau, ou encore les besoins réels de production vis-à-vis de la demande en eau.

Ce système de mesures peut se décliner en trois volets :

  • • Sectorisation du réseau de façon à obtenir un maximum de zones hydrauliques distinctes. Le choix des sites a été dicté de façon à acquérir une connaissance plus fine du système et donc une vision plus globale des zones à réhabiliter en priorité. Cela facilite également l’évaluation des besoins en investissements pour le réseau. En tout, 9 zones ont pu être sélectionnées grâce à 45 sites installés sur les canalisations principales.
  • • Équipement de 30 sites répartis au droit des stations de production d’eau potable et des stations de pompage.
  • • Équipement de 75 sites destinés à déterminer uniquement la pression et permettant d’évaluer le niveau de service sur le réseau, et donc d’identifier les zones où concentrer les efforts d’investissement afin d’améliorer la qualité du service et augmenter la population desservie.

Description des sites de mesure

Les centrales de mesures ont été équipées d’un module de transmission permettant de rapatrier en temps réel, via le réseau GSM, les informations collectées vers un centre de contrôle. Le rapatriement automatique des données permet ensuite une analyse du fonctionnement du réseau, le suivi de l’évolution des bilans hydrauliques et la détection d’éventuelles anomalies.

La photographie ci-dessus montre un site type de mesure débit/pression. Il comprend d’une part la chambre de mesure dans laquelle sont installés une sonde électromagnétique à insertion mesurant le débit et un capteur de pression, et d’autre part la centrale de mesure, elle-même incluant l’électronique du débitmètre, un stockage des données et un module de transmission, le tout alimenté par une source de tension extérieure assumée par une batterie.

Le débitmètre à sonde électromagnétique a été retenu pour sa facilité de mise en place, car seul un point de piquage est nécessaire pour son installation.

[Photo : Sondes de débit et de pression installées sur site.]

ci peut être installé indifféremment sur des diamètres allant de 100 mm à 2000 mm. Contrairement aux débitmètres à manchettes, il ne nécessite pas de sectionner l'eau en amont, ce qui serait difficile à Calcutta en raison de l'absence de vannes d'isolement. La technique de mesure par ultrasons a été écartée en raison d'une pose relativement délicate par rapport aux conditions environnementales locales et par conséquent de la difficulté d'assurer une mesure fiable.

Il a été retenu également pour sa robustesse et ses faibles exigences de maintenance car il n'implique pas de pièces en mouvement. Enfin, compte tenu de sa faible insertion dans la canalisation (20 mm), il n'induit pas de perte de charge notable dans la canalisation contrairement aux compteurs mécaniques.

La batterie, d'une capacité de 12 V, est alimentée par un chargeur 230 V AC/12 V DC qui fournit en énergie le débitmètre et le module de transmission des données. Cette batterie joue un double rôle : en cas de coupure de courant, elle continue à les alimenter pour que le site soit toujours opérationnel, et elle joue le rôle de tampon en atténuant les surtensions éventuelles provenant du réseau électrique.

Le transmetteur du débitmètre est directement connecté à un enregistreur à qui il transmet des impulsions proportionnelles au volume d'eau qui transite dans la canalisation.

L'enregistreur autonome lui-même est alimenté par une batterie interne au lithium. Il utilise deux voies dont l'une enregistre les données de débit avec un pas de temps par défaut de 15 minutes, tandis que l'autre est dédiée à la pression.

Enfin, un module de transmission permet de rapatrier les données du terrain. Plusieurs options ont été envisagées pendant la phase préparatoire du projet : collecte manuelle des données, rapatriement par un système de télémétrie radio ou encore rapatriement grâce au réseau de téléphonie mobile GSM. La solution GSM a finalement été choisie car entraînant un coût très faible en termes d'investissement puisque seuls un modem et une antenne sont utilisés. Cette solution innovante, car encore très peu développée même dans les pays industrialisés à cette époque, a été pour la première fois mise en place en Inde sur ce projet.

[Photo : Centrale de mesure du débit et de la pression]

Une carte SIM insérée dans le modem permet de contacter le site depuis le centre de contrôle et de télécharger les données brutes à tout instant, celles-ci étant ensuite traitées à partir d'un logiciel spécifique.

Concilier les contraintes de sites et problèmes d’équipements

Une fois les premières chambres et raccordements électriques terminés, la phase de mise en service a pu débuter. Celle-ci a été riche en enseignements en raison de l'environnement difficile à Calcutta.

La qualité de la terre et du neutre fournis par la société de distribution d'électricité locale n'étant pas fiable, des différences de potentiels de l'ordre de 15 V entre la terre et le neutre étaient fréquentes, et des phénomènes inductifs du fait de la non-conformité de nombreuses installations électriques perturbaient les mesures.

[Photo : Pics de débit et pression. L’alimentation est intermittente à Calcutta.]

Les difficultés ont donc été de trancher entre les problèmes liés à l'environnement du site et les problèmes de fabrication ou conception des équipements.

Protection des équipements et mise à la terre

Au cours du projet, il a été constaté qu'un nombre important d'enregistreurs ainsi que plusieurs débitmètres avaient été endommagés sur site et ne fonctionnaient plus : dans la majeure partie des cas, ils étaient causés par des surtensions ou des accumulations de charges électrostatiques.

En effet, les centrales de mesures sont connectées à deux terres différentes : la première est la canalisation reliée au transmetteur du débitmètre par l'intermédiaire de la sonde et de la tresse de masse du câble de débit. La seconde est la terre d'instrumentation connectée au bornier de la centrale de mesure. Des mesures ont montré que les deux terres sont souvent isolées. Or le transmetteur du débitmètre est connecté à celles-ci. Autrement dit, il y a risque que des surtensions provenant de phénomènes inductifs au niveau du câble de débit ne s'écoulent pas normalement à la terre, mais viennent se dissiper dans l'électronique du transmetteur. C'est ce qui a été observé en analysant plusieurs cartes électroniques de débitmètre : la piste de terre reliant la terre de la canalisation et la terre instrumentation était complètement brûlée.

Bien que les débitmètres soient équipés de protections galvaniques sur leurs entrées et leurs sorties et qu'ils soient reliés à un piquet de terre spécifique, il s'est donc avéré indispensable de mettre en place un système en étoile pour relier au même potentiel les dif-

Différents modules de la centrale, la terre canalisation et la terre instrumentation. Ce montage a amélioré de façon significative la qualité du signal provenant de la sonde de débit et donc la précision des mesures.

En revanche, ce montage n’est pas suffisant pour protéger les enregistreurs. En effet, il est apparu que la terre de la canalisation et l'anode de la batterie interne au lithium étaient au même potentiel. Étant donné que cette batterie ne peut pas absorber de surtensions de quelques volts, il y a un risque de défaillance du circuit d’entrée de l'enregistreur. Dans des pays où la terre n’est pas parasitée, cela n’est pas un problème en soi. En revanche, dans un environnement difficile comme à Calcutta, il est nécessaire de rajouter une protection supplémentaire. C'est la raison pour laquelle des parasurtenseurs, spécialement conçus pour ce projet et limitant la tension d’entrée de l’enregistreur, furent placés entre le capteur de pression et celui-ci.

Les pertes d’isolement, un phénomène pernicieux

Un autre exemple vient mettre en lumière cette difficulté à concilier sites et équipements : pendant la mise en service des centrales de mesures de débit/pression, des phénomènes suspects ont pu être mis en évidence : incohérences au niveau des bilans hydrauliques, difficultés à calibrer les sondes, instabilité ou dérive des mesures. Ces phénomènes étaient pernicieux dans la mesure où ils n’étaient pas forcément bien détectables et pouvaient provenir de plusieurs causes. Celles-ci pouvaient être liées à des conditions de site difficiles, à des problèmes de qualité intrinsèque de la chaîne de mesure du débit ou encore à des problèmes de calibration des sondes.

Dans un premier temps, il a fallu évaluer l'influence des conditions de site sur la précision des équipements. Les instabilités des mesures dues aux parasites et interférences, l’imprécision au niveau du diamètre de la canalisation et de son épaisseur, l'imprécision liée à son installation ont été prises en compte. Toutefois, cela ne pouvait expliquer toutes les anomalies et les écarts importants constatés au niveau des bilans hydrauliques.

Nos recherches se sont alors orientées vers les pertes d’isolement pouvant se produire au niveau de la jonction entre le câble de débit et la tête de la sonde et au niveau de ses électrodes. Dans la majorité des cas, les résistances mesurées étaient largement supérieures à la valeur seuil de 20 MΩ, valeur de référence donnée par le fabricant.

Toutes les sondes ont alors été testées dans un laboratoire hydraulique afin d’en évaluer leur précision et la répétabilité des mesures. La conclusion fut sans appel et une recalibration de toutes les sondes fut nécessaire. Après cette mise à jour, les résultats obtenus sur site se devaient d’être plus fiables. Or, il s’est trouvé que l’on observait toujours des comportements suspects au niveau de la chaîne de mesure du débit.

C’est à ce moment-là qu'il a été découvert que la moindre trace d’humidité au niveau du câble de débit ou de la boîte de jonction de la sonde pouvait causer ces phénomènes d'instabilités, de dérive de mesure ou d’intensification des parasites. Le critère d'isolement a alors été relevé de 20 à 300 MΩ, ce qui signifie que l’étanchéité devait être parfaite.

Dès lors, et compte tenu de l’humidité ambiante dans les chambres de mesure, la sonde de débit et son câble furent raccordés hors site et de la graisse fut insérée dans la fiche du câble pour parer aux problèmes d’étanchéité.

Malgré ces modifications, les instabilités ont perduré sur site. L’isolement de toutes les sondes fut alors testé : 50 % des sondes étaient en perte d'isolement en raison d’un défaut de fabrication au niveau des électrodes.

Ces deux exemples mettent en évidence les difficultés à faire la part des choses entre les défauts liés aux équipements et les anomalies dues à l'environnement des sites de mesure.

C'est la raison pour laquelle il est fondamental de pouvoir compter sur des équipements fiables et testés avant livraison. Ces tests doivent permettre non seulement de s'assurer de la qualité intrinsèque des différents modules mais aussi de la compatibilité des différents modules entre eux.

Pendant la mise en service des centrales, le débit affiché sur site différait significativement de celui restitué par l’enregistreur. Il s'est avéré que la mesure de sortie du débitmètre était inférieure à la fréquence de détection des impulsions de l’enregistreur. Un nouveau paramétrage du débitmètre a permis de corriger cet écart et de rendre compatibles les deux modules entre eux.

Un système de gestion des infrastructures hydrauliques

Une fois ces problèmes résolus, il a alors été possible de se concentrer sur la finalité des centrales de mesures : l’analyse des données, l’établissement des bilans hydrauliques au niveau des différentes zones du système et le suivi de leurs évolutions dans le temps. C'est l'objectif d’un système de gestion des infrastructures hydrauliques conçu et développé par Seureca avec l’aide de Générale d'Infographie, société de développement de logiciels.

Ce logiciel, construit autour d'un environnement GIRIS, est constitué des modules suivants :

  • * un module de construction pour la saisie des points de mesure, des zones de demande et des zones hydrauliques,
  • * un module synoptique permettant de visualiser les liens entre les différentes zones hydrauliques,
  • * un module dynamique permettant la visualisation dans le temps du niveau de…
[Photo : Le module construction du logiciel de gestion des infrastructures hydrauliques]

service dans le réseau.

• En outre, un module de reporting détaillé permet au client de suivre l’évolution des débits au niveau des stations de pompage et l’évolution des bilans hydrauliques dans le temps.

• S’ajoute enfin un module permettant d’exporter les données du système vers Epanet 2, un logiciel de modélisation de réseau. Ceci dans le but de simuler la possibilité d’étaler et dispatcher les heures de pompage et d’identifier les besoins en infrastructures supplémentaires afin d'améliorer le niveau de service dans la zone desservie.

Conclusion

• L'installation de centrales de mesures débit/pression dans le réseau de distribution d'eau de Calcutta aura eu le mérite de mettre en exergue les trois points importants suivants :

• Un équipement de mesure doit être adapté à l'environnement dans lequel il va être installé. Une attention toute particulière doit notamment être accordée à la mise à la terre de l'appareil et à l'éventuel rajout de modules de protection adéquats.

• Dans le cadre d'un environnement difficile, la fiabilité des équipements est capitale. Quand celle-ci n’est pas assurée, toute la difficulté est de faire la part entre un problème environnemental de site ou bien un problème de conception/fabrication d’équipements.

• Enfin, pour une chaîne de mesure composée de différents modules, il est primordial de bien veiller à la compatibilité des modules entre eux.

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