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Influence du temps de floculation dans le traitement tertiaire des eaux usées par un système intégré

30 novembre 2018 Paru dans le N°416 à la page 95 ( mots)
Rédigé par : M. BAMAAROUF de Equipe EMDD (Energie Matériaux Développement Du..., M. SLAOUI de Equipe EMDD (Energie Matériaux Développement Du..., Y. ADDACH de Centre CERNE2D (Eau Ressources Naturelles Envir... et 1 autres personnes

Depuis plusieurs années, le système intégré réacteur anaérobie-chenal algal à haut rendement a fait l’objet de recherches par différentes équipes. Les objectifs se rejoignent, optimiser ce procédé pour une application dans les pays en proie à une pénurie d’eau, quand le climat le permet. Ce système offre en plus de l’épuration de ses eaux usées, la production d’une biomasse algale valorisable. Ainsi l’effluent épuré se retrouve riche d’une certaine concentration algale. Une séparation des micro-algues et de l’effluent épuré est une étape de traitement qu’il faudrait prévoir dans ce type de stations, afin de pouvoir réutiliser cette eau en irrigation ou en arrosage des espaces verts. Cependant, la récolte de cellules de l’ordre de quelques microns de diamètre et une densité qui approche celle de l’eau reste une étape limitante à la réutilisation de l’eau dans ce type de système. Notre recherche est orientée vers l’optimisation des temps de coagulation floculation afin de récupérer la fraction algale. L’agent coagulant utilisé est le sulfate d’alumine AL2(SO4)3 en raison de son coût, en effet, c’est le moins cher des trivalents. Cependant, il présente des désavantages comme les résidus d’aluminium. L’analyse des différents résultats du jar test a montré qu’après les 5 premières minutes, le temps de floculation n’a pas une grande influence sur le rendement. Dans ce cas, un temps de décantation de 25 minutes est nécessaire pour atteindre un bon rendement avec un effluent de 0,66 NTU de turbidité. Nous constatons aussi qu’une augmentation du temps de la phase de floculation peut s’accompagner d’une réduction du temps de décantation. Mais à notre avis, il vaudrait mieux favoriser une économie d’énergie. Nous pensons aussi que les conditions de stress dans lesquels se trouvent les cellules algales, à cause des pH alcalins, ont certainement une incidence sur la qualité de la coagulation floculation.

Actuellement, les recherches s’accentuent sur une éventuelle réutilisation des eaux usées par des systèmes extensifs. Lesquels systèmes génèrent une production de biomasse algale pouvant être récoltée (Lavoie et De la Noüe, 1984 ; Borowitzka 1986; Dekayir, 2008) et présentant une valeur ajoutée pour la revalorisation des protéines qui peuvent être utilisées dans les domaines, cosmétiques et agroalimentaire (Spolaore et al, 2006) ; pour l’alimentation animale voire humaine ou la production de biocarburants (Cadoret et Bernard, 2008) avec une faible empreinte environnementale (Park et al, 2011).
En effet, le traitement par le système intégré bassin anaérobie-chenal algal à haut rendement (CAHR), est une perspective adéquate dans ce sens. La dépollution des eaux usées domestiques est basée sur une association symbiotique algues-bactéries ; les algues captent l’énergie solaire pour réaliser la photosynthèse et enrichissent le milieu en oxygène dissous ; lequel est utilisé par les bactéries pour assimiler la charge polluante. (OSWALD J.W, 1988)
Les microalgues produites par le chenal algal à haut rendement présentent en plus de leur faible densité, (1,2 g/cm³ et 1,02 g/cm³) (Pieterse et Cloot, 1997) une petite taille (5-50 μm) (Tenney et al., 1969) ; et une faible concentration (200 à 600 mg/l) (Oswald et al., 1960) ce qui présente un obstacle pour leur décantation.
Dans ce sens, plusieurs travaux ont été entrepris par des chercheurs proposant des techniques et des solutions très variées pour la récupération de cette biomasse algale. Le choix d’une technique dépend entre autres de la nature de la biomasse algale et des facteurs économiques et environnementaux (Dekayir, 2008). Parmi ces techniques figure la centrifugation qui permet d’obtenir des rendements supérieurs à 90 %. Cependant la consommation électrique s’élève à 1,3 kWh/m³ d’eau (Sim et al ; 1988). La filtration sur sable ou sur membranes poreuses permet également d’obtenir des rendements supérieurs à 90 %. Cependant, la contrainte majeure réside dans le débit à traiter ce qui provoque un colmatage fréquent des filtres (Beneman et al ; 1980. Sim et al ; 1988). La flottation est un moyen efficace pour une faible concentration algale (Bratby et Parker ; 2009) le rendement peut aller jusqu'à 96 %. La coagulation floculation des microalgues par le sulfate d’alumine hydraté (alun) est efficace par rapport à d’autres coagulants (Sim et al ; 1988. N. Bouoidina ; 2000). Cependant, la toxicité de la biomasse récoltée est un inconvénient majeur. Le chitosan donne aussi de bons résultats allant à 95 % de rendement (Nigam et al ; 1980). Cependant, son coût élevé limite son utilisation.
Cette recherche se propose d’étudier la récupération de la biomasse algale par coagulation floculation par l’alun. Nous allons, entre autres, mettre l’accent sur l’optimisation des temps de floculation et de décantation. Peu d’auteurs se sont intéressés à ce volet, qui pourtant revêt une importance capitale au niveau des stations réelles du fait qu’il permettrait un gain considérable en énergie.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

La station d’épuration
La station d’épuration est située à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat Maroc (Latitude 32° N, Longitude 6°30 W) avec une intensité lumineuse moyenne de 500 w•m 2 en période hivernale. Les températures mensuelles moyennes enregistrées sont de 14 °C en saison froide et de 24 °C en saison chaude. La durée annuelle moyenne d’ensoleillement est de 2.988 heures.
Cette station reçoit les eaux usées du club de l’association culturelle et sportive de l’agriculture et celles du campus. Elle couvre une superficie de 12.000 m² et traite un débit quotidien de 63 m³. Elle comprend un traitement préliminaire assuré par un dégrilleur et un dessableur. Un traitement anaérobie par quatre réacteurs. Un traitement aérobie par un chenal algal à haut rendement et deux bassins de maturation en séries.
Échantillonnage
Les eaux épurées sont prélevées à la sortie du bassin de maturation et sont analysées directement après dans un délai qui ne dépasse pas une heure.
Solution du coagulant
Au cours de nos essais, nous avons utilisé comme réactif coagulant le sulfate d'aluminium en poudre (Al2(SO4)3 ; 18 H2O) préparé par dissolution dans l'eau distillée. Une solution mère de 10 g/l est préparée périodiquement.
Le jar test
Nous avons utilisé un jar test à 6 postes, à vitesse variable, les béchers ont été remplis à 800 ml.
Dans une première phase, le jar test a été réalisé avec une vitesse de coagulation de 120 rpm pendant 30 secondes et réduite à 40 rpm pendant 20 minutes pour la floculation.
Après 30 minutes de décantation, le surnageant est prélevé et analysé. Dans une deuxième phase, nous avons fixé la vitesse et le temps de coagulation et nous avons varié le temps de floculation et de décantation.
La décantation en piston
Après l’essai du jar test, l’eau est directement versée dans une éprouvette cylindrique de 1.000 ml. La hauteur de décantation est suivie en fonction du temps.
Mesure du pH
L’ajustement du pH a été réalisé par ajout d’une solution de H2SO4 à 1N. Le pH est mesuré par un pH-mètre Orion Star A111.
Mesure de la turbidité
Elle est mesurée par un turbidimètre Hach TL2300 avec une précision de ± 2 % pour des valeurs de turbidité entre 0 et 4.000 NTU. Les valeurs obtenues correspondent à la moyenne de plusieurs essais avec des écarts types très faibles

RÉSULTATS ET DISCUSSIONS

Caractéristiques de l’eau épurée

Après échantillonnage, nous avons mesuré les différents paramètres physico-chimiques de l’eau directement issue du bassin de maturation (cf. tableau 1). Cette eau est caractérisée par un pH basique qui est essentiellement dû aux paramètres du bassin et à l’activité photosynthétique des algues.

La température aussi est un paramètre important du fait qu’il détermine le type d’algues qui se trouve dans le système. Elle joue un rôle important dans la présence ou l’absence d’une espèce dans le chenal algal (Goldman et Ryther ; 1976). Ainsi Bouoidina (2000) a mis en évidence une prédominance de Chlorelle sp en période froide et Scenedesmus sp en période chaude, par contre Micractinium sp cohabite durant toute l’année. Ouargui (2003), dans ses travaux sur le chenal algal de Rabat, montre plutôt la dominance des Euglènes et Micratiniums au détriment des Chlorelles, Clamydomonas et Scenedesmus. Dans le chenal algal de Marrakech Dekayir (2008), montre la dominance des Euglènes (70 %) et des Chlorelles (30 %). Donc, la dominance des espèces algales est étroitement liée aux conditions climatiques et la température entre autres.
Concentration optimale du coagulant

Dans les six béchers remplis à 800 ml d’eau épurée issue du bassin de maturation, nous avons injecté des concentrations croissantes de sulfate d’aluminium (cf. tableau 2).

Nous constatons une diminution de la turbidité en fonction de l’augmentation de la concentration du coagulant jusqu'à une concentration de 350 mg/l au-delà de laquelle nous assistons à une chute du rendement.
À partir d’une concentration de 200 mg/l, nous obtenons des rendements supérieurs à 90 %. Pour les concentrations 200 mg/l et 250 mg/l, nous assistons à une formation rapide des flocs dès les premières minutes de l’ajout du coagulant. Le meilleur rendement est obtenu à 350 mg/l, il est de l’ordre de 99,25 %, il correspond à une turbidité de 0,43 NTU. Donc, nous allons considérer cette concentration comme optimale et nous allons la fixer pour tous les essais qui vont suivre.
Évolution du pH
Nous avons suivi l’évolution du pH en fonction des différentes concentrations du coagulant.
Durant le processus de photosynthèse, la consommation de CO2 et HCO3 par les algues se traduit par une augmentation du pH (Park et Craggs, 2010).
L’eau issue du bassin de maturation a un pH fortement alcalin ce qui favorise l’élimination des germes pathogènes et la précipitation des ions phosphates avec les cations métalliques multivalents (Ca2+, Fe2+, Fe3+, Al3+...).
Figure 2 : Évolution du pH en fonction de la concentration du coagulant.

Ce pH est étroitement lié à la température et varie en fonction des saisons (N. Bouoidina ; 2000).

Nous assistons à une diminution remarquable du pH (figure 2) après les essais de coagulation floculation. Cette diminution est due à l’alun qui consomme l’alcalinité.
En effet, on assiste à une hydrolyse de l’aluminium et à l’apparition des hydroxydes d’alumines. Le pH devient acide à partir d’une concentration de coagulant de 250 mg/l et atteint une valeur de 5,3 pour une concentration de 400 mg/l.
Figure 3 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 5 minutes.

Pour la concentration optimale de 350 mg/l, elle correspond à un pH final légèrement acide de l’ordre de 6,2. Cette valeur pourrait diminuer encore plus en fonction des saisons. Bouoidina en 2000 a enregistré un pH de 5,2 pendant la saison froide.

Cette valeur ne correspond pas aux normes de qualité de l’eau destinée à l’irrigation et qui est comprise entre 6,5 et 8,5. Donc, il faudrait songer à corriger le pH au niveau de l’effluent final pour une éventuelle réutilisation.
Optimisation des temps de floculation et de décantation
Figure 4 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 10 minutes.

Durant cette phase, nous avons maintenu les paramètres de coagulation fixe et similaires à ceux du jar test standard, 120 rpm pendant 30 secondes, et nous avons varié le temps de floculation. Pour chaque temps de floculation, nous avons mesuré la turbidité à des intervalles croissant de décantation. La concentration du coagulant est fixée à la valeur optimale. Tous les essais ont été réalisés dans des conditions de pH naturel.

L’analyse conjointe des différentes courbes qui représentent la variation du rendement en fonction des temps de floculation et de décantation, et l’observation à l’œil nu nous a permis de faire un certain nombre de constats :
Figure 5 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 15 minutes.
  • L’observation de la formation des flocs, montre que cette dernière est très rapide, elle se fait dès les premières secondes. Ce qui laisse penser que la phase péricinétique est prépondérante, donc l’énergie mécanique dissipée lors de la phase orthocinétique a peu d’influence sur la séparation des microalgues.
  • Nous constatons également que les rendements d’élimination dépassent les 96 % pour les différents temps de floculation fixés. Mais pour des temps de floculation dépassant 30 minutes, nous assistons à une grande instabilité des flocs.
  • Un temps de floculation de 5 minutes est nécessaire et suffisant pour atteindre des rendements importants, ceci permettrait de gagner beaucoup de temps par rapport au test standard, et surtout de réduire les dépenses énergétiques au niveau des stations d’épuration. Ce résultat rejoint celui de Bouoidina en 2000. En effet, elle a retenu un temps de floculation optimal de 5 minutes qui correspond aussi à un potentiel Zeta proche de la valeur 0.
Figure 6 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 20 minutes.

Donc pour la récolte des microalgues, après les 5 premières minutes, le temps de floculation n’a pas une grande influence sur le rendement. Dans ce cas, un temps de décantation de 25 minutes est nécessaire pour atteindre un bon rendement avec un effluent de 0,66 NTU de turbidité. Nous constatons également qu’une augmentation du temps de la phase de floculation peut s’accompagner d’une réduction du temps de décantation. Mais à notre avis, il vaudrait mieux favoriser une économie d’énergie.

Figure 7 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 25 minutes

Cette eau qui est issue directement du bassin de maturation et qui subit un traitement tertiaire par coagulation floculation est fortement alcaline, ce qui détermine la nature de la cellule algale qui est dans ce cas en état de stress. En effet, les pH alcalins induisent en plus d’un appauvrissement du milieu en CO2, une inhibition de l’appareil photosynthétique (Schreiber et al. 1985). Le pH du milieu de suspension des algues reflète celui du cytosol et a une incidence directe sur la différence de pH entre le stroma et la lumière du thylacoïde (Foyer et al 1981). Dans ce cas, il y a un transport actif, avec dépense d’énergie, de HCO3- du milieu extracellulaire vers le milieu intra cellulaire. Berrada. R, en 1993, a montré par la fluorescence variable qu’un pH alcalin induit une diminution remarquable de la concentration de la chlorophylle qui est due à une altération de l’appareil photosynthétique. Donc nous pensons que les conditions de stress dans lesquels se trouvent les cellules algale ont certainement une incidence sur la qualité de la floculation. Lavoie et De la Noüe en 1987 ont montré que l’état physiologique des algues joue un rôle important dans le processus de floculation.

Figure 8 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 30 minutes.

Essai de décantation

Le suivi de l’interface boue/liquide a permis de tracer la courbe représentant l’évolution de la hauteur de décantation en fonction du temps (figure 11).

Ainsi, nous remarquons l’absence de la phase de coalescence des flocons, qui est due à une floculation rapide que nous avons d’ailleurs pu observer à l’œil nu. Nous avons une décantation à vitesse constante à partir du temps T0.
Figure 9 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 35 minutes.

Cette courbe, semblable à celle de Kynch, est subdivisée en trois phases : une phase rectiligne dont la vitesse de chute est constante et égale à la pente.

Cette phase admet une fonction linéaire : hi = 463,33 – 110 t avec un coefficient de corrélation de l’ordre de 99 %.

Figure 10 : Évolution du rendement en fonction du temps de décantation pour un temps de floculation de 45 minutes.

Une phase en voûte : elle traduit un ralentissement progressif de la vitesse de chute due aux interactions entre flocons, et elle admet une fonction exponentielle hi = 152,98e-0,108t.

Et une dernière phase d’épaississement où les particules exercent une compression sur les couches inférieures.
Figure 11 : Évolution de la hauteur de décantation en fonction du temps.

CONCLUSION

À l’issue de cette recherche, nous avons pu réduire le temps de la phase de floculation de 20 à 5 minutes avec des rendements d’élimination des algues dépassant 90 %.
Ceci pourra engendrer des gains considérables en énergie au niveau des stations d’épuration à grande échelle.

Nous avons aussi constaté qu’au-delà de 5 minutes, le temps de floculation n’a pas une incidence sur le rendement d’élimination des algues.

L’essai de décantation a montré une courbe ayant la même allure que celle de Kynch.

Nous pensons également que l’état physiologique des cellules algales qui sont en état de stress a une incidence directe sur la qualité de la floculation.

Cependant, la biomasse algale ainsi récoltée, pour qu’elle soit exploitée, doit subir des analyses plus poussées, notamment vérifier si elle a concentré l’aluminium et établir sa toxicité. 












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