La conception du procédé et les dimensionnements des installations d'incinération de produits résiduaires liquides dépendent essentiellement de leur composition chimique. De nombreux résultats obtenus sur des installations pilotes et industrielles sont exposés ici.
A — Incinération de résidus liquides à haut pouvoir calorifique
Les déchets résiduaires liquides ayant un pouvoir calorifique supérieur à 3 000 kcal/kg peuvent être traités dans un brûleur par une flamme stable ; la température adiabatique de la flamme est alors au-dessus de 1 300 °C. À cette température élevée, l'incinération complète est réalisée en quelques fractions de secondes. Le volume de flamme nécessaire est très réduit.
B — Incinération de résidus liquides à pouvoir calorifique faible
Les déchets résiduaires liquides ayant un pouvoir calorifique inférieur à 3 000 kcal/kg ne peuvent être incinérés dans un brûleur que si le pouvoir calorifique manquant est compensé par l'incinération de combustible d'appoint. Des brûleurs à combustibles divers spéciaux ont été mis au point pour cette technologie de l'incinération des déchets résiduaires. Leur utilisation n'est toutefois pas d'un grand intérêt économique car les résidus à faible pouvoir calorifique entraînent des frais d’exploitation importants en combustibles.
Heureusement, les substances incinérables contenues dans les déchets brûlent déjà à des températures beaucoup moins élevées que celles nécessaires à la formation de flammes stables.
De nombreux essais et une longue expérience montrent que tous les composants incinérables contenus dans les résidus liquides sont entièrement oxydés si les conditions de réaction suivantes sont respectées :
- — Température de réaction : 800 à 1 100 °C.
- — Durée de séjour : 1 à 2 secondes.
- — Excès d'oxygène : 10 à 20 % des besoins stœchiométriques.
DESCRIPTION DU PROCÉDÉ
Sur la base de ces informations, LURGI a mis au point il y a environ 10 ans une combustion à deux étapes. Elle a été appliquée dans une installation d’incinération d’eaux résiduaires. La conception est représentée schématiquement sur la figure ci-après :
Les déchets liquides et les gaz résiduaires à pouvoir calorifique élevé sont brûlés ensemble avec le combustible d’appoint dans la chambre à flamme A. L'incinération s’effectue à des températures élevées et pendant des temps de séjour courts, selon la réaction de flamme. En ce qui concerne le besoin calorifique de l'ensemble du procédé, presque toute l’énergie nécessaire est libérée dans la chambre à flamme A. L'incinération dans la chambre à flamme peut s'effectuer, en excès ou en manque d’air, suivant les cas. La présence de composés organiques azotés est, par exemple, un cas typique pour l'incinération en manque d’air pour éviter la formation de vapeurs nitreuses.
Les fumées chaudes venant de la chambre à flamme A sont ensuite dirigées dans la chambre de réaction B et sont, à ce stade, mélangées à de l'air secondaire, si nécessaire.
Les résidus aqueux sont pulvérisés par une lance dans la chambre de réaction, et s’évaporent spontanément en fines gouttelettes. En traversant la chambre de réaction B, les composés organiques aqueux brûlent dans les conditions de réaction déjà mentionnées au paragraphe B.
Température dans la chambre de réaction : 800 à 1100 °C Durée de séjour des fumées dans la chambre de réaction : 1 à 2 secondes Teneur en oxygène des fumées dans la chambre de réaction : 1 à 2 volumes %
Un combustible d’appoint est nécessaire, d’abord pour l'incinération de résidus liquides ayant un pouvoir calorifique peu élevé et ensuite d’autant plus :— que la température de réaction nécessaire est élevée,— que l’excès d’oxygène nécessaire est élevé,— que la perte de chaleur de la chambre de combustion est élevée.
Pour maintenir faible le besoin en combustible d’appoint et, de ce fait, les frais d’exploitation les plus importants, LURGI s'en tient au concept suivant pour la réalisation et l'exécution :
a) On utilise de préférence des chambres de combustion avec un revêtement céramique calorifuge résistant aux corrosions. Cette conception de procédé suppose nécessairement une connaissance précise des matériaux de revêtement réfractaire. En collaboration avec les fabricants des réfractaires, LURGI entreprend constamment des essais sur les matériaux de revêtement dans une installation pilote du laboratoire de recherche et, en particulier, pour tester la résistance des matériaux vis-à-vis des composés corrosifs des fumées (par ex. HF, HCl, P₂O₅, soude, vapeurs salines et sels en fusion).
La température de réaction et l'excès d’oxygène sont les facteurs déterminants lors de l'incinération thermique des déchets à pouvoir calorifique faible pour calculer la consommation de combustible d'appoint et, de ce fait, l'économie du procédé. Leur influence et celle d'autres paramètres sur le degré d’incinération ne peuvent être établies, concrètement, que par des essais-pilotes. Dans ce but, LURGI dispose de deux installations-pilotes. Dans ces installations, les recherches sont généralement exécutées avec des échantillons provenant du client pour déterminer les relations entre les paramètres suivants :
— Température dans la chambre de réaction.— Durée de séjour des fumées dans la chambre de réaction.— Teneur en oxygène des fumées dans la chambre de réaction.— Conditions de mélanges dans la chambre de réaction.— Conditions d’injection des résidus liquides.— Degré d’injection des résidus liquides.— Degré d'incinération obtenu en carbone combiné organiquement et en monoxyde de carbone.
En outre, on détermine dans les pilotes les conditions optimales pour l'épuration des fumées.
En général, le but principal des essais est de déterminer la plus basse température de réaction possible pour l'incinération satisfaisante de déchets spécifiques. On s’efforce de faire fonctionner l'installation industrielle en question avec des températures de réaction minimales pratiquement identiques.
CONSTRUCTION D'INSTALLATIONS INDUSTRIELLES
En raison des lois plus sévères pour la protection de l'environnement, il existe dans l'industrie un intérêt et un besoin croissant d'installations d'incinération, dans lesquelles tous les résidus d'une unité de production peuvent être éliminés. Pour donner un exemple significatif d'une élimination approfondie de résidus provenant d'un complexe de production, deux installations d'incinération sont décrites de manière détaillée ; les deux installations se différencient principalement par leurs fonctions et leurs caractéristiques d'exécution.
A — Incinération de résidus dépourvus de matières solides
Le flow-sheet ci-dessus représente l'installation d'incinération d'une unité de production d'acrylonitrile. Cette installation d'incinération reçoit tous les produits résiduaires provenant de la synthèse d'acrylonitrile selon le procédé SOHIO.
Capacités de l'installation d'incinération
Acide cyanhydrique résiduaire (liquide ou gazeux) | max. 1 600 kg/h |
Eaux résiduaires de production | max. 19 000 kg/h |
Gaz résiduaires de production | max. 66 000 Nm³/h |
Volume de fumée à la cheminée | max. 155 000 Nm³/h |
Production de vapeur (40 bars, 350 °C) | 44 t/h |
Descriptif de l'installation d'incinération
a) Les déchets de l'installation de production ne contiennent presque pas de matières solides organiques : de ce fait, on n'observe pas de produits en fusion dans la chambre de combustion. On utilise donc une chambre de combustion horizontale (diamètre environ 4 m, longueur environ 28 m).
b) Pour diminuer la perte de chaleur, l'intérieur de la chambre de combustion est pourvu d'un revêtement en céramique réfractaire et calorifuge.
c) Les déchets résiduaires sont introduits dans la chambre de combustion à des points différents selon le pouvoir calorifique et la température de combustion nécessaire.
L'acide cyanhydrique résiduaire à pouvoir calorifique élevé est brûlé à très haute température et pendant une courte durée de séjour avec le combustible d'appoint dans la chambre à flamme de la chambre de combustion.
L'eau résiduaire à pouvoir calorifique plus pauvre est injectée par lances dans la première chambre de réaction adjacente. Les composés combustibles contenus dans les eaux résiduaires brûlent à une température située entre 1 200 et 1 050 °C. Les gaz résiduaires à faible pouvoir calorifique sont injectés par un canal circulaire dans une deuxième chambre de réaction adjacente, dans laquelle les impuretés des gaz résiduaires sont brûlées à environ 900 °C.
Par ce procédé, l'incinération s'effectue donc en étapes : les températures de réaction décroissent et les temps de séjour augmentent.
d) Dans l'installation considérée, les déchets résiduaires sont soumis à de fortes variations en quantité et en pouvoir calorifique. Pour cette raison, l'installation d'incinération est largement équipée en instruments de mesure et de régulation, pour garantir un fonctionnement optimal dans toutes les conditions de service. Le principe de la régulation d'air de combustion consiste à ajouter le volume d'air de combustion nécessaire à chaque débit ; les fumées brûlées doivent avoir une teneur en oxygène résiduelle de 2 % vol. Ceci est atteint par une régulation proportionnelle de l'air de combustion.
Les différentes quantités de gaz de combustion et d'acide cyanhydrique sont mesurées ; les valeurs mesurées sont transmises à un organe de calcul qui détermine et modifie les valeurs de consigne des régulateurs de débit pour l'air primaire et l'air secondaire du brûleur ; ceci s'effectue proportionnellement mais en tenant compte du besoin d'air spécifique différent des combustibles. De la même façon, on mesure les quantités correspondantes en eau résiduaire et gaz résiduaire ; les valeurs mesurées sont transmises à des régulateurs proportionnels qui ajoutent la quantité d'air nécessaire à chaque débit ; celle-ci est injectée à travers des canaux annulaires dans les chambres de réaction correspondantes.
La qualité de la régulation d'air de combustion est surveillée par un analyseur d'oxygène, qui mesure la teneur en oxygène résiduel des fumées brûlées. La régulation de la température de combustion est simple et s'effectue par l'intermédiaire d'un régulateur de températures qui règle le débit de l'installation d'incinération en fonction des variations de débit et du pouvoir calorifique des résidus.
Le mode de régulation de l'air de combustion et de la température de combustion décrit précédemment garantit des frais d'exploitation réduits dans tous les cas de fonctionnement.
e) Une récupération de chaleur sous forme de production de vapeur peut être réalisée sans difficulté puisque tous les résidus sont presque dépourvus de toute matière solide minérale et qu'au cours de l'incinération aucun composé corrosif ne se forme dans les fumées.
Dans le cas présent, le rendement thermique apparent de l'installation d'incinération au débit nominal s'élève à environ 99 %, si l'on compare la consommation de combustible d'appoint à la quantité de vapeur produite.
B — Incinération de résidus contenant des matières solides
Le flow-sheet ci-dessous représente une installation d’incinération qui se différencie fondamentalement de celle décrite précédemment.
Cette installation d’incinération élimine tous les résidus d’une usine chimique, dans laquelle les produits suivants sont fabriqués :
- — polyols,
- — glycols,
- — amines,
- — agents de tension superficielle,
- — détergents,
- — dérivés de cellulose.
Quelques résidus de production contiennent de fortes concentrations de sels inorganiques solubles minéraux, comme par exemple du NaCl et du Na₂SO₄.
La conception de cette installation d’incinération est le résultat de nombreux essais réalisés au laboratoire de recherches de LURGI ; les caractéristiques de cette conception sont les suivantes :
a) Le principe de l’incinération par étapes et maintien des résidus liés de matières solides à pouvoir calorifique élevé est utilisé avec un combustible d’appoint sans calamine. Les résidus de pouvoir calorifique faible (eaux résiduaires) sont injectés dans la chambre de réaction et sont brûlés à des températures relativement basses et pendant des durées de séjour relativement longues.
b) En raison de la teneur en matières solides des résidus, ceux-ci ne sont pas dissous dans la chambre de réaction. On utilise alors une chambre de combustion verticale avec séchage des fumées, permettant l’isolement continu des sels en fusion.
c) La mise en phase de ces conditions permet de valoriser la capacité calorifique du mélange afin d’éviter les pertes de calories.
d) Suite aux nombreux essais en laboratoire et en grandeur industrielle, on a également montré la capacité de la combustion pour réduire au minimum les NOx.
e) À cause de la teneur élevée en matières solides des résidus, les gaz doivent subir des prélavages des poussières avant la section de lavage proprement dite.
f) Une séparation des fumées est nécessaire en raison de la teneur élevée en matières solides dans les fumées sortant de l’installation d’incinération. Dans ce cas, il faut opter pour les mélanges insolubles dans l’eau (surtout du NaCl).
La séparation des sels provoque de grandes difficultés. Ils peuvent se déposer avant la température de réaction de certaines parties de l’usine et se transformer en chlorures métalliques formant des particules (aérosols) d’un diamètre inférieur à 0,1 µm.
Les recherches ont montré qu’il est plus efficient de réaliser les lavages des fumées dans une installation d’incinération par voie humide après le lavage des fumées relativement haute performance. Bien que, pour des charges intensives d’aérosols, ce type de laveurs soit dangereux en raison de la sécurité de marche.
Sur le diagramme suivant sont présentées des mesures typiques pour un groupe de laveurs. Ils sont réalisés par l’aspiration de NaCl sous forme d’aérosols à partir des fumées d’une installation d’incinération (eaux résiduaires). Les concentrations à l’entrée sont de 3 000 à 10 000 mg/Nm³. Suivant le débit, une perte de charge de 70 à 80 mbar est nécessaire pour obtenir une séparation des sels sous forme d’aérosols jusqu’à une valeur inférieure à 100 mg/Nm³.
Comme le montre le flow-sheet de la figure 4, le refroidissement nécessaire des fumées chaudes à environ 1000 °C est combiné en pratique avec le lavage de fumées proprement dit. Les fumées
chaudes saturées en vapeurs salines sont introduites ainsi que les sels en fusion sortant de la chambre de combustion dans un refroidisseur par évaporation. Celui-ci est utilisé sans équipement de pulvérisation, comme Venturi, appelé à déversoir. L'eau est circulée en circuit fermé après conditionnement. Les fumées sont alors refroidies à environ 90 °C par évaporation directe de l'eau et en même temps les particules solides plus grosses y sont séparées. Les aérosols salins sont séparés ensuite dans un laveur à haute performance par l'eau provenant de l’étape de réfrigération.
La figure 6 donne une vue d’ensemble de tous les déchets traités dans l'installation d'incinération.
Il est d'un intérêt particulier que les gâteaux de filtration et les boues biologiques soient également brûlés dans cette installation d'incinération. Grâce aux essais de laboratoire, on a pu constater que les gâteaux de filtration et les boues biologiques peuvent être facilement mis en suspension et que cette suspension peut être injectée sans difficulté dans la zone de réaction de la chambre de combustion. Les composants organiques des gâteaux de filtration et les boues biologiques brûlent entièrement. Dans le flow-sheet sont représentés les aménagements pour la production et le transfert de la suspension d’eaux résiduaires/gâteaux de filtration.
Une chambre de combustion verticale spéciale est représentée en détail dans la dernière image, figure 7. Elle est envisagée quand on désire une récupération de chaleur par production de vapeur malgré la présence de matières solides minérales dans les résidus.
Les caractéristiques de cette chambre de combustion sont à nouveau l'incinération en deux étapes des déchets et le revêtement calorifuge en céramique. Contrairement à la chambre de combustion verticale décrite précédemment, les particules liquides contenues dans les fumées (pour la plupart des sels) sont séparées dans cette chambre de combustion et non entraînées avec les fumées. La masse en fusion produite est collectée dans le cône de la partie inférieure de la chambre de combustion. Elle s'écoule par une ouverture d’extraction spéciale et s’introduit dans un réservoir immergé à circulation d'eau. Les fumées chaudes de l'installation d'incinération sont dirigées par un carneau latéral dans une chaudière de récupération de chaleur.
Dr H.A. HERBERTZ et C. de BOUILLE.