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Incinération des boues d'épuration des eaux résiduaires industrielles et communales

28 decembre 1981 Paru dans le N°60 à la page 56 ( mots)
Rédigé par : R. JOFFRE

Les installations d’incinération exigent des dépenses importantes en frais d’investissement et en frais d’exploitation (consommation d’énergie) et donnent lieu à formation de poussières et d’odeurs. À côté de l’incinération proprement dite, il est de la plus haute importance d’étudier les possibilités de récupération de chaleur ainsi que les systèmes d’épuration des gaz résiduaires, pour ne pas polluer l’atmosphère après avoir épuré les eaux résiduaires.

FOURS D’INCINÉRATION DES RÉSIDUS

Position du problème.

Les boues provenant des installations de clarification d’eaux communales ou industrielles peuvent contenir jusqu’à 95 % d’eau. Des procédés divers de déshydratation (filtration ou centrifugation) permettent de réduire cette teneur à 60-70 %. Il est compréhensible que l’élimination de ces boues contenant une telle quantité d’eau soit difficile à réaliser, l’épandage de celles-ci posant parfois de graves problèmes.

L’incinération de ces boues, prédéshydratées ou non, permet tout d’abord d’éliminer des matières organiques subsistantes (en particulier si l’on traite des boues fraîches, non digérées). Elle permet surtout de réduire fortement leur volume. Par exemple, une ville de 200 000 habitants peut produire 400 m³ de boues à 5 % de matières sèches. Après incinération on obtient un volume de cendres de 10 m³, soit 40 fois moins.

Nous allons examiner les quatre types de fours classiques existants, que nous construisons indifféremment, pour rechercher celui qui convient le mieux aux boues à incinérer.

Fours tubulaires rotatifs.

Nous ne citerons ce type de four que pour mémoire. Ils sont fréquemment utilisés pour l’incinération de déchets industriels liquides, solides ou pâteux. Ces fours sont de construction coûteuse à cause du briquetage isolant et réfractaire qui est en rotation. De plus, ils travaillent en courant parallèle, ce qui conduit à des températures de gaz de combustion élevées de 800 à 1 000 °C et à un bilan thermique défavorable.

La combustion n’est pas toujours parfaite. Les gaz contiennent encore de fortes odeurs et beaucoup de poussières, ce qui nécessite l’emploi d’une chambre de post-combustion. Ce type de fours, réservé à des cas difficiles de combustion, mais avec des débits limités, n’est pas recommandé pour les boues.

Chambres de combustion.

Dans certains cas, les effluents à brûler sont constitués par des gaz ou par des liquides, dont le pouvoir calorifique est très variable, qui ne contiennent pas ou peu de MES, mais qui en revanche contiennent toutes sortes de corps dissous, dont très souvent des sels. (Ce n’est évidemment pas le cas des boues d’épuration.)

De tels effluents s’incinèrent dans des fours à combustion thermique, dénommés « chambres de combustion », où le temps de rétention des gaz produits par la combustion est suffisant pour assurer la destruction des déchets. Ils ne sont donc pas à utiliser pour les boues.

Fours à lit fluidisé(dénommés aussi « fours à couche turbulente »).

1. Description du four.

Le schéma de la Figure 1 représente le principe de fonctionnement d’un tel four. Celui-ci se compose essentiellement d’une chambre de combustion verticale cylindrique ou conique garnie de réfractaires. Sur un dispositif spécial de répartition de l’air, dénommé grille, à la partie inférieure, une couche de sable est maintenue en turbulence grâce à l’air soufflé.

Le résidu pompable, destiné à être brûlé ainsi que le combustible d’appoint, sont injectés directement au-dessus de la couche de sable en suspension. L’air de combustion et de fluidisation est soufflé

[Photo : Schéma d'un four à couche turbulente.]

a) Chambre de combustion.

b) Four de fluidisation.

c) Tuyau d'alimentation.

d) Récupérateur (échangeur air/gaz).

e) Cyclone (séparateur de poussières).

f) Voir la cheminée ci-dessous.

En dessous de la couche. Les matières volatiles s'évaporent et les composants organiques sont en partie craqués, pour finalement brûler parfaitement avec le combustible d'appoint et un relativement faible excès d’air.

Les gaz d'échappement du four sortent à une température de l'ordre de 800 à 900 °C. On peut utiliser cette énergie calorifique perdue pour améliorer le bilan thermique, en préchauffant l'air de combustion avant son introduction dans le four à l'aide d'un échangeur de chaleur, comme représenté en « d » sur le schéma (récupérateur de gaz). Les gaz sortent alors du process entre 500 et 600 °C. L'installation d'un tel échangeur constitue un investissement supplémentaire, devenu d’actualité (économie d'énergie). Sinon, on produira le gaz de chauffe dans une chambre de combustion séparée, et on le soufflera soit dans le lit fluidisé, soit sous la grille du four pour fluidiser le sable. L'air de combustion est alors introduit directement dans la couche en turbulence, sans passer par un récupérateur.

2. Caractéristiques principales.

Dans ce type de four, il y a lieu de faire bien attention aux points suivants :

— un garnissage soigné de la grille avec du sable en contrôlant sa qualité et sa granulométrie ; — une bonne répartition des boues, donc un bon mélange des boues avec le sable dans la couche en turbulence (de préférence une boue liquide, bien pompable, et pouvant alimenter facilement le four) ; — un temps de réaction très court lors de la combustion, c’est-à-dire de l'ordre de quelques secondes (contre quelques minutes dans les autres fours). D'où également l'intérêt d’avoir une boue bien liquide.

Ce type de fours est construit régulièrement pour des capacités entre 500 et 1 000 kg/h de produits, et même pour des capacités plus importantes, à condition de bien veiller à la répartition uniforme des boues sur la surface de la grille.

Fours verticaux à étages.

La Figure 2 représente en coupe le four à étages utilisé dans de nombreux cas d'incinération de déchets liquides. Ceux-ci sont introduits à la partie supérieure du four, tandis que l’air de combustion et les fumées se dirigent de bas en haut en contre-courant, ce qui assure un excellent rendement thermique. Les cendres sont recueillies à la partie inférieure du four.

Un brûleur permet d’atteindre et de maintenir constante la température dans la zone de combustion. Vous remarquerez qu'une chambre de combustion est installée à cet effet pour alimenter en gaz chauds les étages de cette zone.

Les résidus liquides sont introduits à la périphérie de l’étage supérieur, désigné sous le nom d’étage de séchage. Le produit est alors brassé et transporté sur les autres étages de la zone de séchage.

[Photo : Four à étages avec chambre de combustion additionnelle.]

Séchage par les bras munis de dents de raclage. Il traverse ensuite tous les étages du four, l'un après l'autre, alternativement de la périphérie vers le centre, puis du centre vers la périphérie, de façon à ce que toutes les particules de boues entrent en contact avec les gaz en combustion. L'incinération a lieu à des températures comprises entre 800 et 900 °C.

L'air de combustion est utilisé pour refroidir l'arbre creux du four ainsi que les bras de raclage. Il subit ainsi un préchauffage important, et facile à réaliser. Les matériaux utilisés pour le revêtement du four et l'exécution de l'arbre creux, des bras et des dents de raclage doivent être d’excellente qualité en raison des fortes températures développées. L'arbre creux et les bras sont entraînés par un moto-réducteur à vitesse variable, afin de pouvoir régler le temps de séjour des produits dans le four.

Le diamètre intérieur des fours peut varier de 2,5 à 7,0 mètres et le nombre d’étages de 5 à 14. Les surfaces effectives de grille sont alors comprises entre 20 et 370 m², les capacités entre 1 et 20 t/h, ce qui correspond à des quantités d'eau évaporée de 1 à 10 t/h.

EPURATION DES GAZ RESIDUAIRES

Généralités.

Suivant les caractéristiques des produits à incinérer, le débit des gaz et le type de four, la teneur en poussières volatiles peut varier de 5 à 15 g/Nm³ de fumées. La réglementation en France conduit actuellement à ne pas dépasser 150 mg/Nm³, en ramenant la teneur en CO₂ dans les gaz à 7 %. L’avenir ne pourra que conduire à rechercher des valeurs encore plus faibles.

En principe, tous les types actuellement connus de dépoussiéreurs peuvent être utilisés, mais ils ne conduisent pas à des résultats similaires, en fonction des exigences suivantes, contradictoires :

— efficacité de dépoussiérage la plus élevée,

— frais d'investissement les plus bas,

— encombrement minimum,

— frais d’exploitation et d’entretien les plus bas.

Nous allons examiner trois types de dépoussiéreurs les plus utilisés, en choisissant chacun d'eux dans l'une des trois catégories suivantes :

— procédés mécaniques par voie sèche, comprenant les séparateurs par force centrifuge, les séparateurs à manches filtrantes ou à couches filtrantes ;

— procédés mécaniques par voie humide, comprenant les laveurs de gaz et les séparateurs humides ;

— procédés de précipitation électrique, comprenant les électrofiltres.

Il y a lieu par ailleurs de mentionner que l'on peut combiner des dépoussiéreurs de types différents, dans des installations « compound », comme par exemple les séparateurs mécaniques par voie sèche et les électrofiltres secs. Examinons donc trois types les plus courants de précipitateurs utilisés :

Multicyclone.

Le multicyclone est un séparateur mécanique à haute efficacité qui, comme le cyclone, agit par force centrifuge. Il est constitué par de nombreux petits tubes cyclones disposés en parallèle. Il peut être envisagé pour des températures pouvant atteindre environ 300 °C, mais ne convient pas bien à l'épuration des fumées en provenance des incinérateurs de boues. En effet, la teneur en eau relativement importante dans les fumées, principalement au démarrage et pendant le fonctionnement, provoque la formation de condensats et ainsi le bouchage du dépoussiéreur. Il convient beaucoup mieux à l'épuration des fumées d'incinérateurs d'ordures ménagères.

Séparateurs par voie humide.

1. Caractéristiques générales.

Une caractéristique très importante de ces dépoussiéreurs est le fait que les gaz chauds sont refroidis dans l'appareil, sans récupération possible de la chaleur. Ces dépoussiéreurs humides ont en général un inconvénient : les poussières sont recueillies sous forme de boues, difficiles à traiter ultérieurement. Mais dans une unité d'incinération liée au traitement des eaux, cet inconvénient est neutralisé : après un four à lit fluidisé par exemple, ces boues sont ramenées à l'entrée du dessableur de l'unité, pour recueillir également le sable du lit qui a pu être entraîné.

2. Laveur à tube « Venturi ».

Le fonctionnement de ce laveur tient à ce que les fumées chargées de poussières sont accélérées dans le cône d’entrée du Venturi et atteignent leur plus grande vitesse dans la section étroite (le col), où elles rencontrent le liquide de lavage pulvérisé en gouttelettes fines. Grâce à cette rencontre des poussières et des gouttelettes liquides, les particules sont humidifiées.

Dans les unités d'incinération de boues et d'ordures ménagères, on peut, avec un laveur Venturi et une perte de charge d'environ 250 mm CE, obtenir une teneur en poussières dans le gaz inférieure à 100 mg/Nm³ et un rendement de dépoussiérage de plus de 99 %. La consommation d'énergie est alors d'environ 1 kWh/1000 Nm³ de fumées.

débit du liquide de lavage nécessaire s'élève à environ 0,8 l/Nm³ de fumées.

3. Laveur à courant radial.

Avec ce laveur, du type « à haut rendement », il est possible, sans difficulté, d'accepter des fumées à une température d'entrée de 1 000 °C et plus, de les refroidir et de les laver. Dans la partie supérieure du laveur, appelée zone de « Quench », qui est garnie de réfractaires, les fumées sont refroidies spontanément en dessous du point de rosée, grâce à la pulvérisation d'une quantité d'eau déterminée et sont introduites dans la zone suivante, dite de lavage.

[Photo : Fig. 3. — Zone de lavage intensif du laveur dit à courant radial, avec possibilité de réglage de la section de passage par une infinité de tubes Venturi.]

La Figure 3 représente le principe de fonctionnement de cette zone. Elle est constituée d'une chambre annulaire comprise entre deux plateaux inclinés en sens contraire, et d'aubes directrices à l'extrémité des plateaux. Les gaz sont intimement mélangés à l'eau de lavage et les particules de poussières, incorporées aux gouttelettes de liquide, sont précipitées grâce au mouvement cyclonal provoqué par les aubes directrices.

Le gaz épuré est collecté en dessous du laveur. Le débit d'eau pulvérisé est plus élevé que dans le laveur Venturi (1,0 à 1,5 l/Nm³ de fumées) et la perte de charge peut être très élevée, si l'on désire une grande efficacité.

L'avantage essentiel du laveur à courant radial, en comparaison avec le laveur Venturi, repose sur le fait qu'il est réglable en fonction du débit de gaz à traiter. Le réglage s'effectue dans la zone de lavage de la façon suivante : le fond qui supporte le plateau inférieur est relevé ou abaissé, de telle façon que la section de passage est soit diminuée, soit augmentée. Son réglage en est assuré par un système électrique basé sur la pression différentielle du gaz et actionné par pression d'huile. Dans le laveur à courant radial, on dépasse facilement un degré de dépoussiérage de 99 %.

Comme les fumées provenant d'incinérateurs de boues contiennent des matières corrosives qui, avec l'eau, attaquent la matière constituant le laveur, il est nécessaire d'étudier particulièrement le choix de cette dernière. Dans ce but, les petites installations de lavage, comme les équipements situés en aval, sont construits en acier spécial anticorrosif. Dans les unités plus grandes, on utilise en général de l'acier ordinaire avec revêtement (par exemple ébonitage). Afin de réduire cette corrosion, on ajoute souvent une eau alcaline à la solution de lavage, ce qui a l’avantage de neutraliser l'effluent.

Électrofiltre.

L'électrofiltre, en comparaison avec les autres dépoussiéreurs, a l'avantage de pouvoir être dimensionné pour chaque efficacité d’épuration désirée, même dans le cas d'une granulométrie extrêmement fine, ce qui est la majeure partie des cas en incinération de boues. On atteint, en général, un degré de dépoussiérage de plus de 99,5 % et une teneur en poussières dans le gaz épuré inférieure à 50 mg/Nm³. L'électrofiltre est tout spécialement indiqué lorsqu’il s'agit d'unités importantes, ou dans le cas d'exigences strictes de dépoussiérage.

Les frais d’investissement des électrofiltres sont élevés, mais la consommation d'énergie électrique est très faible (environ 0,2 kWh/1 000 m³ de fumées) de même que les frais d'exploitation et d'entretien.

La Figure 4 représente une coupe longitudinale d'un électrofiltre horizontal, comportant deux champs en série, électriquement indépendants. Pour les petites unités, l'appareil ne comporte qu'un seul champ, avec une seule alimentation électrique. On a représenté dans le premier champ la vue d'une rangée de plaques électrodes, tandis que dans le second champ on aperçoit les cadres émissifs sur lesquels sont tendues les électrodes émissives. L'ensemble de ces électrodes est frappé régulièrement pour éviter l'adhérence des poussières.

Les plaques électrodes doivent être spécialement profilées pour assurer correctement les caractéristiques suivantes : un bon captage de la poussière, une grande faculté d’absorption de cette poussière captée, c'est-à-dire la présence de zones mortes empêchant le réenvol de la poussière dans le courant gazeux et une grande facilité de vibration, pour que l'énergie de frappe soit transmise sur toute la hauteur de la plaque, sans perte sensible.

Pour des raisons de bonne tenue mécanique, les électrofiltres ne doivent pas être utilisés pour des gaz de températures supérieures à 400 °C. Si, à l'arrière des fours à étages, cela ne pose pas de problèmes, il est nécessaire d'envisager un refroidissement des gaz sortant à près de 1 000 °C des fours à lit fluidisé.

[Photo : Coupe longitudinale d'un électrofiltre horizontal, comprenant deux champs électriques en série. Le premier met en évidence les plaques électrodes de précipitation, le second les émissives.]

Dans le cas de petites et moyennes unités, on ne récupère pas la chaleur perdue. Pour des unités plus importantes, la chaudière de récupération de chaleur, avec production de vapeur, est recommandée, ce qui permet d'amener la température du gaz en dessous de 400 °C.

Une autre solution peut être apportée en utilisant les calories des fumées dans un échangeur de chaleur, pour réchauffer l’air de combustion, comme nous l'avons exposé plus haut. Mais dans ce cas on ne peut guère descendre la température des gaz en dessous de 500-600 °C, ce qui exige un complément de refroidissement par introduction d'air ou par pulvérisation d'eau dans un refroidisseur.

CHOIX DU FOUR D'INCINÉRATION

Comparaison entre le four à étage et le four à lit fluidisé.

Pour choisir la solution la plus favorable, entre l'emploi d'un four à étages et celui d'un four à lit fluidisé, il faut prendre tout particulièrement en considération les problèmes suivants :

1. Nature des boues à traiter.

Nous avons vu que, dans un four à lit fluidisé, le très court temps de réaction et la nécessité d'une bonne répartition des boues exigent une boue liquide, facilement pompable. Le four à étages s'accommode moins de boues trop liquides, ce qui nécessite une déshydratation préalable de celles-ci. Mais ce four accepte par contre des boues de granulométrie élevée, ce qui permet de mélanger aux boues déshydratées des matières grossières, telles que des ordures ménagères, des refus concassés de dégrillage de stations de traitement d'eaux, etc.

2. Rendement calorifique.

C'est le four à étages qui assure le meilleur rendement calorifique grâce au principe du contre-courant entre la matière et les gaz, comme exposé tout à l'heure. Les fumées, déjà refroidies dans le four, sont utilisées pour le séchage des boues dans le dernier étage. On réunit ainsi dans une seule unité le préchauffage des matières et le refroidissement des fumées. Mais la présence d'imbrûlés dans les fumées exige un recyclage de celles-ci, ce qui réduit cet avantage.

Le four à lit fluidisé, par contre, étant un appareil équicourant, les fumées quittent le four à une température relativement élevée. Même si l'on utilise une partie de ces fumées pour le réchauffage de l’air de combustion, les fumées sortent encore à une température de 500 à 600 °C, contre 300 à 350 °C pour le four à étages.

La remarque précédente explique le besoin en combustible d’appoint plus élevé pour le four à lit fluidisé que pour le four à étages. Nous examinerons plus loin une amélioration de ce type de four.

La récupération de chaleur sur ces deux types de fours pose des problèmes moins importants que pour les fours « tous produits », mais il est bien rare que l’on ne rencontre pas de fumées corrosives ou colmatantes. Des précautions particulières sont souvent à prendre pour ces fumées.

On pourrait penser que les gaz du four à étages, ayant une faible enthalpie, ne présentent pas d'intérêt pour la récupération de celle-ci. Cependant, pour éliminer les imbrûlés, nous avons vu qu’un recyclage était nécessaire, ce qui conduit à un gaz résiduaire pouvant atteindre 500 °C et avec lequel, pour des grosses unités, une récupération est rentable. On verra plus loin dans le Tableau 2 les bilans thermiques comparés.

3. Risque de formation de mélange explosif.

Il est important de souligner que le four à étages ne doit plus être utilisé lorsque la boue à incinérer contient beaucoup d’huiles ou une grande quantité d’hydrocarbures ou de solvants volatils. Ceux-ci se dégageraient partiellement dans les étages supérieurs de séchage, par suite de l'évaporation d'eau, et pourraient constituer des mélanges explosifs dans le gaz de sortie. Par conséquent, dans ce cas, il est indispensable d'utiliser le four à lit fluidisé, spécialement adapté à l'incinération des boues huileuses, par exemple dans les raffineries de pétrole.

4. Cendres volantes dans les fumées.

Les fumées du four à étages ne contiennent pas plus de 10 % de la totalité des cendres, du fait de

la faible vitesse des gaz, tandis que dans le four à lit fluidisé la presque totalité des cendres et une partie du sable sortent avec les fumées. Dans ces conditions, avec un four à couche turbulente, il faut prévoir une épuration des fumées beaucoup plus poussée qu’avec un four à étages.

5. Sécurité de fonctionnement.

Il faut noter que le four à étages est constitué de compartiments séparés par des cloisons mobiles rotatives, constituant par conséquent des éléments sensibles. Toutefois notre longue expérience de ce type de four permet d'affirmer que ces cloisons résistent maintenant très bien aux chocs thermiques. Par contre, le four à lit fluidisé a l'avantage de ne pas posséder de cloisons, mais pour obtenir un bon rendement calorifique nous avons vu tout à l'heure qu'il fallait prévoir un échangeur spécial de chaleur. Le choix de matériaux pour cet échangeur, devant supporter des températures de fumées à l'entrée de 800 à 1000 °C, pose des problèmes au moins aussi délicats et conduit à des prix plus élevés que le problème des bras et des dents de raclage d'un four à étages.

6. Commande et réglage du four.

Diverses expériences ont montré que le four à étages est moins sensible aux chargements discontinus, du fait du temps de séjour plus long du produit dans le four, tandis que, dans le cas du lit fluidisé, les variations de débit, de pouvoir calorifique et de teneur en eau de la boue alimentée réagissent fortement sur la marche du four. Le problème du réglage est donc, en général, plus difficile à résoudre dans ce type de four que dans celui à étages.

Il convient toutefois d'attirer à nouveau l'attention sur la déshydratation des boues qui précède, et qui doit toujours fonctionner de façon continue, pour pouvoir charger le four aussi uniformément que possible. Si donc on utilise des appareils de déshydratation discontinue, tels que les filtres-presse par exemple, il faut résoudre le problème de stockage et de dosage parfois très difficile du produit déshydraté.

7. Frais d'investissement et d'exploitation.

Les frais d'investissement propres au four à étages sont assez nettement supérieurs à ceux propres au four à couche turbulente, mais les frais totaux d'investissement, y compris épuration des gaz, sont plus rapprochés.

Quant aux frais d’exploitation, ils sont en général inférieurs pour le four à étages. Ce fait tient principalement à la consommation d'énergie électrique qui est plus élevée dans un four à lit fluidisé. En effet, dans celui-ci, il est nécessaire d'utiliser une soufflante pour la production et le refoulement de l'air destiné à assurer la turbulence, alors que dans le cas d'un four à étages il suffit d'un ventilateur à faible différence de pression totale. On estime que la consommation d'énergie électrique d'un four à étages n'est que 30 à 50 % de celle d'un four à lit fluidisé.

Le Tableau n° 2 indique les rapports habituels entre ces deux types de frais pour quatre modèles de four.

Applications des deux types de fours.

Dans tous les cas, il est recommandé d'étudier chaque fois, en détail, s'il est plus avantageux, pour l'incinération des boues, d'employer l'un ou l'autre type de four.

On peut constater que le four à étages semble être plus intéressant dans de nombreux cas. D'une façon générale, on peut dire que le four à étages doit être utilisé de préférence pour incinérer des boues dont l'énergie interne est faible, mais prédéshydratées (cas des boues communales en particulier), tandis que le four à lit fluidisé se prête mieux à l'incinération des boues à forte énergie interne, comme par exemple des boues huileuses.

Nous allons citer quelques applications :

1. Usine de produits pharmaceutiques.

[Photo : Installation d'incinération des boues par four à étages dans une usine de produits pharmaceutiques. On peut voir sur le côté le laveur Venturi, suivi du séparateur de gouttelettes.]

Dans ce cas, comme dans celui d’ordures ménagères, l'économie d'énergie conduit à préférer le four à meilleur bilan thermique, donc le four à étages. La Figure 5 est relative à l'usine Merck à Darmstadt. On peut voir à côté du four, le laveur Venturi, suivi du séparateur de gouttelettes (conception déjà ancienne).

2. Incinération mixte de boues d'épuration et de résidus urbains.

Le four à étages permet l'utilisation de « produits » mixtes, comme représenté sur le schéma Figure 6.

[Photo : Schéma d'une installation de combustion mixte de boues et d'ordures ménagères dans des fours à étages.]

Les boues sont introduites à la partie supérieure des fours, tandis que les ordures le sont à mi-hauteur.

Les gaz de sortie sont réunis dans un dépoussiéreur électrique horizontal, à deux champs, avant d'être extraits à la cheminée.

3. Cas des raffineries de pétrole

Notre Société a une grande expérience dans ce domaine. La Figure 7 représente un four à lit fluidisé, recommandé dans ce cas pour des raisons de sécurité. On peut voir, au centre de la photo, un échangeur de chaleur et, sur la gauche, un cyclone de dépoussiérage, suivi d’un laveur Venturi.

[Photo : Installation d'incinération à lit fluidisé dans une raffinerie de pétrole.]

4. Four à lit fluidisé « compact »

Dans le cas de faibles débits à incinérer, ce qui est fréquent en raffinerie de pétrole, on néglige souvent la récupération de chaleur.

Dans ce cas, on peut réduire l'encombrement et l’investissement en superposant le laveur à courant radial au four à lit fluidisé (le gaz passe alors de bas en haut) comme on peut le voir sur la Figure 8.

On peut même envisager d'installer un échangeur de chaleur entre le four et le laveur comme le montre la Figure 9.

Cette disposition est très fréquente en raffineries et nous avons réalisé, en France particulièrement, les unités de ESSO Fos, CFR Normandie, CFR Flandres (Dunkerque), etc.

[Photo : Figure 8.]
[Photo : Figure 9.]

Four à lit fluidisé à préséchage intégré

1. Description

Nous proposons un four d'un type nouveau, d'une grande simplicité, dont la partie supérieure est assimilable à celle d'un four à étages (2, 3 ou 4 étages), et la partie inférieure est celle d'un four à lit fluidisé (Figure 10). Le nombre d’étages est fonction de la quantité d'eau à évaporer, c’est-à-dire de la teneur en matières sèches des boues entrantes.

Ce type de four allie les avantages des deux procédés précités. Les boues introduites au sommet, à des concentrations très variables en matières sèches, sont séchées progressivement pendant leur

[Photo : Fig. 10 – Four à lit fluidisé à préséchage intégré. 1. Enveloppe du four. 2. Chambre de combustion/démarrage. 3. Grille. 4. Zone de lit fluidisé. 5. Distribution des boues. 6. Post-combustion. 7. Zone d'évaporation. 8. Réchauffeur d'air. 9. Fumée vers purification. 10. Air de fluidisation et de combustion. 11. Recirculation des fumées. 12. Combustible d'apport. 13. Introduction des boues. 14. Sable.]

Descente d'étage en étage. Des bras spéciaux qui assurent leur circulation provoquent leur division en particules fines. La teneur en matières sèches de ces particules, au moment de leur introduction dans le four à lit fluidisé, est de l'ordre de 60 %. La surface du lit fluidisé en est fortement réduite. La quantité d'air de fluidisation est de ce fait toujours inférieure à la quantité d'air de combustion. Cette dernière peut être ajustée, en conséquence, à des valeurs optimales. L'excès d'air est plus faible, d'où les économies d'énergie réalisées en exploitation.

Il y a lieu toutefois de faire la même remarque que pour le four à étages. À cause des imbrûlés sortant dans les fumées des étages, ces fumées doivent être recyclées dans la partie « fluidisation », voir schéma Figure 12, de telle sorte que l'on perd une partie des calories économisées et qu'une récupération de chaleur s'avère, là encore, nécessaire (le schéma montre un préchauffage de l'air de fluidisation).

2. Bilans calorifique et énergétique comparés des deux types de four.

La Figure 11 représente le bilan calorifique d'un four classique à lit fluidisé sans récupération de chaleur. On voit que toute la chaleur perdue est à peu près répartie : 50 % par évaporation et 50 % par les gaz résiduaires et le rayonnement.

La Figure 12 (à gauche) représente le même four, avec préchauffage de l'air chaud. Ceci permet de récupérer plus de 25 % des calories initialement perdues, ce qui réduit d'autant l'appoint en combustible.

La Figure 12 (à droite) donne le bilan d'un four à préséchage intégré, auquel on a adjoint une chaudière de récupération de chaleur. Près de la moitié des calories sont récupérées sous forme de vapeur et d'air préchauffé. D'autre part, on voit que le préséchage permet d'économiser encore davantage le combustible d'appoint.

Le Tableau 1 « bilan énergétique » a été établi en comparant ces deux types de four, avec préchauffage de l'air à 550 °C mais sans chaudière de récupération. Ils sont destinés à incinérer des boues centrifugées à 70 % de matières organiques, contenant 3 000 kg/h de matières sèches et 9 000 kg/h d'eau.

TABLEAU 1

Bilan énergétique comparé entre fours à lit fluidisé classique et à préséchage intégré.

Four classique Four à préséchage
Chaleur perdue Chaleur récupérée
– Évaporation de l’eau – Évaporation de l’eau
– Rayonnement de l'air et gaz résiduel – Rayonnement de l'air et gaz résiduel
[Photo : Fig. 11 – Bilan thermique d'un four à lit fluidisé sans récupérateur de chaleur.]

TABLEAU 1)

Frais d’investissement et d’exploitation comparés pour quatre types de fours d’incinération de boues.

Pour 4 Étages

sans recyclage avec recyclage avec pré-séchage intégré
Excès d’air 1,6 1,4 1,2
Opérations possibles 60/70/90 60/90/100/150
Frais d’investissement relatifs
— Four + chaudière 1,30 1,30 1,40
— Auxiliaires 1,00 1,70 2,90
Frais d’exploitation relatifs
1,90 1,75 1,10

d’eau. La température de réaction du lit fluidisé est de 810 °C et l’évaporation sur la grille de 400 kg/h/m².

Frais relatifs d’investissement et d’exploitation.

Le Tableau 2 montre d’abord l’excès d’air important du four classique à lit fluidisé, ainsi que l’importance du dépoussiérage nécessité par l’entraînement des poussières dans les fumées.

Les frais d’investissement, plus élevés pour les fours à étages (avec recyclage des fumées surtout) se trouvent réduits par suite de l’importance des auxiliaires dans les fours à lit fluidisé, dépoussiérage, ventilateurs, etc. Dans le cas du préséchage intégré, la diminution du débit réduit l’importance des auxiliaires.

Quant aux frais d’exploitation, le four mixte est évidemment favorisé puisque ces frais ne dépassent guère ceux du four à étages sans recyclage.

CONCLUSION

Le présent article avait pour but de vous présenter sommairement l’état actuel de la technique permettant de se débarrasser, dans les conditions les plus efficaces, des boues provenant des unités de traitement des eaux résiduaires industrielles et communales et ceci sans transposer le problème, c’est-à-dire sans provoquer une pollution atmosphérique, après avoir lutté contre la pollution des eaux.

Si les solutions semblent un peu complexes et peuvent exiger des installations parfois assez coûteuses, il apparaît néanmoins que les nécessités de plus en plus grandes de défense de l’environnement ne doivent pas faire reculer les autorités compétentes devant ce supplément indispensable d’investissement.

[Photo : Figure 12. Bilan d’un four à lit fluidisé avec récupération de chaleur (préchauffage de l’air de combustion). « Four mixte » avec dispositif de récupération de la chaleur (sous forme vapeur).]
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