Le renforcement des futures normes européennes sur l'environnement met les collectivités locales en face d’un problème épineux : éliminer un volume croissant de boues de station d’épuration, alors que les destinations finales sont de plus en plus onéreuses et que certaines sont menacées.
En effet, des traitements plus poussés des eaux usées et un maillage plus fin du réseau de collecte aboutissent à une augmentation moyenne du volume de boues produites d'environ 6 % par an en France. En parallèle, les solutions d’élimination subissent d'importantes restrictions pour la préservation de l'environnement : épandage agricole très réglementé et décharges n’acceptant plus que les déchets ultimes, cela à partir de 2002.
Au bas mot, ce sont 30 % des boues produites en France, soit 250 000 tonnes de matières sèches, qui doivent être totalement réaffectées.
Soucieux d’apporter des solutions durables en terme de destinations finales et conscient du potentiel que constitue le parc grandissant des usines d’incinération, Degrémont propose de transformer ces boues en mâchefers et déchets ultimes par Incinération Combinée des boues et des ordures ménagères à 850 °C, au travers de la technologie IC 850.
[Photo : figure 1 : Système d’injection de boues IC 850°]
Quatre contrats faisant appel à ce procédé ont ainsi été conclus en 1995 et 1996, pour l’équipement de fours existants (Cenon et Sarcelles) et de fours en construction (Dinan et Bègles). Ces installations élimineront environ 17 000 tonnes de matières sèches, qui peuvent donc être considérées comme étant réaffectées.
La genèse du procédé
Elle est le fruit d’un développement effectué à l’usine d’incinération de Monaco par les exploitants eux-mêmes, dans les années 89-90.
Consultés pour éliminer les boues de la station d’épuration voisine, ils ont imaginé, réalisé et breveté un système d’injection implantable sur la paroi du four d’incinération dans la zone à 850 °C, capable de répartir uniformément le débit de boue sur toute la largeur du four et de déboucher automatiquement les injecteurs éventuellement colmatés.
Ainsi, la boue peut s’écouler régulièrement sur les ordures ménagères déjà sèches, profitant pleinement de leur incinération pour sécher et participer de même à la combustion.
Descriptif des équipements
Les équipements nécessaires à l’incinération combinée se divisent en deux familles : tout d’abord le stockage et la manutention, équipements qui sont soit installés intégralement à l’usine d’incinération, soit existants au niveau de la station d’épuration toute proche (c’est le cas des unités de Bègles et de Monaco, où silo et pompes des stations alimentent directement le four situé à 200 m de là). Deuxième famille, le système d’injection proprement dit, implanté sur la paroi du four.
Stockage & manutention
Le stockage des boues est réalisé dans un silo enterré fermé par des trappes, permettant aux camions en provenance de stations d’épuration voisines de déverser directement les boues.
Le problème des nuisances olfactives générées par cette opération est résolu par la construction d’un hall de déchargement clos ou par pulvérisation d’un aérosol neutralisant les odeurs. De plus, le silo est mis en permanence en légère dépression et l’air vicié est utilisé en tant qu’air de combustion dans le four.
L’extraction de la boue du silo est assurée par une double vis, aidée par des cadres oscillants anti-vouitage.
La vis assure le gavage d’une pompe à matière épaisse qui refoule en continu la boue dans une conduite haute pression grâce à ses deux pistons.
Système d’injection des boues
Le système est composé de plusieurs chambres de distribution reliées par des compensateurs de dilatation.
Ces chambres sont munies à intervalle régulier d’injecteurs qui traversent la paroi du four et qui sont protégés à leur extrémité par des embouts réfractaires.
Acheminée dans la conduite haute-pression, la boue se répartit dans l’ensemble des chambres à partir de la chambre centrale.
La pression de refoulement de la pompe assure l’extrusion de la boue par les injecteurs, sous forme de “chipolata” d’environ 20 mm de diamètre qui tombent sur le lit d’ordures ménagères quelques mètres plus bas.
Le contrôle permanent de la pression dans les chambres permet de garantir un écoulement régulier des boues, en initiant en cours d’injection des procédures automatiques de ringardage des injecteurs par vérin pour éviter tout bouchage.
En cas d’arrêt de l’injection, les chambres sont nettoyées par un rinçage automatique.
Les atouts du procédé
Une technologie avantageuse
- – un encombrement réduit et une grande capacité d’adaptation, pour preuve son montage sur des fours neufs ou anciens, avec différentes technologies de grilles ;
- – un fonctionnement fiable et automatisé ;
- – un système d’injection faisant appel à des technologies simples, peu coûteuses en énergie et en pièces de rechange ;
- – une application à tout type de boues d’eaux résiduaires urbaines, de siccité comprise entre 15 et 40 %.
Un impact limité
Les paramètres de fonctionnement du four d’incinération ne sont que peu modifiés.
Le respect d’un nombre limité de conditions permet de conserver intacte la capacité en ordures ménagères, c’est le cas de l’incinération dite “marginale”.
En dehors de ces conditions, l’incinération des boues peut en tout ou partie se substituer aux ordures ménagères.
- – le calibrage et la bonne répartition des boues conduit à une parfaite combustion au niveau de la grille, ces facteurs permettant aux matières minérales de la boue de se retrouver majoritairement dans les mache-
mâchefers et cela sans problème d'imbrûlés. Les voies de valorisation des mâchefers peuvent être conservées.
Des intérêts partagés
Les intérêts liés à cette nouvelle filière concernent l'ensemble des acteurs de l'eau et des déchets :
- le maître d'ouvrage et le gestionnaire de l'assainissement disposent d'un débouché à long terme, à coût modéré, et qui ne nécessite plus de traitement type stabilisation et hygiénisation ;
- le maître d'ouvrage et le gestionnaire de l'usine d'incinération peuvent, pour un investissement modeste, mieux rentabiliser leur installation.
Un coût compétitif
Ce procédé présente un coût d'élimination de la tonne de boue très attractif par rapport aux destinations finales classiques, hors valorisation agricole. Concernant cette dernière, la tendance peut toutefois s'inverser à l'avenir compte tenu des contraintes grandissantes qui sont imposées.
Le coût global de la filière dépend principalement de la taille de l'installation, du débit de boue réellement traité et des distances de transport.
Dans le cas de l'incinération dite « marginale » et sauf circonstances particulières, il varie entre 150 et 300 F par tonne de boue déshydratée. Pour une valeur moyenne de 280 F/t, la répartition est la suivante :
- transport des boues : 40 F/t,
- amortissement de l'investissement (hors subvention) : 140 F/t,
- exploitation : 100 F/t.
En dehors de l'incinération « marginale », il faut intégrer un surcoût d'exploitation qui peut atteindre 200 F/t.
Conclusion
Le procédé IC 850°, par la réalisation de quatre installations en France et par le retour d'expérience de six années de fonctionnement à Monaco, a atteint son âge de maturité.
La démonstration acquise de ses performances, de sa capacité d'adaptation et son coût modéré, lié à la simplicité de son principe, en font une filière d'élimination de boue à privilégier.
Le potentiel que représente le parc actuel des usines d'incinération d'ordures ménagères et la prise en compte du problème d'élimination des boues de station d'épuration dans nombre de nouveaux projets prédisposent ce procédé à d'autres succès, tant au niveau national qu'européen.
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