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Impact à long terme de l'épandage de boues urbaines et industrielles en agriculture

28 decembre 2001 Paru dans le N°247 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Antonio BISPO, Marie-josé JOURDAIN, Christophe SCHWARTZ et 3 autres personnes

En France, les recherches sur l'épandage de déchets en agriculture ont débuté dès les années 70 avec le programme "sols-déchets" du Secrétariat d'Etat à l'Environnement. Cet effort de recherche ne s'est pas arrêté depuis. Ainsi, l'approche initiée en 1996 dans le programme de recherche ADEME intitulé ?Evaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation agricole des déchets et produits dérivés' est poursuivie jusqu'en 2004 à l'initiative du Laboratoire Sols et Environnement (ENSAIA-INPL/INRA, UMR 1120) et du Service Impact sur les Milieux (IRH Environnement), avec le soutien de l'ADEME, de l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse, de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, du Conseil Général du Bas-Rhin, de l'INRA et du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. Les travaux de recherche considèrent les impacts réels in situ (du Domaine Expérimental de la Bouzule, ENSAIA) et potentiels au laboratoire de l'épandage agricole de déchets et produits dérivés sur les organismes vivants et l'agrosystème. Le programme vise à développer une méthode d'évaluation des dangers et des risques directement utilisable par les gestionnaires de ces déchets. Les résultats des tests écotoxicologiques de laboratoire réalisés sur les éluats des boues et composts mettent en évidence des effets potentiels. Cependant, les épandages et le suivi de l'évolution et du transfert des polluants ainsi que de la fertilité des sols ont permis de montrer l'absence d'effets significatifs in situ. Des réflexions sont menées pour combiner différentes approches (chimiques, isotopiques et biologiques) afin de définir une méthodologie prédictive des risques de dissémination des polluants et de leur toxicité. Les outils de caractérisation de la biodisponibilité sélectionnés seraient alors appliqués aux boues avant épandage. Les conclusions de ces expérimentations, conduites à long terme, seront applicables au recyclage des déchets. Elles devront garantir la gestion durable des sols agricoles et permettre de disposer d'un recul certain pour l'évaluation du risque des épandages de déchets et produits dérivés vis à vis de l'agrosystème et, plus généralement de la sécurité alimentaire.

L'épuration des eaux usées urbaines produit chaque année en France environ 850 000 tonnes de boues en équivalent de matière sèche, soit environ 9 millions de tonnes brutes, et cette quantité est appelée à doubler à l'horizon 2005 par suite de l'équipement obligatoire des petites communes en stations d'épuration.

Actuellement, trois destinations sont possibles pour les boues : l'incinération, le stockage en décharge ou l'épandage sur des terres (agricoles ou non). Une récente étude sur le cycle de vie des boues a mis en évidence que l'épandage des boues est techniquement et économiquement le plus fiable : l'épandage est entre 2 et 6 fois moins cher que les autres destinations (120 F/tonne contre 250 et 700 F/tonne respectivement pour le stockage et l'incinération). De plus, l'épandage des boues en agriculture permet le recyclage d'éléments fertilisants (azote et phosphore) et l'apport de matière organique.

aux sols. Dès lors, « l’épandage agricole des boues d’épuration est économique et environnementalement pertinent » (déclaration de D. Voynet au Colloque national sur l’épandage des boues, le 5 juillet 2000). Cependant, la filière agricole qui prend en charge 65 % des boues urbaines, une partie des boues industrielles et des composts, se heurte à des résistances quant à d’éventuels risques pour la santé humaine et le fonctionnement des écosystèmes. En effet, en plus des éléments fertilisants, les déchets et produits dérivés épandus sont susceptibles de contenir des éléments en traces, des polluants organiques et des germes pathogènes. Malgré le renforcement de la réglementation, certains agriculteurs hésitent ou refusent l’épandage des boues sur leurs parcelles par « principe de précaution » et par crainte de voir leurs produits refusés ou dévalorisés par les filières en aval (par exemple : transformation, grande distribution et cogénération). La disparition ou la restriction de la destination agricole des boues engendrerait des problèmes économiques directs (emplois supprimés dans la filière existante) et indirects (augmentation du coût du traitement de l’eau).

Contexte réglementaire

L’utilisation agricole des boues d’épuration urbaine est réglementée, en France, par le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 et par l’arrêté du 8 janvier 1998 (Deneuvy et Chassande, 1997). Celle des boues de papeteries est réglementée par l’arrêté du 6 janvier 1994. La réglementation repose simultanément sur une logique agricole (liberté des agriculteurs d’épandre ou non des boues), une logique de santé publique (maîtrise des risques sanitaires par la limitation de la dissémination des polluants) et une logique environnementale (protection des écosystèmes). Elle concerne les quantités de boue qu’il est raisonnable d’apporter du point de vue agronomique en fonction : (i) des contraintes liées au milieu naturel (cours d’eau, sources, herbages) et aux activités humaines sur le périmètre d’épandage (adduction d’eau potable, maraîchage), (ii) de la valeur agronomique des sols et de leur fertilité, (iii) des cultures envisagées et des besoins nutritionnels des plantes en éléments fertilisants (azote et phosphore notamment). Néanmoins, toutes les boues ne sont pas aptes à l’épandage : des teneurs-limites en polluants métalliques, organiques et en agents pathogènes ont été établies afin de réduire les risques de transfert de pollution vers les sols, les eaux, les récoltes, et plus généralement la chaîne alimentaire et l’environnement. La réglementation prévoit des teneurs en polluants organiques et métalliques dans les boues et une quantité d’application maximale de 30 tonnes de matière sèche par hectare sur une période de dix ans. En conclusion et selon la réglementation, « l’épandage des boues ne peut être pratiqué que si celles-ci présentent un intérêt pour les sols ou pour la nutrition des cultures et des plantations. Il est interdit de pratiquer des épandages à titre de simple décharge ».

[Encart : Évaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation agricole des déchets et produits dérivés Le programme de recherche « Évaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation agricole des déchets et produits dérivés », initié par l’ADEME en 1996, a été élaboré pour répondre aux interrogations des agriculteurs et des gestionnaires sur l’impact à long terme de l’épandage de déchets et produits dérivés en agriculture (Feix et Savanne, 1998). Les questions posées concernent la durabilité du système et notamment : la qualité des productions végétales, la qualité des eaux, la qualité des sols et les impacts sur la pédofaune et la pédoflore. Des partenaires sont chargés d’étudier, à différentes échelles, du laboratoire au terrain, le transfert et le devenir de polluants minéraux et organiques depuis le sol jusqu’à la plante en vue d’évaluer leurs concentrations dans les différents compartiments environnementaux. Les déchets et produits dérivés étudiés sont : une boue digérée de station urbaine liquide, une boue urbaine déshydratée en station (boue pâteuse), des boues urbaines compostées (avec et sans apports de polluants), une boue industrielle de papeterie, une cendre de combustion de charbon et un compost d’ordures ménagères. Ces déchets et produits dérivés sont caractérisés par des méthodes physico-chimiques, des extractions sélectives et des tests biologiques de toxicité. Ces derniers sont réalisés directement sur les échantillons ou sur les éluats obtenus après lixiviation. Ils sont normalisés ou en cours de développement et représentent différents types d’effets (toxicité aiguë, chronique et génotoxicité) et d’organismes (aquatiques et terrestres). La synthèse des données de laboratoire et de terrain doit conduire à la définition d’outils prédictifs des risques de dissémination des polluants (figure 4).]
[Photo : Organisation de la recherche]

Contexte scientifique

De nombreux essais expérimentaux en conditions contrôlées et en conditions climatiques réelles in situ ont été menés depuis plus de vingt ans en France et à l’étranger pour connaître les effets agronomiques et phytotoxiques de l’épandage des boues urbaines (Bourrelier et Berthelin, 1998). La majorité de ces essais a concerné des doses massives d’épandage de déchets souvent très contaminés (ADEME, 2001) pour faciliter la mesure des effets des épandages sur la qualité des sols et des récoltes. Les premiers essais français menés durant les années 1970 ont montré le transfert possible des éléments en traces apportés par les boues vers la plante et ses organes consommés (Juste et Solda, 1977). Les doses d’épandage testées (de 70 à 340 t de matière sèche par hectare pour dix ans) dépassaient largement les niveaux définis par la réglementation actuelle. Dans ces conditions, avec par exemple des boues urbaines chaulées, le transfert du zinc, du cadmium et du nickel dans les grains de maïs était significativement augmenté et fortement dépendant de la dose de boue, de la teneur des métaux dans la boue et du pH du sol (Morel et Guekert, 1984 ; Juste et Mench, 1992). De même, des teneurs anormales de métaux ont été mesurées dans l’horizon de surface d’un essai de terrain, vingt ans après application de boues urbaines (McGrath, 1987), le compartiment des éléments en traces accumulés

[Encart : Une démarche complétée jusqu’en 2004 Le programme de recherche initié en 1996 est poursuivi à long terme par le Laboratoire Sols et Environnement (ENSAIA-INPL/INRA, UMR 1120) et le Service Impact sur les Milieux (IRH Environnement) avec l'aide de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse, de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, du Conseil Général du Bas-Rhin, de l’INRA et du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. La démarche réalisée de 1996 à 1999 est complétée jusqu'en 2004 (figure 3) par : • la caractérisation sanitaire des déchets épandus, • l'analyse de la qualité des eaux de percolation recueillies par des plaques lysimétriques, • la mesure des teneurs en éléments en traces biodisponibles par des méthodes chimiques et isotopiques de laboratoire, • la prise en compte de la qualité technique des organes consommés des végétaux (farine de blé : nutrition humaine ou ensilage de maïs : nutrition animale), • la caractérisation des teneurs en polluants dans les différents organes des végétaux, • l’analyse d’échantillons de terre prélevés dans différents horizons du profil de sol. Sans être explicatif des phénomènes observés, l'essai de plein champ rend compte de l'ensemble des facteurs qui contrôlent la phytodisponibilité des polluants. La synthèse des données acquises en conditions contrôlées et en conditions climatiques réelles permettra d'identifier, de quantifier et de prévoir les flux de polluants dans l’agrosystème.]

Dans les sols pouvant alors représenter jusqu’à 70 % du bilan.

Ainsi, si des transferts effectifs sont clairement établis lors d’apports de boues supérieurs aux valeurs préconisées par la réglementation en cours et avec des teneurs en polluants supérieures aux seuils actuellement exigés, il est en revanche difficile de préciser les risques lors d’apports réalisés en conformité avec la réglementation. En effet, les essais avec des déchets représentatifs de la production nationale et à des concentrations en polluants normales sont rares. Dans ces conditions, des questions restent ouvertes sur l’évolution à long terme de la mobilité et de la biodisponibilité des polluants.

Objectifs du programme de recherche

Le programme de recherche initié par l’ADEME en 1996, intitulé « Évaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation de déchets en agriculture » (encadré 1 ; Feix et Savanne, 1997) se poursuit jusqu’en 2004 à l'initiative du Laboratoire Sols et Environnement (ENSAIA-INPL/INRA, UMR 1120) et du Service Impact sur les Milieux (IRH Environnement), avec le soutien de l’ADEME, de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse, de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, du Conseil Général du Bas-Rhin, de l’INRA et du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement (encadré 2). Il s'agit d’évaluer les risques de transfert des polluants issus des déchets vers le sol, les eaux, les végétaux et la chaîne alimentaire dans un cadre proche des pratiques réglementaires actuelles. L’objectif est alors d’apporter des éléments factuels aux législateurs, aux gestionnaires, à la profession agricole et aux citoyens pour leur permettre de décider avec raison de l'avenir de cette filière.

L’étude comporte le suivi du devenir des polluants (mobilité, biodisponibilité, transferts) et de leurs effets sur le système sol-eau-plante. Ainsi, les flux de polluants vers les végétaux, leur accumulation et leur transfert vers les horizons profonds du profil de sol et les eaux souterraines sont mesurés. Des tests de toxicité sont également réalisés sur les déchets avant épandage et sur des échantillons de terre collectés avant et après épandage.

L’originalité du projet repose sur :

  • (i) la comparaison in situ et à long terme entre pratiques agricoles classiques et apports de déchets,
  • (ii) la complémentarité des approches de laboratoire et de terrain à l’échelle du dispositif expérimental,
  • (iii) les effets de l’épandage de déchets sur la contamination des végétaux et sur la qualité technique des produits transformés (ex. : rendement, qualité boulangère, …),
  • (iv) l’approche prédictive du risque associant biotests, méthodes chimiques et méthodes isotopiques (figure 1).

L’objectif général est, d'une part, de disposer d'un recul certain pour l’évaluation du risque des épandages de déchets et produits dérivés et, d’autre part, d’aboutir au développement et à la validation d'outils de diagnostic et de prédiction pour évaluer le devenir des polluants afin de répondre aux questions posées par les acteurs de la filière concernant l’impact à long terme de la valorisation agricole des déchets sur la qualité des sols et la dissémination des polluants vers la chaîne alimentaire.

Matériel et méthodes

Dispositif expérimental (Domaine Expérimental de la Bouzule, ENSAIA)

Le dispositif expérimental de terrain est constitué de 40 parcelles de 40 m² disposées en 4 blocs (10 traitements, 4 répétitions) (Feix et al., 1998 ; Schwartz et al., 2000). L'essai est installé sur un sol brun calcique (calcisol rédoxique) sur placages limoneux communément observé en France et dont le profil a été caractérisé. Dans le cadre d'un plan d’épandage réglementaire, les quantités de déchets à épandre seraient calculées en tenant compte des besoins agronomiques des cultures. Néanmoins, dans ce cas, les différents déchets et produits dérivés ont été

[Photo : Figure 2 : Protocole de l’expérimentation]
[Photo : Itinéraire technique simplifié]

appliqués 3 années successives à une dose uniforme de 10 t.ha⁻¹.an⁻¹ (figure 2). Ce choix est justifié par la très forte variabilité de fertilité des déchets qui aurait entraîné des doses d’apport très contrastées. Pour éviter les carences nutritionnelles une fertilisation minérale uniforme est appliquée à toutes les parcelles. L’itinéraire technique (figure 3) réalisé depuis 1997 et prévu jusqu’en 2004 correspond à des pratiques agricoles classiques (travail du sol, semis, traitements phytosanitaires, fertilisation, récolte).

Boues épandues

Par rapport aux 8 déchets et produits dérivés caractérisés et épandus dans le cadre global du projet (figure 2), seuls les résultats relatifs aux 4 boues suivantes sont présentés :

B1 : boue digérée de station urbaine liquide ;

Ce type de boue (environ 15 % des tonnages de matière sèche en France) concerne les petites stations d’épuration rurales ou péri-urbaines.

B2 : boue urbaine B1, déshydratée en station (boue pâteuse) ;

Ce type de boue (environ 35 % des tonnages de matière sèche en France) issu de stations d'épuration de taille moyenne est de plus en plus fréquemment traité à la chaux ou composté.

B3 : boue urbaine B2, compostée ;

Ces composts (environ 2 % des tonnages de matière sèche en France) concernent en général les stations de taille moyenne. En raison de son coût, cette filière de stabilisation biologique aérobie est encore peu développée en France.

B4 : boue industrielle de papeterie ;

T : témoin sans apport de déchet, fertilisation minérale optimale.

[Encart : Tableau 1 – Tests biologiques de toxicité réalisés sur les éluats des déchets et des échantillons de terre Type de test – Organisme utilisé – Critère d’effet – Niveau trophique – Norme Aigu – Daphnies (Daphnia magna) – Mobilité – Consommateur – NF EN ISO 6341 Aigu – Bactéries (Vibrio fischeri) – Luminescence – Décomposeur – NF EN ISO 11348-3 Chronique – Algues unicellulaires (Pseudokirchneriella subcapitata) – Croissance – Producteur primaire – NF T 90375]

Conformément au Décret du 8/12/97 (Arrêté du 8/01/98), les teneurs en éléments nutritifs, en éléments en traces totaux (Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb, Se, Zn) et en polluants organiques (HAP, PCB) sont dosées. En plus de ces déterminations réglementaires, des tests biologiques de toxicité sont réalisés en vue de caractériser le danger écotoxique des déchets épandus. Une caractérisation sanitaire est également envisagée.

Prélèvements et analyses des échantillons de terre et de végétaux

Les échantillons moyens de terre sont systématiquement prélevés dans l’horizon de surface sur les parcelles après épandage des déchets et après récolte des végétaux. Une caractérisation agronomique (granulométrie, pH, carbone organique total, matière organique, azote total, rapport C/N, phosphore assimilable, capacité d’échange cationique, bases échangeables), chimique (éléments en traces et polluants organiques) et écotoxique (batterie de tests biologiques de toxicité) est réalisée.

L’intégralité des végétaux de chaque parcelle est récoltée afin d’obtenir un rendement vrai. Les analyses physico-chimiques (éléments en traces totaux [Cd, Cu, Ni, Pb, Zn] et les polluants organiques [HAP, PCB]) sont réalisées sur les organes consommés. Le dosage des éléments traces totaux est réalisé par ICP-AES (NF EN ISO 11885) après minéralisation à l’eau régale des

Tableau 2 : Caractéristiques physico-chimiques des déchets et engrais épandus

  • Les boues d'épuration municipales et leur utilisation en agriculture. Dossier documentaire. ADEME Éditions. 2000
  • Décret du 08/12/97 et Arrêté du 08/01/98
    • À partir du 01/01/2008 et 15 du 01/01/2001 & 01/01/2004

déchets, des sols et des végétaux (normes NF ISO 11466, 1995 et NF X 31-151, 1993). Le dosage des polluants organiques est réalisé d'après les protocoles normalisés XP X 33-012 (2000) et NF ISO 13877 (1999). Les tests biologiques de toxicité daphnies, Microtox® et algues (tableau 1) ont été réalisés sur l'éluat obtenu par lixiviation (Jauzein et al., 1999 ; NF X 31-210, 1998) des différents déchets et des échantillons de terre collectés.

Résultats et discussion

Qualité des déchets et produits dérivés

Les boues et compost utilisés sont issus de filières classiquement observées en France. Le législateur a retenu des éléments en traces et des polluants organiques comme indicateurs de la qualité réglementaire des boues d'épuration et en a fixé les valeurs limites. La qualité des matériaux épandus est conforme à cette réglementation et reste proche de la moyenne nationale (tableau 2). Selon les filières de traitement et les origines des déchets, la valeur agronomique et les teneurs en polluants sont différentes. Les concentrations et la biodisponibilité des éléments nutritifs et des polluants peuvent être modifiées. Ainsi, le compost B3 obtenu à partir d'une boue pâteuse (B2, issue de la déshydratation de B1), s'apparente à un amendement organique. Le compostage s'accompagne d'une diminution des teneurs en polluants (minéraux et organiques) et d'une augmentation de la matière organique stable. La présence d'éléments en traces ou de polluants organiques dans les boues et compost n'implique pas obligatoirement qu'ils soient mobiles ou biodisponibles. La mise en œuvre d'essais de laboratoire (tests écotoxicologiques, extractions chimiques sélectives) couplés à des mesures de terrain doit permettre de confronter les effets potentiels aux effets réels.

Qualité des sols

Dans nos conditions

[Photo : Évolution de la fertilité des sols sur une période de 3 ans]

[Photo : Évolution des teneurs totales en éléments en traces des sols sur une période de 3 ans]

Boues et de compost à l’hectare sur 3 ans, des augmentations significatives des teneurs en azote total et en phosphore biodisponible sont mesurées dans l’horizon de surface du sol (figure 4). Le compost de boue urbaine, la boue industrielle de papeterie et le témoin (fertilisation minérale), bien qu’apportant des quantités d’éléments nutritifs différentes, ont des effets comparables sur les teneurs en azote et en phosphore assimilable des sols. Ceci peut s’expliquer par la fertilisation minérale uniforme réalisée sur toutes les parcelles en complément des apports de déchets. Les teneurs en éléments nutritifs des parcelles ayant reçu la boue liquide ou la boue pâteuse sont significativement supérieures à celles des autres traitements. Ce constat plus marqué pour le phosphore que pour l’azote contribue à proposer le phosphore comme base du raisonnement des doses d’apports de boues.

Il n’y a pas d’augmentation significative des teneurs en éléments en traces totaux dans les sols sur 3 ans, quels que soient les boues ou compost épandus (figure 5). Pour l’ensemble des éléments dosés, les concentrations des métaux dans les sols après trois années d’épandage sont entre deux et dix fois inférieures aux teneurs limites réglementaires. La réglementation demande le suivi de trois HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de sept PCB (polychlorobiphényles ou hydrocarbures polycycliques aromatiques chlorés) dans les sols. Ces substances ont été choisies en raison de leur résistance à la dégradation et de leur persistance relative. Les concentrations en polluants organiques des sols sont très faibles et proches des limites de détection.

Tableau 3 : Caractéristiques écotoxicologiques des déchets et des terres avant et après épandage

B1 – boue urbaine liquide

B2 – boue urbaine déshydratée

B3 – boue urbaine compostée

B4 – boue de papeterie

Non toxique (CE50% > 50 %) ; -/+ : Faiblement toxique (10 % < CE50% < 50 %) ; + : Toxique (CE50% < 10 %)

[Photo : Rendement en grain du blé (récolte 1998)]

quel que soit le traitement, et ceci, même après 3 années d’expérimentation.

Caractérisation écotoxique des déchets et des échantillons de terre collectés

Les tests biologiques de toxicité permettent d'intégrer l'impact de l'ensemble des polluants contenus dans une matrice solide et/ou son éluat. Ils ont été choisis pour correspondre à différents niveaux trophiques et mesurent différents critères d’effet (Bispo et Jourdain, 2001). Les éluats obtenus à partir du compost de boue urbaine et de la boue industrielle de papeterie ne sont pas toxiques alors que ceux générés par la boue liquide ou déshydratée présentent une toxicité probablement due à une biodisponibilité supérieure des polluants (tableau 3). La boue B2 engendre la toxicité la plus élevée qui peut être liée à son procédé d’obtention (par exemple, ajout de floculants) alors que le compostage de cette boue réduit ou annule sa toxicité. Ces effets, constatés au laboratoire, ont été comparés aux effets in situ. Les éluats issus des échantillons de terre collectés avant et après épandage des déchets ont été soumis aux mêmes tests biologiques. Aucune toxicité n’a été mesurée après épandage, quel que soit le déchet.

Les tests de toxicité conduits au laboratoire permettent de mettre en évidence le danger toxique potentiel des échantillons, sans tenir compte des caractéristiques réelles de l’épandage (notamment la dose d’application et la nature de la terre recevant le déchet). L’analyse ultérieure des échantillons de terre intègre l'ensemble de ces données, rendant compte du risque écotoxique global. Afin d’obtenir un outil prédictif des risques écotoxiques liés à l’épandage, des seuils doivent être établis sur la base des réponses de tests de toxicité réalisés au laboratoire (comme pour les paramètres physico-chimiques) et validés par rapport aux effets réels (in situ).

Qualité des cultures

Le blé et le colza se sont développés normalement durant toute la période de culture. Les meilleurs rendements en grains ont été obtenus avec la boue liquide B1 et la boue B2 (rendement du blé : figure 6). Ces rendements sont significativement supérieurs à ceux de la boue de papeterie (B4). La tendance observée d'une diminution de rende-

[Photo : Teneurs en éléments en traces des grains de blé (récolte 1998)]

ment en grain de la boue liquide vers le compost de boue peut s’expliquer par une baisse parallèle de la disponibilité de l'azote. En effet la part biodisponible de l’azote apporté par une boue liquide, une boue pâteuse ou un compost de boue est en moyenne de 50, 30 et 10 % de l'azote total apporté (ADEME, 2001). Cependant, aucun traitement ne présente un rendement significativement différent de celui observé sur le témoin.

Les concentrations en éléments en traces dans les végétaux récoltés sont comparables quels que soient la culture et le traitement (exemple du blé ; figure 7). De plus, la comparaison des concentrations en métaux dans les grains issus des différents traitements et des parcelles témoins ne met pas en évidence de différence significative. Tous les éléments en traces dosés dans les grains de blé présentent des teneurs inférieures aux seuils de phytotoxicité et aux propositions de valeurs limites dans les aliments du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHP, 1996). Par exemple, les teneurs en cadmium des grains de blé sont toujours inférieures à 25 µg kg⁻¹ de matière sèche alors que la valeur limite pour la santé humaine est de 100 µg kg⁻¹ de matière fraîche (figure 8). La très faible exportation des métaux par les récoltes est expliquée par la biodisponibilité réduite des polluants apportés par les déchets et compost. Pour estimer cette biodisponibilité nous avons mis en œuvre des extractions chimiques et des méthodes de dilution isotopique. Ainsi les teneurs en cadmium extractibles à l’eau des sols restent systématiquement inférieures à 1 % des teneurs totales (figure 8). Pour des oligo-éléments comme le cuivre et le zinc les concentrations mesurées dans les grains sont supérieures aux seuils de carence (ADEME, 1995).

Il existe peu d'études sur la biodisponibilité à long terme des polluants organiques dans les sols recevant des boues. Dans nos conditions, l’apport des boues et compost n’influence pas les concentrations en polluants organiques dans les végétaux : les concentrations mesurées sont systématiquement inférieures aux limites de détection. Ces résultats montrent que les polluants organiques apportés par les déchets ne sont certainement pas transférés du sol vers les organes consommés des plantes.

Flux de polluants dans le système “boue-sol-plante”

La concentration en polluants dans les boues ne renseigne pas à elle seule sur les quantités des polluants apportés aux sols. Les flux de polluants dans le système sol-plante sont obtenus en multipliant leurs concentrations par les quantités de boues apportées. Les épandages réalisés de manière uniforme et non raisonnée en fonction de la fertilisation azotée correspondent à un apport sur 3 ans de 30 t MS ha⁻¹, soit l’équivalent de la dose réglementairement tolérée sur 10 ans. Dans ces conditions, les flux de cadmium et de zinc ainsi que leur augmentation théorique en concentration dans l’horizon de surface ont été calculés (tableau 4) : les épandages cumulés de boue liquide ou de boue pâteuse apportent 40 et 112 g de Cd ha⁻¹ (B3 70 g ha⁻¹ ; B4 10 g ha⁻¹ ; engrais 5 g ha⁻¹). La teneur moyenne du sol en cadmium étant de 0,11 mg kg⁻¹, le stock initial de cadmium total avant épandages est de 330 g ha⁻¹. L’augmentation théorique de ce stock, initialement très faible, varie de 3 à 33 % en fonction de la boue ou du compost épandus. Néanmoins, cette variation n’a pas été mesurée au terrain, compte tenu des incertitudes liées à l’échantillonnage et à l'analyse. Dans ces conditions d’apports annuels, il faudrait attendre plus de cent ans pour atteindre la valeur-limite de 2 mg kg⁻¹ fixée par la réglementation pour les sols. Il convient de signaler que l'apport d’engrais participe également à l’augmentation des stocks d’éléments en traces dans les sols (par exemple, pour le cadmium, l’augmentation de 1,5 % correspond essentiellement aux engrais phosphatés, tableau 4).

Le calcul des intrants peut également être complété par celui des exportations. À titre d'exemple, la figure 9 présente ce type de bilan pour l’épandage de la boue liquide B1.

[Photo : Cadmium du sol extractible à l'eau et transfert dans le grain de blé pour toutes les modalités de l'expérimentation]

Tableau 4 : Calcul des apports de Cd et de Zn après 3 ans d’épandage – Augmentations théoriques des concentrations

Apports liés aux épandages et augmentation théorique de la concentration du sol

Stock initial moyen (horizon 0-30 cm) : 330 g Cd ha⁻¹ ; 300 g Zn ha⁻¹

Déchets
B1 boue urbaine liquide : 40 g Cd ha⁻¹ ; 38 g Zn ha⁻¹ (12,6 % ; 9,7 %)
B2 boue urbaine déshydratée : 112 g Cd ha⁻¹ ; 41 g Zn ha⁻¹ (13,6 % ; 10,5 %)
B3 boue urbaine compostée : 70 g Cd ha⁻¹ ; 17 g Zn ha⁻¹ (5,7 % ; 4,3 %)
B4 boue de papeterie : 10 g Cd ha⁻¹ ; 0,49 g Zn ha⁻¹ (41,6 % ; 1,7 %)
Engrais : 5 g Cd ha⁻¹ ; 0,06 g Zn ha⁻¹ (0,06 % ; 0,05 %)

Augmentation théorique totale due aux engrais phosphatés : 0,001 % du stock initial (1,5 %)

[Photo : Flux de zinc dans le système “sol-déchet-plante” : cas de la boue d’épuration urbaine liquide (Zn en kg.ha⁻¹.3 ans⁻¹)]

Cependant, de tels bilans sont actuellement incomplets compte tenu du fait que les exportations par les eaux de drainage et par la plante entière (seul l’organe consommé a été analysé) ne sont pas connues.

Ces éléments font l’objet d’investigations complémentaires dans le cadre de la suite du programme de recherche (encadré 2).

Conclusion

Si un cadre réglementaire strict accompagne l’épandage agricole des boues urbaines, cette pratique doit encore faire l’objet de vigilance et d’un effort de recherche à long terme sur les risques de dissémination des polluants. Les essais de plein champ menés depuis 1996 au Domaine Expérimental de la Bouzule avec des apports de boues et de

Références bibliographiques

* ADEME, 2001. Les boues d’épuration municipales et leur utilisation en agriculture. Dossier documentaire. ADEME Editions. 58 p.

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Les composts compatibles avec la réglementation actuelle n’ont pas augmenté la concentration des polluants minéraux et organiques dans les organes consommés des plantes récoltées (blé et colza). Si des apports de boues peuvent théoriquement provoquer une augmentation des teneurs en polluants dans les sols, une utilisation dans le cadre de la réglementation actuelle ne paraît pas s'accompagner d’augmentation notable des transferts vers les végétaux. Ceci est notamment vérifié in situ pour le cadmium, élément particulièrement mobile dans le système sol-plante. Par ailleurs, nous avons identifié, au laboratoire, des niveaux de toxicité différents en fonction des boues et composts. Après épandage sur les sols et compte tenu des doses d’apports, ces effets toxiques ne sont plus mesurables au terrain. L’évaluation prédictive de l’exposition de différents compartiments de l'agrosystème (sols, végétaux, eau, …) implique le choix de valeurs seuils relatives aux outils prédictifs de laboratoire par rapport aux réponses du terrain.

En l'absence d’impacts environnementaux observés à court terme, la dissémination de polluants pourrait toutefois poser des problèmes de qualité des eaux et des aliments à long terme. Une poursuite des travaux de recherche s'impose, afin de valider les conclusions actuelles sur le long terme tout en tenant compte des différentes sources de polluants dans les agrosystèmes.

Proposition de méthodologie pour une connaissance prédictive de la toxicité des déchets

En complément du contrôle des rejets dans les réseaux, du traitement des boues, des plans d’épandage et des restrictions d’épandage, la stratégie française a mis en place des actions visant à mieux connaître les polluants des boues et leurs effets sur les cultures et l'environnement.

La caractérisation chimique du déchet ou du compost donne un potentiel de pollution qui ne peut pas à lui seul justifier l’aptitude à l’épandage. Il est utile d’acquérir des résultats complémentaires sur la biodisponibilité des polluants. Cette information peut être obtenue par des méthodes chimiques (extractions sélectives ; Lebourg et al., 1996), isotopiques (cinétiques de dilution isotopique) ou avec une batterie de biotests appliqués directement sur les déchets et/ou leurs éluats (Morel, 1996, 1997 ; Morel et al., 1998). Ainsi, dans le cadre du programme « Évaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation agricole des déchets et produits dérivés », des réflexions sont menées pour combiner différentes approches (chimiques, isotopiques et biologiques) afin de définir une méthodologie prédictive de la biodisponibilité des polluants et de leur toxicité. En particulier, un objectif est de définir une batterie de tests d'écotoxicité sélectionnés parmi l'ensemble de ceux utilisés dans le programme de recherche ADEME (encadré 1). Ces outils de caractérisation de la biodisponibilité seraient appliqués aux déchets avant épandage.

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