Diminution du phosphore
La tendance à la baisse de la concentration en phosphore dans les eaux du lac se poursuit fort heureusement. Amorcée en 1979, cette diminution (44 %) aboutit à une concentration de 50 mgr P/l. Cette évolution favorable est à mettre en relation avec les efforts d’assainissement des eaux usées domestiques et industrielles (en particulier avec la déphosphatation pratiquée dans certaines stations d’épuration), avec la suppression des phosphates dans les produits de lessive pour textiles en Suisse et leur réduction en France, enfin avec les efforts consentis par les milieux agricoles visant à limiter les pertes des sols en nutriments (mesures anti-érosion pour maîtriser les déchets de ferme, utilisation rationnelle des engrais, etc.). Une évolution à la baisse est aussi enregistrée pour les nitrates.
Encore trop de phosphore
Malgré la baisse de la concentration en phosphore dans les eaux du lac, la production d’algues, génératrice des déséquilibres écologiques du système lacustre, reste largement excessive. Il faut encore absolument diminuer les apports de phosphore au lac.
Une baisse de 44 % du phosphore dans le lac, c’est impressionnant. Toutefois, pour prendre la mesure de ce chiffre, il est nécessaire de confronter la valeur actuelle de la concentration en phosphore (50 mgr./l) à la valeur à atteindre, soit environ 25 mgr./l, pour être en mesure de limiter efficacement la prolifération des algues.
Situation critique au fond du lac
La prolifération excessive des algues en surface donne naissance à une production importante de matière organique morte qui est décomposée par les micro-organismes (bactéries, micro-champignons) conduisant à une désoxygénation des eaux profondes. Le déficit en oxygène peut être normalement compensé par la circulation hivernale des eaux, mais pour autant que l’hiver soit suffisamment rigoureux. Or les hivers rigoureux font défaut depuis plusieurs années et la situation au fond du lac est à nouveau très critique (figure 2). On est proche de la situation qui prévalait dans les pires années qu’ait connues le Léman (1976-1978) où l’oxygène avait pratiquement disparu.
Nécessité absolue de poursuivre et d’intensifier nos efforts
Diminuer encore de moitié la quantité de phosphore dans le lac est une nécessité, on l’a vu. Tout doit donc être entrepris pour limiter les rejets de cet élément dans le lac. L’importance relative des sources de phosphore disponible pour les algues a été évaluée par la CIPEL (figure 1). Il apparaît clairement que nos efforts devront porter prioritairement dans les domaines de l’épuration des eaux usées domestiques et industrielles (mise en place et amélioration du système d’assainissement) et de l’agriculture. À cet égard, la carte présentant le nombre d’habitants restant encore à raccorder à une station d’épuration est choquante (figure 3) : elle témoigne d’un non-respect scandaleux des lois sur la protection des eaux et surtout d’un manque de responsabilité des édiles dans de nombreuses communes du bassin versant du Léman. Le manque de moyens financiers n’explique et surtout ne justifie pas tout.
Dans ce contexte, l’« Opération Rivières Propres » de l’ASL qui consiste à partir à la chasse de tous les déversements polluants souillant les rivières lémaniques, donc finalement le lac, prend toute sa signification. Par un travail de fourmi, effectué grâce à de très nombreux bénévoles (plus de 2000 personnes à ce jour), l’ASL contribue ainsi efficacement à la lutte contre la pollution des eaux du Léman. Toutefois, pour être en mesure de poursuivre cette campagne dont l’utilité est reconnue de tous, l’ASL a besoin de votre soutien.
Association pour la Sauvegarde du Léman : C.P. 629 – CH-1211 Genève 4 (Suisse) – Tél. (022/32) 97 88.
[Photo : Fig. 1 – Apports relatifs de phosphore biodisponible au Léman. La quantité estimée est d’environ 600 tonnes/an (d’après CIPEL, 1993).]
[Photo : Fig. 2 – Concentration en oxygène (milligr./litre) au fond du lac (d’après CIPEL, 1993).]
[Photo : Fig. 3 – État au 1er janvier 1993 du nombre d’habitants (population permanente et saisonnière) encore à raccorder à une station d’épuration (d’après CIPEL, 1993).]
* Extrait du n° 11 de mars 1994 de la revue « Lémaniques » éditée par l’Association pour la Sauvegarde du Léman.