Your browser does not support JavaScript!

Histoire d'eau : une première européenne

28 février 1986 Paru dans le N°98 à la page 64 ( mots)

Le nettoyage et la réparation d’un pipe-line immergé, ce dont traite cet article, pose des problèmes analogues à ceux auxquels sont confrontés les exploitants de grosses conduites de transport d’eau, qui pourront tirer profit de l’exposé qui suit.

Les pipe-lines, comme toutes les installations industrielles, vieillissent. La corrosion est leur principale ennemie et si la détection des « chancres » est devenue possible depuis environ quinze ans, la réparation des tuyaux pose parfois des problèmes techniques. Il faut même innover quelquefois. La Société du pipe-line sud-européen (la SPSE), en a fait l'expérience récemment lorsqu’il a fallu décider de la réfection interne de la partie corrodée d'une des canalisations qui relient le port de Lavera au terminal de Fos. Le temps fort de cette remise en état portait principalement sur un tronçon de 500 m, immergé par 20 m de fond et recouvert de plusieurs mètres de remblai. Jamais ne fut tentée une telle réparation de l’intérieur d’un tuyau placé au fond de la mer : SOBEA fut chargée de l’opération.

Un pipe-line en détresse

En même temps que la mise en service, en 1962, des 782 km de ligne du pipe-line sud-européen, la SPSE exploitait la même année quatre canalisations reliant le port de Lavéra au terminal de Fos. À cette époque, tous les pétroliers déchargeaient leur cargaison à Martigues-Lavéra. Actuellement, ce port s’avère indispensable car il reçoit les petits pétroliers. Aujourd’hui, sur ces quatre canalisations, trois sont utilisées pour le déchargement des pétroliers à Lavéra et une pour le transfert du terminal de la Crau à Fos, vers les raffineries SFBP-Lavéra et CFR-La Mède.

Afin d’éviter tout risque de pollution et donc à titre de prévention, la SPSE a décidé d’entreprendre sur la liaison n° 2 un contrôle interne de la corrosion et des réparations éventuelles : en effet en 1980, lors du déplacement de quatre siphons, à l'occasion de l’élargissement du canal d’Arles à Bouc, la société s’aperçoit d'une progression dangereuse de cette corrosion (la ligne complète de Lavéra à Fos a été photographiée et est contrôlée depuis 1972). Le signal d’alarme est tiré. Elle nous demande alors de mettre en place un procédé de réparation et de soudage (remise en conformité des siphons) avec la collaboration de l’Institut de soudure local. C'est l'occasion pour l'agence de Fos d’acquérir une bonne expérience en la matière, expérience qui va se révéler utile car, au cours de sondages et de vérifications aux ultrasons, le pipe-line n° 2, qui traverse la passe du port de Bouc, est considéré comme un point sensible et de plus difficilement réparable. Que faire ? Au cours de leur quête d’information, les dirigeants de la SPSE se rendent compte qu’il faut totalement innover car ils n’ont pas le choix : remplacer les pipe-lines coûterait huit fois plus cher que de procéder aux réparations projetées. Ils font appel à nous, une deuxième fois, pour remettre en état la conduite n° 2.

[Photo : Situation générale du chantier : la passe 40.]

Un chantier exceptionnel

L'opération n’aurait rien d’exceptionnel si la partie concernée, d'une longueur de 500 m, ne se situait à 20 m en dessous du niveau de la mer... Dans sa partie immergée, la conduite présente un diamètre de 86 cm et une épaisseur de 12,7 mm à laquelle il convient d’ajouter, sur le tronçon marin, une enveloppe en béton de 14 cm. Le siphon est protégé par 6 m de matériaux divers. Les phases de l’opération ont été étudiées par la SPSE avec le maximum de soins : mise de la canalisation hors pétrole, vidange, rinçage, dégraissage, vérification de la teneur en gaz avant la visite de contrôle.

Opération dégazage

Les travaux commencent en décembre 1982 : il faut d’abord mettre la canalisation hors pétrole et la vidanger. Cette phase de préparation et d’installation dure un mois. Le siphon est ainsi nettoyé par le passage de deux racleurs à brosse pour diminuer l’épaisseur de paraffine adhérant à la paroi de la conduite ; puis, entre les deux appareils poussés à l'eau, un bouchon de 50 m³ d’un mélange d'eau et de détergent est injecté. Après ce premier nettoyage, le siphon est coupé de chaque côté de la passe à l'aide d'une machine spéciale ; les manchettes sont déposées. Un décanteur est installé à une extrémité et une gare à racleur à l’autre, ainsi que deux treuils. Un racleur pulsé à l’air est envoyé pour assécher le siphon ; la conduite est ensuite dégraissée par la méthode dite du joint tournant : cet appareil équipé de buses orientables émet des jets d'un mélange détergent-eau, à une pression de plusieurs centaines de bars. Il faudra exécuter ce nettoyage à deux reprises, compte tenu de la profondeur.

… et de la longueur du siphon avec, après chaque passage, son assèchement (l'opération dure deux semaines). Deux fois un chariot, actionné par le va-et-vient, avec une tête détectrice de balise STI, passe pour contrôler l'atmosphère à l'intérieur du siphon : pas de gaz. Les hommes peuvent y travailler sans danger.

[Photo : Réparation à l’intérieur du siphon. On voit la radio reliant l’ouvrier à l’extérieur.]

Des réparations en toute sécurité

Une ventilation est installée et doublée (ventilateur + compresseur) pour parer immédiatement à toute défaillance matérielle : elle permet aux trois ouvriers situés en permanence dans le siphon de se mouvoir et d'y travailler ; par mesure de précaution, ces hommes sont reliés par radio à l’équipe restée à l'extérieur. À l'intérieur, la circulation se fait à l'aide de chariots qui épousent le diamètre du siphon et qui sont propulsés par deux treuils extérieurs. Deux agents sont postés à chaque extrémité du siphon pour la manœuvre des treuils et la surveillance du dispositif de ventilation. La présence sur les lieux du personnel de sécurité qualifié de la SPSE renforce ces dispositifs de sécurité. Une première visite ayant pour but de reconnaître les principaux défauts est suivie d'une autre en vue de recenser tous les « chancres » de profondeur supérieure à 1,5 mm.

Deux méthodes de réparation sont utilisées : lorsque les chancres sont espacés, ils sont rechargés par meulage puis soudure ; lorsqu’ils sont très rapprochés et profonds (4-8 mm) on soude des « doublantes » de tôle.

Ces opérations achevées, une réception du siphon est réalisée par la SPSE, SOBEA et l'Institut de soudure. Un mois a été nécessaire pour cette phase des travaux.

Du revêtement au raccordement

La conduite est alors décapée à l'aide d'une machine tournante qui projette du sable ; la difficulté est de le retirer et d’appliquer un vernis provisoire pour protéger le métal ; on procède ensuite au ponçage puis à l'application de la peinture. Il faudra un mois pour venir à bout de cette opération. Le revêtement, épais de 900 µ (garanti dix ans), est appliqué par une machine automatique tirée par les treuils.

C’est une entreprise sous-traitante qui a été chargée de cette phase « antirouille » qui a duré quinze jours. La difficulté de l’opération a été la synchronisation des treuils et l'adoption d'une vitesse bien adaptée à l'application de la peinture. Pendant ces travaux, la sécurité a été assurée en gardant, en cas de défaillance, la possibilité de retirer le personnel à une vitesse relativement rapide. La vérification des épaisseurs, le contrôle d’étanchéité au porosimètre, l’adhérence sur le subjectile ont été assurés par le maître d’ouvrage au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

[Photo : Ventilation avec deux extracteurs d’air.]

Après séchage complet du revêtement, la conduite a été remplie d’eau et éprouvée à une pression maximum de 26 bars pendant vingt-quatre heures pour vérifier que le rechargement des soudures résiste bien à une telle pression. Les essais étant satisfaisants, la phase de raccordement a été enfin exécutée en une semaine. Les travaux se sont terminés à la fin mai 1983.

Une première à suivre

Si cette opération n’avait pas été effectuée, une fuite de pétrole aurait pu survenir assez vite, polluant la mer et les plages. Cela aurait impliqué la vidange des quatre siphons, l’arrêt du transfert de pétrole, sans compter le remplacement probable des pipe-lines. Heureusement, ce scénario n’a pas été réalisé et les trois autres siphons auront été réparés en 1984 et 1985… par SOBEA.

Ce chantier, du fait de son caractère unique en Europe, sinon dans le monde, a fait l'objet d’un film tourné par des professionnels et comportant toutes ses phases d’exécution. Il a été visité par des clients potentiels européens (italiens et allemands), ce qui prouve l’intérêt de la solution proposée par la SPSE et de sa réalisation par SOBEA.

D’après « La Pierre et l'Eau », revue interne de la Société SOBEA-Balency.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements