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Histoire d'eau : Une meilleure compréhension des courants profonds en Atlantique équatorial

30 septembre 2001 Paru dans le N°244 à la page 89 ( mots)

Les courants océaniques, en surface comme en profondeur, jouent un rôle essentiel dans la dynamique des climats de la planète. Actuellement, certaines des difficultés rencontrées dans la prévision des changements climatiques proviennent d'un manque de compréhension de la circulation océanique. Ceci est notamment manifeste dans l'océan Atlantique qui exerce une influence directe sur le climat de l'Afrique, du Brésil, de l'Europe et de la partie est de l'Amérique du Nord. Le programme Equalant, conduit depuis 1999 par l'Institut de recherche pour le développement, a pour objectif principal de mieux connaître la dynamique des courants profonds de l'Atlantique équatorial. Il a récemment été possible, pour la première fois, de décrire la structure des courants profonds le long de l'équateur, depuis les côtes brésiliennes jusqu'aux abords du golfe de Guinée grâce aux données d'une campagne océanographique (Equalant 1999).

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Les courants océaniques, en surface comme en profondeur, jouent un rôle essentiel dans la dynamique des climats de la planète. Actuellement, certaines des difficultés rencontrées dans la prévision des changements climatiques proviennent d’un manque de compréhension de la circulation océanique. Ceci est notamment manifeste dans l’océan Atlantique qui exerce une influence directe sur le climat de l’Afrique, du Brésil, de l’Europe et de la partie est de l’Amérique du Nord. Le programme Equalant, conduit depuis 1999 par l’Institut de recherche pour le développement, a pour objectif principal de mieux connaître la dynamique des courants profonds de l’Atlantique équatorial. Il a récemment été possible, pour la première fois, de décrire la structure des courants profonds le long de l’équateur, depuis les côtes brésiliennes jusqu’aux abords du golfe de Guinée grâce aux données d’une campagne océanographique (Equalant 1999).

Une des composantes majeures de la circulation océanique de l’Atlantique est un flux d’eau froide (4 °C en moyenne) – EDPNA (eau profonde nord atlantique) – qui se déplace en profondeur (entre 1500 et 4000

[Carte : Distribution verticale des jets]

mètres) depuis les mers du Labrador, de Norvège et du Groenland vers l'Hémisphère sud ; le long de la côte est du continent américain, il prend le nom de courant profond de bord ouest (CPBO). Dans le bassin ouest de l'Atlantique tropical, il longe les côtes de la Guyane française et du nord du Brésil ; puis, au niveau de l'équateur, une partie du CPBO bifurque vers l'est le long de l'équateur.

Les mécanismes gouvernant la circulation de ces masses d'eau dans la bande équatoriale et qui génèrent un système complexe de courants profonds demeuraient jusqu'à présent mal connus, du fait de très rares données disponibles.

En 1999, la campagne océanographique Equalant a permis de couvrir l'ensemble de la bande équatoriale depuis les côtes brésiliennes (35°W) jusqu'aux abords du golfe de Guinée (10°W). L'objectif était de rassembler une série de mesures physiques et hydrologiques (vitesse des courants, température, salinité), chimiques (oxygène dissous, sels nutritifs et fréons), biologiques (CO₂, alcalinité, pH, etc.) et météorologiques. Les chercheurs ont effectué ces prélèvements le long de trois radiales méridiennes (35°W, 23°W, 10°W) ; ils ont également réalisé des

[Encart : La Campagne Equalant La campagne de mesures océanographiques Equalant s'est déroulée du 13 juillet au 24 août 1999 dans l'Atlantique tropical à bord du navire de recherche « La Thalassa » de l'Ifremer. Cette campagne, organisée par l'IRD, était principalement destinée à l'étude de la variabilité de la dynamique équatoriale de surface et de subsurface et comportait un volet d'études des interactions océan-atmosphère. Ainsi, grâce à un mât instrumenté de 10 m, installé sur le pont avant du navire, une importante moisson de données de turbulence atmosphérique a été enregistrée tout au long de la campagne. Grâce à ces données et aux radiosondages réalisés, plusieurs thèmes scientifiques pourront être élaborés. Ces mesures seront en particulier utilisées pour étudier l'origine de la variabilité des échanges d'énergie, de vapeur d'eau et de quantité de mouvement entre l'océan et l'atmosphère. Les mesures océanographiques et les radiosondages lancés à l'heure de passage du satellite défilant Noaa-15 permettront aussi de contrôler la qualité des algorithmes de calcul de la température de surface de la mer par satellite. Cette campagne sera aussi précieuse pour valider et permettre une meilleure exploitation ultérieure des données recueillies par le réseau de mouillages Pirata, une des composantes possibles du futur système opérationnel d'observation des océans. Grâce au perfectionnement attendu des méthodes de calcul des échanges air-mer, des longues séries de flux océan-atmosphère pourront ainsi être constituées à partir des données des mouillages, pour étudier la variabilité du climat et valider les flux calculés ou utilisés par les modèles atmosphériques et océaniques.]
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mesures à des points fixes, non loin des bouées ancrées du réseau Pirata (Pilot Research Moored Array in the Tropical Atlantic).

L’analyse des données obtenues lors de la campagne offre aujourd’hui une meilleure compréhension de la circulation océanique profonde le long de l’équateur. Elle met en évidence sur l'ensemble de la bande équatoriale (entre 1° N et 1° S), depuis les côtes brésiliennes jusqu’aux abords du golfe de Guinée, une série de jets équatoriaux profonds « empilés » les uns sur les autres entre 500 et 2 500 mètres de profondeur, qui donne une impression de feuilletage de la colonne d'eau. Ces courants de quelques centaines de mètres d’épaisseur (500 m en moyenne) sont dirigés alternativement vers l’ouest et vers l’est. Leur vitesse maximale est de 25 cm/seconde. Au Nord comme au Sud (2° 30′ N, 2° 30′ S), ces jets équatoriaux sont environnés de courants profonds dirigés vers l’est.

Quelle est l'origine de ces courants profonds équatoriaux ? En analysant les teneurs en fréons (ou CFC, chlorofluorométhanes) de ces masses d’eau, les chercheurs ont pu déterminer leur provenance. Les fréons sont des composés synthétisés industriellement et rejetés dans l’atmosphère depuis 1940. Ils pénètrent par convection dans les mers nordiques puis se déplacent au gré des courants. Ils permettent donc de suivre le trajet des eaux froides vers l’hémisphère Sud. Les données de la campagne Equalant montrent que les teneurs maximales en fréons sont associées aux courants ou jets équatoriaux dirigés vers l’est ; ceci indique alors que ces masses d'eau proviennent de l’Atlantique Nord via le courant profond de bord ouest. En revanche, les jets équatoriaux dirigés vers l’ouest présentent des teneurs très faibles en CFC ; il apparaît alors que ces flux sont alimentés par des eaux originaires de l’est du bassin Atlantique équatorial, dépourvues de fréons. Cette analyse à haute résolution de la dynamique des courants associant des mesures hydrologiques très précises et des mesures de concentrations de CFC permet pour la première fois de décrire le système des jets équatoriaux profonds à travers l’Atlantique. Des questions restent cependant posées sur la variabilité de cette circulation profonde et son rôle sur le climat tropical et planétaire. Les chercheurs tenteront d’y répondre à l'aide d'études multidisciplinaires et de la modélisation.

[Encart : Bibliographie – Y. Gourio, C. André, B. Bourlès, S. Feudrhal, S. Arnault, A. Aman, G. Binh, Y. du Penhoat, F. Buraud, F. Galois, R. Chuchla, « Deep Circulation in the Equatorial Atlantic Ocean », Geophysical Research Letter, février 2001.]
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