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Histoire d'eau : Petite histoire de la robinetterie : robinetterie et Rome antique (Première partie)

30 decembre 2010 Paru dans le N°337 à la page 101 ( mots)
Rédigé par : Jérôme FOUQUE

Les origines de la robinetterie, encore mal connues, sont probablement très anciennes. Des vannes primitives remontant au 5ème siècle avant J.C. ont ainsi été mises au jour à l'occasion de fouilles archéologiques. Mais c'est durant la période romaine que démarre véritablement l'histoire de la robinetterie avec le développement de vannes et robinets qui ne cesseront de se perfectionner au fil des siècles et qui nous est contée ici par un spécialiste de la robinetterie moderne.

Bien avant le développement des systèmes d’irrigation les plus rustiques, les semences faites par les premières civilisations étaient dépendantes des intempéries, des inondations ou, plus simplement, à la merci des moyens disponibles d’origine humaine ou animale pour transporter l’eau. En raison du caractère incertain de ces méthodes primitives et de la dureté des tâches, les premiers cultivateurs ont cherché différentes méthodes pour mieux contrôler les flux d’eau. Nul ne sait avec certitude à quel moment sont apparues les premières vannes. Mais on peut imaginer différents scenarii. L’idée originale vient vraisemblablement de l’observation par ces premiers cultivateurs de la chute d’arbres ou de rochers dans les rivières. L’idée leur est ensuite venue de copier la nature en interposant des barrières artificielles pour détourner à leur profit l’eau des rivières. Cette idée a probablement été étendue à des systèmes d’irrigation simples utilisant la gravité et des canaux rudimentaires.

L’élément important de toutes ces innovations est l’utilisation d’un système fait de bois ou de pierre, amovible, qui pouvait être placé à l’entrée de ces canaux d’irrigation. Cette barrière constituait les prémices de ce que nous appelons aujourd’hui un robinet à opercule. Elle permettait, en un simple mouvement, de se transformer pour bloquer le passage ou détourner un fluide, ou encore de se placer en position intermédiaire pour le réguler.

Les premières traces de vannes à diaphragme : dès l’Antiquité grecque

[Photo : British Museum. Robinet en bronze à figure animale provenant certainement d’une fontaine ou nymphæum alimentée par un aqueduc.]
[Photo : British Museum. Tuyauterie en terre cuite avec son collier en acier (origine Londres).]

Les fouilles archéologiques ont permis de retrouver des exemples de vannes primitives remontant à 5000 avant J.C. dans les premières sociétés égyptiennes et grecques. Elles étaient utilisées pour détourner l'eau pour la consommation publique ou pour l'irrigation des cultures.

Les premières traces de vannes à diaphragme remontent à l’Antiquité grecque. Elles étaient faites d'un diaphragme en cuir brut et étaient manœuvrées à la main. Elles étaient utilisées, entre autres, comme vannes de contrôle pour réguler la température des bains chauds ou pour asservir le niveau d'eau sur les déversoirs.

La Grèce n’a jamais disposé de ressources importantes en eau potable. L'eau était recueillie de plusieurs façons, principalement à partir des eaux pluviales et était stockée dans des piscines naturelles qui agissaient comme des citernes. Malgré la rareté de l'eau, la technologie des aqueducs, très développée, était utilisée pour drainer l'eau des puits et des ruisseaux souterrains. Ainsi, de nombreuses villes et villages ont pu obtenir suffisamment d'eau pour l'usage courant de leurs habitants et parfois même pour l'utiliser comme élément décoratif.

Les Romains, architectes des systèmes développés d’adduction d’eau

Les Romains ont été parmi les premiers à s'engager dans le transport à grande échelle de l'eau. Ils amenèrent de l'eau à partir de sources et des rivières jusqu'aux villages, parfois sur de longues distances et en surmontant d’importants obstacles au moyen d’aqueducs. Les premiers tuyaux ont été faits à partir de bois ou de terre cuite. Puis, rapidement, le plomb, plus malléable, supplanta les autres matériaux. La plomberie romaine était suffisamment sophistiquée pour amener de l'eau dans les bâtiments individuels, ce qui a permis le développement du robinet à boisseau et du robinet d’arrêt. Les robinets étaient attachés à de grands « pipelines » au moyen de la soudure, technique que les ouvriers romains maîtrisaient très bien.

Le mot « plomberie » vient ainsi du terme latin « plumbus » qui signifie plomb. La technologie de la robinetterie a évolué sous la nécessité de pouvoir disposer d'une certaine quantité d’eau sur demande. Le principe de la vanne était alors largement

[Photo : Robinet romain.]
[Encart : Robinet : étymologie et histoire L'origine du mot robinet est incertaine. Pour certains, Robinet est le diminutif de Robin, le surnom donné au mouton au Moyen Âge. À cette époque, l'extrémité des tuyaux de fontaines était ornée d’un mascaron représentant une tête de mouton stylisée... Le terme allemand vient également du règne animal : Wasserhahn (le coq à eau). Les quatre extrémités d’un robinet suggèrent un coq aux ailes déployées. Au fil des temps, les définitions du terme ont varié : 1. 1285 : « sorte de figure qui orne le haut bout d'un instrument à cordes » (J. Bretel, Tournoi de Chauvency, éd. M. Delbouille, 2552) ; 2. 1404 : « appareil placé sur un tuyau de canalisation que l’on peut ouvrir et fermer pour régler le passage d'un fluide » (Compte de la ville d’Amiens ds Havard) ; 3. 1675, fig. « ce qui retient momentanément un flux quelconque » (Mme de Sévigné, Corr. resp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 735).]
[Photo : Clapet anti-retour remontant à l’époque romaine.]

Utilisé dans les maisons romaines et pour les bains publics.

En envahissant l'Europe, les Romains ont introduit le transport de l'eau et le concept de la vanne. Cette colonisation forcée permit de généraliser le bain dans les maisons des premières villes romaines. Il en existe encore de très nombreux exemples dans l'Europe d'aujourd'hui.

Les vannes à boisseau romaines se composaient de trois parties : le corps, un bouchon et un levier pour tourner le bouchon. Les robinets étaient de type boisseau ou d'arrêt, en bronze, aujourd'hui ASTM B67. Cet alliage avait la particularité d'être riche en plomb, ce qui leur donnait de bonnes propriétés contre les chocs et la corrosion. Ductiles, ils étaient capables d'être soudés aux tuyaux de bronze ou de plomb et disposaient de bonnes propriétés de frottement pour faciliter la rotation du bouchon. Parfois, une goupille était mise en place avec un marteau dans la vanne. Ainsi, le bouchon pouvait toujours tourner sans être enlevé. C'était là un moyen d'éviter la fraude qui semblait très répandue en ce temps-là. De nombreuses vannes percées ont été découvertes.

Les recherches archéologiques ont mis en évidence dans plusieurs villes de la Méditerranée des vannes (dont des vannes papillons) mais toutes étaient de conception analogue.

Pour les vannes papillons, les Romains utilisaient une vanne à membrane primitive, faite de cuir brut. Elle était manœuvrée à la main et servait soit sur des barrages pour contrôler le débit, soit pour réguler la température des bains.

Il existe également des preuves de l'utilisation de soupapes angulaires, robinets mélangeurs et aussi de clapets anti-retour.

Les prémices d’une normalisation

Les vannes modernes, faites de nombreuses pièces, conçues conformément à des normes internationales à l'aide de l'ordinateur (CAO), sont adaptées pour traiter des fluides qui parfois peuvent être très dangereux lorsqu'ils sont dispersés dans l'environnement (ce que les Romains ignoraient). Cependant, il a été découvert que les anciens ingénieurs romains ont aussi conçu leur tuyauterie conformément à une normalisation précise et répandue dans tout l'Empire : à l'apogée de la puissance de Rome, cet empire était plus étendu que l'Europe.

Ils avaient clairement compris qu'une normalisation (taille des tuyaux et des robinets, traçabilité des produits qualifiés) était absolument nécessaire pour leur production industrielle (il faut noter le mot production).

L'œuvre la plus remarquable reste certainement « De aquis urbae Romae » écrite par Frontinus. Les tuyaux sont classés par diamètre et portent les noms de Quin­quagenaria, Quinaria, Senaria, Septenaria, Sexagenaria, Octonaria...

Mais qui est donc Frontinus ? Sextus Julius Frontinus, politicien consul, administrateur technique, ami de Vespasien, de Titus et de Trajan, est né en l'an 30 après J.-C. Il devient surintendant de l'eau (curator aquarum) en 96. En 98, il publie un livre intitulé « De aquae ductu urbis Romae » qui décrit les principes fondamentaux régissant les aqueducs, leur histoire, les règlements, les détails techniques concernant la qualité et la répartition de l'approvisionnement en eau. Il a en outre compilé un catalogue sur les canalisations romaines, les robinets, et a codifié les dimensions standards. Les fondements de la normalisation avec 2000 ans d'avance étaient posés.

[Photo : Mécanisme de pompe. Extrait de l'œuvre de Léonard de Vinci.]

Puis, il n'y a pas eu beaucoup de progrès dans la conception de la vanne jusqu'à l'avènement de la révolution industrielle. Il faut pourtant noter les croquis du 15ᵉ siècle réalisés par Léonard de Vinci destinés à concevoir un système de canaux et d'écluses.

[Photo : Régulation automatique. Extrait de l'œuvre de Léonard de Vinci.]

La révolution industrielle allait mettre sous pression toutes ces technologies au sens propre comme au sens figuré...

Fin de la première partie

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