Jusqu’au 17ᵉ siècle, l’usage des vannes se limite à des applications très simples : faible pression, température ambiante. Ces vannes sont souvent directement taillées dans le bois et leur usage se limite au stockage de fluides tels que l'eau, la bière ou le vin. Il faut attendre la Renaissance pour que les grands principes de l'ingénierie hydraulique commencent à évoluer. Léonard de Vinci, ce génial touche-à-tout, contribue par des études systématiques sur l'impact des hauteurs d'eau à introduire la notion de perte de charge, concept indispensable à la compréhension du fonctionnement des vannes. On relève quelques travaux intéressants lors de la Renaissance mais ils se situent encore très en retrait par rapport à ce qui se prépare.
La révolution industrielle ou le début de l'histoire moderne du robinet
En cette fin du 17ᵉ siècle, en Angleterre, l'une des préoccupations majeures concerne l’exploitation des mines de charbon et plus particulièrement l’extraction de l'eau qui rend les mines de moins en moins rentables. En 1698, Thomas Savery, ancien mineur devenu ingénieur, dépose un brevet sur la première machine à vapeur à l'occasion de la parution de son ouvrage « L'ami du mineur ou description d'une machine pour élever l'eau par le feu ».
Loin de tout révolutionner, il utilise à bon escient l'ensemble des travaux menés sur la vapeur par Denis Papin, entre autres. Il est intéressant de noter que Denis Papin est l'inventeur, ou au moins l'un des grands contributeurs à la découverte de la soupape de sécurité. Son dispositif était tellement au point qu'il persista pendant des décennies.
[Photo : Machine de J. Watt - Musée des sciences de Londres.]
[Photo : Machine à vapeur “Comet” 1812 - Musée de Londres]
apparaît la machine à vapeur atmosphérique.
Tous deux avaient besoin de vannes en mesure de maintenir et de réguler la vapeur à haute pression.
Mais l'histoire, cruelle, ne retiendra qu'un seul nom, celui de James Watt. Le saut technologique est intimement lié à l'invention de Watt en 1769.
Sur la base des travaux précédents, il améliore sensiblement la machine à vapeur et en particulier la conception des vannes. En effet, la clé de voûte de sa machine réside dans les vannes automatiques « à tiroir » qui sont utilisées pour introduire la vapeur dans les pistons. Bien que de fabrication très rustique par rapport aux standards que nous connaissons aujourd’hui, leur rôle est essentiel et son invention s'impose rapidement.
Un aspect moins connu de ses travaux concerne les moyens de production qu'il va mettre en place. La première usine (factory en anglais issu de manufactory, soit manufacture) est implantée en 1795 par Watt et son associé Boulton en Angleterre (usine de Soho). Elle est dédiée justement à l'automatisation de la production de ces machines à vapeur. Il pose ainsi les bases de l'industrie moderne. Au départ, les premiers moteurs de Watt ne génèrent que 6 chevaux. Mais en moins de 20 ans, il va construire des machines pouvant délivrer jusqu'à 190 chevaux !
La vapeur acquiert avec la révolution industrielle un rôle essentiel. Ceci entraîne une demande accrue en charbon et, par conséquent, des besoins croissants en machines susceptibles de pomper l'eau des mines. En favorisant l’essor des industries lourdes, la vapeur va acquérir ses lettres de noblesse et jouer un rôle économique et social majeur durant toute la seconde moitié du 19ᵉ siècle.
C'est ainsi qu’à partir de l'eau et du feu, l'homme exploitera à l'échelle industrielle la première source d'énergie importante… 1 800 ans après Héron d’Alexandrie qui, déjà en 120 av. J.-C., amusait ses concitoyens en faisant tourner son éolipyle (du latin aeolipila, « boule d'Éole »).
Les appareils à pression alimentés par de la vapeur doivent être régulés, conférant ainsi aux vannes un rôle nouveau et essentiel. Mais ce n'est que bien des années plus tard que la production des vannes évoluera pour passer à l’échelle industrielle, indépendamment de ses diverses applications.
De la même manière que James Watt, d'autres inventeurs continuent à améliorer la machine à vapeur de Newcomen et de nouveaux concepteurs et fabricants commencent à travailler sur les vannes dédiées à ces machines. La révolution industrielle s'accélérant, les systèmes précédents s'améliorent sans cesse et, sous la pression d'une industrie manufacturière florissante, les machines à vapeur envahissent les usines.
En 1829, à Rainhill Trials, la « Rocket » (fusée) de George Stephenson remporte la compétition organisée pour relier par chemin de fer le plus rapidement possible Liverpool à Manchester. Ceci est en partie possible grâce aux améliorations apportées aux vannes qui permettent un contrôle plus précis de la quantité de vapeur d’eau entrant dans les cylindres.
D'un point de vue technique, le métier d'hydraulicien est déjà reconnu au 18ᵉ siècle. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en fournit une description très précise. Une bonne partie des lois régissant l'hydraulique sont connues dès le début du 19ᵉ siècle. Mais, si l'on examine de près les ouvrages de cette époque, on ne trouve nulle trace de vanne. Pourquoi aussi peu d'intérêt ?
La vanne va commencer à jouer un rôle important dans la seconde moitié du 19ᵉ siècle.
L’essor inexorable de la vanne
En France au 19ᵉ siècle, les ouvrages techniques de l'époque commencent à évoquer sérieusement la vanne. Dans la série d'ouvrages de référence de Jean Claudel, on trouve un chapitre dédié exclusivement à cet objet. Au cours des années suivantes, plutôt que d’être conçues comme un produit spécialisé pour correspondre à une application particulière, les vannes commencent à être construites à grande échelle sous forme de produits sur étagère pour les applications courantes et pour différents marchés. On peut citer en
[Photo : Le train “Rocket” de G. Stephenson (1829)]
[Photo : Machine à vapeur d'une industrie textile.]
1871, le brevet de Johannes Klein qui créa ensuite la société « Frankenthaler Maschinen & Armatur-Fabrik Klein, Schanzlin & Becker » qui deviendra KSB.
Les bases d'une standardisation apparaissent au travers d'un marché très porteur : le transport de l'eau. En consultant les ouvrages de l’époque, on ne peut que s’étonner du faible diamètre des robinets qui ne dépassaient pas le DN 1000 (1000 mm de diamètre). C’est que le transport de l'eau a bien évolué depuis plus d’un siècle ! L'eau était alors transportée à grande échelle via des conduites à l’air libre (non pressurisées). On ne trouvait alors des conduites « sous pression » uniquement en fin de distribution.
[Photo : Machinerie à vapeur du Tower Bridge.]
Aux États-Unis, le premier brevet portant sur une vanne concerne en 1839 une vanne à opercule et est déposé par M. Charley W. Peckam. De la même manière qu’en Europe, le marché de la robinetterie est poussé par la vapeur. Cette période voit apparaître de nombreux fabricants au travers des brevets de leurs illustres créateurs : William Teller Crane (Crane) ; Edmund H. Lunken (Lunkenheimer) ; William Powell (Powell) ; H. G. Ludlow (Ludlow) ; Rufus B. Chapman (Chapman) ; Charles Jenkins (Jenkins) ; Daniel Kennedy (Kennedy) ; and Rufus Pratt (Pratt & Cady), …
Il est intéressant de se pencher sur le cas de la compagnie Fisher. En 1880, William Fisher est ingénieur au service des eaux à Marshalltown, Iowa. L'histoire raconte qu'il dut travailler sans discontinuer durant plus de 24 heures pour maintenir manuellement la pression sur un ensemble de pompes destinées à alimenter un système anti-incendie. La régulation manuelle liée à cette application extrême lui donna l'idée d'inventer un système de régulation automatique.
La barrière des 20 bar qui nous apparaît aujourd'hui comme un standard commence tout juste à être maîtrisée. D’autres applications comme l'utilisation du gaz pour l’éclairage ou l'introduction des vannes à boules pour le transport du pétrole bouleversent encore la fin du 19ᵉ siècle. Mais malgré les extraordinaires progrès enregistrés à cette période, une ombre apparaît au tableau : les accidents sur les installations à pression se multiplient. En Grande-Bretagne, entre 1881 et 1907, on dénombre 1871 explosions de chaudières et aux États-Unis, entre 1906 et 1911, on dénombre près de 1700 explosions. En 1911, sur la base de constats de plus en plus alarmants, l'État fédéral américain crée l’ASME (American Society of Mechanical Engineering) pour essayer de donner un cadre réglementaire à la création d’enceinte sous pression (dont les robinets).
La standardisation revient alors au goût du jour, laissant de côté les travaux menés durant deux millénaires...
[Photo : Vannes (extrait de J. Claudel) pour le transport de l'eau potable.]
[Encart : Sources :
[1] The gate valve’s long history, Greg Johnson
[2] Histoire de la machine, Robert Soulard
[3] Ball valve history and mystery, site du fabricant Ham-Let
[4] The History of Control Valves, Guy Borden, Jr., & Paul G. Friedmann.
[5] Jean Claudel, Formules Tables et Enseignements usuels]