Hier déjà, elle faisait tourner nos premières industries, notamment nos forges, nos scieries, nos fabriques textiles et papetières. Sans jamais avoir vraiment quitté la scène, l'hydroélectricité revient à la « une » sous l'effet d'un intérêt accru pour les énergies renouvelables.
L’utilisation par l’homme de la force hydraulique remonte à plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.
Dès la haute antiquité, on exploitait l’énergie hydraulique des rivières et des fleuves en utilisant des moulins à eau pour moudre le grain, forger des outils ou élever l'eau.
Dans les civilisations antiques grecques et romaines, elle était utilisée pour satisfaire les besoins en irrigation.
Sa puissance était encore bien modeste et n’atteignait à peine que quelques centaines de watts, soit l'équivalent de la puissance fournie par un âne attelé à une roue.
Elle montera cependant à une quarantaine de kilowatts dès le 2ᵉ siècle après J.-C., lorsque la roue sera entraînée par sa partie supérieure.
Puis durant près de deux millénaires, le principe de la roue hydraulique évoluera peu.
Mais au moyen âge, les moulins sont tellement rentables que les seigneurs et les ecclésiastiques s’en réservent le monopole, obligeant leurs vassaux à utiliser leur moulin et à acquitter des redevances pour leur utilisation.
Vers l'an 1100, en France, on dénombre environ 20 000 moulins pour 5 millions d’habitants.
Sous l'effet de l'évolution des besoins, les techniques se développent et se perfectionnent : roue à palettes, roue horizontale, roue verticale avec engrenages, les roues hydrauliques évoluent sous l'impulsion des ingénieurs hydrauliciens qui travaillèrent sans relâche pour améliorer leurs rendements.
En 1867, Sagebien atteindra les 90 %.
Mais c’est le développement parallèle de la turbine qui marquera les derniers feux de
L'hydromécanique et les débuts de l'hydroélectricité.
Au début du XIXᵉ siècle apparaît en effet la possibilité de transformer l'énergie mécanique des roues à eau ou de leur version plus moderne, les turbines, en énergie électrique. C'est le début de l'ère de l'hydroélectricité, qui, apparaissant comme un substitut aux machines fonctionnant au charbon, fut baptisée « houille blanche ».
L'essor de la houille blanche
Cette révolution technologique est d'abord le résultat d'une succession d'innovations. La première d'entre elles, la turbine hydraulique, est due au Français Benoît Fourneyron qui remporte en 1827 le premier prix de la Société d'Encouragement pour l'Industrie pour le développement de sa roue hydraulique industrielle. Sa machine, nommée turbine (du latin « turbo » qui signifie « toupie »), est constituée de deux roues horizontales concentriques. La première, intérieure et fixe, est munie d'aubes incurvées dirigeant l'eau contre les aubes de la seconde, extérieure et mobile. Le rendement de cette toute première turbine avoisine les 80 %. Les inventeurs suivants, James Francis (1850), Lester Pelton (1880) et Victor Kaplan (1920) amélioreront encore le rendement de ces turbines qui remplaceront définitivement la roue.
La seconde innovation est celle des turbines hydro-électriques capables de transformer directement l'énergie mécanique de l'eau en électricité, grâce au couplage d'une turbine et d'un alternateur. L'énergie mécanique est délivrée par la turbine, machine motrice rotative, la conversion étant assurée par la machine réceptrice également rotative, l'alternateur. Les premiers usages industriels de ces machines hydroélectriques remontent aux années 1890 grâce à la troisième innovation, celle du transport de l'électricité sur de grandes distances, par lignes aériennes ou souterraines. Il s'agit avant tout de minimiser les pertes en ligne grâce à l'usage du courant alternatif et de mettre l'énergie à la disposition des utilisateurs grâce à des systèmes complexes de transformateurs et d'interrupteurs. Avec ces nouvelles méthodes de conversion et de transport, l'utilisation de l'énergie s'affranchissait non seulement de la géographie et du cours capricieux des fleuves, mais aussi de la lourde logistique d'une industrie charbonnière coûteuse et polluante.
En 1868, Aristide Bergès canalise une première chute de 200 mètres de dénivellation. Cette chute est mise sous pression avec succès en septembre 1869 et alimente une papeterie. Fort de succès, il exploite en 1882 une nouvelle chute de 500 mètres, puis aménage en 1886 le lac du Crozet en créant un barrage pour régulariser le fonctionnement de la papeterie. En 1897, il perce le lac du Crozet à 25 mètres sous le niveau maximum des eaux et atteint une puissance maximum utilisable de 5 400 chevaux soit 3,97 MW, une puissance énorme pour l'époque. L'ère des grands aménagements hydrauliques débute. Les industriels comprennent rapidement tout le bénéfice qu'ils peuvent tirer de cette nouvelle source d'énergie. Les villes, quant à elles, s'équipent en éclairage public. En 1889, un barrage sur la Garonne produit 2,7 MW.
d’énergie électrique à partir d'une chute de 4,5 mètres de hauteur. En Suisse, dans le canton de Vaud, toujours en 1889, on installe la plus grande usine hydroélectrique du monde sur une chute de 170 mètres de hauteur.
Mais si cette houille blanche utilise une source d’énergie gratuite et renouvelable, elle nécessite au préalable des investissements et des aménagements hydrauliques très lourds, en particulier avec la construction de retenues importantes derrière de grands barrages.
Des aménagements hydrauliques très importants
Très vite, l’hydroélectricité fut favorisée par la diminution de l’offre en charbon mais désavantagée par l’importance des investissements requis pour la construction des barrages et par le nombre limité de sites exploitables. Pourtant, avec la houille et le pétrole, elle sera le troisième pilier du développement industriel jusqu’en 1960. L’équipement hydroélectrique de la France se met peu à peu en place après la première Guerre Mondiale dopé par la loi du 16 octobre 1919 qui régit le développement de l’hydroélectricité et favorise une croissance rapide du parc installé. 51 barrages sont ainsi édifiés entre 1920 et 1940 si bien qu’en 1938, l’hydraulique représente 50 % de la production électrique française. Les ouvrages de Bissorte en Maurienne (1935) ou de la Girotte (1945) dans le Beaufortain annoncent la création des grandes retenues montagnardes offrant des réserves d’eau suffisantes pour pallier les inconvénients de l’étiage hivernal. Après-guerre, sont construits les barrages d’Aussois (Plan d’Aval, 1950 ; Plan d’Amont, 1956), de Roselend (1956), du Mont Cenis (1968) ou encore de Grand’Maison (1985). Un lien entre hydroélectricité et développement touristique apparaît. La ressource énergétique locale s’avère déterminante dans le décollage de certaines stations de sports d’hiver. À la production hydroélectrique s’ajoutent des fonctions complémentaires et une diversification des usages de l’eau : les retenues d'altitude deviennent des lieux attractifs.
Le 27 mai 1921 est votée la « loi Rhône » approuvant un programme d’aménagement du fleuve, de la frontière suisse à la mer. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR), crée 19 aménagements sur le Rhône entre 1935 et 1986.
Les techniques progressent vite. En génie civil, les barrages passent de quelques dizaines à 300 mètres de hauteur en un siècle avec des coûts et des délais en baisse grâce aux progrès de la compréhension des phénomènes mécaniques et hydrauliques mais aussi grâce aux progrès des machines et des équipements de mise en œuvre. Une meilleure connaissance de la mécanique des roches et des tunnels facilite la création d’ouvrages souterrains permettant de créer des chutes d’eau de grandes hauteurs. Les puissances des turbines et des alternateurs atteignent 500 MW par unité. L’équipement des vallées alpines et du Rhône s’achève dans les années 1950, avec notamment la réalisation des barrages de Donzère-Mondragon et de Bollène. Jusqu’au début des années 1960, l’hydraulique restera la principale source d’électricité, supplantée ensuite par l’électricité d’origine thermique (charbon, pétrole), puis à partir des années 1980, par l’énergie nucléaire, l’une comme l'autre également grandes utilisatrices d’eau. Le nombre de barrages hydro-électriques mis en service au cours de chaque décennie depuis le début du XXᵉ siècle culminera à 65 unités environ dans les années 1950, témoignant du grand effort d’équipement.
qui a suivi la deuxième Guerre Mondiale.
Aujourd'hui, l'hydraulique représente 12 % de la production totale d’électricité française avec une capacité de production de 70 TWh en année moyenne. La puissance installée avoisine les 25,4 GW, soit 22 % de l'ensemble des centrales contribuant à l'alimentation des réseaux publics d'électricité. Elle se répartit entre les grands barrages et centrales et les installations domestiques, dites de petite hydroélectricité. Avec près de 2 000 petites centrales réparties sur tout le territoire, la petite hydroélectricité représente une puissance installée de 2 GW. Ces installations produisent en moyenne 6 à 7 TWh/an, soit environ 10 % de la production d'origine hydraulique, ce qui équivaut à la consommation électrique annuelle, hors chauffage, de plus de 2 millions de foyers et permet l'économie de 2,5 millions de tonnes de CO₂.
Selon un rapport remis au Ministère de l'Économie, la France pourrait fabriquer 13,4 TWh d’énergie hydroélectrique de plus en aménageant ses installations actuelles ou en en construisant de nouvelles. Pourtant, l'hydroélectricité tend à voir sa part diminuer dans le bouquet énergétique national.
L’hydroélectricité : l’énergie du développement durable ?
L'idée selon laquelle l’électricité d’origine renouvelable repose surtout sur le développement de nouvelles filières, telles que la filière éolienne ou la filière photovoltaïque est assez répandue. C'est oublier qu’en dehors d'un coût de production encore élevé, le principal handicap de ces filières reste leur caractère intermittent : pas d’électricité éolienne quand il n’y a pas de vent et pas d’électricité photovoltaïque en absence de soleil. Or, l’électricité ne se stockant pas, la demande électrique ne s’exprime pas en termes de TWh (énergie), mais plutôt de MW (puissance) à un moment donné. Ce qui implique que puisque le consommateur n’est pas prêt à attendre du vent ou de la lumière pour obtenir de l’électricité, ces filières ne peuvent pas s’envisager de manière autonome, mais seulement couplées avec des moyens de production de secours mobilisables rapidement, en cas d'absence de vent ou de soleil.
L'hydroélectricité, pour peu que son développement soit mené dans le respect de l’environnement et notamment des cours d'eau et milieux aquatiques, présente plusieurs atouts : il s’agit d’une source d'énergie renouvelable et nationale. Elle permet un stockage de l’électricité et apporte ainsi une contribution appréciable à la stabilité du système électrique. Elle n’est pas productrice de gaz à effet de serre, ni d'autres gaz polluants. Son développement repose largement sur la valorisation et l'optimisation d'infrastructures souvent déjà installées. Aussi, l’hydroélectricité qui pouvait sembler jusqu’à peu relativement négligée par rapport aux autres moyens de production d’électricité, est redevenue aujourd'hui la composante incontournable d'une politique de développement des énergies renouvelables, de renforcement de la sécurité d'approvisionnement et de lutte contre l’effet de serre. Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, un objectif de production d’électricité hydraulique supplémentaire de 0,6 Mtep a été fixé afin d'atteindre une part de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation nationale en 2020.