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Histoire d'eau : Petite histoire de l'approvisionnement en eau de Paris

30 novembre 1998 Paru dans le N°216 à la page 65 ( mots)

Indispensable à la vie, l'eau est la compagne obligée de l'homme : constitué de 65 à 70 % d'eau, il a besoin dès sa conception, pour grandir et subsister, de puiser à la source de cet élément liquide. Son existence y est étroitement liée, et l'on retrouvera toujours trace de son passage à proximité directe d'un cours d'eau, d'un ruisseau, d'une rivière ou d'une source.

[Photo : Le réservoir de Ménilmontant reçoit son eau des environs de Château-Thierry par l’aqueduc de la Dhuis, enterré sur tout son parcours (131 kilomètres pour un dénivelé de 20 mètres).]

Lutèce, petit village né sur une île, s’épanouira au fil des temps, le long des berges de la Seine. Progressivement, la population augmentant, les limites de la Cité débordent rapidement des îles et déjà à l’époque gallo-romaine, les habitations s’écartent du fleuve. C’est sans doute lorsque la montagne Sainte-Geneviève fut habitée que se posa, pour la première fois, le problème de la distribution de l’eau.

De qualité médiocre, en quantité trop faible, elle ne satisfera pas les Romains, grands consommateurs d’eaux, pour alimenter leurs thermes et bains publics. Experts en travaux hydrauliques, ils entreprennent la construction de l’aqueduc d’Arcueil qui, dès le IVe siècle, amène à la Cité par la Voie Romaine d’Orléans – l’actuelle rue Saint-Jacques – de 1 500 à 2 000 m³ d’eau par jour, en provenance des sources de Rungis. Long de 16 km, il alimente, outre le Palais des Thermes, les établissements publics du quartier latin, tels le théâtre de la rue Racine et le temple de la rue Soufflot.

Au début du XIIIe siècle, des travaux de captage sont entrepris par les religieux du Prieuré Saint-Lazare. Un aqueduc, partant des sources du Pré-Saint-Gervais, alimentera leur léproserie, puis quelques fontaines publiques dont la fontaine des Halles. De même, les moines de Saint-Martin-des-Champs captent celles de Belleville pour amener l’eau à leur communauté et à celle toute proche des Templiers. Cet aqueduc alimentera également plusieurs fontaines publiques, dont la fontaine Monbuée, « mauvaise lessive », appelée ainsi en raison de la forte teneur en calcaire de son eau.

En 1553, Paris comptait 250 000 habitants. Le volume total d’eau produit était de 900 m³ par jour. On distribuait tant bien que mal un litre par habitant ! Un important effort de distribution d’eau fut alors déployé sous le règne d’Henri IV, pour assurer un minimum vital aux Parisiens. Mais malgré ses efforts la pénurie d’eau se faisant toujours cruellement sentir, le roi décida en 1608 de faire construire sur la Seine, à la hauteur du Pont-Neuf, une pompe dite « de la Samaritaine » qui, actionnée par la force du courant, amena l’eau dans un réservoir situé au-dessus du pont. Grâce à un débit d’environ 700 m³ par jour, il alimentera le

[Photo : L’aqueduc de Médicis XVIIᵉ siècle : commencé en 1613, sa construction dura 10 ans.]

Louvre, les Tuileries, diverses concessions et de nouvelles fontaines.

Marie de Médicis réalisera un deuxième projet nourri par le défunt roi, en amenant les eaux de la source d’Orly par un nouvel aqueduc d’Arcueil, qu’elle inaugurera avec Louis XIII en 1613. Il alimentera le Palais du Luxembourg, l’institut des sourds-muets et le couvent des Carmélites, ainsi que plusieurs fontaines.

En 1689, un moulin à blé situé sur la Seine est transformé en établissement hydraulique. Grâce à cette pompe “Notre-Dame”, 21 fontaines et 81 concessions seront alimentées. Il faut savoir qu’une concession est un don très précieux accordé par le Roi, tant l’eau, véritable trésor, est rare. Elles sont donc réservées en priorité aux grands de la Cour et aux communautés religieuses. Ces branchements directs sur les aqueducs et les fontaines constituent en fait l’une des premières formes de distribution de l’eau à domicile. Le peuple, lui, s’alimente soit directement dans la Seine, soit aux fontaines encore bien rares. Quant au bourgeois, il se fait livrer à domicile, et l’on voit apparaître un nouveau métier, celui de porteurs d’eau…

Pourtant, quelques années plus tard, Colbert fait installer d’autres pompes hydrauliques sur la Seine. La production d’eau augmente, elle atteint 4 000 m³ par jour, pour 500 000 habitants, soit 8 l/jour.

À la fin du XVIIIᵉ siècle, la qualité de l’eau s’améliore, grâce à la microbiologie. En 1778, les frères Périer fondent la “Compagnie Royale des Eaux”, société par actions, dont le but est d’alimenter en eau chaque rue, et par là même, les maisons particulières. Ils décident également d’installer dans les rues des robinets pour le nettoyage des voies publiques et l’extinction des incendies. Malheureusement, cette entreprise ne vécut que quelques années et devra cesser ses activités le 31 mars 1788 à la suite d’un litige survenu entre les frères Périer et les porteurs d’eau.

Dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte se montrera sensible au problème de l’alimentation en eau de Paris. Il décidera la construction du canal de l’Ourcq (70 000 m³ par jour). L’arrêté des consuls de Prairial, an XI, ordonne la fusion des eaux du Roi (Samaritaine et Arcueil) avec celles de la ville (les autres sources). L’ensemble sera placé en 1807 sous l’autorité du Préfet de la Seine. Toujours à la recherche de nouvelles ressources, on entreprend, sous l’impulsion de Napoléon, la construction du canal de l’Ourcq pour alimenter Paris en eau potable.

[Photo : Le regard n° 4 de l’aqueduc de Médicis : à chaque regard une chute de 15 à 30 cm contribuait à dissoudre une partie de calcaire en excès.]
[Photo : Le réservoir de Montsouris (202 000 m³) : l’eau arrive au réservoir à la vitesse de 2,25 m/s après 72 heures de transport par la source la plus éloignée, près de Sens, et 38 heures pour les eaux de la région de Fontainebleau.]
[Photo : En 1872, l’Anglais Richard Wallace offrit de doter la ville de 50 fontaines à boire pour permettre aux passants de se désaltérer. Nombreuses sont celles qui subsistent aujourd’hui.]
[Photo : Les égouts de Paris : garantir la pérennité des ouvrages.]

Louis-Philippe la construction de plusieurs puits artésiens. Le forage du puits artésien de Grenelle, à 600 mètres de profondeur, inauguré en 1841, donnera une eau tiède et ferrugineuse. Enfin, de nombreuses conduites apportent à tous les immeubles, à partir d'une fontaine située dans la cour de chaque habitation, cette eau tant attendue.

Les Parisiens ont donc de l'eau, mais de quelle qualité... La Seine reçoit tous les effluents de la ville, les puits s’infectent, le canal de l’Ourcq est pollué et les épidémies se succèdent, le choléra, la typhoïde déciment les habitants.

L’année 1854 sera décisive. Le Baron Haussmann, Préfet de la Seine, confie à l’ingénieur Belgrand la tâche de restructurer le système d’approvisionnement en eau de la capitale. Il créera deux réseaux distincts pour l'eau potable et l'eau non potable. Parallèlement, des sources sont captées dans le Bassin Parisien et dans le Bassin de la Marne. Les eaux sont recueillies dans trois réservoirs à Ménilmontant, à Montsouris et à Saint-Cloud.

Entre 1863 et 1900 ce sont plus de 600 kilomètres d’aqueducs qui sont construits pour transporter l'eau des sources vers Paris.

Au début du XXe siècle, pour satisfaire la demande qui ne cesse d’augmenter deux usines d'eau potable sont construites, l'une sur la Seine à Ivry et l'autre sur la Marne à Joinville. La technique de la filtration sur sable progresse. Le système actuel est presque bâti. Il ne reste qu’à lui ajouter, en 1969, une nouvelle usine à Orly, et à piloter l'ensemble depuis un poste central de Commande et de Contrôle, fonctionnant 24 heures sur 24. Modernisées ou reconstruites depuis, elles mettent en œuvre les filières de traitement les plus modernes et permettent à la ville de diversifier sa ressource.

[Photo : L'usine d'eau potable d'Ivry, entièrement rénovée, met en œuvre des filières de traitement très complètes.]

Le 1er janvier 1985, Jacques Chirac, alors Maire de Paris, confia la distribution de l’eau, pour la rive droite, à la Compagnie des Eaux de Paris (filiale de la Compagnie Générale des Eaux) et pour la rive gauche, à la Société eau et Force-Parisienne des Eaux (filiale de la Lyonnaise des Eaux).

Depuis le 1er février 1987, la S.A.G.E.P., Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris, société d’économie mixte dont la Mairie de Paris détient 70 % du capital, a la responsabilité de l’approvisionnement en eau de la capitale. Elle produit l'eau de Paris, contrôle et coordonne sa distribution. La mise en œuvre d'un vaste programme de 3 milliards de francs a permis une modernisation complète du dispositif d’approvisionnement de Paris en eau, tout en maintenant le coût du service à un niveau raisonnable. La Sagep est dotée de ses propres laboratoires de contrôle mettant en œuvre les techniques les plus sophistiquées.

Des goûteurs d’eau évaluent systématiquement les qualités olfactives et gustatives de l'eau produite. Les rivières sont surveillées en permanence grâce à un réseau d’alerte et de contrôle. Des liaisons d'eau brute entre les usines permettent de faire face aux situations les plus difficiles.

N’en déplaise à nos ancêtres Romains, chaque jour, les Parisiens consomment en moyenne 750 000 m³ d'eau potable. Cette eau provient pour moitié d’eaux souterraines captées dans les régions de Sens, Provins, Fontainebleau et Dreux et acheminées gravitairement vers Paris par 600 kilomètres d’aqueducs, et pour moitié d’eau de surface potabilisée dans trois usines conçues pour fournir chacune jusqu’à 300 000 m³ d’eau par jour. Cette eau est stockée aux portes de Paris dans 5 réservoirs d’une capacité totale de 1 200 000 m³ environ.

Elle est ensuite acheminée jusqu’au robinet des Parisiens à travers 1 800 kilomètres de conduites. Paris dispose également d’un réseau d’eau non potable, séparé du réseau d'eau potable, destiné à fournir les 400 000 m³ d’eau nécessaires chaque jour pour assurer la propreté des rues, le nettoyage des égouts ainsi que l’arrosage des jardins publics. Cette eau, non potable, est directement pompée dans la Seine et le bassin de La Villette et ne subit qu'un simple tamisage-dégrillage.

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