De nouvel les études basées sur des données acquises par les sondes Phoenix et Mars Reconnaissance Orbiter confirment ce que les scientifiques subodoraient depuis quelques années déjà. À savoir que très tôt dans son histoire, la planète Mars a été recouverte de vastes réservoirs d'eau liquide où la vie a très bien pu apparaître puis prospérer.
5 mai 2008, 23h46 GMT.
À plus de 20 000 km/h et à une altitude de 125 km, Phoenix frappe avec une violence extrême les hautes couches de l'atmosphère martienne.
Après avoir parcouru près de 680 millions de kilomètres depuis son lancement le 4 août 2007, elle se prépare à se poser à proximité du pôle nord martien.
Au Jet Propulsion Laboratory à Pasadena, en Californie, la tension est à son paroxysme. C'est que plusieurs sondes à destination de Mars ont été perdues lors de cette phase délicate.
Phoenix n’est d’ailleurs rien d’autre que le fruit d’un assemblage de deux anciennes sondes : Mars Polar Lander qui s'est écrasée dans les ultimes phases de l'atterrissage en 1999 et Mars Surveyor 2001, qui, suite à cet échec, n’a jamais été lancée…
La sonde Phoenix qui doit se poser sur la planète Mars en ce 26 mai 2008 a été en quelque sorte bricolée à partir des composants restants de ses deux ancêtres.
Résistera-t-elle aux contraintes inouïes d'un atterrissage dans cette région martienne encore inexplorée ?
Le contact avec la surface des plaines de Vastitas Borealis de la région polaire de la planète rouge aura finalement lieu quelques minutes plus tard, à 23h53 GMT.
Mais ce n'est que 15 minutes plus tard — le temps qu'il faut au signal pour parcourir à la vitesse de la lumière
les 276 millions de km séparant Mars de la Terre — que retentiront les cris de joie des ingénieurs présents dans la salle de contrôle de la Nasa. La mission, qui doit durer 90 jours, appartient à une nouvelle classe de missions martiennes. Elle est une traduction concrète du fameux concept « Faster, better, cheaper » développé autour d’un objectif fondamental en ligne avec les découvertes les plus récentes. Dans le cas de Phoenix, ce sont les résultats scientifiques de Mars Odyssey, qui avait détecté de vastes concentrations de glace, qui sont à l’origine du projet. La sonde est dotée d’instruments qui, en analysant la composition du permafrost, sont capables de détecter des molécules, notamment de carbone et d’hydrogène, des éléments nécessaires à la vie. Elle est aussi dotée d’une caméra et capable de déployer un bras articulé de 2,35 m, capable de creuser à une profondeur d’un mètre dans le sol. Un des instruments du bras peut chauffer les échantillons pour détecter des substances volatiles comme l’eau, le fil rouge de l’aventure martienne.
L’eau : le fil rouge de l’aventure martienne
On sait, sur les bases de nos connaissances théoriques actuelles, que la présence d’eau liquide stagnante en surface de la planète Mars est impossible. En cause : la température et la pression atmosphérique, bien trop basses pour que l’eau puisse subsister à l’état liquide. Mais un consensus existe sur la présence d’eau sur la planète rouge dans le passé.
Beaucoup d’indices troublants attestent que de l’eau liquide a coulé sur Mars, sur une période suffisamment longue pour avoir créé des réseaux hydrographiques hiérarchisés, occupé des lacs voire des océans. Les images haute résolution de Mars Global Surveyor ont révélé des dépôts stratifiés dans un grand nombre de dépressions topographiques fermées dont certaines d’origine tectonique. La présence d’hématite, un minéral issu de l’altération aqueuse de l’olivine, plaide également en faveur d’une présence ancienne d’eau.
À une époque reculée, Mars a-t-elle connu des lacs, rivières, fleuves et océans ? C’est probable. Qu’est devenue cette eau ? En raison de la faible gravité qui règne sur la planète rouge, des quantités considérables d’eau se seraient sublimées, c’est-à-dire échappées dans l’espace au cours du temps. La vapeur d’eau (H2O) se serait décomposée par le rayonnement ultraviolet du Soleil dans la haute atmosphère et les atomes d’hydrogène (H) formés, très légers, auraient échappé à l’attraction gravitationnelle de Mars. Selon certains chercheurs, près de 90 % de l’eau évaporée dans l’atmosphère aurait été perdue par ce mécanisme.
De nombreux scientifiques pensent cependant qu’une grande partie de l’eau originelle se trouve encore emprisonnée dans la croûte martienne sous forme de pergélisol, un mélange de glace et de roches. Les observations de la sonde Mariner 9 montrent dès 1971 la présence d’eau dans le sous-sol de Mars (voir E.L.N. n° 269). En 1999, la sonde Mars Global Surveyor révèle à son tour de surprenants paysages, essentiellement dans les hautes latitudes australes. Les faces exposées au sud des cratères et vallées, donc les plus froides, sont parcourues de petites ravines. Ces ravines ne dépassent pas 2 km de long et quelques dizaines de mètres de large, semblent souvent sortir de sources situées sous la surface. Surtout, elles sont très jeunes (moins de 1 million d’années), car elles ne sont jamais recoupées par les impacts météoritiques et recoupent au contraire souvent des dunes. Quant à la sonde Mars Odyssey, grâce à un spectromètre à neutrons embarqué, elle permettra aux scientifiques d’établir en 2001 une première carte présentant la répartition de l’hydrogène dans le sous-sol martien, l’hydrogène étant utilisé comme marqueur de la présence d’eau. Celle-ci a révélé de très fortes teneurs en H2O dans le premier mètre du sol martien : jusqu’à 60 % d’H2O dans les hautes latitudes. Mais c’est finalement le bras articulé de Phoenix qui montrera pour la première fois aux scientifiques du monde entier l’eau martienne.
L’eau martienne vue et analysée pour la première fois
Le 26 juillet 2008, la sonde met en évi
Peu à peu, on obtient ainsi confirmation de ce que l'on pressentait : de l'eau a coulé sur Mars et elle a coulé suffisamment longtemps pour altérer les minéraux de la planète et y constituer d'épais dépôts sédimentaires.
La mission observe également le ciel. Le 17 septembre, Phoenix détecte de la neige tombant des nuages martiens à environ 4 km au-dessus du site d'atterrissage. Les données montrent que la neige se vaporise avant d'atteindre le sol. C’est la première fois qu’un tel phénomène est observé sur Mars depuis les premières expéditions robotisées dans les années 70.
Mais à la fin du mois d’octobre 2008, malgré l'environnement hostile de la planète rouge, la sonde a déjà dépassé de deux mois sa durée de vie initiale. Dans la région arctique de Mars, à l’approche de l’hiver, les températures peuvent descendre jusqu'à −133 °C. Les panneaux solaires.
panneaux solaires de Phoenix rechargent de plus en plus difficilement les batteries de la sonde. Pour économiser l'énergie et achever les analyses avant que les réserves d'énergie de Phoenix ne s'épuisent, les ingénieurs coupent plusieurs instruments. Cela ne suffira pas : le 2 novembre, la sonde cesse d'émettre. Les responsables de la Nasa essaieront de rétablir le contact jusqu'au 10 novembre, date à laquelle ils la déclareront officiellement morte.
Mais l'aventure de l'eau continue. En novembre 2008, quelques jours à peine après la fin de la mission Phoenix, c'est au tour de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter de mettre en évidence de vastes glaciers enterrés à des latitudes moyennes, rappelant ceux détectés sur Terre, sous les socles rocheux dans l'Antarctique. Un de ces glaciers serait trois fois plus étendu que la ville de Los Angeles et épais de plus de 800 mètres ! Plus intéressant encore, le fait que ces glaciers se situent dans les mêmes latitudes entre 35 et 60 degrés dans les deux hémisphères laisse penser qu'ils ont résulté d'un mécanisme climatique. La sonde Mars Odyssey avait déjà fourni la preuve de l'existence d'anciens océans vieux de plusieurs milliards d'années. Deux grands océans, l'un de la taille de l'Amérique du Nord, l'autre équivalant à 20 fois la mer Méditerranée auraient ainsi baigné la surface martienne durant plus d'un milliard d'années. Selon les scientifiques, il est donc probable que dans un passé lointain la planète rouge a connu des températures plus clémentes capables d'abriter une forme de vie. Reste à savoir si des éléments organiques y sont encore présents...