Situation géographique
Située en Flandre maritime ou Boulonnais - pays bordant la mer et protégé par un cordon de dunes - la zone est un vaste triangle dont les sommets sont matérialisés par Dunkerque, Calais et Saint-Omer. Près de 100 000 hectares de terres basses qui se trouvent sur l'embouchure de la rivière Aa, fleuve côtier désormais canalisé.
Cette zone ou «anneaux d'eau» est parcourue par les chemins d'eau (Watergangs), qui déroulent plus de 1 000 km de canaux de drainage ou d'irrigation. Le tout est situé à une altitude moyenne inférieure au niveau de la haute mer, de sorte qu'à l'origine plus de 60 km de littoral se trouvaient inondés à chaque marée sur une profondeur pouvant atteindre 15 km.
Produit de l'action conjuguée de l'homme et de la nature, se présentent comme une zone d’équilibre fragile entre terres agricoles fécondes et zones humides naturelles. Cet équilibre n'est maintenu que grâce à la maîtrise de l'eau. Mais cette maîtrise représente en vérité un compromis entre des points de vue différents, voire opposés selon que l'on interroge l'agriculteur, le marinier ou l'habitant d'une zone urbaine.
L'ensemble du dispositif hydraulique, bâti et perfectionné au fil des siècles, représente les différentes facettes de cette maîtrise.
Évacuer les crues à la mer, faire barrage aux entrées d'eau marine à marée haute, maintenir le plan d'eau à niveau constant en période humide, retenir l'eau douce en période sèche et, enfin, permettre la navigation sur les canaux principaux, tels sont les préoccupations des habitants.
* Extrait d'une documentation de la société ITT Flygt.
La surface agricole utile est encore estimée à 60 000 hectares dans cette zone où résident quelque 430 000 habitants sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Note d'histoire
Les tentatives d'assèchement débutèrent au VIIe siècle, mais c'est au XIIe que furent entrepris les premiers grands travaux de protection contre la mer. Un préalable pour la mise en valeur de cette région dont l'altitude varie entre -2 et +5 mètres par rapport au niveau de la mer.
C'est Philippe d'Alsace, Comte de Flandre et de Vermandois, qui, par ordonnance de 1169, décide le desséchement sur tout le littoral. Il commence par définir avec précision la «Terra nova», terre qui a été soustraite à l'impétuosité des flots de la mer et des inondations par l'homme et avec ses deniers. Il divise ensuite le territoire en «Wateringues», dont il confie l'administration aux abbés des quatre Abbayes de Saint-Omer, Furnes, Dunes et Bergues. Ces abbés prennent le titre de Opperwater grafts, soit comtes supérieurs des eaux.
Après la construction de la digue entre Dunkerque et Gravelines par Jean-sans-Peur, Duc de Bourgogne, le magistrat de Saint-Omer envoie des ingénieurs en Hollande étudier le système employé pour assécher les polders. C'est l'origine, dès 1426, du premier dispositif de pompage avec l'installation d'un moulin d'épuisement.
L'organisation se perfectionne au fil des siècles, malgré les retours en arrière provoqués par les «inondations stratégiques» que maint général a utilisées de manière totale ou partielle, ruinant à coup sûr le pays avant de vaincre son ennemi. C'est malheureusement ce qui se produisit en 1944, lorsque les Allemands employèrent dès le 6 juin les inondations à l'eau de mer pour compléter instantanément le Mur de l'Atlantique. Cette submersion du patrimoine agricole est particulièrement redoutée des habitants lorsqu'elle se produit à l'eau de mer. L'effet du sel interdit ou freine en effet la culture pendant plusieurs années.
La Révolution Française également aura eu, entre autres effets, de démanteler l'organisation des sections pour y substituer la division administrative par départements. Malheureusement l'organisation départementale se révélera incapable de financer et de maintenir les équipements nécessaires à l'équilibre de cette zone fragile.
Les installations des écluses de Mardyck répondent aujourd'hui aux divers conflits d’usage entre navigation fluviale et agriculture. La station de pompage principale permet à raison de 25 m³/s d’évacuer au plus vite les eaux de ruissellement, tout en maintenant un niveau convenable pour la navigation. La station annexe de 20 m³/s a pour rôle d’empêcher le retour d’eau de mer vers lors des sassements à marée haute.
Les habitants veillent jalousement sur ce patrimoine que l'on n’hésite pas à qualifier de «chef d’œuvre», en précisant que «malgré les énormes progrès techniques... le sol de la région est toujours situé au-dessous du niveau de la mer» justifiant la pérennité de cette organisation originale, qui a fait la preuve de son efficacité.
Les stations de pompage
100 000 hectares sauvés des eaux par 100 stations de pompage
Les mariniers qui empruntent les écluses de Mardyck, comme les pêcheurs qui taquinent carpes et brèmes au bord du canal à grand gabarit, sont souvent étonnés par une curieuse cascade qui s’anime à marée haute, entre canal et zone pétrolière.
[Photo : Ouvrages généraux d’évacuation des eaux.]
[Photo : La station de Mardyck (débit 25 m³/s).]
[Photo : La station Tixier II (débit 6 m³/s).]
Cette cascade, ou plus exactement, ces six cascades qui jaillissent au-dessus du niveau du canal, ne sont autres que les six pompes submersibles à hélice de la station de pompage des écluses de Mardyck équipée par Flygt, l’un des ouvrages majeurs de régulation du niveau de l’eau dans la zone Wateringues françaises.
Avec un débit de plus de 25 m³/s à une hauteur de 4,7 m, cette station a été réalisée en 1983 permettant notamment de faire face à la crue de 1988. Grâce à elle et à de nombreux autres ouvrages, cette région des Wateringues, particulièrement exposée au risque d’inondation, a passé sans encombre les crues très importantes de fin 1993, crues qui ont provoqué d’importants dommages dans nombre de régions françaises.
Comme le rappelle Didier Delaval, chef du service de l’hydraulique agricole à Saint-Omer : « Lors de cette crue, d’une période de retour estimée à 30 ans, le pompage sur les stations principales a été permanent entre le 10 décembre 1993 et le 20 janvier 1994. Les ouvrages ont donc été utilisés au maximum de leur capacité ».
Au prix d’une dépense temporaire en électricité, ces ouvrages ont démontré leur efficacité pendant la crue d’une part, en maîtrisant les débordements et, d’autre part, après la crue en permettant de revenir rapidement à une situation normale. Au 10 avril 1994, les dépenses d’énergie électrique s’élèvent à 3 MF pour une prévision annuelle budgétaire de 2,4 MF. Cette somme, même importante, est, bien entendu, sans commune mesure avec l’ensemble des frais occasionnés dans les zones sinistrées.
Il faut préciser que pour la seule station de Mardyck, qui pompe en année normale 10 à 20 millions de m³, ce sont plus de 100 millions de m³ qui ont été rejetés à la mer en l’espace d’un mois et demi.
Les pompes submersibles
Dès le début des années 80, la technique Flygt des pompes submersibles a été adoptée par les ingénieurs des Wateringues, tant pour le très haut rendement de ces machines que pour le coût global deux à trois fois plus bas des stations de pompage.
Les années de collaboration fructueuse entre les ingénieurs prescripteurs du Port autonome de Dunkerque, le service ingénierie de Flygt et les services d’exploitation ont permis de développer et de mettre au point de toutes nouvelles solutions qui ont fait ou feront école.
À ce titre, les stations des Quatre Écluses et de Tixier permettent de comparer les solutions traditionnelles à la solution des pompes submersibles en tube. Lorsque de surcroît les machines sont intégrées aux portes d’écluse, on atteint le summum de l’élégance technique et de l’efficacité.
En complément de ces grands ouvrages de pompage, il convient d’ajouter les « portes à la mer », les vannes automatiques et enfin le partiteur de Watten qui permet de soulager l’écoulement gravitaire de l’Aa en dérivant jusqu’à 20 m³/s vers la station de Mardyck.
Au total les collectivités de Wateringues Nord et du Pas-de-Calais ont financé et construit 90 stations « hydro-agricoles » dont elles assurent le fonctionnement. Le débit de ces stations, dont la plupart ont été construites ou rénovées depuis le début des années 80, s’échelonne de 15 l/s à plus de 3 000 l/s.