Le département des Pyrénées-Orientales connaît une expansion de la pêche dans les eaux intérieures, sur la côte aussi, mais cela est une autre histoire. La Fédération de ce département est une des rares qui voit s’accroître le nombre de ses adhérents en 1992 et aussi depuis 25 ans. Cette ressource touristique importante pour l’arrière pays est aujourd’hui ravagée sans que personne ne lève le petit doigt. Que peut faire seule une Fédération comptant uniquement 12 000 pêcheurs ?
La nuit du 26 septembre
Des orages violents éclatent dans la soirée sur la région du Canigou. Les rivières voient leur débit augmenter très rapidement. Des arbres morts, d’autres déracinés, forment barrage ici ou là, notamment à l’amont des ponts. L’eau s’accumule et tout à coup le barrage lâche : c’est alors une lame d’eau de 4 à 5 mètres de haut qui déferle vers l’aval, arrachant tout sur son passage, rochers déstabilisés, arbres déracinés.
Sur la Rotja, les vagues ainsi provoquées ont arraché des ponts, emporté les chemins et submergé totalement la pisciculture de Sahorre, dont l’accès a été rendu impossible autrement qu’à pied durant plus de six mois…
D’autres précipitations sur la vallée de l’Aude, dans les environs de Couiza, ont provoqué une crue tout aussi terrifiante dans la vallée de la Boulzane, puis de l’Agly.
Des rivières ravagées
Immédiatement après les crues, la Fédération a fait procéder à un sondage, de manière à appréhender l’ampleur des dégâts. Le constat est terrible : 240 km de cours d’eau de première catégorie détruits à plus de 80 % et près de 150 km en deuxième catégorie. Il faut aussi ajouter plus de 100 km de première catégorie et 41 km de deuxième catégorie détruits à plus de 50 %.
Les vallées du Tech, de la Têt et de l’Agly sont quasiment détruites. Les sondages piscicoles faits dans ces eaux ont donné des résultats négatifs. Les poissons ont disparu dans la plupart des secteurs pêchés mais, plus grave, le lit des rivières est recouvert de sable, aucun abri, peu de nourriture. « Remettre des poissons on peut le faire mais dans un milieu aussi ravagé ça ne sert pas à grand chose » estime Georges Garrouste, Président fédéral. Les résultats des repeuplements seront très aléatoires avant que les cours d’eau ne retrouvent leur valeur piscicole et halieutique. « Et comme nous allons perdre énormément de pêcheurs, nous risquons fort d’être en difficulté » souligne Georges Garrouste. « Le pire c’est que nous ne repeuplons ces cours d’eau qu’avec des truites d’origine locale, en prélevant des géniteurs sur les têtes de bassin, et que tout ce travail est balayé en une soirée. »
Le désastre de Sahorre
À Sahorre, en pleine montagne, la Fédération a installé une salmoniculture où elle exploite les farios d’origine sauvage. La pisciculture a été submergée par une lame d’eau haute de 4 mètres. Les dégâts sont considérables : la prise d’eau a été balayée et les gabions de la rivière ont été emportés, les bassins ont été affouillés, ils sont remplis de sable, gravier, d’autres sont cassés. L’accès à cette pisciculture se fait par une route et un pont sur la Rotja ; aujourd’hui il n’y a plus de route, et c’est seulement à la mi-mars que l’accès a de nouveau été possible dans l’établissement autrement qu’à pied. Un gué a remplacé le pont. En plus des bassins, un hangar est détruit, tout comme la clôture et tout le matériel. L’ampleur des dégâts hors cheptel : 3 millions de francs ! Quant au cheptel, la Fédération voit quatre années d’efforts anéantis. Dans cet établissement elle exploite en effet des truites de la « Carenga », issues de producteurs sauvages, prélevées sur les frayères en montagne. Les premiers géniteurs devaient pondre cette année et auraient permis d’ensemencer les rivières du département en fario pyrénéenne.
Et les secours ?
La Fédération a sur ses fonds propres réalisé quelques travaux d’urgence, aidée en cela par le Club Halieutique (la solidarité joue aussi dans le cas des catastrophes) et le Conseil Supérieur de la Pêche. Quant aux assurances elles remboursent quelque 80 000 F !
« On ne pourra pas s’en sortir tout seuls » souligne Georges Garrouste. « Les dégâts sont trop considérables et en plus 1993 risque d’être catastrophique. C’est aussi une grande part du tourisme vert qui va disparaître car notre département accueillait ces dernières années beaucoup de touristes pêcheurs. Si nous n’avons pas d’aide nous ne pourrons rien faire. »
Le service de restauration des terrains en montagne est complètement débordé et ne dispose pas non plus de moyens suffisants pour restaurer les cours d'eau…