?Bonjour, dit le petit prince. - Bonjour, dit le marchand. C?était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n?éprouve plus le besoin de boire. - Pourquoi vends-tu ça? dit le petit prince. - C?est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine. - Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes' - On en fait ce que l'on veut' ?Moi, se dit le petit prince, si j?avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine??
“Bonjour, dit le petit prince.
- Bonjour, dit le marchand.
C’était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.
- Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.
- C’est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.
- Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes ?
- On en fait ce que l’on veut...
“Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine...”
C’est peut-être en pensant à cette réflexion du petit prince de Saint-Exupéry, que Jean-Pierre Courtois s'est pris de passion vers 1983 pour un patrimoine jadis d’utilité publique, maintenant trop souvent délaissé, abandonné ou carrément détruit. La passion de Jean-Pierre Courtois concerne les modestes fontaines comme celle du petit prince, fontaines de villages ou de quartiers, desservant l'eau potable domestique, bien avant la distribution collective dont on dispose aujourd’hui. M. Courtois ne s’est en effet pas laissé séduire par les majestueuses fontaines destinées à célébrer la mémoire des grands personnages qui ont voulu marquer leur temps. Il est beaucoup plus sensible à la discrète multitude utile qui n’avait que l’ambition de réduire la corvée d’eau, comme partout dans le monde, principalement confiée aux femmes. Fontaines modestes, souvent simples bornes coulées en fonte, mais aussi gueules de lions scellées sur un bloc de pierre taillée, ou encore becs de bronze au jet accessible au-dessus du bassin d’un lavoir ou d'un abreuvoir pour les plus rurales.
Voilà le début d'une histoire belge dont les Français n'ont pas eu l'idée, selon leur habituelle condescendance pour le petit voisin francophone. Jean-Pierre Courtois est en effet belge, du Brabant Wallon, au sud-est immédiat de Bruxelles. Les effets d’une passion de ce genre sont la conviction de la nécessité d’agir et de faire partager sa passion et la persévérance. Il lui en faudra beaucoup de persévérance, dans un pays qui n’a rien d’un désert, pour arriver à ouvrir presque sept ans plus tard Le Musée de l’Eau et de la Fontaine.
Mais reprenons au début. En 1983, Jean-Pierre Courtois commence à organiser sa collecte d'informations et de documents sur l’histoire de la distribution de l'eau et l’histoire des fontaines en Belgique. Un an après, il a assez de matière pour organiser, à Virginal, sa première exposition sous le titre “Fontaine, si tu m'étais contée...”. Au lieu des 300 visiteurs attendus, en deux week-ends, elle en attira 1 500. Il enchaîne en 1985 avec l’édition de la plaquette “Fontaine, si tu m'étais contée...” qui est un premier recueil de descriptions, de légendes et d'historiques d’environ 70 fontaines de Wallonie et de Bruxelles.
Tant d'entreprise et de conviction créent des émules et en 1986, c’est la création de l’association sans but lucratif (asbl) “Les Amis du Musée de la Fontaine”, dont les buts sont la création et la gestion d'un musée de l'eau et de la fontaine, la création et la gestion d'un centre de documentation, la sensibilisation et l'information du public et des pouvoirs publics, la coopération avec les autorités, les associations ou personnes ayant des buts similaires à ceux de l’asbl et enfin l'élaboration d'un recensement national des fontaines situées en Belgique.
Pour un tel programme, il fallait bien une association, l'union fait la force, c’est bien connu. Mais comme dans toutes les associations, le moteur du mouvement, l’acteur quotidien du projet reste l'instigateur et fondateur Jean-Pierre Courtois.
Dans la foulée, le premier acte de l'association est l’organisation en cette année 1986 de la deuxième exposition avec pour thème “Les fontaines de Wallonie et de Bruxelles. Elle se déroule... dans un moulin, celui d’Arenberg à Rebecq. La troi
Sixième exposition, en 1987, avec pour titre “Fontaines en fête” se tient de nouveau à Virginal. Cette compétence de l’association et sa naissante notoriété l’amènent à collaborer activement au tournage du reportage “Fontaines de village” produit et réalisé pour l’émission Télétourisme de la RTBF. C’est aussi l’opportunité pour l’association d’organiser un concours photographique sur le thème “Nos fontaines”.
En 1988, l’asbl reçoit une mention spéciale au prix du patrimoine naturel et culturel organisé par la Conservation Awards Foundation. Et puis arrivent enfin les prémices du premier objectif de l’association : la signature de la convention de location des locaux du futur musée de l’eau et de la fontaine à Genval, entre Louvain-la-Neuve et Bruxelles, à moins de vingt kilomètres de la légendaire Grand-Place.
C’est le coup d’accélérateur : après quelques mois de travaux d’aménagement des locaux, le musée ouvre au public en juillet 1989 et est officiellement inauguré en octobre. C’est l’occasion de l’enregistrement télévisé du lancement de l’Année des Fontaines par le Ministre Albert Liénart depuis les locaux du musée.
1990 est donc en Belgique l’année des fontaines et le musée revalorise quatre fontaines du Brabant Wallon : Ittre, Baulers, Renipont et Ohain. Le musée organise aussi un concours de dessin et de rédaction dans les écoles primaires francophones sur le thème “Quand les enfants racontent les fontaines...” qui fera l’objet d’une délicieuse et poétique plaquette sous le même titre.
Comme on n’est pas chien en Wallonie, le musée organise aussi, en première belge, l’exposition “Fontaines de Paris”.
Visites de ministres et émissions de télévision focalisent l’attention sur le nouveau musée tout au long de cette année des fontaines.
1991 et 1992 sont des années de consolidation des activités du musée et de sa notoriété : organisation des expositions “L’homme et l’eau”, puis “Histoire d’eau”, itinérante, qui est prolongée par une brochure didactique et ludique sous le même titre. Puis l’exposition “Fontaines d’Europe” et l’animation “Foire aux fontaines”. Un coin vidéo didactique est ménagé dans le musée et plusieurs maquettes didactiques sont réalisées.
Un nouveau niveau est atteint en 1993 puis 1994, avec d’abord le doublement de la surface d’exposition du musée, l’organisation de l’exposition “La plomberie d’art”, l’acquisition de l’exposition “L’eau douce” et le lancement d’animations pour les écoles primaires.
L’extension du musée permet, par des expositions connexes telles que “Bonzaïs et orchidées”, d’attirer un autre public qui découvre en même temps la vocation première du musée. Suivent les expositions “Fontaines, miroirs de la Suisse”, puis “Fontaines en fête” à l’occasion du cinquième anniversaire du musée. Le musée acquiert l’exposition “SOS, l’eau c’est la vie” et l’œuvre de Pol Desnouck, “S.EAU.S” d’une petite sirène assaillie par la pollution de l’eau. Le musée lance aussi l’édition des premiers “Cahiers du Musée de l’Eau et de la Fontaine”.
La fréquentation du musée au cours de cette cinquième année a atteint 10 000 visiteurs.
Un succès sanctionné en 1995 par la poste belge qui dédie au musée un timbre-poste qui ne sera émis que durant cette année. La troisième exposition “Bonzaïs et orchidées” confirme le succès avec 4 000 visiteurs en 3 jours, celle de 1996 dépasse le score de 4 500.
Dans le même temps paraissent successivement les “Cahiers du Musée de l’Eau et de la Fontaine” numéros 3, 4, puis 5-6 et 7. Le musée organise aussi l’exposition “Fontaines de Rome” et une nouvelle exposition permanente sur les châteaux.
C'est aussi en 1996 que débute la réalisation de la fontaine WOW, une fontaine à vagues, construite en première mondiale par l’équipe du musée et mise au point par la société WOW Company SA. Il s'agit plutôt d'un bassin équipé d’une boule à vagues. C’est une sphère en matériaux composites flottant à la surface de l'eau. À l'intérieur de la boule, un moteur fait monter et descendre une masse sur un axe vertical, ce qui, en déplaçant instantanément le centre de gravité de la boule, suscite par réaction une dépression puis une compression de l’eau sous la boule qui engendrent des vagues, comme un caillou lancé dans l'eau. Ce mouvement est répété et amplifié en profitant du principe de la résonance d’un mouvement périodique. Un équipement électronique précis contrôle le moteur et ajuste le rythme des vagues. L’écho des vagues concentriques sur les parois de la fontaine accentue l’effet tumultueux des vagues. Au musée de Genval, la boule de la fontaine WOW est un globe terrestre symboliquement soumis aux caprices de l'eau et du vent sur une mer agitée.
Si l’exposition annuelle “Bonzaïs et orchidées” continue d’attirer de plus en plus de monde, plus de 5 500 visiteurs en 3 jours en 1997, la réalisation de la maquette “Station d’épuration” cette année-là confirme le rôle pédagogique que le musée tient à assumer dans le domaine de l'eau au-delà du côté ludique et culturel de l'eau des fontaines. Dix ans sont passés depuis l’ouverture du musée et l'année des fontaines qui l’a consacré. Dix ans d'activités qui n’ont cessé d’augmenter et d’évoluer. Aujourd'hui, le Musée de l’Eau et de la Fontaine de Genval est une véritable institution qui offre, au-delà du rôle ludique et culturel, un ensemble de services : consultation gratuite des documents et publications du centre de documentation ; aide aux historiens, médias, étudiants... dans leurs recherches d'information et de documentation. Participation gratuite du musée à des expositions extérieures ; visites guidées du musée en français, néerlandais, allemand et anglais. Location du musée pour des événements ou conférences de presse, location de la rotonde du musée pour des expositions artistiques. Réalisation et vente de brochures didactiques et ludiques sur l’eau et les fontaines.
Puisque nous n’avons pas un tel musée dédié à l'eau en France et que la SNCF nous vante l'agrément d’un saut à Bruxelles avec le TGV Thalys, pourquoi ne pas ajouter aux visites de l’accueillante capitale belge une reconnaissance vers Ottignies-Louvain-la-Neuve, avec arrêt fontaines à Genval. Cette ligne passe par les gares de Bruxelles-Midi et de Bruxelles-Nord. Pour les inconditionnels de la route, du Nord de la France prendre la E19 vers Bruxelles, sortie RING EST, passage obligé au lion de Waterloo. Pour ceux qui viendront par Namur, le passage à Waterloo n’est pas imposé par le service des routes...
Si vous voulez un plan, des horaires d’ouverture, un programme des expositions et autres initiatives organisées par le musée, passez un courrier au Musée de l’Eau et de la Fontaine, Avenue Hoover, 63 – B-1332 Genval (Rixensart) ou téléphonez au +32 2 654 19 23, ou passez un message par fax +32 67 4 738 60 ou e-mail musee.eau.fontaine@belgacom.net. Un ensemble d'informations sur le musée, mais aussi sur toutes les activités culturelles et ludiques du Brabant Wallon, est disponible sur le site web : www.pixelsbw.com. On y trouve même la déclaration universelle des droits de l’homme en pur wallon que les exégètes distinguent nettement du picard auquel d'aucuns voudraient l’apparenter... Mais ce n'est plus vraiment une histoire d'eau.
Jean-Louis Mathieu
Photographie : Musée de l’Eau et de la Fontaine