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Fondée au cours de la seconde moitié du XIIe siècle sur un éperon rocheux bordé par les falaises abruptes de la Sarine, un affluent de l’Aar, Fribourg se partage entre les quartiers de la ville-haute situés à une altitude moyenne de 620 mètres et les quartiers du cœur historique de la basse-ville situés en contrebas sur les rives mêmes de la rivière.
Au cours des siècles, la ville se développe à un rythme paisible jusqu’à ce qu’un mouvement d’industrialisation de grande ampleur, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, ne modifie sa physionomie. L’arrivée du chemin de fer, de l’éclairage public, du tramway, l’implantation de nombreuses universités mais aussi d’industries entraînent une série de transformations importantes et rapides qui bouleversent la vie économique et sociale de la ville et augmentent considérablement les flux de circulation entre ses différents quartiers.
C’est sous l’impulsion d’un industriel soucieux de faciliter le déplacement de ses ouvriers, Paul-Alcide Blancpain, fondateur de la brasserie Cardinal, que va se décider le principe de la construction d’un funiculaire destiné à fluidifier la circulation entre la basse-ville et les nouveaux quartiers industriels situés à proximité de la gare. En avril 1897, une société par actions est créée et un budget de 140 000 francs suisses est débloqué pour permettre la construction d’un funiculaire fonctionnant sans moteur, mû par la seule force de contrepoids remplis d’eau.
[Photo : Principale particularité du funiculaire de Fribourg, la présence sous chacun des véhicules de deux réservoirs à eau de 3000 litres chacun qui jouent le rôle de contrepoids et assurent ainsi le déplacement des voitures. À la station du haut, située à 610 mètres d’altitude, les réservoirs remplis d’eau assurent la descente de la voiture lestée et la remontée de l’autre voiture.]
Un funiculaire mû par la seule force de l’eau
D’emblée, le principe de la construction d’un funiculaire simple et peu onéreux est acté avec une voie unique de 126 mètres de longueur sur laquelle transitent, grâce à une crémaillère, deux véhicules susceptibles d’accueillir une vingtaine de passagers chacun. À mi-parcours, un dispositif d’évitement permet aux deux véhicules de se croiser. Il fonctionne sans aiguillage grâce à la disposition particulière des essieux des véhicules, équipés de roues à gorge qui guident le train sur le rail continu côté extérieur de l’évitement. Cette disposition d’essieux, inversée d’un train à l’autre, permet à chacun d’être aiguillé vers le côté dédié à son passage. Seule particularité du nouveau funiculaire, la présence sous chacun des deux véhicules de deux réservoirs à eau de 3000 litres chacun qui jouent le rôle de contrepoids et assurent ainsi le déplacement des voitures. À la station du haut, située à 610 mètres d’altitude, les réservoirs remplis d’eau assurent la descente de la voiture lestée et, grâce à la crémaillère, la remontée de l’autre voiture.
[Photo : À mi-parcours, un dispositif d’évitement permet aux deux véhicules de se croiser. On remarque, à l’arrière gauche de chaque voiture, l’entrée du réservoir permettant de faire le plein d’eaux usées en moins de 3 minutes.]
Un frein à crémaillère permet d’ajuster la vitesse de la marche. Arrivée à la station du bas, les réservoirs sont vidangés pour permettre la remontée de la voiture lors du cycle suivant. Les travaux démarrent dès la création de la société et quelques
mois plus tard, le 5 décembre 1899, le funiculaire est inauguré. Au démarrage de l'exploitation, le système donne toute satisfaction à ses concepteurs. Si bien que pas moins de quinze installations de ce type seront construites dans la foulée dont deux projets à Fribourg même. Mais un imprévu tempère rapidement les enthousiasmes des débuts : dès 1899, les fontaines de Fribourg peinent à fournir toute l'eau nécessaire à l'alimentation du funiculaire dont chaque cycle nécessite plus de 6 000 litres d’eau !
Les eaux usées comme carburant
Très vite, l'obligation de trouver une solution de substitution s'impose. Une solution rapide et qui ne nécessite pas un remaniement trop important et surtout trop coûteux du dispositif.
Dès lors, c’est tout naturellement qu’apparaît l'idée de mettre à contribution les eaux usées de la ville en les substituant à l'eau potable. La station amont est aussitôt modifiée et la canalisation d’alimentation en eau potable laisse place à un collecteur d'eaux usées chargé d’alimenter une cuve tampon de 100 m³ destinée à remplir les réservoirs des véhicules.
Sur la station aval, un nouveau dispositif est aménagé pour recueillir les vidanges des réservoirs et réacheminer les eaux usées vers les ouvrages de traitement. Dès sa mise en route en 1899, le système donne satisfaction.
Trois minutes suffisent pour remplir les réservoirs d’eaux usées et permettre ainsi aux véhicules d’accomplir leur cycle à la vitesse de 4,30 km/heure en rattrapant 60 mètres de dénivelée en moins de deux minutes avant de rejeter au réseau le contenu de leurs réservoirs.
Seul inconvénient : les tenaces effluves (surtout en périodes de fortes chaleur) de ce si particulier carburant auquel semblent cependant s’être habitués les fribourgeois, qui fait de leur ouvrage, désormais classé monument historique, le funiculaire le plus odorant du monde...
[Photo : Plus de 110 ans plus tard, et après avoir été jusqu’à transporter 620 000 voyageurs au cours de l'année 1962, il fonctionne encore malgré le développement du réseau routier et des lignes de bus et fait désormais partie du patrimoine historique et culturel des fribourgeois.]
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