Le barrage de Marèges, construit en 1935 sur le cours de la Dordogne se situe en amont du barrage de l’Aigle et en aval du barrage de Bort-les-Orgues. C’est un barrage voûte en béton, dont la hauteur au couronnement est de 92 mètres.
On distingue habituellement les barrages voûtes incurvés en plan qui s’arc-boutent sur les flancs de la vallée, aux barrages poids qui sont des ouvrages massifs s’opposant par leur poids à la poussée de l’eau de la retenue, ou bien aux barrages à contreforts constitués par une série de grands murs triangulaires parallèles au lit du cours d’eau et liés entre eux à l’amont par une paroi assurant la bouchure. Le volume de la retenue, équivalent à 55 millions de m³ d’eau, s’étend sur plus de 200 hectares et remonte sur près de 18 kilomètres, jusqu’aux abords même de la ville de Bort-les-Orgues. La hauteur d’eau moyenne dans la retenue est de 38 mètres.
[Photo : Le barrage de Marèges]
[Photo : L'ouverture des vannes de fond]
Le barrage de Marèges est exploité conjointement par une société dépendant de la SNCF, la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM) installée depuis 1935 sur la rive droite de la Dordogne, c’est-à-dire côté corrézien, et EDF installée depuis 1985 sur la rive gauche, côté cantalien.
[Photo : Abaissement progressif du plan d’eau]
Le 20 août 1996, la Dordogne a retrouvé son lit naturel sur les 18 kilomètres de la retenue de Marèges. La SHEM avait procédé à la vidange décennale réglementaire, permettant de contrôler le bon état de la paroi amont et d’effectuer
[Photo : Peu à peu la Dordogne retrouve son lit naturel]
[Photo : La paroi aval du barrage]
[Photo : Mesure en continu de la qualité de l’eau]
[Photo : Mise en service des oxygénateurs en amont du barrage]
[Photo : Coloration du panache de survie réoxygéné, qui permet la survie des poissons]
Les travaux d’entretiens nécessaires sur les parties habituellement noyées de l’ouvrage. Une opération de routine qui ne pose pas de problèmes techniques particuliers, mais qui, au plan de l’environnement, entraîne un bouleversement aquatique susceptible d’être fatal aux six tonnes de poissons, composées de sandres, de brochets, brèmes, carpes, chevesnes, gardons et autres perches qui peuplent les eaux situées en amont du barrage. Au fur et à mesure de la baisse du niveau de la retenue, après l’ouverture des vannes de vidange intervenue le 29 juillet, l’eau s’est peu à peu chargée en sable et en sédiments jusqu’à devenir boueuse et sale. La baisse du niveau du plan d’eau a provoqué au bout de quelques jours un dégazage important des fonds, une libération des gaz de fermentation, de méthane en particulier, qui a bouleversé les caractéristiques physico-chimiques de l’eau et rendu les conditions de survie des poissons aléatoires dans la retenue. La turbidité et la concentration d’ammoniaque augmentaient alors que le taux d’oxygène chutait rapidement à des valeurs très faibles, voire nulles dans certains secteurs de la retenue, entraînant une mortalité de la population piscicole.
Pour combattre ce phénomène, les techniciens de la Société Hydro-M Environnement, spécialisés dans les problèmes d’environnement liés à l’eau, ont été chargés de réoxygéner les eaux. Dès l’ouverture des vannes le 29 juillet, une station de contrôle en amont et trois en aval ont été installées pour vérifier en continu la qualité de l’eau : température, taux d’acidité, d’oxygène dissous, d’ammoniaque, de matières en suspension, etc. Tout au long de l’opération elles ont fourni aux techniciens les paramètres et informations indispensables relatifs aux éventuels dépassements des différents seuils.
[Photo : L'oxygénateur : on distingue la pompe, en position inférieure surmontée de son hydroéjecteur]
[Photo : Suspension de l'oxygénateur au radeau assurant la flottaison]
[Photo : Vidange du culot le 20 août 1996]
D'alerte. Puis, deux oxygénateurs flottant en amont et deux autres en aval ont été installés pour créer et surtout maintenir une zone de survie réoxygénée d’environ 2 000 m³, sorte de panache de survie au-dessus de 5 mg/l d’oxygène, dans lequel les poissons ont pu trouver refuge durant toute la durée des opérations. Les oxygénateurs utilisés, conçus par la Société Écosystèmes Service, sont des appareils de conception récente qui permettent, à consommation énergétique égale, de transférer à l’eau 8 à 10 fois plus d’oxygène que des appareils classiques, tout en évacuant dans l’atmosphère les gaz toxiques présents dans l’eau. Chaque appareil alimenté électriquement, d’une puissance nominale de 11 kW, aspire de l’air au rythme de 240 m³/s, pompe de l’eau au rythme de 60 m³/h et libère de l’oxygène au rythme de 20 kg par heure. Les pompes et hydroéjecteurs sont suspendus à un radeau assurant la flottaison de l’ensemble sur le plan d’eau, lui-même relié aux rives de la retenue.
C’est grâce à ce dispositif que le poisson a pu survivre en forte concentration au sein de la poche formée avant le batardeau, au pied du barrage. Au moment crucial, juste après le passage des vannes intervenu le 20 août, le gros de la troupe des poissons a franchi l’obstacle et filé en aval vers la retenue du barrage de l’Aigle. Cette phase critique passée, la surveillance de la vie aquatique ne s’est pas terminée pour autant. Hydro-M Environnement a placé ses quatre oxygénateurs en aval et est restée sur place jusqu’au 6 septembre pour suivre le comportement du poisson jusqu’à la retenue de l’Aigle, avec le concours de la Fédération de Pêche et de Pisciculture, limitant ainsi au maximum la mortalité des poissons. Quant à la retenue de Marèges, elle recommence depuis la fin du mois de septembre à se remplir, les travaux d’entretiens du barrage ayant été achevés.
Il s’agit là d’un exemple intéressant sur une nouvelle façon d’aborder le problème particulier des vidanges de barrage, et de limiter ses impacts en prenant notamment en compte la protection des milieux aquatiques et le peuplement piscicole de la retenue.
[Photo : Mise en service des oxygénateurs à l'amont]
[Photo : … et à l'aval]
[Photo : Les plus gros poissons sont capturés dans le panache de survie et transférés à l’aval]