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Histoire d'eau : La roue de Falkirk

30 juillet 2007 Paru dans le N°303 à la page 100 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET

La roue de Falkirk est la pièce maîtresse du « lien de millénium », le plus grand projet de restauration de canaux jamais développé en Ecosse pour reconstituer le réseau des canaux marchands des Lowlands, en reconnectant à Falkirk, ville située à mi-chemin entre Édimbourg et Glasgow, le Forth and Clyde canal et le Union Canal.

Comme le Pays de Galles, l'Écosse ne dispose que de peu de canaux comparé au très ramifié réseau des waterways que l'on trouve en Angleterre. Le plus célèbre est sans aucun doute le Forth and Clyde canal, construit en 1790 pour créer une voie navigable traversant l'Écosse de part en part en reliant la mer du Nord à l'océan Atlantique. Ce canal de 40 milles de long permit, en franchissant les montagnes, de relier Édimbourg à Glasgow via Grangemouth en moins de sept heures en bateau à vapeur. Son lit, pendant l'espace de 16 milles, est tracé sur des collines élevées de 150 pieds au-dessus du niveau de l'océan. Trente-neuf écluses, vingt du côté du Forth et dix-neuf du côté de la Clyde, élèvent les navires à cette hauteur. Un aqueduc de 400 pieds de long leur fait traverser une vallée profonde de 70 pieds.

En 1818, la construction du Union Canal permet de relier directement les deux villes, sans passer par la mer, les canaux.

[Photo : L’ascenseur est constitué de deux bras à l’extrémité desquels se trouve un anneau gigantesque qui contient chacun un caisson accueillant les bateaux à la montée comme à la descente. À l’issue de la rotation de la roue sur un demi-tour, les bateaux du haut arrivent en bas et ceux du bas en haut.]

Se rencontrant à Falkirk, ville située dans les Lowlands à mi-chemin entre Édimbourg et Glasgow. Problème, il faut, pour relier les deux canaux entre eux, racheter une dénivellation de plus de 35 mètres. Une série de 11 écluses successives sera construite pour permettre aux navires marchands de passer d’un canal à l’autre et relier ainsi les côtes Est et Ouest de l’Écosse. Le Forth and Clyde Canal et le Union Canal avec le Caledonian Canal qui relie plus au nord Fort William à Inverness fonctionneront intensément pendant tout le 19ᵉ siècle. Jusqu’en 1930, date à laquelle l’essor du réseau routier et surtout du chemin de fer, plus rapide et moins cher, entraîne un inexorable déclin des deux canaux. En 1963, les deux canaux qui avaient perdu plus de 95 % de leur trafic sont fermés à la navigation et la série des 11 écluses destinées à relier les deux canaux entre eux, trop coûteuse à entretenir, est comblée. L’histoire pourrait s’arrêter là, laissant les deux ouvrages tomber peu à peu dans l’oubli. Mais à la fin des années 1970, les canaux en Grande-Bretagne connaissent un regain d’activité dû au tourisme. Leurs rives redeviennent prisées des pêcheurs, des promeneurs et des amateurs de loisirs nautiques. Au début des années 1990, le tourisme fluvial est en plein essor et l’idée de relier à nouveau les deux canaux refait surface en 1994.

Relier à nouveau les deux canaux en rachetant 35 mètres de dénivelée

La réhabilitation du Forth and Clyde canal et du Union canal financée grâce aux fonds provenant de la Loterie Nationale ne pose pas de difficulté technique particulière. Par contre, le rachat de la chute de 35 mètres séparant les deux voies d’eau pose, lui, un vrai problème.

La réhabilitation des 11 écluses serait bien trop coûteuse et ce mode de franchissement, trop pénible, trop lent, n’est pas adapté au tourisme fluvial. Seule solution envisageable, la construction d’un ascenseur à bateaux. Un appel d’offres est lancé et c’est un projet unique au monde, un projet d’ascenseur rotatif qui l’emporte et qui sera rapidement connu dans le monde entier sous le nom de roue de Falkirk.

L’ascenseur est constitué de deux bras longs de 35 mètres chacun. Ces deux bras sont reliés par un moyeu central qui constitue l’axe de rotation de l’ascenseur. À chaque extrémité des bras se trouve un anneau gigantesque à l’intérieur duquel reposent les extrémités de chacun des deux caissons qui font 27 mètres de longueur et pèsent chacun 300 tonnes. Ce sont ces caissons qui vont accueillir les bateaux à la montée comme à la descente. Les bateaux prennent place dans le caisson empli d’eau et fermé par des portes doubles. L’eau contenue entre les deux portes est ensuite pompée pour que la pression de l’eau contenue dans le caisson participe à la fermeture des portes et donc à l’étanchéité de l’ensemble. Pendant que l’ascenseur se met en rotation, les caissons roulent sur des rails placés dans les anneaux, afin de rester horizontaux durant la durée de la manœuvre. Ce mouvement des caissons est assuré par un système d’engrenages très simple. La rotation de la roue sur un demi-tour prend environ 6 minutes au terme desquelles les bateaux du haut sont arrivés en bas, ceux du bas en haut. Quant à la mise en rotation de l’ascenseur, elle est assurée par 10 moteurs disposés en couronne autour de l’essieu qui ne développent qu’une puissance cumulée de 16 kW. Car c’est là toute l’originalité.

[Photo : Le poids d’un caisson plein est pratiquement constant qu’il soit vide ou non, puisqu’un bateau déplace précisément son poids net en eau. Par conséquent, le contrepoids et/ou la force d’élévation des bacs peut être ajusté précisément, de sorte que la puissance d’entraînement par rapport au poids déplacé est très faible.]
[Photo : La construction de l'ascenseur a nécessité l’aménagement d’un bassin hémisphérique de 100 mètres de diamètre pouvant accueillir les bateaux de plaisance.]

La puissance mécanique transmise au système ne sert qu’à compenser le frottement des axes et des engrenages. Pour fonctionner, le système requiert donc un équilibre parfait assuré par un niveau d’eau asservi électroniquement et strictement identique dans les deux caissons. Une variation minime d’un seul centimètre occasionnerait un surpoids de 1,5 tonne ! Pour le reste, et notamment la présence ou non de bateaux, c’est le bon vieux principe d’Archimède qui s’applique : « Tout corps plongé dans un liquide reçoit une poussée, qui s’exerce de bas en haut et qui est égale au poids du volume de liquide déplacé ». Dès lors, compte tenu du fait que le niveau du bac est constant, si un bateau pèse une tonne, il déplacera une tonne d’eau, c’est-à-dire un mètre cube d’eau. Le bac embarquera donc un mètre cube en moins et pèsera toujours le même poids, assurant ainsi, quel que soit le nombre de bateaux embarqués, l’équilibre de la roue.

Un système qui ne dépense quasiment pas d’énergie

Comment mettre en rotation deux caissons contenant chacun près de 300 tonnes d’eau, avec 8 bateaux et une structure en acier de plus de 30 mètres de hauteur ? En fait, et c’est tout l’intérêt du système, la puissance absorbée par la rotation de la roue est inférieure à la puissance consommée par un simple radiateur électrique ! L’essentiel du mécanisme repose sur l’équilibre des deux caissons, de telle sorte que le poids d’un côté de la roue équilibre celui situé sur l’autre côté.

[Photo : En amont de la roue, un pont canal d’accès à l’ascenseur d’une longueur de 125 mètres ainsi qu’un tunnel ont été construits.]
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