C’est dans la direction de l’ouest qu’on a orienté la canalisation nouvelle dont le point de départ est à l’usine de Clichy. Après avoir traversé une première fois la Seine par le tube Berlier, un peu en aval d’Asnières, cette canalisation se dirige directement sur Argenteuil par Colombes, franchit à nouveau la Seine, passe à Cormeilles et à Herblay. De ce point un embranchement traverse une troisième fois la Seine pour aller alimenter les terrains d’épandage d’Achères ; la ligne principale se prolonge en suivant parallèlement la ligne de chemin de fer de Mantes. À hauteur de Conflans-Sainte-Honorine, un second embranchement se dirige sur le domaine municipal de Méry par Pierrelaye où se trouve une usine élévatoire.
À partir de ce point, les travaux sont en cours d’exécution. La canalisation passe à quelque distance de Conflans-Fin-d’Oise, coupe la ligne de chemin de fer qui se dirige vers Pontoise, traverse l’Oise à Chennevières, puis, par un tunnel qui n’a pas moins de cinq kilomètres de longueur, passe sous les hauteurs qui dominent Andrésy et Chanteloup et se dirige perpendiculairement à la Seine, où elle aboutit au domaine municipal des Grésillons, dans la presqu’île de Triel-Carrières.
Ces travaux doivent être terminés en 1900. Le tunnel dans Chanteloup est en voie d’exécution. On travaille au siphon qui doit passer sous l’Oise, les déblais sont commencés sur la rive droite de cette rivière. Sur la rive gauche un puits vertical précipitera les eaux dans le siphon.
La vue que nous donnons est prise sur les chantiers de Chennevières et nous a été communiquée par M. Chassin, un des nombreux entrepreneurs que la Ville de Paris emploie sur ses chantiers. La première représente le montage des cercles de fer qui constituent l’armature de la canalisation. Ces cercles arrivent à pied d’œuvre et le chantier de montage est voisin de la tranchée de canalisation. Une fois montés, ils sont transportés et mis en place, ainsi que le démontre notre seconde gravure, puis on cimente les intervalles et on obtient, paraît-il, d’excellents égouts avec ces conduites en ciment armé.
La Revue d’Hygiène publiait dernièrement un très intéressant article de M. Launay, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, sur les champs d’épandage et leur avenir ; nous y trouvons des renseignements très curieux concernant les résultats acquis en 1897. Actuellement deux champs d’épandage seulement fonctionnent ; celui de Gennevilliers, le plus ancien, le mieux connu, couvre une superficie de 800 hectares. On craignait qu’à la longue il ne se produisît un feutrage du sol et des marécages. Ces prévisions pessimistes ne se sont pas réalisées. Le terrain a absorbé au cours de l’année qui vient de s’écouler 33 millions de mètres cubes d’eau d’égout. L’Aqueduc d’Achères, terminé depuis le 7 juillet 1895, dessert mille hectares, dont 800 de terrains domaniaux de la forêt de Saint-Germain et de la ville de Paris et 200 du domaine des Fonceaux.
Les travaux de canalisation, de distribution, de drainage et d’aménagement des terrains en vue de la culture et de l’irrigation ont été poursuivis depuis le 7 juillet 1895, si bien que depuis quelques mois ils fonctionnent dans leur plein, c’est-à-dire à la dose de 3 400 000 mètres cubes par an.
Au total, les champs d’épandage de la ville sont aujourd’hui en état d’épurer journellement 210 000 mètres cubes d’eau d’égout, soit exactement la moitié du débit des collecteurs parisiens, puisque les jaugeages auxquels le service des égouts procède périodiquement font ressortir un écoulement quotidien de 428 000 mètres cubes. Depuis le mois de mai, les champs d’épandage ont même absorbé 250 000 mètres cubes, et certains jours ont même atteint le chiffre de 300 000. Actuellement, la moitié environ du débit des collecteurs parisiens est utilisée pour les champs d’épandage, l’autre moitié va à la Seine.
Les travaux pour l’utilisation de cette seconde moitié sont déjà commencés, et c’est en vue de cette réalisation que la ville poursuit le prolongement de ce qu’elle appelle l’émissaire général des eaux d’égout, au-delà d’Herblay, vers Méry, d’une part, vers Triel de l’autre. Ce nouveau réseau reviendra à quinze millions environ.
Les ingénieurs évaluent à 2 500 hectares les terrains qui utiliseront l’épandage. Ce chiffre se décompose ainsi : 600 hectares au domaine municipal de Méry-sur-Oise ; 100 hectares au domaine municipal des Grésillons dans la presqu’île de Triel-Carrières ; 1 800 hectares de terrains dominés par les aqueducs, où la culture libre est disposée à utiliser les eaux, ainsi qu’en témoignent les souscriptions spontanément consenties par les intéressés.
Si ces prévisions se réalisent, il y aura en 1900 une surface totale irriguée de 4 300 hectares à 40 000 mètres cubes par hectare, soit une utilisation de 172 millions de mètres cubes. Ce dernier chiffre est supérieur au débit des collecteurs, ce qui laisse une marge à l’accroissement de la consommation d’eau.
[Photo : Pose des armatures métalliques pour les conduites en ciment armé du siphon de Chennevières.]
[Photo : Montage des armatures métalliques destinées aux conduites en ciment armé du siphon de Chennevières.]
On peut donc dire hardiment que dans deux ans la Seine ne sera plus souillée, empoisonnée par toutes les matières qu’on y précipite aujourd’hui*.
Nous souhaitons qu’aucun contretemps ne vienne détruire de si belles espérances. On sait les difficultés rencontrées dans la plaine d’Achères lorsqu’il s’est agi d’appliquer l’épandage.
Les populations de cette contrée ne se souciaient nullement de bénéficier des avantages que leur laissait entrevoir l’administration ; que vont dire à leur tour les riverains de l’Oise, les habitants de Triel, de Carrières, d’Andresy ? Allons-nous assister à une nouvelle levée de fourches et de sabots, ou bien les cultivateurs de ces contrées apprécieront-ils les bénéfices que ces engrais gratuits mais obligatoires vont leur permettre de réaliser ?
Les ingénieurs le croient. Souhaitons que leur croyance se réalise.
Noël Nozeroy
* NDLR : il s’est avéré que cette prévision était, en effet, hardie...
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