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Histoire d'eau : l'amérique latine malade de son eau

30 octobre 1991 Paru dans le N°149 à la page 86 ( mots)

Victime d'une industrialisation accélérée et anarchique, et de son corollaire, un exode rural massif, l'Amérique latine et caraïbéenne tente d'enrayer la profonde détèrioration de son environnement.

Sous la pression croissante de leurs opinions publiques, les Gouvernements de la région ont créé des structures — allant de la simple Direction au Ministère à part entière — chargées de trouver des solutions.

Ce phénomène est récent : jusqu’à présent, l’environnement était considéré comme un luxe que seuls les pays riches et industrialisés pouvaient s’offrir ; il serait toujours temps pour les PVD de se préoccuper de la réhabilitation de leur environnement lorsqu’ils auraient atteint un niveau de développement suffisant.

Malheureusement, force est de constater aujourd’hui qu’un environnement très dégradé constitue une entrave directe au développement d’un pays.

En effet, une pollution élevée et incontrôlée génère une dégradation rapide de la santé publique, affectant ainsi le potentiel démographique d’un pays. Quant à l’industrie, elle voit à la fois sa main-d’œuvre dépérir et les ressources naturelles dont elle dépend (eau, air, énergie...) s’amoindrir ou perdre en qualité.

Dans le triste tableau de la pollution sud-américaine, l’eau paraît la plus menacée. Contrairement au problème que connaît le continent africain, l’Amérique latino-caribéenne possède des ressources hydriques abondantes. Région humide, elle bénéficie, sauf cas isolés, de pluies importantes (50 % au-dessus de la moyenne mondiale) même si elles sont inégalement réparties dans le temps et l’espace.

Le problème que rencontre aujourd’hui cette région est une mauvaise mobilisation et utilisation de l’eau.

D’une part en effet, malgré d’importants efforts accomplis au cours des vingt dernières années, des millions de personnes n’ont toujours pas accès à une eau potable.

D’autre part, alors que la demande domestique et industrielle en eau n’a cessé de croître au cours des dernières décennies, conduisant à l’épuisement des ressources en eau (abaissement dangereux du niveau des nappes phréatiques), le rejet direct — sans traitement — des eaux usées constitue une pratique très généralisée et qui dépasse largement les capacités d’auto-épuration des corps récepteurs : rivières, fleuves, lacs, nappes phréatiques.

Il résulte de cette situation des problèmes sanitaires graves affectant l’alimentation, l’hygiène, la baignade des populations ainsi que l’agriculture qui utilise souvent pour son irrigation des eaux usées domestiques non traitées.

Coopération urbaine nord/sud

Témoin de la prise de conscience de l’ensemble des acteurs de l’environnement urbain : le Programme Ciudagua développé par CUD (Cités Unies Développement) pour favoriser une coopération technique entre les villes d’Europe et celles de l’Amérique latine.

Association de droit français, CUD constitue l’agence de coopération décentralisée Nord/Sud de la FMCU (Fédération Mondiale des Cités Unies).

Elle associe au sein d’une même entité des villes adhérentes de la FMCU et divers organismes ou mouvements associatifs spécialisés dans le domaine de la gestion urbaine.

Son objectif : renforcer les compétences des collectivités locales des pays du Tiers Monde en partant du constat qu’une urbanisation plus harmonieuse favoriserait leur développement économique propre et au-delà de celui de leur pays.

Ciudagua constitue l’un des programmes thématiques régionaux que CUD a développé pour favoriser la réalisation de projets de développement globaux et autour desquels s’articulent séminaires de formation, conventions de coopération de ville à ville, colloques, actions de recherche...

Consacré au problème de l’Eau et de la Ville en Amérique latine, il s’inscrit parfaitement dans le cadre des préoccupations actuelles de ce sous-continent : comment concilier urbanisation atypique et gestion de l’eau ?

Devant les problèmes démographiques et d’urbanisation dont souffre l’Amérique latine, les populations ont pris l’habitude de se regrouper dans le cadre de mouvements associatifs spontanés pour réfléchir sur l’amélioration de la vie urbaine (transports, eaux, assainissement, logement) ou agir concrètement auprès des plus défavorisés par la création de systèmes d’entraide au quotidien (« soupe populaire », aide financière, suivi médical de base, forme d’assistance sociale…).

Répondant au particularisme de la prise de conscience active des populations latino-américaines, Ciudagua a décidé d’intégrer ces associations d’usagers aux participants habituels que constituent les collectivités locales, les instituts scientifiques et techniques

* Cet article, paru dans le n° 980 du Moniteur du Commerce International (MOCI), est reproduit avec l’aimable autorisation de cette revue et de l’auteur.

[Photo : Afin d’éviter des problèmes sanitaires graves affectant l’alimentation, l’hygiène, la baignade, l’agriculture, il faut aider l’Amérique latine à traiter et canaliser son eau.]

…niques ou universitaires de recherche ainsi que les prestataires de service latino-américains dans le domaine de l’eau et de l’assainissement.

Les industriels peuvent également s’insérer dans cette thématique de travail.

Ciudagua vient d’organiser au Costa Rica, du 10 au 14 juin dernier, un colloque régional autour du thème : « Une gestion coordonnée de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement pour le développement urbain et la protection de l’environnement ».

Preuve de la mobilisation générale de tous les partenaires dans cette région, le colloque était co-organisé par la FMCU, la municipalité de San José, l’Institut costaricain d’eau et d’assainissement (A. y A.), le Conseil supérieur universitaire centraméricain, les Réseaux de centres de recherche sur thèmes urbains de l’Amérique (REDES), l’Association latino-américaine et caribéenne des entreprises d’eau potable et d’assainissement (ALCEAPA), le Comité d’eau et d’assainissement de la région (CAPRE) et l’Association inter-américaine d’ingénierie sanitaire (AIDIS).

Parmi les participants, outre les représentants de 50 villes des pays de la région et de divers gouvernements, étaient attendus des organismes internationaux comme le CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine, dépendant de l’ONU), la Banque mondiale, la BID (Banque interaméricaine de développement)…

Le colloque a finalement accueilli 350 participants (essentiellement des mairies et des prestataires de service) dont seulement 120 étaient originaires du Costa Rica, preuve du retentissement régional, voire international, de cette manifestation.

Parmi les réalisations concrètes du colloque, on notera la signature de deux accords de coopération, l’un entre les villes de Cartagena en Espagne et de Cartago au Venezuela, le second entre la ville de Nancy et celle de San José du Costa Rica, site du colloque.

Ces accords prévoient que les villes d’Europe apportent une assistance pour la réalisation technique de projets prévus par leur partenaire.

Dans le cas de Nancy, il s’agit de coopérer au Projet Rio Torres. Le fleuve Torres traverse la ville de San José et requiert la mise en place d’un programme de réhabilitation pour le débarrasser de la pollution élevée dont il souffre pour le moment. En effet, les industries riveraines mais surtout la population ont pris l’habitude de déverser directement leurs déchets et leurs eaux sales dans ce fleuve.

C’est pourquoi le Programme Rio Torres comprend non seulement le nettoyage du fleuve et la réhabilitation de ses rives (reforestation et création de parcs publics), mais aussi une politique de sensibilisation de la population aux pratiques de préservation de l’environnement.

Autre réalisation du colloque Costa Rica : la création d’un programme spécifique de coopération pour la zone Caraïbe qui associera les Britanniques, les Espagnols et les Français.

Ce groupe Caraïbe devrait bénéficier dans un premier temps de fonds français et communautaires.

Le colloque Costa Rica étant quant à lui cofinancé par la CEE, les gouvernements allemand et français, différentes villes d’Espagne et de France ainsi que par trois entreprises : Schlumberger, la Société des eaux de Marseille et une société de l’environnement originaire de Barcelone.

Le discours de clôture du colloque a été prononcé par le maire de Rio de Janeiro qui a inscrit sa déclaration dans la perspective de la tenue, dans sa ville, d’ECO 92, le congrès international du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) qui se tiendra en juin 1992 au Brésil.

Ciudagua compte participer à ce congrès si la possibilité lui en est donnée par les organisateurs et réfléchit à la façon dont elle pourrait intégrer les municipalités dans la thématique de travail global du congrès.

Mobilisation des industriels de la région

Malgré d’importants progrès réalisés depuis une vingtaine d’années, la situation des pays d’Amérique latine et caraïbe est encore déficitaire dans le domaine des services publics et privés de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement.

De plus, les organismes publics ou les entreprises privées qui assurent ces services montrent un besoin crucial d’améliorer leurs systèmes de gestion et de production. Ils ont besoin de mettre en commun leurs expériences et de bénéficier d’un système pratique et concret favorisant la coopération technique et le transfert de technologie.

C’est pourquoi certains industriels ont ressenti le besoin de se regrouper dans une association qui agirait comme un centre d’information, de consultation et de diffusion sur tout le sous-continent en liaison avec le monde entier : ALCEAPA.

La participation des entreprises étrangères à ce réseau est vivement souhaitée par les dirigeants de cette association, qui souhaitent venir présenter leurs activités et programmes d’action aux industriels français dans le cadre d’une courte conférence ou d’un séminaire en France (renseignements auprès de Mlle Boucheron au 40 73 31 50).

Cette association regroupant 136 membres actifs (entreprises publiques ou privées chargées de la gestion de l’eau en Amérique latino-caraïbe) propose aux industriels de l’eau extérieurs au sous-continent de devenir des membres affiliés. À ce titre, ils auraient gratuitement accès à un certain nombre de prestations de conseil (marketing, montages financiers…) délivrées traditionnellement par ALCEAPA à ses membres classiques.

En échange, ils apporteraient leur compétence technique, voire des possibilités de transfert de technologies, ou des informations sur leurs produits qui seraient retransmises auprès des interlocuteurs publics (gouvernements ou collectivités locales) traditionnels de ALCEAPA (cf. sa participation au colloque Ciudagua).

Isabelle BOUCHERON Attachée sectorielle Environnement Direction des Industries et Services du CFCE

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