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Histoire d'eau : Itaipu, la roche qui chante

30 octobre 1990 Paru dans le N°140 à la page 121 ( mots)

Extraits de la notice (reproduite dans sa version originale) remise sur place aux touristes visitant le Brésil, par les soins de Assessoria de relações públicas, Itaipu Binacional, Foz do Iguaçu-PR.

La Centrale hydro-électrique d'Itaipu, construite et exploitée par une entité binationale, fonctionne depuis 1984.

Le fleuve Paraná sur lequel est construite la Centrale prend sa source au Brésil, à la confluence des fleuves Rio Grande et Paranaíba. Au long de ses 2 000 kilomètres le Paraná longe le Paraguay, sort du Brésil, traverse l'Argentine et vient former le Rio de la Plata, qui se jette dans l’Atlantique.

Le potentiel hydraulique du Paraná et de ses affluents brésiliens est bien utilisé. Plus de 30 centrales hydrauliques y sont construites, en construction ou en projet. Elles fourniront une puissance de 25 millions de kW, sans prendre en compte la production de la centrale d'Itaipu.

« Itaipu », nom indigène, veut dire « le son ou le chant des roches à fleur d'eau ».

Entre Guaira et la confluence de l’Iguaçu, le fleuve Paraná délimite la frontière entre Brésil et Paraguay sur une longueur de 190 km. La dénivellation du fleuve sur ce parcours est de 120 m ; le débit moyen régularisé par les centrales brésiliennes dépasse 9 000 m³ par seconde. Chute, débit, topographie favorable permirent l'installation à Itaipu d'une puissance de 12 600 000 kW, à ce jour la plus importante installée dans une centrale hydraulique.

L'ouvrage reçoit chaque année plus de 700 000 visiteurs.

Le lieu de construction d'Itaipu, sur le Paraná, est situé 20 km en amont de sa confluence avec la rivière Iguaçu où se trouvent les fameuses Cataractes d'Iguaçu.

La confluence de la rivière Iguaçu et du fleuve Paraná marque l'intersection des frontières du Brésil, du Paraguay et de l’Argentine. Reliés par deux ponts internationaux, entre le Brésil et l'Argentine le pont Tancredo Neves, et entre le Paraguay et le Brésil, le pont de l'amitié.

Les villes frontières de Président Stroessner au Paraguay et de Foz do Iguaçu au Brésil ont connu une croissance extraordinaire à partir du début de la construction d'Itaipu.

Foz do Iguaçu, ville touristique, a maintenant son aéroport international et deux pôles d'attraction sans équivalent à 36 kilomètres l'un de l'autre, les Cataractes et la centrale d'Itaipu.

Le lac artificiel formé par le barrage est également une attraction touristique. La promenade de quelques heures donne l'apparence d'une croisière maritime.

L’ouvrage

Sur le lieu choisi, la largeur du fleuve est de 400 m et sa profondeur de maximum 60 m. Le massif rocheux en cet endroit offre une sécurité totale aux fondations.

Le canal de dérivation, ouvrage provisoire situé sur la rive gauche, a été la première tâche à exécuter. Trois années ont été nécessaires pour ce faire. Ce canal, taillé dans la roche, a une longueur de 2 km, une largeur de 150 m, et une profondeur de 90 m. Sa fonction est de permettre le détournement du fleuve de son lit naturel pour y construire le barrage.

Deux barrages provisoires du type voûte situés aux extrémités du canal empêchent l'entrée de l'eau durant l'exécution des travaux d'excavation et bétonnage de la structure définitive.

La destruction des barrages provisoires, le 20 octobre 1978, a ouvert le passage à l'eau dans le canal et a permis la fermeture et l'asséchement du lit du fleuve. Les travaux de bétonnage dans l’aire asséchée ont commencé en janvier 1979.

En octobre 1982 le barrage est prêt. Dans le canal de dérivation, le fleuve coule à travers des ouvertures provisoires, au bas de la structure définitive. Le 13 octobre 1982, les vannes installées dans les 12 ouvertures, actionnées par un système hydraulique, glissent en même temps jusqu’au fond du canal pour arrêter le passage des eaux. Cette opération dont la durée fut de 8 minutes était définitive et irréversible. C'est la première en son genre sur un fleuve de cette dimension.

Le déversoir d'Itaipu a une largeur de 390 mètres. Il est composé de trois biefs indépendants qui peuvent évacuer plus de 60 000 m³ d’eau par seconde.

Le cheminement des eaux

L'eau qui s'écoule par le déversoir offre un beau spectacle mais ne produit pas d'énergie. La fonction du déversoir est de réguler le niveau du lac formé par le barrage. Les eaux « productives » ont un autre cheminement.

Les structures en béton de l'ouvrage principal se composent de deux blocs qui sont le barrage et la centrale, dans laquelle sont installés les groupes turbo-alternateurs. L'ensemble a une largeur de 273 mètres à sa base. Puits et galeries de drainage, situés immédiatement au-dessus des fondations, atteignent la cote 9, c’est-à-dire 9 m au-dessus du niveau de la mer. La crête du barrage est située à la cote 225, soit la hauteur d'un immeuble de 75 étages, ce qui justifie l'utilisation d'ascenseurs.

Les vannes prises d'eau sont situées à la partie supérieure du barrage.

Pour chaque groupe turbo-alternateur, une conduite forcée d'une longueur de 142 m amène l'eau dans la bâche spirale, partie intégrante de la turbine. Les conduites forcées ont un diamètre interne de 10 m et l'épaisseur de la tôle les constituant atteint 8 centimètres. Le diamètre extérieur de la bâche spirale est d'environ 24 m.

Le cheminement de l’énergie

Le hall principal de la centrale est situé au niveau 108.

Les groupes turbo-alternateurs d'Itaipu sont identiques dans leur ensemble à un groupe classique dont la turbine est du type Francis verticale. Ils diffèrent cependant par leur puissance, leur nombre et leurs dimensions.

Le puits où se trouve installé chaque groupe est situé entre les niveaux 81 et 108, soit une profondeur de 27 m. Chaque groupe turbo-alternateur pèse 6 600 tonnes. Les ensembles composant un groupe sont nombreux. Parmi les plus importants l'on peut citer la roue de la turbine, le rotor et le stator de l'alternateur.

[Photo : Montage d'un alternateur.]

La roue turbine, transportée au chantier d'un seul tenant, pèse 300 tonnes. L'élément fixe de l'alternateur ou stator a un poids approchant 1 000 tonnes. L'élément mobile ou rotor pèse environ 2 000 tonnes, poids équivalent à 4 000 petites voitures. Cet élément, accouplé à l'arbre turbine, est entraîné par ce dernier. L'usinage des arbres accouplant l'alternateur à la turbine est une opération à réaliser du fait de la précision demandée.

Quatre-vingts pour cent des éléments électromécaniques installés à Itaipu, y compris les arbres, les turbines, stators et rotors d'alternateurs, sont de fabrication nationale. Les groupes d'Itaipu, d'une puissance unitaire de 700 000 kW, sont les plus puissants actuellement en service au monde.

Le volume d'eau nécessaire pour actionner chaque turbine est de 700 m³ par seconde ; le volume d'eau que nous voyons s'écouler aux cataractes de la rivière Iguacu est de 1 400 m³ par seconde, tout juste suffisant pour alimenter deux turbines.

Les 18 groupes de 700 000 kW chacun assurent une puissance totale de 12 600 000 kW. Neuf de ces groupes produisent avec une fréquence de 50 Hz, fréquence utilisée au Paraguay ; les neuf autres génèrent à la fréquence de 60 Hz, qui est la fréquence utilisée par le réseau de distribution brésilien. Les turbines entraînent les alternateurs avec une rotation légèrement supérieure à 90 tours/minute. L'énergie produite a une tension de 18 000 volts. Au niveau des alternateurs, une galerie parallèle abrite les transformateurs, lesquels élèvent la tension à 500 000 volts. Ces derniers viennent alimenter la sous-station blindée située au niveau 127. Cette sous-station reçoit toute l’énergie produite en 50 Hz ou 60 Hz.

Isolée par du gaz SF6, cette sous-station occupe dix fois moins de surface qu'une sous-station de type conventionnel. Pouvant être localisée près des groupes, le rendement de la transmission s’en trouve amélioré. En sortie de cette sous-station, l'énergie produite par Itaipu devient un produit commercial fourni aux clients.

Le lac

Le lac artificiel d'Itaipu, formé en 1982, est incorporé à la région et il semble y avoir toujours existé. La superficie du lac est de 1 350 km² et peut être considérée bien modeste proportionnellement à la puissance de la centrale.

À l'emplacement actuel du lac, avant sa mise en eau, dans 300 sites des vestiges archéologiques ont été récupérés, certains de ceux-ci datés de 8 000 ans.

Environ mille espèces botaniques ont été inventoriées, aucune n'est en extinction ou spécifique à cette région. Les plantes les plus rares et les plus belles sont à la disposition des chercheurs. Elles ornent aussi les villas résidentielles d'Itaipu situées à proximité de la centrale. Pour le reboisement des berges du lac, 20 millions de plants d'arbres ont été ou sont encore cultivés dans les serres d'Itaipu.

En 1982, durant le remplissage du réservoir, des milliers d'animaux ont été sauvés des eaux et mis immédiatement dans des réserves biologiques situées sur les rives du lac.

En 1982, avec la montée définitive des eaux, nostalgie, résignation et découragement prennent place ; aujourd’hui, activités nouvelles, projets et perspectives sont engendrés par ce même lac. Santa-Helena, devenue ville riveraine, est passée du marasme économique à la prospérité. Les activités agricoles propres à cette région ont bénéficié de la proximité du lac. Un complexe balnéaire vient d'y être créé, et la ville est aujourd'hui un centre de sports nautiques en plein essor.

Sur la rive brésilienne du lac, le réseau routier mettant en communication les villes devenues riveraines a été rétabli par la construction de 30 ponts et 350 km de routes.

Les marges brésiliennes du lac s’étendent sur 1 400 km. Sur cette distance le reboisement est en cours et il vise à atteindre trois objectifs :

  • - protéger les berges du lac de l'érosion,
  • - protéger les cultures,
  • - fournir abri et nourriture aux oiseaux, poissons et autres animaux ainsi qu’à l'homme.

La zone de protection dont la largeur minima est de 100 m est formée par des arbres d'essence locale, profitant de ceux à croissance rapide.

La participation de la population riveraine est essentielle au succès de ce projet. Environ 2 000 familles vivent sur la rive brésilienne du lac.

À proximité du barrage, le reboisement commence à se confondre avec les vestiges de l'ancienne forêt ; aussi beaucoup de petits animaux y vivent déjà. Il est probable que certains de ces animaux soient de ceux qui furent sauvés et remis en liberté en 1982. Il est certain qu’ils pourront fournir des informations précieuses sur la vie en sous-bois.

Le passé, le présent et le futur du réservoir sont analysés ou prévus à partir des données enregistrées par les postes permanents de météorologie et d’accompagnement. Des analyses périodiques, soit environ 30 000 infor-

Informations recueillies annuellement confirment que, quelle que soit son apparence, l'eau du lac continue d’être de bonne qualité pour les besoins de l'homme et la vie de la faune aquatique. Le lac offre un grand potentiel pour l'industrie de la pêche. Sur la rive brésilienne, 18 colonies de pêcheurs professionnels y sont installées, groupant 300 associés.

Avant la construction du barrage, le recensement effectué dans le fleuve Parana a permis de dénombrer 129 espèces de poissons. La disparition ou la prolifération de celles-ci est encore en cours d’évolution, aussi études et recherches se poursuivent-elles.

Le lac mis à part, études et recherches se poursuivent aussi sur les affluents du Parana situés en amont du barrage, dont la rivière Piquiri en est un exemple. Dans ces affluents se font les migrations de certaines espèces provenant du lac, entre autres, le pacú, le cascudo, le dourado et le pintado.

Il est probable que certaines espèces migratrices vont frayer hors du lac et y retournent ensuite. Au cours des campagnes périodiques de recherches financées par Itaipu, le marquage des poissons vise à mieux connaître leurs déplacements.

Sur une distance de 5 km en aval du barrage il est interdit d’y pêcher, afin de préserver la vie des poissons qui viennent se reproduire près du déversoir et préserver aussi la vie des pêcheurs qui viendraient à s’aventurer dans des eaux dont les turbulences sont mortelles.

À l'aide d'or radioactif, une campagne de recherche a été effectuée en vue de déterminer la quantité de sédiments se déposant annuellement dans le réservoir d'Itaipu. L’estimation faite d’après les valeurs obtenues montre que cette quantité serait de 40 millions de tonnes, provoquant l'ensablement du lac et la paralysation des turbines dans 350 ans.

[Photo : Folklore local.]

Les mesures adoptées actuellement pour combattre ce phénomène laissent à penser que celui-ci ne prendra effet que d’ici mille ans.

Le temps disponible est plus que suffisant pour développer toutes les activités inhérentes à l'utilisation des eaux du lac, y compris le transport fluvial.

Capacité de production

Le temps qui s’écoule entre la décision de construire une centrale hydro-électrique et son entrée en service demande plusieurs années. Pour qu’elle puisse opérer, les travaux de barrage retenant les eaux du fleuve doivent être conclus. L’entrée en opération des groupes ne peut se faire que progressivement, de plus leur production est fonction de la demande d’énergie. Chaque groupe peut être en cours de montage, opérant ou en période d’entretien, tout ceci sans interférer avec le fonctionnement des autres groupes. Les groupes en phase de montage nécessitent que leur prise d’eau et tube d’aspiration soient obturés par des batardeaux ou des vannes.

Les remarques et critères servant de référence montrent que l’ouvrage est d'une dimension colossale et peut aisément se comparer aux travaux des pharaons.

Itaipu est un ouvrage gigantesque : le barrage s’étend sur plus de 8 km, la salle des machines a 1 200 m de long, 18 groupes y sont installés, capables de produire annuellement 75 milliards de kW. Ce dernier chiffre plus que tout autre caractérise la grandeur de l'ouvrage.

À compter de 1986, la mise en service des groupes a dû être anticipée pour répondre aux besoins en énergie du Brésil.

Exploit dans sa construction, sa technologie et sa réussite, l'ouvrage d'Itaipu, une fois conclu, aura les dimensions correspondantes aux nécessités futures en énergie du Brésil.

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