À l'occasion du Salon Tau Expo qui se tiendra du 8 au 11 mars 1995 à la Foire de Milan, l'organisateur donne des aperçus intéressants sur la réorganisation des services publics italiens d’approvisionnement, d’épuration et de distribution des eaux telle qu’elle est décrite dans l'article qui suit.
Plus d’interventions privées et moins de gaspillages dans la gestion des eaux : la récente « Loi Galli » rouvre le marché d'une ressource très précieuse mais sous-estimée, les estimations et les études du CNEL suggèrent que l'application de la loi pourra générer 40 000 emplois.
1995 sera enfin une année riche d'espoirs pour le secteur des eaux. On est en train de définir les nouveaux bassins qui devraient limiter à 100 unités le nombre des gérants du service d’approvisionnement, de distribution et d’épuration de cette ressource. Voilà la première étape que la loi n° 36/1994, mieux connue sous le nom de loi Galli, devrait franchir pour renflouer un secteur qui, au cours de ces dernières années, a fait l'objet de beaucoup de contradictions.
Les chiffres le confirment
Huit milliards de mètres cubes d’eau à distribuer, à épurer et à intégrer dans un « cycle unique » avec la distribution et les égouts, de la part d’environ 5 500 organismes de gestion desquels dépendent plus de 13 000 aqueducs, avec un chiffre d'affaires d’environ 20 000 milliards de lires*…
La confusion, le morcellement et l'inefficacité du système sont démontrés par une seule donnée, qui est pourtant très éclatante : pas moins de 2 500 des 8 milliards de mètres cubes disponibles sont perdus tout au long des réseaux de distribution ; un volume énorme correspondant au double des besoins annuels moyens de la Lombardie. Les gaspillages et la pénurie de la ressource hydrique sont accompagnés d'une distribution non homogène par rapport à la demande. Il est donc nécessaire d’accroître et de protéger les sources d'approvisionnement, mais surtout de rééquilibrer la disponibilité pour des divers usages (civil, agricole, industriel, énergétique) par la gestion intégrée de la ressource hydrique et la définition de nouveaux bassins qui devraient limiter à 100 unités le nombre des gérants du service d’approvisionnement, de distribution et d'épuration de cette ressource.
Afin de promouvoir ce type de gestion, la loi n° 36 a introduit des principes fondamentaux qui s’inspirent d'une gestion privatisée, mais surtout de la notion selon laquelle toutes les eaux sont publiques et constituent une ressource à sauvegarder et à utiliser selon des critères de solidarité, vis-à-vis aussi des générations futures.
Les « autorités de bassin » établies par la loi n° 183 de 1989 ont la mission fondamentale de définir et d'actualiser périodiquement le bilan hydrique, qui doit assurer l’équilibre entre la disponibilité de ressources qu'on peut trouver ou activer dans la zone de référence et les besoins pour les divers usages. Le Gouvernement et les autorités de bassin doivent définir les normes et les directives. Il appartient ensuite aux régions de définir des « zones de compétence optimales » en vue de la réorganisation des services hydriques, dans le respect de l'unité des bassins hydrographiques et selon des paramètres physiques, démographiques, techniques et administratifs. Les collectivités locales de chaque « zone de compétence optimale », réunies et organisées dans les formes les plus appropriées (association province, associations de municipalités) sont responsables du choix de la forme de gestion du service hydrique intégré à travers une ou plusieurs entreprises hydriques (régie, concession aux particuliers, société mixte publique-privée), selon des critères d’économie, d'efficacité et d’efficience.
La loi établit que toutes les ressources nécessaires doivent être assurées par le tarif, en tant que rémunération du service hydrique intégré. Le tarif s’affranchit ainsi du régime « administré » pour devenir le paramètre d'une activité industrielle. Le tarif doit tenir compte de la qualité des ressources et du service, des ouvrages et des adaptations nécessaires, des coûts de gestion, et de la rémunération du capital investi.
En Italie on paie en moyenne 600 lires par mètre cube, contre environ 1 300 lires en moyenne pour les autres pays européens. Un tarif industriel correct serait sans aucun doute accepté par les utilisateurs et pourrait générer un chiffre de 60 000 milliards d'investissements en dix ans, qui sont nécessaires pour moderniser nos réseaux. Le tableau ci-dessous établit une comparaison entre les coûts de l'eau (lires/m³) de plusieurs villes italiennes et étrangères :
Italie : Palerme : 1 200 ; Florence : 1 200 ; Rome : 460 ; |
Europe : Genève : 2 232 ; Stockholm : 1 956 ; Bruxelles : 1 827 ; Bonn : 1 467 ; Marseille : 1 462 ; Vienne : 1 390 ; Rotterdam : 1 283 ; Helsinki : 995 ; Copenhague : 892 ; Barcelone : 757 ; Londres : 679. |
On a pu constater que jusqu’ici le problème des infrastructures pour la gestion et la distribution de l'eau a toujours été sous-estimé, pour faire place à des interventions prioritaires dans le domaine des transports ou des télécommunications, par exemple. Et pourtant, des études et des estimations récentes ont mis en évidence qu’au cours des cinq prochaines années, il serait possible, en appliquant les dispositions principales de la loi Galli, de créer 30 000 nouveaux emplois directs dans le secteur de la gestion hydrique, et environ 10 000 emplois indirects dans le cadre de la sous-traitance de fournitures et de technologies diverses.
Le marché de l’épuration en Italie
Des changements importants vont avoir lieu sur le marché de l’épuration de l'eau aussi.
Le rapport du Ministère de l'Environnement qui remonte au mois de mars 1980 a recensé 3 873 installations, ayant un potentiel global correspondant à 25,5 millions d'habitants. La plupart de ces installations ont une taille correspondant à moins de 5 000 habitants, alors que moins de 40 installations ont une taille correspondant à plus de 250 000 habitants. Nous n’avons pas encore à notre disposition les données globales relatives à la réalisation d’installations de traitement des eaux usées d’origine industrielle.
On estime en général qu'une bonne partie des industries les plus importantes ont déjà procédé à la réalisation d’épurateurs, à leur compte ou en association. Les grandes aciéries et les grands complexes pétrochimiques et métallurgiques-mécaniques ont été les pionniers de l’épuration déjà il y a trente ans.
À l'exception des principaux districts industriels, où des installations consortiales ont été réalisées, les manques principaux concernent les petites et moyennes entreprises.
L'évolution du marché des installations d'épuration des eaux est conditionnée par la demande provenant du secteur public et des entreprises industrielles. En ce qui concerne le secteur public, l’État s'occupe essentiellement de la coordination et de l'orientation, tandis que les régions ont une tâche de programmation, de contrôle et d’adaptation législative. Le cycle de l'eau dans son ensemble dépend des municipalités pour ce qui est de la distribution, des égouts (y compris les autorisations et les contrôles des déversements), de l'épuration et de l’écoulement des boues. Par rapport à l’expérience d'autres pays industriels (Grande-Bretagne et France, par exemple), en Italie la gestion des eaux est caractérisée par un énorme morcellement. La répartition des compétences sur une multitude d’administrations locales a provoqué très souvent des superpositions à plusieurs niveaux : des contrôles à l’identification des zones à destiner aux épurateurs.
Ce n'est que récemment que la réglementation a introduit les références aux bassins hydrogéologiques. La fragmen-
tation de la gestion rend plus complexes les choix de réalisation et de localisation des installations, à cause des contraintes locales et des problèmes d’autorisation.
Les contraintes en termes de dépenses, les procédures bureaucratiques d’attribution extrêmement complexes et le manque de structures techniques qualifiées engendrent en outre une lenteur structurelle qui prolonge souvent le temps qui sépare la phase de la conception et du projet du démarrage des travaux.
La demande vient en général des municipalités et des associations de municipalités, ou d'autres organismes publics, tels que les Usl (unités sanitaires locales), ou d’Enel et d’autres sociétés à participation publique. Dans le cas des grands groupes à participation d’État la demande est satisfaite par les sociétés de ces groupes qui travaillent dans le secteur de l’environnement, et qui sont souvent nées sur la base d’installations d’épuration insérées dans un contexte plus ample.
Parfois, la demande peut provenir d’associations mixtes constituées par des municipalités et des sociétés privées. Dans ce cas, des associations pour la réalisation d'installations pour l’écoulement d’eaux mixtes sont créées. La réalisation de ces installations consortiales ayant une certaine taille est très avantageuse du point de vue de la fonctionnalité globale et permet de faire des économies de gestion par rapport au résultat qu’on obtiendrait avec un nombre plus grand de petites installations. L'adjudication des travaux se fait en général par des appels d’offres, et plus rarement par des concessions. Le prix devient ainsi un facteur concurrentiel très important.
Les donneurs d’ordres publics représentent dans leur ensemble la partie la plus importante de la demande. Les difficultés de financement et les délais bureaucratiques imposés pour les grands projets (par exemple Lambro-Seveso-Olona) n’ont pas permis, au cours de ces dernières années, d’assurer une bonne évolution de l’activité alors qu’à moyen terme, l’adaptation à la directive CEE sur les eaux usées urbaines de 1991 pourra déterminer un plus grand dynamisme.
La demande provenant des industries est sujette à des modes et à des temps différents par rapport à la demande publique, étant donné qu’elle est moins liée aux procédures bureaucratiques et plus qualifiée au niveau technique. Ce segment de la demande est lié aux obligations de la loi et aux capacités des organismes publics à effectuer des contrôles qui garantissent la qualité des déversements, tout en obligeant les fabricants à se doter d’installations d’épuration appropriées.
Les manques les plus graves se situent surtout au niveau des petites entreprises qui sont en mesure d’offrir une demande potentielle d’installations aux petits et moyens installateurs.
En ce qui concerne les installations plus grandes, beaucoup d’unités ont été déjà mises en œuvre et exigeront des interventions de modernisation ultérieures, si de nouveaux paramètres pour les eaux usées sont définis.
Le marché dans son ensemble a une valeur d’environ 1 100 milliards de lires par an. Ce chiffre comprend le traitement des eaux primaires tout aussi bien que l’épuration des eaux usées. La partie concernant l’épuration des eaux usées s’élève à environ 500 milliards, dont la moitié concerne les ouvrages civils.
* NDRL : Rappelons que 1 000 lires équivalent à 3,34 F environ.
(De Roberto Malaman et Sergio Paba, « Industria verde », Il Mulino, 1993).