Your browser does not support JavaScript!

Histoire d'eau : El Massira, de l'eau et de l'énergie pour le Maroc

30 juillet 1985 Paru dans le N°93 à la page 74 ( mots)

Le barrage d'El Massira, au Maroc, régularise le débit de l'oued Oum Er Rbia, descendu du Moyen Atlas, et commande l'une des plus grandes réserves d'eau du Maroc. Le lac de retenue mesure en effet 30 km de long et jusqu'à 10 km de large. En hautes eaux, il s'étend sur une surface de 137 km² et peut emmagasiner jusqu'à 2,7 milliards de m³ d'eau.

Ce réservoir alimente en eau potable et en eau à usages industriels et agricoles la basse vallée de l'Oum Er Rbia, la bande côtière de 200 km de long qui va de Casablanca à Safi, l'industrie des phosphates implantée dans cette zone et le nouveau port de Jorf Lasfar encore en pleine extension. Il a également permis de porter de 40 000 à 100 000 hectares la superficie des terres irriguées dans la région aride des Doukkala. La capacité de la retenue devrait être suffisante pour faire encore face aux besoins en eau de l'an 2000, estimés pour cette région à 520 millions de m³ par an.

C'est également sur le site d'El Massira qu'a été construite la plus grande centrale hydro-électrique du Maroc. Deux turbines Francis de 75 MVA construites par Escher Wyss, complétées par une turbine auxiliaire de 1 MW, fournissent en moyenne au réseau national 240 millions de kWh par an, en période de pointe.

La construction du barrage a commencé en octobre 1975 sous l'égide de la direction de l'Hydraulique du ministère chérifien des Travaux publics et des Communications (aujourd'hui ministère de l'Équipement et de la Promotion nationale). En février 1979, on a fermé les vannes et commencé à retenir l'eau. Les travaux définitifs de fermeture ne se sont toutefois achevés qu'au début de 1981. C'est la société Campenon-Bernard Cetra-Smer Maroc qui assurait les fonctions d'entreprise générale.

1,6 million de m³ de terre, de roc et de béton

Le barrage d'El Massira ferme la vallée de l'Oum Er Rbia sur toute sa largeur. Des remblais de terre et de roches (1 274 000 m³ au total) obturent deux chenaux latéraux sur la rive droite de l'oued. Le plus grand de ces ouvrages a 1 450 m de long et 26 m de haut au point le plus creux du chenal ; le plus petit atteint 430 m de long jusqu'à 10 m de haut.

Le barrage a 390 m de long. Il s'élève à 65 m du fond de la vallée et à 82 m au-dessus de ses fondations. Sa construction a mis en jeu 354 000 m³ de béton et 2 700 t d'acier.

À sa base, six galeries de 4 m de haut, 2,3 m de large et environ 58 m de long permettent la vidange de la retenue. Des vannes plates de garde et des vannes-segments en acier commandent leur fermeture, à 24 m de l'entrée. En cas d'urgence, l'ouverture simultanée des six vannes permet la vidange du lac avec un débit de 1 390 m³/s.

À un niveau voisin débouchent deux prises d'eau usinières d'un diamètre de 5,2 m et une prise d'eau auxiliaire de 0,8 m de diamètre, pour l'alimentation des turbines. Cette eau sert également à régulariser le régime des retenues secondaires échelonnées en aval et utilisées à la fois pour l'irrigation et la production d'électricité.

La protection des ouvrages contre l'érosion

Lorsque la retenue d'El Massira atteint sa cote maximale, l'eau s'engouffre dans les vidanges de fond à la vitesse de 30 m/s, charriant de la boue, du gravier et même des fragments de roche. Une eau ainsi chargée exerce une action fortement abrasive à la base des galeries qu'elle ne tarderait pas à endommager si le béton était laissé sans protection.

On a donc appliqué un mortier Araldite résistant à l'abrasion sur le fond et les parements des galeries, entre les vannes-segments et la sortie.

[Photo]

Le choix de la société d'Aménagement du Barrage d'El Massira s'est fixé sur ce mortier formulé par Maghreb Elastomère S.A., Casablanca, après des essais comparatifs de différents produits portant sur la résistance mécanique, la résistance à l'abrasion et l'aptitude à la mise en œuvre.

Pour mesurer la résistance à l'abrasion, on a appliqué des échantillons de revêtement sur un substrat en béton, on a laissé durcir à la température ambiante puis on a projeté un jet de sable continu sous un angle de 20°. On a mesuré, d'une part, le temps nécessaire pour que le revêtement époxyde soit arraché et le béton mis à nu et, d'autre part, le volume de matière emportée, par reconstitution avec une pâte à modeler.

On a pris le plus grand soin à ce que le mortier offre une surface lisse, plane, compacte et sans joints de reprise. Les irrégularités et les pores sont en effet des sources de turbulences génératrices de phénomènes de cavitation.

Pendant l'année qui a suivi le traitement des galeries, les vidanges ont fonctionné en permanence afin de régulariser le niveau de l'eau dans les bassins en aval et d'approvisionner les installations déjà en service. En service normal, les vidanges de fond ne fonctionnent que pendant de courtes périodes mais sous des sollicitations intensives. L'inspection effectuée au terme de l'année de service ininterrompue a montré la parfaite conservation des revêtements, à l'exception d'une petite plage de 1/2 m² ; apparemment, le mortier n'avait pas été suffisamment lissé à cet endroit et la surface restée poreuse avait servi d'amorce à l'érosion du matériau. La reprise a été effectuée avec le même mortier.

Sous le couronnement du barrage et à l'aplomb des vidanges de fond se trouvent les quatre évacuateurs de crues de 10 m de large, fermés par des vannes-segments de 10 × 10 m. Les déversoirs suivent la pente du mur sur plus de 30 mètres et se terminent par un « saut de ski ». L'eau est ainsi déviée du mur et tombe en chute libre dans le bief aval avec un débit de 2 600 à 3 600 m³/s. On évite ainsi l'affouillement de la base du mur.

Là encore, pour éviter les phénomènes de turbulence et de cavitation, on a bouché et lissé tous les joints, fissures et aspérités des surfaces canalisant l'eau à l'aide du même mortier que pour les vidanges de fond.

Le liant utilisé pour les vidanges et déversoirs a également servi à formuler un mortier auto-coulant de 3 mm d'épaisseur étalé sur le sol de la salle des turbines et des locaux qui la desservent.

D'après la revue « Aspects » de Ciba-Geigy.

Le bureau d'études Universal Ingenieur AG, Bâle, a fourni les données et documents nécessaires à la rédaction de cet article.

[Publicité : Pierre Johanet et Ses Fils Editeurs S.A.]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements