[Photo : Le pont de Bir-Hakeim aujourd’hui]
La ligne circulaire sud du Métropolitain de Paris qui part de l’Étoile pour se diriger vers la Nation, en passant par la place d’Italie et dont la première section, comprise entre l’Étoile et la station de Passy, est livrée à l’exploitation depuis quelque temps déjà, franchit la Seine à la sortie de cette dernière station, à l’emplacement même de l’ancienne passerelle de Passy. Cette passerelle destinée seulement aux piétons n’était suffisante, ni comme résistance, ni comme largeur, pour être utilisée pour le passage des voies du Métropolitain et pour servir, en même temps, de voie charretière, dont l’utilité était d’autant plus grande qu’aucune autre voie charretière n’existe entre le pont d’Iéna et celui de Grenelle, pour relier les deux quartiers de Passy et de Grenelle.
On prit donc le parti de remplacer la passerelle de Passy par un viaduc à deux étages, le premier pour la voie charretière et le second, le supérieur, pour le passage des trains du Métropolitain.
Mais comme pendant la construction de ce nouveau viaduc, il était de toute
[Photo : Vue d’ensemble du viaduc]
impossibilité d’interrompre la circulation des piétons entre les deux rives, on résolut de conserver temporairement cette passerelle, en la déplaçant parallèlement à elle-même vers l’aval d’environ 30 mètres.
Le nouveau viaduc (figure 2), d’une longueur totale de 400 mètres, se compose de deux parties principales séparées par l’île des Cygnes : l’une traversant le grand bras et l’autre le petit bras de la Seine. Ces deux parties principales du viaduc sont reliées, d’un côté, à la station de Passy par sept travées métalliques établies dans l’axe de la rue Alboni et, de l’autre côté, à la station du quai de Grenelle, par deux travées métalliques dont l’une, de 55,28 mètres d’ouverture, franchit la ligne des Invalides à Versailles, de la Compagnie de l’Ouest.
Les deux viaducs qui franchissent les deux bras de la Seine sont, comme nous l’avons dit, à deux étages. Le premier, de 24,70 mètres de largeur entre parapets, se compose d’un trottoir pour piétons de 8,70 mètres de largeur, de deux voies charretières de 6 mètres accompagnées chacune d’un trottoir de 2 mètres de largeur.
Le second étage est formé d’un viaduc métallique, situé au-dessus du trottoir central, supportant les rails de la voie du Métropolitain dont le niveau se trouve à 7,21 mètres en moyenne au-dessus de la chaussée du premier étage. Nous disons en moyenne parce que le viaduc supérieur, qui supporte les voies métropolitaines, est de niveau sur toute la longueur de l’ouvrage, tandis que le pont inférieur, qui supporte les voies charretières, est en rampe de 5 millimètres par mètre du quai de Passy vers le quai de Grenelle. La hauteur du viaduc supérieur va en diminuant vers le quai de Grenelle.
Le viaduc qui franchit le grand bras de la Seine se compose de trois travées, une centrale de 54 mètres d’ouverture et deux de rive de 29 mètres, soit une longueur totale de 112 mètres. Pour le petit bras, l’ouverture centrale est de 42 mètres et les ouvertures de rive de 25 mètres, soit une longueur totale de 88 mètres entre culées. Le viaduc est biais et son axe fait un angle de 75° avec celui du fleuve. Les culées ont été fondées à l’air comprimé, au moyen de caissons descendus sur le sol solide, à une profondeur moyenne de 15,70 mètres au-dessous de l’étiage de la Seine.
Les piles en maçonnerie ont été également fondées à l’air comprimé. Les caissons ont été descendus à une profondeur moyenne de 16,30 mètres au-dessous de l’étiage. À ce propos, nous devons rappeler une circonstance particulière : deux des nouvelles piles occupaient exactement l’emplacement de celles qui servaient à supporter la passerelle. Comme, dans ces conditions, le fonçage à l’air comprimé des nouveaux caissons, de beaucoup plus grandes dimensions, qui coffraient complètement ceux de la passerelle et qui, de plus, devaient être descendus à une plus grande profondeur, eût présenté de grandes difficultés, on décida, avant toute nouvelle opération, de faire disparaître les colonnes et les caissons qui servaient de support à la passerelle. Cette opération, fort intéressante, s’est faite par arrachement.
La superstructure de l’étage inférieur de chacun des ponts se compose, comme le montre la figure 2, de dix fermes longitudinales dont la membrure supérieure est horizontale et la membrure inférieure courbe, de telle sorte que l’arche centrale a la forme d’un arc et les arches de rive la forme d’un demi-arc. Ces deux membrures sont reliées par une triangulation formée de montants verticaux et de diagonales. Les deux fermes centrales, supportant directement le viaduc de l’étage supérieur, ont des sections plus fortes que les six autres fermes qui supportent la chaussée. Quant aux deux fermes de rive, qui ne supportent qu’une partie du trottoir, elles ont une faible section et les tympans se composent de montants verticaux sans diagonales. Ces arcs sont reliés entre eux au moyen d’entretoises.
[Photo : Coupe transversale du viaduc]
[Photo : Figure 3 : Schéma du pont]
de croix de Saint André. Ces fermes longitudinales sont construites suivant le système cantilever, c’est-à-dire, comme le montre la figure 3, qu’elles se composent, dans la travée centrale, d’une partie en encorbellement prenant appui sur la pile, et équilibrée, à l’arrière, par la travée de rive à laquelle on a donné, dans ce but, un poids suffisant. Les deux parties en encorbellement de la travée centrale qui se font face sont reliées par une poutre intermédiaire fixée, d’un côté au moyen d’une rotule, à l’extrémité d’un des encorbellements et reposant, de l’autre côté, sur le second encorbellement au moyen de rouleaux permettant la dilatation de cette poutre centrale. Afin de permettre la dilatation du reste de la ferme composé de l’encorbellement et de la culasse qui forme la travée de rive, le tout repose sur la pile au moyen d’appuis fixes à rotule et sur les culées également au moyen d’appareils à rotule, mais à dilatation. Cette travée intermédiaire a une longueur de 42 mètres sur le grand bras. Cette disposition en cantilever a été adoptée afin de faciliter le montage de la travée centrale sans faire usage d’échafaudages en rivière.
Dans les travées centrales la chaussée en bois repose, avec interposition de béton, sur des tôles cintrées prenant appui sur les membrures supérieures des fermes, au moyen d’entretoises reliant ces membrures et de longerons intermédiaires. Dans les travées de rive, ces tôles cintrées ont été remplacées par des voûtes en briques et l’épaisseur du béton au-dessous du pavage en bois a été augmentée, afin de donner aux travées de rive faisant culasse un poids suffisant pour équilibrer le poids de la travée centrale dans le cas de surcharge le plus défavorable.
Le viaduc formant l’étage supérieur, au-dessus duquel circulent les trains du métropolitain se compose de colonnes métalliques reposant à leur base sur la membrure supérieure des deux fermes centrales et reliées entre elles, à leur partie supérieure, par un système d’entretoises et de longerons formant le plancher qui supporte les rails du métropolitain. La largeur du viaduc supérieur entre parapets est de 7,50 mètres. Chaque rangée de colonnes est espacée de 6 mètres dans le sens longitudinal du pont. Le tablier du viaduc supérieur est calculé de manière à reporter sur les culées en maçonnerie tous les efforts résultant du vent, de telle sorte que les colonnes, ne supportant aucun effort résultant de ce fait, ne produisent aucune déformation des fermes de l’étage inférieur du pont. Le montage de la partie métallique du pont s’est opéré très simplement. On a d’abord monté, sur échafaudages, les travées de rive, puis les parties en encorbellement des travées centrales qui ont été mises en place en porte-à-faux sans échafaudages. Cette opération terminée, on a placé les poutres intermédiaires de liaison entre les encorbellements de la travée centrale. Le tablier du viaduc inférieur étant ensuite posé, on a pu, sans difficulté, opérer le montage du viaduc supérieur qui supporte les voies du métropolitain.
Les travaux d’infrastructure, fondations et maçonneries, ont été entrepris par M. Gonchon, et la partie métallique a été exécutée par MM. Daydé et Pillé, les auteurs du projet accepté par l’administration à la suite du concours institué, en 1902, entre les constructeurs français.
R. Bonnin (1904)