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Histoire d'eau : Des tuyaux en bois de Sequoia

29 mai 1998 Paru dans le N°212 à la page 74 ( mots)

Voici un épisode oublié de l'exploitation des séquoias de Californie, qui aurait bien pu signer dans les premières décennies du siècle, la disparition totale et définitive de ces superbes arbres souvent millénaires, car il ne s'agissait pas d'y tailler des flûtes... Fort heureusement pour eux et pour le patrimoine forestier américain, l'apparition des techniques économiques de fonderie de tuyaux de tous diamètres en fonte puis en acier doux, a rapidement brisé l'élan de cette originale mais funeste cause de déboisement. Voici ce que rapportait un journaliste dans ?La Science Illustrée? de novembre 1905.

Fort heureusement pour eux et pour le patrimoine forestier américain, l’apparition des techniques économiques de fonderie de tuyaux de tous diamètres en fonte puis en acier doux a rapidement brisé l’élan de cette originale mais funeste cause de déboisement.

Voici ce que rapportait un journaliste dans “La Science Illustrée” de novembre 1905.

[Photo : La Science Illustrée, novembre 1905]

Les fameux arbres géants de la Californie, ces arbres que la science nomme, à cause de leur longue durée de vie, Sequoia sempervirens et que l’on désigne en Amérique du nom de California redwood – bois rouge de Californie – ont jusqu’ici intéressé plutôt le botaniste que l’ingénieur. Mais les ingénieurs américains ont maintenant ajouté le bois de séquoia à la liste des matériaux si divers que leur habileté utilise.

Ce bois est très recherché par de nombreuses industries dans toutes les régions de la côte du Pacifique à cause de ses qualités de durée et d’imputrescibilité. Or, tandis que les usages de ce bois se multiplient, la quantité d’arbres diminue. La région où on les trouve est celle du nord de la Californie, non loin de la baie de San Francisco, et elle s’étend dans l’intérieur des terres à 15 ou 20 kilomètres. Il y a aussi quelques séquoias au sud de San Francisco, mais ils n’ont guère d’importance au point de vue de la production du bois de travail. Le comté de Humboldt au nord possède les plus grandes forêts de séquoias ; 21 000 hectares ont déjà été abattus et il reste 196 000 hectares inexploités, représentant environ 1 300 millions de mètres cubes de bois. Étant donnée la consommation annuelle qui est faite de bois rouge, cette réserve est suffisante pour deux siècles… Néanmoins, beaucoup de gens dans la région, considérant que la consommation ira toujours en augmentant et que les réserves sont inférieures à l’estimation précédente, sont convaincus qu’il ne restera plus un seul séquoia dans un siècle d’ici.

En effet, la consommation augmente rapi-

dement. Elle est encore limitée à la région du Pacifique, mais les scieries cherchent à créer des débouchés dans l’Est et notamment à Chicago. Le bois de séquoia a servi à faire des bardeaux, des portes, des châssis de fenêtre, des volets, des revêtements de cheminées. Maintenant, on l’emploie aussi pour la fabrication de tuyaux d’irrigation et de conduites.

Cette dernière utilisation est particulièrement intéressante ; et on y rattache la construction de réservoirs en douve de séquoia. Les tuyaux de séquoia servent surtout à l’installation de conduites d’eau pour les usages domestiques, pour l’irrigation, pour les usines employant la force hydraulique et pour les eaux de vidange. On commence à les adopter même dans l’extrême Est américain, grâce aux efforts de la Excelsior Wooden Pipe Company de San Francisco ; ainsi, à Lynchburg, en Virginie, on vient de décider d’installer pour le service des eaux 32 kilomètres de tuyaux de séquoia de 76 centimètres de diamètre intérieur. À la Cornell University de New York, des tuyaux semblables pour le service de la force hydraulique ont 1,52 mètre de diamètre intérieur.

Mais les plus remarquables installations de ces nouveaux tuyaux sont celles qui ont été faites en Californie pour les services d’eau potable, pour les installations d’irrigation et pour les exploitations minières. Les tuyaux construits ont, dit Scientific American, un diamètre intérieur variant de 20 centimètres à 2,75 mètres ; une usine étudie en ce moment même l’installation d’un tuyau de 3 mètres de diamètre.

[Photo : Un tuyau de 60 centimètres de diamètre]

Les cuves en séquoia sont généralement destinées à recevoir de l’eau, mais on les emploie aussi pour la conservation de l’huile et du vin. Elles sont aussi très demandées pour les chantiers où l’on prépare les minerais par le procédé au cyanure. Notons en passant que l’on a abandonné pour ces derniers réservoirs la forme tronconique, le fond étant plus large que l’ouverture, et les réservoirs modernes sont des cylindres parfaits. Le plus grand réservoir que l’on ait construit a une capacité de 4 543 hectolitres.

Les douves de grande taille ont généralement une section assez courte. Les rayons des courbes des lignes des tuyaux sont forcément très longs. Le rayon des courbes ordinaires d’un tuyau de 25 centimètres est d’environ 40 mètres ; pour un tuyau de 2,75 mètres, ce rayon est d’au moins 250 mètres. Lorsque le tracé de la ligne comporte des courbes de faible rayon, on est obligé de se servir de coudes d’acier ou de fer ; pour les plus petits tuyaux, on peut se contenter de coudes en fonte. Quand on construit un tuyau de séquoia dans une courbe, les douves sont cerclées en partie, puis on applique telle force qui a été choisie pour leur donner la forme désirée. On se sert généralement dans ce but de crics à vis.

On a trouvé que l’usage de tuyaux en bois était particulièrement recommandable pour les installations hydrauliques de l’Ouest à cause de leur légèreté et de la facilité de transport qu’ils offrent. Le séquoia est un des bois qui ont la plus faible densité, bien qu’il ait une très grande résistance due à l’absence presque complète de nœuds et de défauts. Lorsque l’on installe de telles conduites dans des districts montagneux éloignés des chemins de fer, on a grand avantage à faire venir ces tuyaux qui, pouvant se démonter douve par douve, peuvent être mis en charges des formes et des poids les plus divers et que l’on peut même transporter à dos d’ânes en des endroits où ne pourrait arriver aucun véhicule.

La fabrication des tuyaux de bois de séquoia est extrêmement simple. Une machine découpe les douves qui sont ensuite assemblées sur place ainsi que le montre la figure 2.

[Photo : Installation d’un tuyau en bois de séquoia]

S. M.

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