Les usagers concernés sont d'abord les pêcheurs qui se préoccupent de la survie des poissons. Dans certains cas, d'autres usagers sont impliqués. Ainsi, ceux qui prélèvent de l'eau de rivière aux fins de production d'eau potable sont particulièrement intéressés à la conservation d'une qualité d'eau minimale.
Réussir une vidange de retenue consiste à réduire le plus possible les nuisances imposées aux utilisateurs de l'eau de la rivière à l'aval du barrage.
Les recherches réalisées en ce sens depuis 1983 par le Département Environnement aquatique et atmosphérique et le Laboratoire National d'hydraulique l'ont été au titre des actions affichées dans la convention passée en 1982 entre EDF et les ministères de l'Industrie et de l'Environnement. En 1987, elles arrivent à leur terme.
Le programme de recherches a comporté trois volets complémentaires : identification des modifications de qualité d’eau, connaissance des seuils de toxicité pour la vie aquatique, prévision des modifications. Pour chacun de ces volets, il a fallu définir des méthodes et des moyens de mesures adéquats. L’expérience tirée de ces années d'études a enfin débouché sur la proposition de recommandations qui aideront les exploitants à mieux gérer les vidanges.
Identification des modifications de qualité d’eau
Les mesures réalisées sur vingt sites de retenues vidangées depuis 1983 ont montré que quatre paramètres étaient susceptibles d'intervenir sur la mortalité des poissons :
- — la teneur en matières en suspension (MES), qui dépend de la quantité des sédiments entraînés, présente trois pics plus ou moins marqués selon le cas :
- ● à l’ouverture des vannes de fond,
- ● en fin de vidange, lors de l’élimination du culot de la retenue,
- ● pendant l’assec, du fait de l'effondrement des berges de la retenue ;
- — le déficit en oxygène dissous provenant de la remise en suspension des sédiments réducteurs est proportionnel à la teneur en MES de l'eau ;
- — la concentration en azote ammoniacal, qui provient du relargage à partir des sédiments entraînés ;
- — la température de l'eau, qui varie selon les conditions météorologiques et le protocole de vidange qui joue un rôle important sur les processus chimiques de l'eau (vitesse de consommation en oxygène des sédiments, dissociation de l'ammoniaque...).
[Photo : Visualisation des risques toxicologiques correspondant à différentes conditions de remise en suspension des sédiments.]
À ces facteurs s’ajoute la possibilité de relargage de fer et de manganèse.
L’ammoniaque et le manganèse posent des problèmes de traitement de potabilisation ; les seuils tolérables dépendent de la capacité des stations à adapter leur traitement à une augmentation passagère des concentrations.
Détermination des seuils de nuisance
Les études expérimentales sur des truitelles réalisées par le CEMAGREF dans le cadre d’une convention montrent que la cause principale de mortalité est l'asphyxie liée à la synergie d’un taux de MES excessif et du déficit en oxygène dissous.
Dans la plupart des cas, les teneurs en ammoniaque relarguée par les sédiments sont trop faibles pour influencer la toxicité de l'eau de vidange vis-à-vis des poissons.
Prévision des modifications de qualité d’eau
La prévision des modifications de qualité d'eau passe par la connaissance des processus sédimentologiques et physico-chimiques, nécessaires pour élaborer des modèles numériques de simulation.
En matière sédimentologique, le transport des sédiments en suspension et le dépôt en aval sont des phénomènes relativement bien maîtrisés qui ont donné lieu à des simulations. Les processus d’érosion sont en revanche moins bien connus et leur modélisation demande de poursuivre les efforts de recherches dans les années à venir.
La simulation des processus physico-chimiques a été effectuée à l'aide d'un modèle numérique qui calcule les ter-
mes du bilan d’oxygène dissous. Toutefois, en l’absence d’un modèle d’érosion sédimentaire qui permettrait de calculer des concentrations en MES, toute prévision reste entachée d’une grande incertitude.
Les études de terrain ont cependant montré qu’il est possible, par des mesures bathymétriques, de localiser les lieux de stockage des sédiments et de situer l’ancien lit de la rivière dans les retenues. Les caractéristiques physiques (granulométrie et cohésion) et chimiques (teneur en matières organiques, consommation d’oxygène dissous, relargage d’ammoniaque, de manganèse ou de polluants) peuvent être mesurées dans la retenue en eau avant la vidange. Ces mesures préliminaires fournissent un faisceau de renseignements qui permettent d’identifier qualitativement les risques. Elles servent d’autre part à tracer des abaques MES-oxygène dissous-température qui précisent quantitativement l’importance des perturbations à attendre et fournissent des orientations pour définir un programme de vidange.
Recommandations
À partir du bilan de ces recherches, des recommandations vont être proposées afin d’aider les exploitants à mieux gérer les vidanges.
Ces recommandations concernent, d’une part, des dispositions à prendre en vue de limiter l’entraînement des sédiments de la retenue et, d’autre part, l’amélioration de la qualité de l’eau à l’aval.
[Photo : Retenue de Beauvoir (Isère) : fin de vidange.]
Les quatre points développés les plus importants sont les suivants :
— définition d’objectifs de qualité d’eau à respecter lors de la vidange : ces objectifs varient selon les usages de l’eau à l’aval du barrage et sont donc à établir pour chaque retenue. Par exemple, ils seront différents d’un site à un autre, selon la position éventuelle de prises d’eau ou la richesse piscicole à l’aval ;
[Photo : Retenue de Treignac (Vézère) : ouverture des vannes de fond.]
— définition des mesures préliminaires en vue d’élaborer un programme de vidange : ces mesures préliminaires concernent la qualité des sédiments stockés dans la retenue. Les résultats obtenus doivent permettre d’évaluer les risques de pollution et d’adopter un protocole de vidange ;
— définition des méthodes de mesures de qualité d’eau en cours de vidange ; le protocole de mesures adopté doit permettre d’établir le constat des modifications de qualité d’eau et de suivre le plus rapidement possible les changements physico-chimiques de la rivière au cours de la vidange ;
— éléments de gestion de la vidange selon les objectifs de qualité d’eau.
Différents moyens d’intervention peuvent être utilisés, dans certains cas, pour respecter les objectifs de qualité d’eau définis avant la vidange : ralentissement ou accélération de la baisse du niveau de la retenue, stockage des sédiments dans une retenue à l’aval, dilution de l’eau de vidange par l’amont ou un affluent...
Extrait du rapport « DER 87 – Faits marquants », publié par Électricité de France – Département Environnement aquatique et atmosphérique.
Avec nos remerciements aux auteurs.