Les rejets par temps de pluie sont souvent caractérisés par une forte adsorption des polluants sur les matières en suspension (MES) décantables. Le CEREVE* a beaucoup travaillé sur les rejets urbains par temps de pluie et a mis en évidence des abattements significatifs sur les paramètres DCO, DBO5, hydrocarbures et métaux par décantation(1). L?expérience acquise maintenant depuis une dizaine d'années sur les rejets pluviaux industriels démontre en effet qu'une forte proportion de la pollution est fixée sur les MES, mais que celles-ci sont très fines impliquant la mise en ?uvre d'ouvrages de décantation dimensionnés avec de très faibles charges hydrauliques superficielles. Ces solutions techniques doivent cependant répondre aux spécificités de chaque site en matière de pollution chronique et accidentelle afin de respecter les objectifs de rejet, et impliquent une caractérisation des rejets.
L’expérience acquise maintenant depuis une dizaine d’années sur les rejets pluviaux industriels démontre en effet qu’une forte proportion de la pollution est fixée sur les MES, mais que celles-ci sont très fines impliquant la mise en œuvre d’ouvrages de décantation dimensionnés avec de très faibles charges hydrauliques superficielles. Ces solutions techniques doivent cependant répondre aux spécificités de chaque site en matière de pollution chronique et accidentelle afin de respecter les objectifs de rejet, et impliquent une caractérisation des rejets.
Les sites industriels sont soumis à des réglementations strictes sur les rejets des eaux usées mais également sur les eaux pluviales. Les installations classées soumises à autorisation doivent notamment se conformer aux dispositions de l’arrêté du 2 février 1998. Le respect des objectifs de rejets pluviaux implique une démarche spécifique détaillée ci-dessous, associée à la mise en œuvre d’ouvrages adaptés à la pollution chronique du site et aux risques accidentels liés à l’activité du site.
Méthodologie
La recherche de solutions en matière de gestion et de traitement des eaux de ruissellement implique une démarche précise détaillée ci-après au regard de la spécificité de chaque site industriel. En effet, en fonction de l’activité du site et de son environnement proche, les rejets par temps de pluie seront caractérisés par des concentrations et des flux en polluants très variables.
Une étude menée en 2003 a ainsi mis en évidence qu’un parking de bureaux situé dans une zone industrielle pouvait conduire à des concentrations non négligeables en hydrocarbures aromatiques polycycliques avec des flux supérieurs à 15 g/ha/an, liés aux activités industrielles proches du site. Chaque industrie génère ensuite des sources de pollution en fonction de ses activités :
- MES, DCO, métaux lourds et hydrocarbures pour les activités métallurgiques (figure 1),
*CEREVE : Contre Environnement et de Recherche Eau Ville et Environnement
mieux appréhender la spécificité de l’activité industrielle et déceler d’éventuels dysfonctionnements (réseaux colmatés, erreurs de raccordement, rejets d’effluents fortement pollués (ex. huiles solubles) au réseau pluvial, etc.). Des solutions préventives peuvent alors être envisagées, comme la couverture de zones fortement polluées soumises aux précipitations.
En fonction de ces éléments, une étude approfondie peut s’avérer nécessaire avec l’appui d’un bureau d’études qui assurera une caractérisation et une modélisation de ces rejets par temps de pluie.
La caractérisation des eaux de ruissellement
- MES, DCO et hydrocarbures pour les activités chimiques et pétrolières,
- MES, DCO et DBO pour les industries agroalimentaires,
- MES, DCO, métaux lourds et hydrocarbures pour les déchets industriels, etc.
Ces polluants sont alors présents sous forme de pollution chronique mais représentent également de réels risques en matière de déversements accidentels associés aux stockages de produits comme l’acide, les huiles, les détergents…
Pour mener une étude préalable sur ces rejets, on s’appuiera sur les éléments techniques remis par l'industriel (plan du site, plan et nature des réseaux, descriptifs des ouvrages existants, nature précise de l’activité, implantation géographique, risques de déversements accidentels, mesures analytiques disponibles, objectifs de rejet…). Cette première étape sera complétée si possible par une visite sur site permettant de définir la nature de la pollution et les filières de traitement à envisager. Trois essais de traitabilité sont couramment menés en laboratoire : la flottation, la décantation et le traitement physico-chimique.
La décantabilité des MES est étudiée à partir du protocole VICAS mis au point par le Cereve. Il consiste à réaliser en laboratoire un essai de décantation sur un échantillon moyen issu d’un prélèvement effectué au cours d'un événement pluvieux représentatif.
L’étude doit être menée sur plusieurs pluies, afin de s’assurer de la fiabilité des résultats, qui seront déterminants pour assurer le dimensionnement de l'installation de traitement des eaux si la décantation s’avère la
technique appropriée. L'exploitation des mesures nous permet d'établir une courbe de vitesse de chute (figure 3), caractérisant la décantabilité des MES. Des analyses complémentaires sur l'effluent brut et décanté sur d'autres paramètres (DCO, DBO5, hydrocarbures, métaux...) permettent d'évaluer l'abattement associé aux MES.
La charge hydraulique superficielle retenue pour dimensionner l'ouvrage peut être inférieure à celle correspondante à l'abattement théorique sur les MES si d'autres paramètres sont exigeants (cas des métaux lourds par exemple).
Une base de données a également été établie afin de rassembler les résultats des suivis analytiques de réalisations industrielles et urbaines, d'essais de traitabilité en laboratoire ou sur pilote. Associées à la bibliographie, ces données nous permettent d'accroître notre savoir-faire, et de disposer d'éléments essentiels à la définition du schéma d'assainissement et du dimensionnement des ouvrages de traitement, notamment lorsqu'il s'agit d'un projet et que le site n'existe pas encore.
La figure 4 illustre la méthodologie mise en œuvre sur l'étude d'un projet. Cette méthodologie permet de réaliser un dimensionnement répondant aux objectifs de rejet, et de définir le traitement le mieux adapté.
Les techniques de traitement
Les principales solutions techniques mises en œuvre sur des sites industriels pour réduire la pollution de temps de pluie et leur impact sur les milieux naturels sont présentées ci-après.
Les ouvrages de stockage - décantation
Ils consistent à intercepter les eaux de ruissellement et à leur assurer un temps de séjour adapté à leur décantation et éventuellement à leur flottation. Ces ouvrages permettent d'atteindre des rendements d'épuration très satisfaisants, mais impliquent des volumes importants.
Les eaux décantées sont soit évacuées par écrémage des eaux en surface (figure 5), soit par pompage et peuvent être asservies à une mesure qualitative. La gestion des polluants interceptés au sein de ces ouvrages implique une conception adaptée aux moyens d'exploitation envisagés.
À partir de la figure 3 et des objectifs de rejet, nous pouvons établir la charge hydraulique superficielle de l'ouvrage de décantation.
Traitement au fil de l'eau
Ces ouvrages de traitement, basés sur la
décantation lamellaire peuvent être envisagés avec deux concepts complémentaires, à contre-courant, ou à flux horizontal. Ils ont un intérêt évident lorsque la disponibilité au sol est réduite. Ils constituent de véritables stations de traitement (Figure 6), et non plus de simples unités de pré-traitement (débourbeur, séparateur…), assurant une efficacité réelle sur la spécificité de la pollution véhiculée par temps de pluie si les éléments de l'étude menée à l’amont sont intégrés à la conception de ces ouvrages. La charge hydraulique superficielle retenue est souvent de l’ordre d’1 m/h, et peut se rapprocher de 0,1 m/h en fonction des objectifs de rejet à atteindre. La mise en œuvre d’ouvrages de traitement par décantation au fil de l'eau conduit à des investissements conséquents dès que la surface active du bassin versant devient importante, et notamment lorsque la vitesse de chute des MES est faible. Ils sont souvent associés à des ouvrages hydrauliques, qui ont pour fonction la maîtrise des débits vers le traitement et la rétention des déversements accidentels. La mise en œuvre de dispositifs d’obturation automatique (Figure 7) permet alors un temps de réponse court pour isoler cette pollution.
Combinaison bassin d’orage et ouvrage de traitement
L’association bassin d’orage et ouvrage de traitement compact devient alors la meilleure solution sur un plan technico-économique. Les dimensionnements du bassin d'orage fonction de la pluie retenue, et de l'ouvrage de traitement doivent alors être parfaitement maîtrisés afin d’optimiser la filière de traitement et les investissements. La conception du bassin assure une fonction hydraulique et une fonction isolement avant rejet, permettant d’intercepter des pollutions accidentelles. On cherchera également à réduire la décantation des MES dans le bassin (Figure 8).
L’ouvrage de traitement est ainsi dimensionné pour traiter un faible débit et autorise une décantation à contre-courants sur les MES assurant une faible emprise au sol (Figure 9). La prise en considération des flux en polluants reste cependant un élément essentiel à une conception adaptée au traitement de ces effluents.
Lorsque ces ouvrages sont dimensionnés pour des débits de quelques dizaines de m³/h, il est également possible d’y associer
un traitement complémentaire par coagulation et floculation. Ainsi, lorsque les objectifs à atteindre ne sont pas garantis par décantation naturelle, et que le traitement physico-chimique est une technique efficace, il est tout à fait envisageable de faire évoluer l'ouvrage vers un traitement plus poussé par coagulation, floculation et décantation.
Les équipements associés
Ces solutions sont très prometteuses, mais il faut bien garder à l’esprit le fait que ces ouvrages impliquent une attention particulière, notamment sur le plan de l’exploitation. En aucun cas, on ne pourra se permettre d’oublier ces ouvrages une fois posés !
Par ailleurs, basés sur le principe de la décantation, ils conduisent à des volumes de boues qu’il faut intégrer dès la conception du projet. En effet, en fonction des volumes de boues prévisibles, il faudra, ou non envisager, des techniques d’extraction automatique des boues piégées sous les lames de décantation. Il s’agit de les isoler du flux hydraulique et d’accroître leur siccité par épaississement afin de réduire les coûts d’exploitation et d’assurer la fiabilité de l’installation dans le temps.
Suite aux premiers essais d’évacuation des boues par pompage, de nouvelles techniques d’extraction des boues ont été développées afin d’accroître leur fiabilité.
Le concept Caribou, développé en 2000, consiste à créer une liaison hydraulique entre le décanteur et le silo de stockage des
boues. Commandée par une vanne asservie et une différence de pression entre ces deux chambres, elle assure une grande fiabilité, sans contraintes d’exploitation (Figure 10). De même, la mise en œuvre de ces techniques doit intégrer :
- une parfaite maîtrise des débits sur le plan hydraulique, à l’amont mais également au sein de l'ouvrage de traitement,
- des outils de pré-traitement (dégrillage…),
- une accessibilité totale aux équipements internes,
- la télésurveillance garante d’une gestion optimale…
Performances et limites
Les performances de ces ouvrages axés sur la décantation sont en corrélation avec les courbes de vitesses de chute établies sur l’effluent amont. En effet, les campagnes de mesures réalisées au cours d’événements pluvieux montrent que les abattements réels sont du même ordre de grandeur que ceux déduits de la courbe de vitesses de chute. Les applications réalisées en décantation lamellaire montrent que les rendements moyens sont de l’ordre de 50 à 70 % sur les MES avec une charge hydraulique superficielle d’1 m/h. Des abattements supérieurs ont été obtenus sur des rejets industriels par temps de pluie avec des charges hydrauliques superficielles de 0,1 m/h : abattement moyen en MES de 80 %, coïncidant avec l’interception de très fines particules (diamètre médian de 26 µm), comme illustré sur la figure 11. Lors de ces campagnes de suivi, nous avons également mis en évidence la forte adsorption des polluants sur les MES avec des valeurs pouvant atteindre 48 g d’hydrocarbures/kg MS, 20 à 50 g de fer, plomb et zinc/kg MS.
L’efficacité de ces ouvrages étant fonction de la nature des effluents à traiter, le choix d’une vitesse de chute optimale reste l’élément clé nécessaire à l’atteinte des objectifs de rejet.
Les abattements sur les autres paramètres sont directement fonction de la nature de la pollution à intercepter. À titre d’exemple, sur les effluents issus des activités métallurgiques, les abattements sont compris dans une fourchette de 40 à 90 % pour la DCO, de 60 à 90 % pour les métaux et de 20 à 98 % pour les hydrocarbures. Pour les métaux lourds, il est impératif que le pH soit légèrement basique pour s’assurer d’abattements satisfaisants.
Lorsque les objectifs de rejet ne sont pas respectés par décantation il faut se diriger vers d’autres techniques de traitement. La coagulation-floculation peut être une réponse techniquement intéressante (Figure 12), mais qui implique une réelle rigueur en exploitation. La conception d’ouvrages évolutifs est alors une bonne réponse à la mise en œuvre de ces techniques lorsque les performances sont insuffisantes avec une décantation poussée. Lorsque la qualité du traitement est poussée, la réutilisation des eaux pluviales pour des besoins en eaux industrielles doit également être intégrée lors de l’étude.
Conclusion
L’assainissement pluvial sur des sites industriels implique une démarche spécifique au regard de la grande diversité des polluants véhiculés. Ainsi, une étude approfondie est nécessaire avant toute définition d’une filière de traitement de ces eaux. Cette étude reposera sur les caractéristiques du site, et idéalement sur la caractérisation des rejets par temps de pluie.
Les techniques de traitement ont fortement évolué ces dernières années et permettent maintenant la conception de véritables stations de traitement des eaux de ruissellement. L’association bassin d’orage assurant une fonction hydraulique à un ouvrage compact de décantation apparaît comme la solution la plus performante et la plus économique. En effet, elle permet de concentrer le traitement sur un ouvrage compact qui autorise également un traitement évolutif vers la coagulation-floculation ; le bassin ayant un rôle de fonction hydraulique et de rétention de déversements accidentels. Associés à un dimensionnement et à une conception parfaitement maîtrisés et à des outils performants d’aide à l’exploitation, ces ouvrages conduisent à des abattements significatifs sur les MES, la DCO, les métaux et les hydrocarbures.
Références bibliographiques
- Chebbo G., Mouchel J.-M., Saget A., Gousailles M. (1995) Pollution des rejets urbains par temps de pluie : flux, nature et impacts. Techniques Sciences Méthodes, Vol. 14, AGHTM éd.
- D’Elboeuf C., Viau J.-Y., Aires N., Herman A., Bonneau P., Nobecourt A., Pebay P. (2004) Caractérisation des rejets par temps de pluie sur les petites et moyennes surfaces imperméabilisées. Novatech, Lyon.
- Humbel X., Lazzarotto P., Viau J.-Y. (2004) Méthodologie de choix et de dimensionnement de techniques innovantes de traitement des rejets par temps de pluie au fil de l’eau. Novatech, Lyon.