La station d'épuration de Batna, mise en service en 2005, repose sur un procédé classique de boues activées, selon une filière de type contact-stabilisation comprenant une charge massique moyenne suite à une aération conventionnelle dans le but d'obtenir une bonne élimination de la DBO. Cette filière de traitement ne permet pas de traiter correctement la pollution azotée et phosphorée. La quasi-totalité des polluants qui s'écoulent dans l'Oued El Gourzi provient de sources urbaines acheminées vers la station d'épuration de Batna. Le procédé épuratoire a connu plusieurs dysfonctionnements causés par la présence de substances non domestiques, notamment des huiles industrielles. La valeur quotidienne moyenne de l'indice de Mohlman des boues activées est environ 200 mg/ml (> 150 mg/ml). Ces rejets non prévus sont à la base de la perturbation du processus épuratoire. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités au regard du traitement des eaux usées, et doivent notamment développer un programme d'actions pour éliminer les substances toxiques de l'Oued El Gourzi en exigeant une séparation des rejets industriels des rejets urbains, en tenant compte du fait que ces eaux épurées qui s'écoulent le long de Oued El Gourzi sont utilisées pour l'irrigation des céréales dans les plaines d'El Maâdher et Chmora, ainsi que certaines cultures maraîchères dans la région de Fesdis, ce qui aggrave la situation.
La station de traitement des eaux usées de la ville de Batna, entrée en service en 2005, est actuellement confrontée à un afflux d’eaux issues des unités de la zone industrielle, polluées par les produits chimiques et les huiles brûlées.
Les mises en demeure adressées par la direction de l’environnement aux unités polluantes, sommées de traiter leurs eaux usées avant leur rejet vers le canal menant vers la station, n’ont été suivies d’aucun effet.
La station a été conçue pour traiter les eaux usées domestiques ou industrielles traitées au préalable et les eaux chimiquement polluées constituent une menace pour son bon fonctionnement.
La station de Batna est conçue pour traiter 20 000 m³ par jour, soit les rejets d’une population de 200 000 personnes, dont les eaux traitées irriguent les céréales.
Mots clés : eaux usées, traitement biologique, rejets urbains et industriels, céréales, station de Batna.
DH : Direction de l’Hydraulique DS : Direction de la Santé DSA : Direction des Services Agricoles DC : Direction du Commerce DE : Direction de l’Environnement
Décret exécutif n° 07-149
La station d’épuration des eaux usées
Le Wali (le premier responsable)
Périmètres irrigués.
Figure 1 : Les acteurs de la filière de réutilisation des eaux usées en Algérie.
Plaines de Fesdis, El Maadher et Germa. Les rejets liquides industriels provenant des fabriques, des usines et des stations de lavage ont un impact négatif sur la qualité des eaux usées. D’autant plus que des surfaces agricoles sont irriguées avec des eaux usées épurées dans certains points de la région, avec de potentielles incidences sur la santé publique.
L’objectif de cet article est d’évaluer la possibilité de réhabiliter la station d’épuration de la ville de Batna pour améliorer le contexte environnemental de la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation dans la région.
Analyse de l’aspect institutionnel et législatif
Un projet d’élaboration de normes algériennes et d’un guide technique pour les bonnes pratiques en matière de réutilisation des eaux usées à des fins agricoles est en cours d’approbation par l’Institut Algérien de Normalisation (IANOR). La réutilisation des eaux usées nécessite une coordination étroite entre les différentes structures impliquées dans les opérations de réutilisation à tous les niveaux (MRE, 2012).
Aspect législatif
Le décret exécutif n° 07-149 du 20 mai 2007, publié dans le Journal Officiel de la République Algérienne n° 35 du 23 mai 2007, fixe les modalités d’utilisation des eaux usées épurées à des fins d’irrigation sous forme de concession ainsi que le cahier des charges-type y afférent (JO, 2007). Ce décret règle tous les processus d’utilisation des eaux usées épurées par les stations d’épuration, par une demande adressée par un concessionnaire au Wali (premier responsable de la wilaya ou département) de la région. Cette demande comporte une convention avec la station d’épuration qui fournit les eaux usées épurées.
Le contrôle technique, la gestion des périmètres irrigués et le contrôle sanitaire ainsi que la qualité de l’eau épurée et des produits agricoles sont assurés par les directions territoriales de chaque wilaya, sous tutelle de différents ministères : ressources en eau, agriculture, santé, environnement et commerce (figure 1).
Liste des cultures autorisées
Une autre réglementation doit être prise en considération : l’arrêté interministériel du 8 Safar 1433 correspondant au 2 janvier 2012 fixant la liste des cultures pouvant être irriguées avec des eaux usées épurées. Ce texte est promulgué par les ministres chargés des ressources en eau, de l’agriculture et de la santé. Les parcelles destinées à être irriguées avec des eaux usées épurées ne doivent comporter aucune autre culture que celles figurant sur la liste indiquée (tableau 1).
Norme de réutilisation des eaux usées
L’irrigation, avec des eaux usées épurées, des cultures maraîchères dont les produits sont consommés crus est interdite. Les parcelles destinées à être irriguées avec des eaux usées épurées ne doivent porter aucune autre culture que celles figurant sur la liste indiquée.
Les parcelles irriguées au moyen des eaux usées épurées doivent être éloignées de plus de 100 mètres des routes, des habitations, des puits de surface et autres ouvrages destinés à l’alimentation en eau potable. Tout raccordement avec une canalisation transportant de l’eau potable est interdit.
Aspect institutionnel
Lors de la mise en œuvre de la concession, les dispositions nécessaires doivent être prises par les différents intervenants.
Tableau 1 : Liste des cultures pouvant être irriguées avec des eaux usées épurées
Groupes de cultures pouvant être irriguées avec des eaux usées épurées | Liste des cultures |
---|---|
– Arbres fruitiers (*) | – Dattiers, vigne, pomme, pêcher, abricot, nèfle, cerise, prune, nectarine, grenade, figue, rhubarbe, arachides, noix, olive. |
– Agrumes | – Pamplemousse, citron, orange, mandarine, tangerine, lime, clémentine. |
– Cultures fourragères (**) | – Bersim, maïs, sorgho fourrager, vesce et luzerne. |
– Cultures industrielles | – Tomate industrielle, haricot à rames, petit pois à rames, betterave sucrière, coton, tabac, lin. |
– Cultures céréalières | – Blé, orge, triticale et avoine. |
– Cultures de production de semences | – Pomme de terre, haricot et petit pois. |
– Arbustes fourragers | – Acacia et atriplex. |
– Plantes florales à sécher ou à usage industriel | – Rosier, iris, jasmin, marjolaine et romarin. |
L’irrigation avec des eaux usées épurées est permise lorsque l’on cesse l’irrigation au moins deux (2) semaines avant la récolte. Les fruits tombés au sol ne sont pas ramassés et sont à détruire. Le pâturage direct dans les parcelles irriguées par les eaux usées épurées est strictement interdit, afin de prévenir toute contamination du cheptel et par conséquent des consommateurs.
Tableau 2 : Charges hydrauliques de la station d’épuration de Batna
Paramètres | Unité | Urbain | Industriel | Total |
---|---|---|---|---|
Équivalent habitant | EH | 140 000 | 60 000 | 200 000 |
Consommation spécifique d’eau (dotation) | L/hab.j | 100 | – | – |
Taux de rejet | – | 0,80 | – | – |
Débit moyen rejeté | m³/j | 11 200 | 8 675 | 19 875 |
Débit de pointe journalier au temps sec | m³/j | 16 800 | 10 410 | 27 210 |
Débit de pointe horaire au temps sec | m³/h | 1 050 | 600 | 1 650 |
Débit de pointe horaire au temps pluie | m³/h | 1 575 | 600 | 2 175 |
chacun en ce qui le concerne, de façon à prévenir les risques de contamination des eaux de la nappe souterraine et prévenir les risques de contamination des produits agricoles (JO, 2007).
Les partenaires privés
L’utilisation des eaux usées épurées à des fins d’irrigation est soumise au régime de la concession. La concession peut être octroyée à toute personne morale ou physique, de droit public ou privé, qui se propose de distribuer, à des usagers, des eaux usées épurées à des fins d’irrigation. Le dossier de demande de concession est adressé par le demandeur, en double exemplaire, au wali territorialement compétent.
Les partenaires publics
Les services de l’hydraulique de la wilaya sont tenus de mettre en place un dispositif de suivi et de contrôle de la qualité des eaux usées épurées pour suivre l’évolution de la qualité de l’eau de la nappe souterraine. Les services de la santé de la wilaya doivent assurer un contrôle régulier de la santé du personnel affecté à l’irrigation à l’aide d’eaux usées épurées. Les services du commerce de la wilaya doivent assurer un contrôle biologique et physico-chimique des produits agricoles irrigués avec des eaux usées épurées.
Dispositions financières
Le concessionnaire est tenu de régler les redevances fixées par la loi de finances, dues en raison de l’usage du domaine public hydraulique. Les tarifs applicables pour la fourniture d’eau usée épurée à usage agricole sont fixés conformément à la réglementation en vigueur.
Aspect environnemental
L’assainissement des agglomérations vise à assurer l’évacuation rapide et sans stagnation des eaux usées domestiques et industrielles susceptibles de donner naissance à des nuisances ainsi que des eaux pluviales susceptibles de submerger des lieux habités et ce, dans des conditions compatibles avec les exigences en matière de santé publique et d’environnement.
L’assainissement
En zone agglomérée, est obligatoire le branchement à l’égout de toute habitation ou établissement rejetant des eaux usées. Les agglomérations de plus de 100 000 habitants doivent disposer impérativement de procédés et de systèmes d’épuration des eaux usées, surtout les localités situées dans les périmètres de protection, en amont des ouvrages hydrauliques d’approvisionnement des populations en eau potable.
Il est interdit d’introduire dans les installations d’assainissement toute matière solide, liquide ou gazeuse susceptible d’affecter la santé du personnel d’exploitation ou d’entraîner une dégradation ou une gêne de fonctionnement des ouvrages d’évacuation et de traitement. Les conditions et normes de réalisation des projets d’assainissement, d’exploitation et d’entretien des installations d’évacuation et de traitement des eaux usées sont fixées par la réglementation.
Protection des sols
La protection et la préservation des sols nécessitent la réalisation de travaux d’assainissement et de drainage pour lutter notamment contre :
- La submersion prolongée des terres agricoles,
- La salinisation des terres agricoles,
- La remontée du niveau des nappes phréatiques sur les terres cultivées,
- L’érosion des sols.
Lutte contre la pollution des eaux
La protection de la ressource en eau s’apprécie en termes qualitatif et quantitatif. La pollution s’entend comme une modification nocive des propriétés des eaux, produite directement ou indirectement par les activités humaines, les rendant impropres à l’utilisation normale établie.
Il est interdit d’évacuer, de rejeter ou d’injecter dans le domaine public hydraulique des matières de toute nature et notamment des effluents urbains et industriels contenant des substances solides, liquides ou gazeuses, des agents pathogènes, en quantité et concentration de toxicité susceptibles de porter atteinte à la santé publique, à la faune et à la flore ou de nuire au développement économique (Décret exécutif n° 93-160 du 10 juillet 1993 (JO, 1993) et décret exécutif n° 06-141 du 19 avril 2006 (JO, 2006)).
Tout déversement ou immersion dans le domaine public hydraulique de matières est soumis à concession d’utilisation du domaine public hydraulique, appelée autorisation de déversement. Les conditions de délivrance, de modification ou de retrait de l’autorisation de déversement sont fixées par voie réglementaire. L’autorisation de déversement est refusée notamment lorsque les matières déversées sont de nature à nuire :
- à la capacité de régénération naturelle des eaux,
- aux exigences de l’utilisation des eaux réceptives,
- à la protection de la santé publique.
Description de la station d’épuration des eaux usées
Le projet de station d’épuration des eaux usées de la ville de Batna a été lancé en 2005 et aura coûté 980 millions de dinars (environ 9 millions d’euros). Sa gestion est assurée par l’Office national de l’Assainissement (ONA). Elle est conçue pour traiter 20 000 m³ par jour, soit les rejets d’une population de 200 000 personnes (tableau 2) (ONA, 2012).
La station d’épuration des eaux usées de la ville de Batna a été mise en service suivant le procédé classique des boues activées, selon une filière de type contact-stabilisation, comprenant une charge massique moyenne suite à une aération conventionnelle dans le but d’obtenir une bonne élimination de la DBO.
Les effluents du réseau d’assainissement de la ville de Batna parviennent à la station, après avoir franchi l’oued El Gourzi dans un dalot 1 × 1 m, suspendu au-dessus de l’oued, et qui lorsqu’il est mis en charge, déverse une partie des effluents dans l’oued (tableau 3 et figure 2).
Tableau 3: Charges polluantes
Désignation | Valeur (kg/j) |
---|---|
Charge massique de DBO5 à l’entrée de la STEP | 9 725 |
Charge massique de DCO à l’entrée de la STEP | 19 450 |
Charge massique de N org à l’entrée de la STEP | 600 |
Charge massique de NTK à l’entrée de la STEP | 2 200 |
Charge massique de P tot à l’entrée de la STEP | 320 |
Charge massique de MES à l’entrée de la STEP | 13 995 |
Rapport DCO / DBO
Les bilans d’exploitations mensuels de janvier à octobre ont été étudiés. Le tableau ci-dessous liste les débits moyens et les rapports DCO/DBO en entrée, ainsi que l’efficacité du traitement.
Concernant les débits moyens d’entrée, nous remarquons une augmentation progressive jusqu’à plus de 20 000 m³/j en septembre et octobre.
La station a été dimensionnée sur un débit moyen journalier de 19 875 m³/j et un débit de pointe par temps sec de 27 210 m³. Cependant, des débits moyens mensuels de plus de 20 000 m³ ont été régulièrement observés, avec certaines moyennes mensuelles de plus de 22 000 m³.
Les débits moyens mensuels ont été plus faibles à cause du déversement par temps sec.
Performances du processus
L’eau usée arrive à la station d’épuration des eaux usées de la ville de Batna avec les caractéristiques moyennes suivantes : 211 mg/l de DBO5, 759 mg/l de DCO, 334 mg/l de MES, 3,59 pour le rapport DCO/DBO, 7,5 de pH et 14 °C de température (figure 3), correspondant aux charges moyennes suivantes : 3,12 t/j de DBO5, 11,3 t/j de DCO, 5 t/j de MES.
Nature des rejets de la ville de Batna
Il est à signaler que la valeur moyenne de rapport DCO/DBO indicative de biodégradabilité (3,5) est élevée par rapport à la valeur contractuelle de 2,5 qui caractérise un rejet urbain biodégradable (figure 4). Ceci est significatif et indique que les rejets de la ville de Batna sont caractérisés par une prédominance de substances non domestiques, notamment des huiles industrielles et des hydrocarbures. Ces rejets, non prévus par le contrat de management, causent des dysfonctionnements au traitement biologique.
Le rendement épuratoire
Les concentrations moyennes à la sortie sont : 19 mg/l de DBO5, 108 mg/l de DCO, 46 mg/l de MES. Le rendement épuratoire est en moyenne de : 91 % d’élimination de DBO5, 87 % d’élimination de DCO, 87,6 % d'élimination de MES.
La concentration en oxygène dissous dans le bassin biologique est proche de 1,77 mg/l. La filière des boues est extraite et traite environ 4 506 m³ de boues épaisses.
Tableau 4: Données des bilans d’exploitation mensuels (janvier à octobre)
Mois | Débit moyen mensuel (m³/j) | Rapport DCO/DBO en entrée | DBO en sortie (mg/l) | Rendement (%) | DCO en sortie (mg/l) | Rendement (%) | MES en sortie (mg/l) | Rendement (%) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Janvier | 16 216 | 3,2 | 24 | 91,0 | 109 | 87,0 | 43 | 87,0 |
Février | 14 439 | 3,5 | 19 | 91,0 | 108 | 87,0 | 46 | 87,0 |
Mars | 17 816 | 3,4 | 15 | 92,5 | 106 | 85,4 | 42 | 81,6 |
Avril | 18 970 | 3,3 | 15 | 93,6 | 103 | 86,5 | 37 | 82,5 |
Mai | 18 653 | 3,26 | 15 | 94,0 | 118 | 85,7 | 46 | 91,0 |
Juin | 19 445 | 4,15 | 12 | 94,3 | 116 | 86,0 | 40 | 84,0 |
Juillet | 18 508 | 3,05 | 13 | 95,0 | 105 | 88,0 | 34 | 89,0 |
Août | 19 954 | 3,3 | 14 | 95,0 | 101 | 89,0 | 28 | 89,0 |
Septembre | 20 527 | 2,97 | 18 | 93,6 | 99 | 88,0 | 31 | 87,0 |
Octobre | 20 186 | 3,4 | 13 | 95,0 | 100 | 89,0 | 29 | 88,0 |
La zone de prétraitement est extraite : environ 12 m³ de sable et 6 m³ de refus de dégrillage (figure 6).
Sources de pollution
Le réseau d’assainissement de la ville de Batna draine les rejets urbains de la quasi-totalité des quartiers de la ville vers l’Oued El Gouzi, ainsi que les rejets de la zone Oued El Maadher. L’évacuation des eaux pluviales se fait également dans l’Oued El Gouzi qui draine ainsi tout le flux vers la plaine d’El Maadher par l’intermédiaire de celles-ci.
Il est à signaler que bon nombre d’habitations rejettent leurs eaux usées directement dans les affluents de l’Oued El Gouzi (DEATB, 2012).
Rejets industriels
En plus de la pollution domestique, il faut ajouter la pollution industrielle, sachant que la majorité des unités de production au niveau de la zone industrielle de Batna rejette dans l’Oued El Gouzi (figures 7, 8, 9). À cela, on peut rajouter les nombreux ateliers de bijouteries clandestines. On note aussi qu’une partie très importante du débit arrivant à la station d’épuration est rejetée directement dans l’Oued El Gouzi. Le diagnostic définit les causes de ces rejets directs (les caractéristiques des eaux rejetées par les unités industrielles sont présentées dans le tableau 5) (DEATB, 2012).
Tableau 5 : Caractéristiques des rejets industriels
T (°C) | pH | DBO5 (mg/l) | DCO (mg/l) | MES (mg/l) | Cl (mg/l) | Azote (mg/l) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
COTITEX¹ | 21 | 8 | 116,6 | 430,74 | 159,46 | 13,01 | 59,73 |
ENIPEC² | 20 | 9 | 600 | 706,4 | 516,7 | 63,9 | 96,96 |
ORELAIT³ | 21 | 9 | 91,66 | 1 904,4 | 193,33 | 168,03 | 336 |
ORAVIE⁴ | 21 | 8 | 63,33 | 220,26 | 105,38 | — | 69,06 |
Rejet Maadher⁵ | 20 | 7,5 | 531,66 | 563,2 | 65,2 | 23,06 | 109,53 |
(Source : DEATB, 2012) 1 : Comptoir textile — 2 : Entreprise des produits électrochimiques — 3 : Laiterie d’Aurès — 4 : Abattoir des volailles — 5 : Rejets en amont de la station d’épuration.
Normes de rejets en Algérie
En se référant aux valeurs limites maximales des paramètres de déversement dans les émissaires naturels, fixées aux seuils consignés au tableau 6 (décret exécutif n° 93-160 du 10 juillet 1993 réglementant les rejets d’effluents liquides et industriels et décret exécutif n° 06-141), on obtient :
Tableau 6 : Normes de rejet d’effluents liquides et industriels en Algérie (décret exécutif n° 93-160 et décret exécutif n° 06-141)
Paramètres | Unités | Valeurs maximales |
---|---|---|
Températures | °C | 30 |
pH | — | 5,5 – 8,5 |
MES | mg/l | 30 |
DBO5 | mg/l | 40 |
DCO | mg/l | 120 |
Huiles graisses | mg/l | 20 |
Hydrocarbures | mg/l | 20 |
Détergent | mg/l | 2 |
19 avril 2006 définissant les valeurs limites des rejets d’effluents liquides industriels), nous pouvons conclure que, mis à part les températures et les pH, les concentrations des eaux provenant des industries énumérées dépassent les normes. Par conséquent, elles devaient être préalablement traitées avant rejet.
Situation actuelle dans la région de Batna
Les eaux usées polluées, à moitié épurées, sont pour le moment déversées dans l’oued El Gourzi qui serpente jusqu’à la vallée d’El Maadher, charriant ainsi sur son passage les rejets domestiques et industriels des agglomérations en aval de l’unique station d’épuration des eaux de la ville de Batna. Certains agriculteurs les utilisent pour irriguer leurs champs. Ces unités industrielles, qui devraient être dotées d’un dispositif de prétraitement, ne respectent pas la réglementation. Par ailleurs, un nombre considérable de stations de lavage disséminées dans tous les quartiers de la ville déversent leurs huiles de vidange dans les canalisations alors qu’elles devraient être récupérées.
La lutte contre la pollution des eaux usées
L’irrigation avec des eaux usées non traitées est formellement interdite par la loi. Cependant, on estime que 8 % des terres irriguées, notamment en petite et moyenne hydraulique, reçoivent des eaux non traitées. Ce constat montre que le débat sur la nécessité de promouvoir ou non la réutilisation des eaux usées est dépassé (Hartani, 2004). L’alternative est plutôt de tolérer, donc d’encourager la réutilisation des eaux usées de manière “sauvage”, et de rationaliser cet apport afin d’assurer une pratique respectueuse des conditions d’hygiène.
Dans le cas de la station de Batna, les autorités doivent prendre leurs responsabilités en matière de traitement des eaux usées et développer un programme pour éliminer les substances toxiques de l’oued El Gourzi en exigeant une séparation des rejets industriels des rejets urbains, en tenant compte du fait que ces eaux épurées s’écoulent le long de l’oued El Gourzi et sont utilisées pour l’irrigation des céréales dans les plaines d’El Maadher et Chmora, ainsi que certaines cultures maraîchères dans la région de Fesdis.
Afin de mieux cerner la nature de ce type de pollution, il serait judicieux de caractériser les rejets de chaque industrie et d’analyser les process de chaque industrie en vue d’améliorer la qualité des effluents rejetés (Baok, 2007). En effet, la mesure quotidienne de l’indice de Mohlman des boues activées a donné un indice moyen de 200 mg/ml (2150), ce qui confirme la perturbation du processus biologique et explique la formation de mousses biologiques abondantes dans le bassin d’aération. L’impact de cette mousse sur les eaux épurées est lié à la concentration en MES et DCO, toutes deux élevées à la sortie de la station.
Pour la station d’épuration de la ville de Batna, un projet de canalisation autonome pour les eaux usées domestiques est en cours de réalisation pour séparer les rejets domestiques des rejets industriels (ce projet est déjà étudié et en cours de réalisation par l’ONA). Des traitements complémentaires pour ajuster la qualité des eaux usées épurées seraient nécessaires. En particulier, une réhabilitation de la station d’épuration selon un procédé plus classique d’aération prolongée avec une nitrification-dénitrification poussée serait judicieuse.
La valeur classique pour un effluent urbain est plutôt située entre 2 et 2,5. Ce rapport élevé peut entraîner plusieurs types de dysfonctionnements, notamment une prolifération de mousses dans les bassins d’aération ou une perturbation du voile de boue dans les décanteurs secondaires. Notons que dans la plupart des bilans d’exploitation mensuels, ces problèmes sont constatés et des travaux sont demandés, notamment sur le collecteur arrivant à la station. L’observation de ces bilans nous montre bien qu’à l’heure actuelle, des améliorations doivent être apportées sur le réseau pour permettre à la station d’améliorer l’efficacité du traitement. La station ne pourra pas améliorer ses performances sans améliorations préalables en amont, sur le réseau. Les performances de traitement sont cependant globalement bonnes en ce qui concerne les mesures en DBO, DCO et MES. Par contre, l’azote et le phosphore ne peuvent pas être traités correctement dans le cadre de la filière mise en place sur cette station. Ces paramètres ne sont d’ailleurs pas mesurés. Ils devraient être suivis régulièrement afin de suivre le problème et prévoir une amélioration du traitement, avec probablement une réhabilitation de la filière.
Conclusion
Nous nous intéressons dans cet article à un cas de réutilisation en irrigation d’eaux usées traitées biologiquement et dont les rejets traités sont mélangés à des rejets industriels. Nous montrons en particulier que, à la demande des agriculteurs, les gestionnaires du traitement délivrent une eau traitée mais mélangée avec des substances toxiques d’origine industrielle, au risque de contaminer les sols, les plantes, les ouvriers agricoles et les consommateurs. Dans la région de Batna, des travaux de réhabilitation de la filière sont fortement recommandés, surtout pour ce qui concerne la qualité des eaux usées épurées, la séparation des rejets industriels des rejets domestiques et la réhabilitation de la station d’épuration.
Les valeurs mensuelles du rapport indicatif de biodégradabilité DCO/DBO sont élevées par rapport à la valeur contractuelle de 2,5 qui caractérise un rejet urbain biodégradable. Ceci est significatif et permet de dire que les rejets de la ville de Batna sont caractérisés par une prédominance de substances non domestiques, notamment des huiles industrielles et des hydrocarbures.
La mesure quotidienne de l’indice de Mohlman des boues activées a donné un indice moyen de 200 mg/ml (2150), ce qui confirme la perturbation du processus biologique et explique la formation de mousses biologiques abondantes dans le bassin d’aération. L’impact de cette mousse sur les eaux épurées est lié à la concentration en MES et DCO, toutes deux élevées en sortie de station.
Les émissions importantes de polluants industriels constatées dans la ville de Batna se retrouvent principalement à la sortie de quatre unités industrielles : ORAVIE, ENIPEC, ORLAIT, COTITEX. La plupart de ces entreprises ne possèdent pas leur propre station d’épuration mais rejettent dans la station d’épuration de la ville de Batna.
En se référant aux valeurs limites maximales des paramètres de déversement dans les émissaires naturels (Décret exécutif n° 93-160 et décret exécutif n° 06-141),
nous pouvons conclure que mis à part les températures et les pH, les concentrations des eaux provenant des industries énumérées dépassent les normes. Elles devaient par conséquent être préalablement traitées avant rejet.
Des traitements complémentaires, pour ajuster la qualité des eaux usées épurées, seraient nécessaires, une réhabilitation de la station d'épuration selon un procédé plus classique d'aération prolongée avec une nitrification-dénitrification poussée serait judicieuse.