Dans le cadre des activités du groupe de travail (GT) ?terres de décantation? de la Commission distribution de l'eau de l'AGHTM une enquête a été réalisée sur l'état de la gestion des boues d'eau potable en France. Cette démarche d'investigation s'inscrit dans le cadre des réflexions sur les bonnes pratiques environnementales en matière de gestion des sous-produits résiduels de potabilisation. En effet, il a pu être souligné par différents membres du GT en charge de l'exploitation d'unités de distribution d'eau potable (UDI) de très nombreuses disparités locales. Ainsi, du point de vue technique d'abord et au niveau des conditions de traitement et d'évacuation de ces résidus, les approches analysées peuvent être très différentes, mais également sous l'angle administratif et réglementaire, les décisions des autorités sanitaires, en l'absence d'éléments de doctrine, sont souvent dépendantes de sensibilités locales. L?objet de cet article est de présenter un état des lieux du sujet en France en intégrant les éléments de l'enquête AGHTM aux données bibliographiques collectées. Évidemment partielle car l'intérêt porté au sujet est récent, cet article n?aborde pas les aspects qualitatifs de la nature des boues mais vise à souligner les faiblesses du dispositif actuel et le besoin de réflexions sur l'avenir de ces résidus. Pour comprendre les enjeux et percevoir l'état des connaissances de la gestion des boues d'eau potable, il convient, après une présentation du contexte hexagonal et de sa réglementation, de préciser l'état des lieux, réalisé à partir de données collectées pour l'enquête AGHTM et recueillies dans la bibliographie.
de présenter un état des lieux du sujet en France en intégrant les éléments de l’enquête AGHTM aux données bibliographiques collectées. Évidemment partielle car l’intérêt porté au sujet est récent, cet article n’aborde pas les aspects qualitatifs de la nature des boues mais vise à souligner les faiblesses du dispositif actuel et le besoin de réflexions sur l'avenir de ces résidus. Pour comprendre les enjeux et percevoir l’état des connaissances de la gestion des boues d’eau potable, il convient, après une présentation du contexte hexagonal et de sa réglementation, de préciser l'état des lieux, réalisé à partir de données collectées pour l’enquête AGHTM et recueillies dans la bibliographie.
Mots clés : Boues, eau potable, traitement, gestion, AGHTM, réglementation, normalisation, homologation, valorisation, chaulage, mise en décharge, valorisation agronomique, rejet, Unité De Distribution (UDI)
Parmi l’ensemble des déchets générés par les collectivités locales, les boues produites lors de la potabilisation de l'eau sont probablement parmi les plus méconnus du grand public. À ce propos, le dernier bilan réalisé par l'ADEME en 2002 sur les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA) a mis en évidence qu'une dizaine de plans décrivait une filière de traitement des boues issues de la potabilisation des eaux (mise en décharge, rejet dans le milieu naturel, épandage, et même (?) incinération), et de façon fort pertinente, le rapport souligne le “peu d'information sur les quantités produites et les filières de traitement sur ce déchet qui semblent mettre en
En matière de flux de déchets organiques des collectivités, se reporter à l'annexe.
évidence qu'il est nécessaire d'approfondir la question, pour mieux contrôler les rejets effectués”. Plus loin le même rapport conclut que “globalement le manque de précision est général sur les moyens mis en œuvre pour une bonne gestion des déchets liés au traitement de l'eau. Or, cela mérite d'être clarifié car il devient de plus en plus important que les plans intègrent un volet sur les déchets de l'eau. En effet, la consultation du plan départemental peut être une référence pour la prise de décision de certains dossiers administratifs”. Cependant, la thématique propre à la gestion de ces résidus de nature particulière concerne un nombre croissant de spécialistes, soucieux de respecter les conditions d'une gestion durable. À ce propos et à l'initiative de l'association professionnelle britannique CIWEM™, plus de 100 experts rassemblant plus de 10 nationalités se sont rassemblés à Londres les 12 et 13 septembre dernier pour assister à 23 communications dédiées au sujet et très variées (impacts des déversements de boues de potabilisation dans le milieu naturel, déshydratation assistée, recyclage des réactifs, impacts agronomiques...). Par ailleurs et de façon emblématique car l’activité de production d’eau potable relève d'une logique alimentaire sous le contrôle du Ministère de la Santé (fort distincte de celle de l'activité de gestion du déchet), la question de la gestion des boues d’eau potable est un terrain fertile pour analyser les relations complexes entre santé, protection de l'environnement, gestion des déchets et participation citoyenne.
Néanmoins, le travail présenté s’est inscrit délibérément dans le cadre d'une approche spécifiquement technique, le groupe de travail ad hoc constitué à l'AGHTM ayant pour but l'étude des filières d’évacuation des boues d’eau potable, cela sans prendre en compte les facteurs humains (individuels et collectifs) qui pilotent pourtant ce type de décisions à caractère sanitaire et environnemental. L’article reprend en partie les travaux et réflexions de ce groupe qu'il convient donc de remercier pour sa contribution.
En matière de filières d’évacuation des boues produites par des UDI, il convient de distinguer grosso modo quatre types de solutions :
- 1 – rejet au réseau d’eaux usées,
- 2 – épandage agricole ou variante,
- 3 – mise en décharge,
- 4 – rejet au milieu naturel : réseau pluvial, lagune, cours d'eau, carrière...
Mais si les boues d’épuration, à l'homonymie très voisine mais aux qualités fort distinctes, font l’objet d'une réglementation précise, les conditions de gestion des boues d'eau potable ne font l'objet d'aucun texte spécifique définissant une doctrine. En matière de retour au sol, ce sont les conditions propres aux boues d’épuration qui s’appliquent le plus souvent aux boues d’eau potable, et cela malgré des qualités agronomiques très distinctes. Les aspects réglementaires constituent ainsi un volet essentiel du travail.
Réglementation
Définition juridique des boues d’eau potable
Actuellement, au niveau national, la liste des déchets établit une nomenclature à six chiffres pour les déchets dangereux et non dangereux. Ce nouveau décret n° 2002-540 du 18/04/2002 transpose en droit français la décision de la Commission Européenne 2000/532/CE du 3 mai 2000, modifiée par les décisions 2001/118/CE du 16 janvier 2001, 2001/119/CE du 22 janvier 2001 et 2001/573/CE du 23 juillet 2001. Les boues d’eau potable sont définies dans la rubrique 19 : “déchets provenant des installations de gestion des déchets, des stations d’épuration des eaux usées hors site et de la préparation d'eau potable et d'eau à usage industriel” qui comprend 13 sous-rubriques. Plus précisément, c’est dans la rubrique n° 19 09 que sont recensés “les déchets provenant de la préparation d’eau destinée à la consommation humaine ou d’eau à usage industriel” comme le détaille le tableau ci-dessous :
Le principe de classement est basé sur l'origine de production des déchets (chapitres 01 à 12, 17 à 19) et sur l'origine du produit qui a engendré le déchet (chapitres 13 à 16 et 20). Cette liste unique est définie dans l'annexe II du décret n° 2002-540 du 19/04/2002 (J.O. n° 93 du 20/04/2002) remplaçant l’Avis du 30/12/97 et le décret n° 97-517 du 15/05/97.
Pour information, car cela relève davantage du volet analytique de l’étude des boues d’eau potable, les réactifs autorisés pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine font l'objet d'une réglementation très stricte®.
Aperçu de la réglementation relative aux filières d’évacuation
Si a priori le statut juridique des boues d’eau potable semble bien défini, les dispositions pratiques qui s'appliquent concrètement aux différentes filières de gestion sont nombreuses et ne permettent pas de constituer un ensemble cohérent sur le plan sanitaire et environnemental...
Rejet au réseau d’eaux usées
Les conditions relatives aux raccordements des effluents résiduaires au réseau d’assainissement municipal sont définies dans du Code de la Santé Publique qui stipule que lorsque “l’intérêt général le justifie”, les départements, communes ainsi que groupements et syndicats mixtes peuvent, par décret en Conseil d’État, être autorisés à prescrire ou tenus d’admettre le raccordement des effluents privés satisfaisant pas aux caractéristiques du cours d'eau récepteur. Par ailleurs, dans le cadre de la réglementation des installations classées (qui s'applique pour certains cas aux stations de potabilisation), il est précisé que le raccordement à un réseau public équipé d'une station d’épuration urbaine est possible si la charge polluante en DCO apportée par le raccordement reste inférieure à la moitié de la charge en DCO reçue par la station d’épuration urbaine. L'article 60 établit également, pour les effluents rejetés au réseau, des seuils au-delà desquels des mesures spécifiques doivent être réalisées.
Circulaire DGS 4 n° 2000-166 du 28/03/2000 relative aux produits de procédés de traitement des eaux destinées à la consommation humaine.
Loi n° 2001-208 du 9 mai 2001 art. 3 I (Journal Officiel du 10 mai 2001, article L1331-19).
Article 35 de l'arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.
Épandage agricole
Avant toute chose, il convient de distinguer la nature du matériau à retourner au sol et de préciser clairement s’il est considéré comme « déchet » ou comme produit. Les dispositions pratiques qui s’appliquent alors sont en effet radicalement différentes. Il faut savoir qu’un produit n’est pas soumis aux mêmes contraintes, car il obéit à des critères particuliers d’efficacité et d’innocuité strictement définis par la réglementation à logique de produit industriel, en l’occurrence « matières fertilisantes ». La réglementation à logique « déchet » impose en effet des restrictions d’usage très strictes qui se traduisent par les plans d’épandage soumis à décision préfectorale ; il est donc sauf exception préférable de travailler dans la logique « matières fertilisantes » et donc de travailler avec des agronomes...
Logique déchet
Faute de spécifications relatives aux boues d’eau potable, il est en général admis de considérer celles s’appliquant aux boues d’épuration, et ceci malgré des natures fort distinctes, en particulier la teneur en matière organique. Ainsi, le Décret du 08/12/97 et l’Arrêté du 08/01/98 relatifs à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées sont fréquemment utilisés. Dans ce cadre précis, des suivis stricts agronomiques et administratifs sont définis et la procédure d’autorisation s’applique à partir de flux supérieurs à 800 tonnes de Matières Sèches/an, en dessous, la seule déclaration est suffisante. Pour information, ce sont environ 60 % des boues d’épuration des eaux usées qui sont valorisées en agriculture en France en 2001. À titre d’exemple, les boues de l’usine de Joinville (94) gérée par la SAGEP sont valorisées en agriculture dans le cadre d’un arrêté interpréfectoral (Seine et Marne – Val de Marne) de 1999.
Logique produit
Deux voies réglementaires permettent à des boues de potabilisation de prendre le statut de produit « matière fertilisante ». La première et la plus « logique » est celle de la normalisation par l’AFNOR via le Bureau de Normalisation ad hoc, en l’occurrence le BNAME (BN amendements minéraux et engrais). Il existe en effet une norme relative aux amendements basiques qui définit des « produits issus de la décalcification des eaux de forage à la chaux ». Cette norme (NF U 44-001), d’application obligatoire, est à la mi-2002 en cours de révision. Pour information et de longue date (1988), cette norme permet en particulier à un industriel et à une collectivité de valoriser des boues de forage hors plan d’épandage. L’intérêt agronomique des boues épandues dans les champs est dû au pouvoir basique des carbonates précipités à la chaux. Il est à souligner que les boues issues de la potabilisation d’eaux puisées dans la ressource de surface (et non phréatique) sont explicitement exclues de cette norme...
La seconde voie est celle de l’homologation, démarche visant de façon spécifique et exclusive à accorder le statut de matière fertilisante à un matériau produit en un lieu unique. L’homologation obéit également à des critères de qualité (efficacité & innocuité) très stricts. Il y aurait, en 2002, deux dossiers de demande d’homologation concernant des boues de potabilisation en cours d’étude par le Ministère de l’Agriculture...
Mise en décharge
En matière de gestion des déchets en centres de stockage, il convient de suivre les prescriptions définies dans l’arrêté « consolidé » du 9/09/97 modifié sur les installations de stockage des déchets ménagers et assimilés et la circulaire du 4/07/02. En particulier, une définition des déchets admissibles est donnée, la catégorie D comprenant notamment les boues provenant de la préparation d’eau potable ou d’eau à usage industriel, lorsqu’elles ne présentent pas un caractère spécial et dont la siccité est supérieure à 30 %. Par ailleurs, en matière de transfert de déchets, l’arrêté du 12/08/98 précise les conditions d’autorisation de transport.
Rejet au milieu naturel
Les rejets au milieu peuvent prendre plusieurs formes (réseau pluvial, lagune, cours d’eau, carrière) et les conditions réglementaires sont précisées dans l’article 10 de la loi sur l’eau du 3/01/92 qui définit une nomenclature des opérations soumises au régime de la Déclaration ou de l’Autorisation des rejets dans les eaux superficielles. Le Décret n° 93-743 du 29/03/93 distingue les procédures applicables en fonction du volume de rejets (seuil de 10 000 m³/j ou 25 % du débit du cours d’eau) et du flux de pollution. Par ailleurs, le règlement sanitaire départemental peut également définir des spécifications.
Autres filières
Plusieurs autres exemples instructifs peuvent par ailleurs être cités. Ainsi, en France, des boues de potabilisation sont utilisées comme formulant structurel pour le compostage de déchets verts (exemple avec arrêté préfectoral à Soullans, 85 – SAUR Valbé), pour l’élaboration de remblais (exemple à Lille, 59 – SUEZ Agro-développement).
À l’étranger, des exemples originaux et non transposables existent comme à Stockholm (Suède) où des boues riches en alumi-
™ Management of wastes from drinking water treatment, International Conference 12 et 13 septembre 2002, Londres (Grande-Bretagne).
[...] ont été valorisées en amendement organique avec le procédé Econova, et Barcelone (Espagne) où le même type de résidus fait l’objet d’une valorisation dans l’industrie céramique.
État des lieux
Nature de la ressource en France
Comme cela a été précisé, relativement peu de données sont disponibles même si des boues sont toujours produites en cas de prélèvement de surface. En France, il a été recensé 26 680 unités de distribution (UDI) alimentant 58 millions d’habitants et 32 406 captages dont :
- - 96 % sont des captages d’eau souterraine (puits, forages ou sources) qui produisent 63 % du volume distribué annuellement,
- - 4 % sont des captages d’eau superficielle (lacs ou cours d’eau) qui produisent 37 % du volume distribué annuellement.
Néanmoins, des disparités dans la nature de la ressource entre départements sont observées : 12 650 captages et 9 700 UDI dont les trois quarts desservent une population inférieure à 500 habitants.
Relativement à la dureté des eaux brutes, la localisation des eaux dures génératrices de boues de décalcification peut s’approcher à partir de la carte des pH des sols* ci-après, le quart Est étant caractérisé par une ressource souterraine riche en carbonates (pH > 6,5).
Données bibliographiques
Études réalisées
Plusieurs investigations ont été réalisées (voir bibliographie). Citons ainsi les travaux suivants achevés ou en cours :
- - deux articles récents sur la « réutilisation des boues d’eau potable » (SAUR et INRA) et en particulier sur la lixiviation des pesticides adsorbés par le charbon actif en poudre et un autre relatif à « la valorisation des terres de décantations en agriculture : l’exemple de l’usine de production de Joinville » à paraître (SAGEP, JC. Moussy),
- - une étude en cours sur les boues de potabilisation des petites stations du Bassin Seine-Normandie,
- - une étude relative à la faisabilité des filières d’élimination des boues des usines de production d’eau potable du Limousin de mars 2001. À partir de 50 sites de production retenus sur cette région et prélevant de l’eau de surface, 1 500 t de MS sont produites dont seulement la moitié fait l’objet d’une gestion spécifique (rejet à l’égout ou mise en décharge),
- - une enquête relative aux valeurs agronomiques des boues de décalcification d’eaux de surface et de forage produites et épandues en Haute-Normandie de septembre 2001. À partir de 6 sites totalisant 15 400 t de MS/an, plusieurs filières de conditionnement sont décrites (ressuyage 1 an en plate-forme : siccité de 62 %, déshydratation sur filtre-presse : siccité de 80 %). Des analyses nombreuses ont été réalisées (CaO, MgO, Al, Fe, 10 éléments traces) en vue d’une démarche réglementaire,
- - un dossier sur le traitement des boues d’eau potable dans le Bassin Loire-Bretagne de juin 1998. À partir des relevés de redevance pollution des usines de potabilisation répertoriées comme établissement polluant « fabrication d’eau potable ou d’eau à usage industriel par floculation d’eaux brutes ; cas du rejet des boues formées » (code n° R700), un état des lieux a été réalisé. Ainsi, sur les 164 plus petites unités (capacité < 15 000 m³/j), la moitié environ peut préciser la destination de ses boues (36 % en décharge, 33 % à l’égout, 17 % en rivière, 11 % en épandage agricole, 1,5 % en valorisation forestière, 1,5 % en cimenterie), 50 % pratiquant une centrifugation, 32 % une filtration et 18 % du lagunage.
plus grosses unités, 6 ne produisent pas de boues et, en termes d’évacuation, les filières sont diverses (36 % à l’égout, 20 % en décharge, 20 % en rivière, 16 % en épandage agricole, 4 % en valorisation forestière, 4 % en cimenterie), 69 % pratiquant une centrifugation et 31 % une filtration.
- une étude sur l’analyse des paramètres de redevance des boues issues du traitement de l’eau potable du Bassin Seine-Normandie de septembre 1995. Sur les environ 550 usines d’eau potable recensées sur la zone, seules 8 sont équipées d'un traitement des boues. L’étude concerne le calcul des redevances et de la prime à épuration. Une seconde étude, au sein de la même équipe et relative aux sous-produits d’épuration des effluents industriels d’août 2000, a mis en évidence une production de 20 000 t de MS sur 10 sites principaux dont 30 % partent en valorisation agricole, 27 % en décharge de classe 2, 28 % étant stockés sur le site de production, le solde étant non renseigné.
- il existe quelques investigations sur sites comme une étude sur l’élimination des boues de l'usine de production d’eau potable de Bringall & Pont-l’Abbé (SAUR, juillet 2001) qui étudie la composition analytique des boues et la présence de composés organiques (dont les pesticides) dans les lixiviats ;
- enfin, il y a maintenant plus de 10 ans étaient organisées à Fribourg des journées techniques intitulées « Les boues des stations d’eau potable : qu’en faire ? » (AGHTM en partenariat, octobre 1990).
Résultats de l’enquête AGHTM
Objectifs & représentativité
L’enquête menée auprès des membres du groupe de travail a permis de rassembler des données, globalement cohérentes, relatives à 384 UDI en matière de :
- Débit en m³/h ;
- Production de boues en t de MS/an et siccité (en %) ;
- Types et quantités de réactifs utilisés pour conditionner les boues ;
- Filière d’élimination des boues ;
- Situation vis-à-vis de la réglementation.
La quantité de boues totales produites par ces 384 UDI est de l'ordre de 64 000 tonnes de MS/an, soit en effet à peu près 10 % de la production française de boues d’épuration urbaines (850 000 t de MS/an). Pour information, une récente étude a estimé la production de boues d’eau potable à environ 10 % de la production de boues d’épuration, soulignant également les grandes disparités au niveau européen, tant sur le plan législatif que sur le plan des pratiques…
Relativement à cette question de la validité de l'étude, il convient de remarquer qu’aucune exhaustivité n’a été recherchée mais que la part des petites installations est telle que l'on peut considérer les résultats de cette étude comme représentatifs de la situation existante.
Aspects terminologiques
Sur la base des échanges du groupe, il est apparu qu'il n’y avait pas d’unanimité sur les termes employés. Aucun consensus ne s'est ainsi dégagé sur « boues d’eau potable » ou « terres de décantation » et ce qui est pris en compte est un ensemble complexe (boues d’hydroxydes, boues de décarbonation, incuits de chaux, boues de déferrisation – démanganisation, boues d’eaux de surface ou de forage). Il est donc nécessaire, en particulier en relation avec la réglementation, de préciser les termes employés. À noter par ailleurs que les traiteurs d’eau, sans référence agronomique, considèrent des différences de qualité entre les boues issues d’eaux de surface et celles de nature souterraine, les premières étant jugées « moins bonnes » en raison de la présence possible de composés organiques (pesticides, HAP, PCB…), métalliques (Al, Fe…) et d’agents biologiques (i.e. cryptosporidium !).
Caractéristiques de l'ensemble étudié
- Nombre d’UDI, capacité, production et tonnage de boues produites ;
production boues : en t de MS/an : 63 800
- Analyse de la capacité en fonction des débits de production.
Il apparaît ainsi, comme sur l'ensemble du territoire national, une forte proportion d'UDI de petite capacité (avec Q < 500 m³/h) qui représente, en nombre d’unités, les ¾ de l'ensemble étudié mais moins de 1/5 en terme de capacité de débit associé. Les grosses unités (Q > 1 500 m³/h) représentent 10 % en nombre mais 62 % en terme de capacité de production.
La population des UDI étudiées est représentée pour plus de la moitié par de petites unités de capacité inférieure à 300 m³/h (pour environ 10 % de la capacité totale) et les UDI de capacité comprise entre 500 et 1 000 m³/h représentent plus du quart de cet ensemble, les grosses unités (> 5 000 m³/h) comptant pour moins de 3 % en nombre mais pour plus de 35 % en capacité. La figure 3 illustre ces données au niveau de la production.
Report on drinking water residues - Rapport EURBAU du 14/03/2000 (G. Leboucher et L. Patria).
répartition des UDI.
> Analyse des filières de gestion des boues en fonction de la capacité des UDI
Le tableau ci-après présente les données relatives aux trois filières principales d’élimination des boues de potabilisation en fonction des tranches de capacité (les pourcentages sont calculés sur le nombre total d’UDI et non sur la capacité) :
Des divergences relatives à la définition des termes « épandage », « réseau eaux usées », « décharge » et « autres » sont apparues très clairement.
Ainsi des cas de confusions entre « opérations de traitement » et « destinations finales » ont été notés :
- - ambiguïté relative au classement de l’opération de reformulation de la boue d’eau potable avec un mélange de base organique type déchets verts, ordures ménagères…,
- - imprécision sur la notion d’« épandage » qui peut concerner une valorisation agricole réalisée par un prestataire spécialisé avec suivi agronomique (voire une valorisation en sylviculture) ou un « dépôt » non contrôlé sur un terrain sans autorisation,
- - manque de clarté sur la filière « réseau EU ». Le rejet au réseau EU implique-t-il systématiquement un traitement des boues de potabilisation au niveau de la station d’épuration ? (connaissance du fonctionnement du réseau d’assainissement),
- - une même UDI peut traiter de façon distincte les différents résidus (boues de décantation, de lavage des filtres à sable ou à charbon…),
- - et enfin, une même UDI peut mettre en œuvre plusieurs filières d’élimination en parallèle.
Au global, 30 % des UDI pratiquent le rejet au réseau et plus de la moitié mettent en œuvre une solution autre que l’épandage (6 % en nombre) ou la mise en décharge (13 %). Ainsi, les solutions du type rejet milieu naturel (réseau pluvial, lagune, cours d’eau, carrière, et même compostage…) sont les plus nombreuses !
> Analyse des données sur les réactifs utilisés pour le traitement des boues
Sur la base des réponses exploitables, les produits utilisés qui ont été signalés sont les suivants :
- 1. coagulants et adjuvants de floculation sur environ la moitié des cas étudiés,
- 2. chaux sur environ un quart des cas étudiés,
- 3. CAP sur environ un cinquième des cas étudiés (toujours avec coagulants).
Aucune corrélation ne semble possible pour relier les consommations en réactifs à la taille de l’UDI. Dans le cas des UDI utilisant de la chaux, la dose peut être élevée (jusqu’à 75 % en matière sèche !) mais la relation entre le chaulage des boues et la filière d’élimination des boues est délicate.
> Analyse des données relatives à la siccité des boues
Sur l’ensemble étudié, seulement 20 % des UDI connaissent la valeur de la siccité des boues, ce qui est relativement peu. Les valeurs étudiées présentent par ailleurs de fortes variations (0,03 % jusqu’à 70 % !) avec une moyenne de 22 %. Environ un cinquième des UDI ont une siccité inférieure à 10 %, un peu moins de deux cinquièmes des UDI ont une siccité comprise entre 10 et 20 %, deux cinquièmes des UDI ont une siccité supérieure à 20 %. Au niveau des équipements de déshydratation, sont rencontrés des centrifugeuses, des lits de séchage et des sacs filtrants.
> Analyse des données relatives à la mise en conformité (autorisation ou déclaration)
Sur la population des stations considérées, les résultats de l’enquête sont les suivants :
- - moins de 5 % des unités sont en conformité avec la réglementation et seulement 1 % sont en cours de régularisation ;
- - moins de 5 % des UDI disposent ou vont disposer d’une étude spécifique à la gestion des boues d’eau potable ;
- - enfin, une importante UDI réalisant un traitement au CAP évacue ses boues sur le lieu même de l’installation (dans le cadre d’une déclaration en préfecture pour utilisation en remblai/stockage).
Il apparaît également une grande hétérogénéité dans l’approche administrative selon les conditions locales. Ainsi, en particulier, les exigences des services de police de l’eau (DDASS, DDAF, DDE…) en matière de gestion des boues de potabilisation sont relativement variables en fonction du contexte départemental, sans qu’il soit possible de tirer des conclusions abusives…
Conclusions & Prospectives
Les résultats présentés sont issus d’une étude réalisée grâce à la coopération de différents acteurs concernés par la gestion des
boues d'eau potable. Sur la base de ces données, un état des lieux partiel mais représentatif a ainsi pu être réalisé, mettant en évidence les besoins de mise en cohérence. Pour élaborer une stratégie visant à préciser clairement les conditions de gestion de ces boues, et en particulier pour obtenir une réglementation spécifique à leurs usages en agriculture, il conviendrait sans doute, en relation avec les principaux Ministères concernés (Écologie, Santé, Agriculture) et l'AGHTM, de réaliser les tâches suivantes :
- comparaison des qualités et compositions des boues de potabilisation avec les autres matières fertilisantes,
- amélioration des connaissances agronomiques des boues de potabilisation et en particulier du pouvoir neutralisant apporté par le chaulage,
- et enfin, en concertation avec les filières d'épandage des autres matières fertilisantes, de procéder au développement d'une doctrine spécifique, ceci afin d’assurer la durabilité des solutions de gestion. En effet, si dans le cas de filières de valorisation existantes des améliorations peuvent être apportées, dans la plupart des cas sans filière proprement dite, des solutions adaptées devront être mises en œuvre et il ne s’agit pas, à l'heure du principe de précaution, de revenir sur des choix aux conséquences financières importantes pour les collectivités.
Annexe 1 : Flux de déchets des municipalités
Ratios de déchets organiques urbains (AGHTM, ADEME, IFEN)
Volume (l/Éq.hab/an) | Masse MS (kg/Éq.hab/an) | Humidité (%) | MO/MS (%) |
---|---|---|---|
Curage d'égouts : 5-12 | 3-8 | 50-70 | 15-30 |
Dégrillage de STEP : 3,2-4,2 | 1,4-2,0 | 40-55 | 65-80 |
Dessablage de STEP : 4-8 | 4-8 | 10-30 | 10-25 |
Graisses de STEP : 14-18 | 0,4-0,7 | 60-80 | 80-90 |
Boues de STEP : 200 | 15 à 20 | 1 à 99 | 40-60 |
Ordures ménagères : 600 à 1 000 | 300 à 500 | 25-45 | 40-60 |
Total : 800 à 1 200 | 300 à 550 |
MS : matière sèche — MO : matière organique
Références bibliographiques
- Actes - Management of wastes from drinking water treatment, International Conference - 12 et 13 septembre 2002, Londres (Grande-Bretagne).
- Étude relative à la faisabilité des filières d'élimination des boues des usines de production d'eau potable du Limousin en mars 2001. (DIREN Limousin, contrat SESAER n° 20 748).
- Enquête relative aux valeurs agronomiques des boues de décalcification d'eaux de surface et de forage produites et épandues en Haute-Normandie en septembre 2001 (MIRSPAA, D. Frelet).
- Étude sur le traitement des boues d'eau potable : état des lieux et bilan sur le Bassin Loire-Bretagne en juin 1998 (Agence de l'eau L. B.; ISM, S. Peuch).
- Études sur l'analyse des paramètres de rendements des boues issues du traitement des eaux potables du Bassin Seine-Normandie de septembre 1995 (Agence de l'eau S N et ESP, B. Aigalette).
- Étude sur l’élimination des boues (Usine de production d'eau potable de Bringi à Port l'Abbé) (SAUR, juillet 2001).
- Étude sur le traitement par procédés rustiques des boues de production d'eau potable de 1994 (Étude interagence n° 33, AIRMES et CRITT chimie).
- Réutilisation des boues d'eau potable, par G. Bourrie, F. Trolard, G. Bridoux, O. Kerverdo, M.-C. Huau. Revue de l'AGHTM - TSM janvier 2002.
- Valorisation des terres de décantation en agriculture : l'exemple de l’usine de production de Joinville (SAGEP), article de J.C. Moussy à paraître...