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Gestion de l'eau dans les ateliers de traitement de surface

30 avril 1998 Paru dans le N°211 à la page 46 ( mots)

Les ateliers du traitement de surface sont générateurs d'une grande partie de la pollution liquide industrielle. Afin de se conformer au seuil réglementaire de volume d'eau rejetée, nous avons développé en collaboration avec la société USF Astre un outil d'aide à la décision. Ce système permet de soutenir les industriels dans l'optimisation de leurs chaînes. Il existe deux possibilités d'optimisation. La première consiste en une modification de la chaîne de traitement (changement du nombre et des types de bain de rinçage). La seconde implique la variation du débit d'eau de rinçage (par variation du rapport de dilution).

[Photo : Valérie Laforest, École des Mines de Saint-Étienne]
[Photo : Didier Grange, USF Astre]
[Photo : Jacques Bourgois, École des Mines de Saint-Étienne]

Les ateliers du traitement de surface sont générateurs d’une grande partie de la pollution liquide industrielle. Afin de se conformer au seuil réglementaire de volume d’eau rejetée, nous avons développé en collaboration avec la société USF Astre un outil d’aide à la décision. Ce système permet de soutenir les industriels dans l’optimisation de leurs chaînes. Il existe deux possibilités d’optimisation. La première consiste en une modification de la chaîne de traitement (changement du nombre et des types de bain de rinçage). La seconde implique la variation du débit d’eau de rinçage (par variation du rapport de dilution).

L’industrie du traitement de surface a pour objectif de transformer la surface des matériaux afin de leur conférer de nouvelles propriétés. Cette activité ayant des applications très diversifiées, de nombreux industriels utilisent cette technique dans leur procédé de fabrication. L’industrie automobile, la télécommunication, l’électronique, l’aérospatiale, les bijouteries et les quincailleries sont les industries les plus représentatives.

Chacune des applications industrielles du traitement de surface est consommatrice de produits chimiques (exemple : pour un dégraissage par des produits émulsionnants alcalins, les substances chimiques utilisées sont : de la soude (50 g/l), du phosphate trisodique (75 g/l), du cyanure (40 g/l) et du carbonate (20 g/l) de sodium) [5] et de l’eau (notamment pour les rinçages). Ce secteur d’activité émet donc une grande quantité d’effluents liquides pouvant être toxiques et nuisibles pour l’environnement, c’est pourquoi de nombreuses entreprises se sont équipées de stations de détoxication afin de respecter les normes de rejet. Outre les normes de rejet en termes de concentration des produits, l’Arrêté ministériel du 26 septembre...

[Photo : Un exemple de chaîne de traitement de surface (Société Moderbech, Saint-Étienne (42))]

Septembre 1985 [1] relatif aux rejets des ateliers de traitement de surface limite le débit d’effluents à 8 litres par mètre carré de surface traitée et par fonction de rinçage.

La loi du 13 juillet 1992 [2] sur l’élimination des déchets et la récupération des matériaux demande elle aussi une “[...] réduction [...] du volume des déchets produits” ainsi que “la limitation des volumes transportés”. Ces deux lois ont pour priorité majeure la réduction des déchets mais également une limitation de la consommation en eau.

Dans le but de réduire la consommation en eau des ateliers de traitement de surface tout en gardant des rinçages optimaux, nous avons mis au point en collaboration avec un industriel de la région Rhône-Alpes (USF Astre) un système informatique. Ce système agit au niveau de la chaîne de traitement (changement des types de bains de rinçages) et/ou au niveau de la variation du débit d'eau de rinçage.

Objectifs de l’outil

Une chaîne de traitement de surface est constituée d’une suite de bains de traitements (décapage, dégraissage, placage...) séparés par des bains de rinçages (mort, éco, courant, cascade). Cette suite de bains est utilisatrice de nombreux produits chimiques et d’une grande quantité d'eau ; les rejets sont donc chargés en métaux lourds, nitrates, phosphates, cyanures...

Face à la nécessité de réduire la consommation d’eau dans les ateliers de traitement de surface, tout en gardant une qualité de rinçage optimale, nous avons mis au point un outil qui a pour but essentiel de :

  • établir un bilan de la consommation en eau,
  • définir les rapports de dilution optimaux des différents rinçages,
  • simuler de nouvelles chaînes dans le but d'obtenir une consommation d’eau inférieure ou égale à celle autorisée.

Les différents types de rinçages et la consommation d’eau

Relation entre quantité d’eau et qualité de rinçage

Le rinçage est une étape très importante dans le traitement de surface ; il a pour but de donner à la pièce une qualité de surface satisfaisante (le film de liquide entourant la pièce se décharge en polluant) afin de ne pas polluer le bain de traitement suivant par des produits incompatibles provenant du bain précédent [4]. Il est aussi indispensable pour arrêter le processus chimique mis en œuvre par le traitement en amont et la manipulation des pièces par les opérateurs.

Le paramètre qui définit la qualité du rinçage est le rapport de dilution Rd qui est le rapport entre le débit de rinçage et le débit d’entraînement (quantité de liquide passant d’un bain à un autre ; il est fonction de la viscosité du bain, de sa composition, de la forme de la pièce...). On peut aussi définir ce rapport d’efficacité par le rapport entre la concentration d’un élément dans le bain (C₀) et la concentration de ce même élément du rinçage (Cᵣ). Plus le rapport de dilution est élevé, plus le rinçage est efficace.

Le rapport de dilution varie suivant le type de rinçage [3] :

  • pour le rinçage mort, Rd = C₀/Cᵣ où C₀ est la concentration du bain de traitement et Cᵣₘ la concentration du rinçage mort ;
  • pour le rinçage simple courant, Rd = Q/e ;
  • pour le rinçage multiple en parallèle, Rd = (Q/e)ⁿ ;
  • pour le rinçage multiple en cascade, Rd = (Q/e)ⁿ,

où Q est le débit de sortie du rinçage courant, e l’entraînement et n le nombre de bains.

Dans le tableau I sont rassemblés les différents intervalles de rapport de dilution permettant de garder les rinçages optimaux en fonction du type de traitement [3].

Pour augmenter le rapport de dilution, il est possible d’agir sur deux facteurs :

  • Augmentation du débit d'eau Q, mais ceci peut être incompatible avec la législation ; une augmentation du débit entraîne une augmentation de la consommation en eau.
  • Diminution du volume de liquide entraîné par les pièces (par exemple en augmentant le temps d’égouttage des pièces au-dessus des cuves (figure 2) [4] ou en augmentant la température du bain de traitement qui fait diminuer la viscosité de ce dernier). La valeur “théorique” de l’entraînement pouvant atteindre 0,05 l/m², la valeur “normale” ...
[Photo : Courbe générale d’entraînement en fonction du temps d’égouttage]
[Photo : Schéma des différents types de rinçages]

se situant selon le type de bain entre 0,1 et 0,15 l/min² [4].

La qualité du rinçage peut également être améliorée en modifiant la structure des rinçages (changement du type de rinçage, modification du nombre de rinçages ou augmentation du nombre d’étages pour les rinçages cascade).

Comparaison des différents types de rinçages

Il existe six types de rinçages [3] (figure 3) :

- Le rinçage statique : il retient une grande partie de la pollution entraînée et permet ainsi de diminuer le débit des rinçages suivants.

- Le rinçage simple courant : il est placé immédiatement après le bain de traitement. Il y circule un courant d'eau propre.

- Le rinçage double (et multiple) en parallèle : ce rinçage est l'association de rinçages simples courants. Il est très peu utilisé car, pour une même qualité de rinçage, la consommation d'eau est plus élevée que dans le cas du rinçage cascade.

- Le rinçage double (multiple) en série (cascade) : c'est le système de rinçage le plus utilisé. La pièce circule à contre-courant par rapport à l’eau. L’avantage de ce système est l'économie d’eau due à l’augmentation du nombre d’étages ; en effet, plus le nombre d’étages augmente, plus le débit d'eau est faible.

- Le rinçage éco : c'est un rinçage statique utilisé avant et après le bain de traitement. Il n’est jamais vidangé. Il permet de réduire de moitié la concentration des entraînements et donc diminue la consommation en eau des bains de rinçages suivants.

- Le rinçage par aspersion : il est de type douchette ou spray avec des débits plus ou moins importants. Lorsque ce type de rinçage est associé à un rinçage statique, il est assimilé à un rinçage courant. S'il est associé à un rinçage courant, la comparaison se fait avec un rinçage cascade deux étages. L’avantage de ce type de rinçage est qu’il consomme peu d’eau et permet une bonne qualité de rinçage. Ce rinçage nécessite une qualité d’eau convenable et a pour inconvénient principal la formation possible d’aérosols.

Pour une même efficacité de rinçage et un entraînement fixé, le débit des différents types de rinçages est totalement différent. La figure 4 [4] confirme le fait que le rinçage cascade est le plus économique en termes de consommation d'eau.

Mais l'addition de cuves supplémentaires à la chaîne existante ou la modification du type de rinçage pose souvent certains problèmes (problèmes de place ou économiques). Il est donc préférable d’étudier la variation du rapport de dilution. La modification de chaîne pourra se faire si l'étude précédente n’est pas concluante ou si celle-ci est envisageable par l’industriel.

Fonctionnement de l’outil

L’outil a pour but de gérer l’eau des ateliers de traitement de surface. Pour cela, il permet de faire d'une part un diagnostic de la consommation en eau de la chaîne donnée et d’autre part de minimiser cette consommation en optimisant la chaîne de traitement dans le but de respecter la réglementation. D’autres renseignements sont fournis par le système informatique, notamment la pollution engendrée par la chaîne actuelle ainsi que celle découlant de la chaîne optimisée qui pourra ensuite être comparée aux seuils réglementaires.

Description de la chaîne de traitement

Une chaîne est constituée d’un ensemble de cuves dont les fonctions générales sont : préparation de la surface, traitement de la pièce et finition de la pièce considérée.

Chaque cuve est définie par [4] :

- son mode de traitement (prétraitement, dépôt métallique, démétallisation, thermique, ...),

- le type de traitement choisi (par exemple pour un dépôt métallique : argenture, chromage, cuivrage, zingage, ...),

- les conditions opératoires (par exemple, pour un zingage : alcalin non cyanuré, acide non fluoboraté, ...) incluant les concentrations des différents produits chimiques, les débits de fluides, le rythme de production, l’entraînement, ...

La chaîne sera ainsi déterminée par la succession des cuves précédemment décrites et différentes gammes de travail pourront être définies à partir de ces cuves.

Les différentes sortes de rejets dus aux divers postes ne sont pas collectées dans les mêmes réseaux. En effet, les rejets dilués

[Photo : Comparaison des débits Q pour 4 types de rinçages différents où le rapport de dilution (Rd = 5000) et l’entraînement (e = 6 l/h) sont constants]

Tableau 1 : Intervalles de rapport de dilution en fonction des types de traitement

Préparation de surface (dégraissage, décapage...)500 – 1 500
Entre les différents bains de dépôts multipouches500 – 5 000
Après un à plusieurs bains de dépôt5 000 – 10 000
Après passivation (ou CNI)10 000 – 20 000
Après phosphatation, oxydation anodique de l’aluminium20 000 – 50 000

sont séparés des rejets concentrés ; dans chacune de ces deux catégories il faut aussi distinguer les effluents acides des effluents basiques ainsi que les cyanurés, les chromiques…

L’outil possède, de plus, des informations concernant les différentes compositions habituellement utilisées [5] ; il est de plus possible de compléter ces données ou de fournir une autre composition si celle-ci est différente de la formule classique.

Ces informations sont nécessaires pour l’élaboration du bilan de pollution par réseau qui pourra être comparé aux normes de rejets.

Bilan de la consommation en eau de l’atelier

Le bilan de la consommation en eau de l’atelier étudié va permettre de comparer sa consommation à celle autorisée suivant le nombre de fonctions de rinçage mis en jeu. Pour effectuer ce bilan, trois phases de calcul sont nécessaires.

– La première phase concerne le bilan dû aux vidanges des bains statiques (bains de traitements et de rinçages morts) : C1 = f1 (nombre de vidanges, volume) en m³/an.

– La seconde étape est due à la consommation des bains de rinçage courant et celle due à l’éventuelle évaporation des bains chauds. En effet, l’évaporation des bains chauds (température supérieure à 40 °C) entraîne un appauvrissement des bains en solution qu’il est nécessaire de compléter : C2 = f2 (débit, complément, rythme de production) en m³/an.

– La somme C1 + C2 fournit la consommation réelle en eau des postes de traitement de surface. Pour obtenir la consommation en eau réelle de l’atelier, il ne faut pas oublier la consommation due aux ateliers annexes.

– Dans un troisième temps, l’outil calcule la consommation réelle en eau par m² et par fonction de rinçage pour chaque gamme de la chaîne. Un bain pouvant être utilisé pour plusieurs gammes, l’outil impute à chaque gamme la consommation en eau qui lui est propre (consommation venant de la chaîne de traitement et des postes annexes). Le troisième calcul de la consommation en eau est alors fonction de cette imputation, de la surface traitée et du nombre de fonctions de rinçage : C3 = f3 (imputation, surface, nombre de fonctions de rinçage).

L’outil calcule ensuite la consommation d’eau autorisée sachant que le seuil réglementaire est de 8 litres par m² et par fonction de rinçage (fdr) : C4 = f4 (nombre de fdr, surface, 8 l/m²/fdr).

À la suite de ces calculs une comparaison est établie entre la consommation réelle et la consommation autorisée.

Bilan de pollution

Le bilan de pollution peut être défini de deux façons :

– Soit l’utilisateur n’a pas la possibilité de faire d’analyse des produits chimiques présents dans les bains mais sait que le bain a une composition habituellement utilisée pour ce type de traitement. Dans ce cas, l’outil possède une base de données non exhaustive regroupant des compositions classiquement employées.

– Soit l’utilisateur a en sa possession la composition exacte des bains de traitement par analyses. Les informations sont alors rentrées dans l’outil sous forme d’espèces (molécules, sels, ions…) avec leur concentration.

Dans les deux cas, les informations permettent à l’outil de calculer les concentrations des différents bains de rinçage suivants et, par la même, de fournir le bilan de pollution. Les espèces et leur concentration définies pour chacun des bains de la chaîne sont réparties dans les différents réseaux définis précédemment et l’outil nous donne ainsi le bilan total par réseau.

Simulation de chaîne

Afin d’obtenir une consommation d’eau inférieure ou égale à celle autorisée tout en optimisant les rinçages, l’outil peut effectuer des simulations en faisant varier le rapport de dilution (et donc le débit) dans les intervalles définis dans le tableau 1. La simulation se fera jusqu’à ce que la consommation en eau devienne inférieure ou égale aux 8 l/m²/fdr. Elle pourra se faire également en faisant varier le nombre d’étages (n) des rinçages en cascade (lorsque n augmente, le débit diminue, ce qui entraîne une économie d’eau).

À la suite de cette mise aux normes de la consommation en eau, l’outil donne le nouveau bilan de pollution.

Conclusion

L’outil ayant été développé à l’aide d’un système de gestion de base de données, il est facilement modifiable (suppression ou ajout de données) et donc adaptable.

Ce système d’aide à la décision est un soutien aux professionnels du traitement de surface. Il permet la mise au point des chaînes de traitement dans le but de respecter les seuils de réglementation. La réduction de la consommation d’eau pourra être déterminée en :

– modifiant les paramètres de la chaîne, – en modifiant la chaîne.

Références bibliographiques

[1] Arrêté du 26 septembre 1985, Ateliers de traitement de surface, J.O. des 16 novembre 1985 et 8 novembre 1990. [2] Loi du 13 juillet 1992, Élimination des déchets. Installations classées pour la protection de l’environnement, loi n° 92-646, J.O. du 14 juillet 1992. [3] Traitement de surface : dépollution à la source – Agence de l’Eau Loire Bretagne 1985. [4] Les déchets des industries du traitement de surface, ANRED, 1988, 252 p. [5] Mecislas WRZECION, Recueil de formules de galvanoplastie, Éd. Galvano-Organo, 1983, 184 p.

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