Plébiscité par le domaine des biotechnologies pharmaceutiques, chimiques, agro-alimentaires, et les sciences environnementales, la gestion des ressources microbiennes apparaît d'actualité depuis quelques années, notamment pour ces attraits en matière d'ingénierie écologique ou pour contrôler les microflores indésirables. Les travaux de recherche menés depuis plus de 20 ans sur la microbiologie des procédés de méthanisation ont permis de décrire la microbiologie de ces systèmes complexes en lien avec ses potentialités fonctionnelles.
Empreintes moléculaires
Les empreintes moléculaires permettent d'observer et de mesurer la diversité microbienne d'un écosystème. Plusieurs techniques permettent de réaliser rapidement, par électrophorèse de fragments d'ADN préalablement amplifiés par PCR, une empreinte moléculaire des communautés microbiennes présentes dans un écosystème (CE-SSCP : Capillary Electrophoresis-Single Strand Conformation Polymorphism, ARISA : Automated Ribosomal Intergenic Spacer Analysis, DGGE : Denaturing Gradient Gel Electrophoresis, T-RFLP : Terminal Restriction Fragment Length Polymorphism...). En particulier, elles sont utilisées afin de surveiller la diversité microbienne d’un environnement et de comparer les échantillons sur la base de leur diversité. Les résultats du suivi peuvent être archivés dans une base de données et être analysés par des outils statistiques, permettant de comparer rapidement chacun des points de contrôle par rapport à une diversité microbienne de référence associée à un fonctionnement optimal du procédé.
Par exemple, elles ont été appliquées à l’évaluation du potentiel de cinq écosystèmes anaérobies industriels à s'adapter à la production de biogaz à partir d’un substrat facilement biodégradable. Pour chaque écosystème, l’amélioration de la performance observée n’était pas due à la croissance de certaines populations microbiennes. Les résultats ont montré que cette amélioration était probablement liée à l’activation enzymatique des populations présentes initialement et ont souligné le rôle de l’inoculum de départ (Mabala et al., 2012).
PCR quantitative et RT-PCR quantitative en temps réel
La quantification par PCR quantitative en temps réel donne la concentration d'une espèce, d'un gène ou d'un groupe microbien au sein d’un échantillon. La concentration mesurée est exprimée en copies de gènes par unité de masse ou de volume. Appliquée sur l'ADN, elle permet de renseigner la présence et donc le potentiel d'une biomasse en termes de quantité et de fonction. Elle peut être aussi appliquée
…à l’ARN (molécule produite après la transcription de l'ADN et avant la synthèse protéique), on parle alors de RT-PCR quantitative (Reverse Transcription-Polymerase Chain Reaction). Ainsi, elle traduit directement l’activité d'une biomasse de manière globale (mesure à partir de l'ARN ribosomique 16S ou 18S) ou de l'activité d’une fonction (mesure à partir de l’ARN des gènes de fonction codant pour les enzymes clés des processus biologiques). Elle peut être utilisée pour le suivi du démarrage d'un procédé et la surveillance de la charge microbienne globale (Bactérie, Archée, Eucaryote) ou de groupes microbiens spécifiques tels que les microorganismes pathogènes. Il est possible de corréler la production de biogaz avec l’abondance de différents groupes d’archées retrouvés dans les digesteurs anaérobies et de choisir/gérer les performances du procédé sur la base de ces données de concentrations. Par exemple, les travaux sur la comparaison de différents matériaux supports quant à l’efficacité d’adhésion et de colonisation des archées sont présentés (figure 3). Les résultats mettent en évidence le rôle des matériaux par la mesure par PCR quantitative des proportions d’archées de la population totale. La comparaison de ces proportions avec celle de l'inoculum montre que certains matériaux favorisent l'adhésion (ABS, PC, PVC) et la colonisation des archées (Habouzit et al., 2011).
Séquençage haut-débit(Next Generation Sequencing)
Les outils de séquençage haut-débit permettent d’accéder de manière très fine à la diversité structurelle et fonctionnelle des procédés de digestion anaérobie. Plusieurs technologies sont disponibles (454 GS FLX Titanium Roche ; SOLID™ Applied Biosystems ; MiSeq® System Illumina...). L’analyse bioinformatique des données générées est le point critique de l'utilisation de ces analyses et demande une expertise importante, forcément externalisée. Cependant, l'intérêt principal réside dans l'identification sans a priori des genres ou des espèces présentes et la possibilité d’analyses de grande envergure renforçant la validité des résultats obtenus. La caractérisation sans a priori des espèces présentes dans un procédé est effectuée par le séquençage basé sur des marqueurs moléculaires (principalement la séquence de l'ARN ribosomique). Les nouvelles technologies de séquençage (NGS) permettent de multiplier la profondeur du séquençage autrefois utilisé (méthode de Sanger) par 100. Les limites d’interprétation sont les mêmes que celles des technologies de type Sanger mais les réponses apportées amènent une importante plus-value aux questionnements sur les écosystèmes microbiens complexes. Leurs applications en microbiologie des bioprocédés sont très développées et montrent la pertinence des réponses apportées à des questionnements très concrets.
Par exemple, dans le cas du suivi des digesteurs anaérobies, elles sont utilisées afin de :
- identifier sans a priori la diversité microbienne d'un digesteur anaérobie ;
- suivre l'adaptation/le maintien des capacités fonctionnelles de départ de la diversité microbienne de l'inoculum à un procédé (tableau 1) ;
- créer des bases de données de référence sur un procédé permettant d’aider au diagnostic en cas de dysfonctionnement ;
- développer de nouveaux bioindicateurs spécifiques et pertinents permettant d’alléger le suivi microbiologique du procédé.
Tableau 1 : Identification par pyroséquençage 454 des communautés bactériennes et archées supérieures à 1 % d’abondance, dans l’inoculum, et après 14 jours dans des bioréacteurs fonctionnant à 10 %, 19 % et 29 % de matière sèche (TS).
Les lignes de couleur gris foncé représentent les espèces supérieures à 5 % d’abondance et les lignes de couleur noir, celles supérieures à 20 % d’abondance.
La diversité est mesurée par l’indice de CHAO. (D’après Motte et al., 2014)
CLASSGenus & Species | 10 % TS | 19 % TS | 29 % TS | Pretreated Inoculum |
---|---|---|---|---|
CLOSTRIDIA | 88.8 % | 59.3 % | 29.7 % | 30.6 % |
Ruminococcus bromii | 53.0 % | 43.1 % | 14.5 % | 0.1 % |
Coprothermobacter proteolyticus | 2.6 % | 7.1 % | 12.3 % | 19.5 % |
Ethanoligenens cellulosi | 15.4 % | 3.4 % | 0.0 % | 0.0 % |
Sarcina ventriculi | 11.9 % | 0.0 % | 0.0 % | 0.0 % |
Thermoanaerobacterium saccharolyticum | 2.6 % | 3.2 % | 11.0 % | 0.0 % |
Halothermothrix orenii | 0.1 % | 0.2 % | 0.3 % | 4.9 % |
Natranaerobius thermophilus | 0.1 % | 0.4 % | 2.4 % | 0.9 % |
Thermaerobacter nagasakiensis | 1.0 % | 0.0 % | 0.1 % | 0.1 % |
Other Clostridium sp. (17 species) | 0.6 % | 0.5 % | 1.2 % | 1.3 % |
Other Clostridia (19 species) | 1.4 % | 1.3 % | 1.1 % | 4.0 % |
BACILLI | 1.5 % | 5.1 % | 20.7 % | 5.2 % |
Bacillus coagulans | 0.4 % | 1.5 % | 9.9 % | 0.0 % |
Sporolactobacillus racemilacticus | 0.4 % | 1.0 % | 7.7 % | 0.1 % |
Paenibacillus larvae | 0.2 % | 1.1 % | 1.1 % | 2.5 % |
Aneurinibacillus thermoaerophilus | 0.1 % | 0.1 % | 0.3 % | 0.9 % |
Other Bacilli (15 species) | 0.4 % | 1.4 % | 1.7 % | 1.8 % |
BACTEROIDETES | 0.5 % | 2.1 % | 12.8 % | 4.5 % |
Lewinella nigricans | 0.3 % | 1.3 % | 7.3 % | 1.8 % |
Dysgonomonas mossii | 0.0 % | 0.5 % | 2.9 % | 0.8 % |
Other Bacteroidetes (9 species) | 0.2 % | 0.3 % | 2.6 % | 1.9 % |
ACTINOBACTERIA | 0.1 % | 0.3 % | 3.3 % | 3.3 % |
Actinomyces lignae | 0.1 % | 0.3 % | 3.3 % | 3.3 % |
Georgenia muralis | 0.0 % | 0.0 % | 0.5 % | 0.6 % |
Other Actinobacteria (18 species) | 0.1 % | 0.2 % | 2.0 % | 1.6 % |
ARCHAEA | 0.2 % | 0.5 % | 2.1 % | 10.7 % |
Methanobacterium beijingense | 0.1 % | 0.3 % | 1.7 % | 7.3 % |
Methanothermobacter thermautotrophicus | 0.1 % | 0.2 % | 0.3 % | 1.0 % |
Methanosaeta concilii | 0.0 % | 0.0 % | 0.0 % | 0.9 % |
Other Archaea (5 species) | 0.0 % | 0.1 % | 0.2 % | 1.5 % |
PROTEOBACTERIA | 0.2 % | 0.5 % | 2.2 % | 4.1 % |
Aeromonas simiae | 0.0 % | 0.0 % | 0.2 % | 1.9 % |
Pseudomonas mendocina | 0.0 % | 0.2 % | 0.5 % | 0.3 % |
Other Proteobacteria (26 species) | 0.2 % | 0.3 % | 1.5 % | 1.9 % |
SYNERGISTIA | 0.7 % | 2.7 % | 1.8 % | 9.5 % |
Thermanaerovibrio acidaminovorans | 0.5 % | 2.3 % | 1.2 % | 7.4 % |
Anaerobaculum mobile | 0.2 % | 0.2 % | 0.6 % | 1.4 % |
Other Synergistia (2 species) | 0.0 % | 0.2 % | 0.0 % | 0.7 % |
OTHER BACTERIA GROUPS | 8.0 % | 29.7 % | 27.5 % | 31.9 % |
OP9 (candidate division) | 6.8 % | 26.2 % | 22.2 % | 18.9 % |
Thermotoga/Petrotoga mobilis | 0.9 % | 3.0 % | 4.5 % | 9.7 % |
Chloroflexi/Thermobaculum terrenum | 0.0 % | 0.2 % | 0.1 % | 1.0 % |
Other Bacteria (15 species) | 0.2 % | 0.3 % | 0.7 % | 2.3 % |
CHAO RICHNESS ESTIMATION | 153 ± 17 | 136 ± 13 | 120 ± 10 | 125 ± 13 |
Où réaliser ce type d’essais et d’analyses
INRA Transfert Environnement est une unité de service d’INRA Transfert, filiale privée de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), adossée au Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement (LBE-INRA). Depuis 10 ans, INRA Transfert Environnement a construit une offre de services répondant à la demande sociétale. Dans ce cadre, INRA Transfert Environnement est amenée à réaliser :
- • des prestations « standards » des mesures de concentration et des caractérisations de la diversité microbienne par des outils moléculaires,
- • des prestations « sur-mesure » qui correspondent à une réponse spécifiquement adaptée au problème du demandeur : études de faisabilité au stade laboratoire et/ou au stade pilote, étude des microorganismes dans leur environnement, expertise/suivi des procédés industriels de dépollution, ...etc.
Les activités de microbiologie moléculaire proposées sont issues des compétences scientifiques et techniques du LBE en termes de caractérisation des écosystèmes microbiens complexes. Spécialisés sur les écosystèmes microbiens de dépollution, les compétences analytiques d’INRA Transfert Environnement s’étendent également à l’eau et à d’autres matrices environnementales plus particulières dont l’air, les surfaces et les matériaux. Les prestations d’INRA Transfert Environnement regroupent des analyses quantitatives et qualitatives permettant de diagnostiquer, identifier, surveiller, prévenir et suivre le microbiome. INRA Transfert Environnement propose également le développement de moyens de gestion tels que la construction de base de données spécifiques et la définition d’indicateurs microbiens basés sur ces métadonnées.
Références bibliographiques
- • Mabala, J-C. (2012). Aptitude d’écosystèmes anaérobies industriels à produire du méthane à partir d’éthanol en conditions psychrophile, mésophile et thermophile (Thèse de doctorat, Montpellier SupAgro ‑ Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques).
- • Motte J.C., Trably E., Hamelin J., Escudié R., Bonnafous A., Steyer J.P., Bernet N., Delgenès J.P., Dumas C. (2014). Total solid content drives hydrogen production through microbial selection during thermophilic fermentation. Bioresource Technology 166: 610-615.
- • Habouzit, F. (2010). Rôle des matériaux-supports sur la mise en place du biofilm : application au démarrage d’un procédé de méthanisation (Thèse de doctorat, Université Montpellier 2).