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Gen Plus® : la surveillance en ligne de l'eau potable par l'ADN

29 juillet 2005 Paru dans le N°283 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : A. GRESLE et G. BRIDOUX

Le suivi de la qualité microbiologique est un enjeu majeur pour les acteurs industriels ou publics engagés dans la production et la distribution d'eau potable. Les méthodes de culture en laboratoire sont fiables et largement utilisées mais elles ne donnent un résultat qu'en plusieurs jours voire plusieurs semaines. Gen PlusÒ, issu de la Recherche & Développement (R&D) du Groupe SAUR, est un outil novateur pour la surveillance de l'eau : il permet une analyse en automatique, directement sur le site de production et l'obtention d'un résultat en quelques heures.

A. Gresle et G. Bridoux, SAUR R&D

La Direction R&D du groupe SAUR travaille depuis fin 1999, en partenariat avec des chercheurs de deux universités européennes (Delft et Vienne), sur la détection et la quantification des micro-organismes dans l’eau potable à partir de leur ADN. L’idée est d’utiliser les techniques de biologie moléculaire utilisées jusqu’alors par les laboratoires médicaux et pharmaceutiques ou encore par la police judiciaire et de les adapter à l’analyse de l’eau potable. L’objectif pour SAUR est de proposer à ses clients un appareil automatisé, capable d’analyser en quelques heures n’importe quel micro-organisme dans l’eau, directement à la sortie de l’usine de production, c’est-à-dire avant que celle-ci ne soit distribuée.

[Photo : Figure 1 : Principe de fonctionnement de Gen Plus®.]

Un nouveau produit est né de cette recherche, Gen Plus®, qui apporte une avancée majeure pour la surveillance et la sécurisation de l’eau potable.

Principe de l’analyse

Un échantillon d’eau (classiquement 2 litres) est prélevé par un système automatique directement à la sortie de l’usine de traitement. Cet échantillon est ensuite traité par Gen Plus® selon un protocole d’analyse novateur, protégé par deux brevets internationaux. Le but est de pouvoir détecter et quantifier un micro-organisme cible retenu comme traceur de la qualité de l’eau (Escherichia coli ou Enterococcus faecalis par exemple).

Quelques heures plus tard, le résultat de l’analyse est connu et transmis au système de supervision central de l’usine. Lorsque ce résultat est inférieur au seuil de concentration admissible, l’eau peut être distribuée sans crainte. Si, par contre, le résultat d’analyse met en évidence une pollution anormale de l’eau, une alarme est générée et permet de mettre en œuvre rapidement les procédures qui s’imposent.

Gen Plus® offre ainsi la possibilité de réaliser quatre à six analyses par 24 heures, de jour comme de nuit. La surveillance est donc accrue et permet de détecter rapidement une dérive du procédé de traitement de l’eau. De plus, la rapidité de l’analyse garantit un contrôle renforcé de la qualité micro-

ce qui permet, non seulement de détecter, mais aussi de quantifier avec précision l’ADN « cible » dans l’échantillon de départ. Cette méthode possède plusieurs avantages :

  • La rapidité : le résultat, c’est-à-dire la quantité d’ADN du micro-organisme cible, est connu en quelques heures,
  • La spécificité : l’amorce est spécifique d’un micro-organisme et de son capital génétique,
  • La flexibilité : il suffit de changer un réactif pour modifier le pathogène cible recherché,

biologique de l’eau avant que celle-ci n’arrive au robinet du consommateur.

[Photo : Figure 2 : De la microbiologie vers la biologie moléculaire.]

L’ADN : une molécule magique

Le développement de Gen Plus® repose sur un saut technologique majeur dans le domaine de l’analyse avec l’arrivée de méthodes dites de biologie moléculaire. Ces méthodes ont permis en effet de rentrer un peu plus dans l’infiniment petit de la cellule. Leur champ d’investigation concerne ainsi les mécanismes intracellulaires avec l’étude d’une molécule chimique essentielle : l’ADN, ou Acide DésoxyriboNucléique.

L’ADN est une molécule codée, présente dans tout être vivant. Elle comporte deux brins enroulés suivant une double hélice. Ces deux brins sont formés par association de quatre types de bases (Adénine, Guanine, Cytosine, Thymine) assimilables à quatre types de briques élémentaires. C’est l’ordre de succession des bases, contenues dans certaines parties de l’ADN – les gènes –, qui permet d’identifier et de différencier de manière certaine les êtres vivants entre eux.

Dans le domaine de l’eau, l’analyse de l’ADN est donc un moyen infaillible pour détecter la présence de micro-organismes comme Escherichia coli, traceur de contamination fécale, ou Legionella pneumophila, micro-organisme pathogène responsable de la Légionellose.

La PCR comme méthode d’analyse

L’analyse de l’ADN repose sur une méthode apparue tout d’abord dans la recherche médicale et aujourd’hui utilisée dans d’autres domaines tels que l’agro-alimentaire ou la police scientifique : la PCR, ou Polymerase Chain Reaction. Cette technique permet de dupliquer spécifiquement l’ADN en fonction de la présence ou non d’un gène particulier. On peut ainsi détecter la présence d’ADN d’un micro-organisme choisi comme cible pour l’analyse.

Le principe de cette méthode consiste à effectuer des cycles de température sur un échantillon d’ADN dans lequel auront été préalablement ajoutés les réactifs nécessaires. Deux réactifs sont particulièrement importants : l’amorce correspondant au gène recherché, qui joue le rôle de « tête chercheuse », et une enzyme, la TAQ polymerase, capable de reconstruire le double brin d’ADN. Sous l’action directrice de la température, le double brin d’ADN est désapparié, réapparié avec l’amorce si le gène cible est présent, puis dupliqué. À chaque cycle, la quantité d’ADN cible est ainsi multipliée par deux.

La Real Time PCR utilisée dans Gen Plus® est une évolution de la méthode PCR et permet de suivre à chaque cycle la quantité d’ADN présente grâce à une caméra lorsqu’un fluorophore est introduit dans l’échantillon. Ce fluorophore est capable d’émettre un signal lumineux lorsqu’il est associé à une double hélice d’ADN. Ainsi, le signal mesuré par la caméra est d’autant plus important que la quantité d’ADN dupliquée est grande.

[Photo : Figure 3 : Principe de la PCR.]

Tout cela sans modifier le protocole analytique et le matériel utilisé. Gen Plus® est ainsi capable aujourd’hui d’analyser : Escherichia coli, Legionella pneumophila, Salmonella enteridis, Salmonella typhimurium, Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium, et saurait s’adapter à d’autres micro-organismes si besoin.

Gen Plus® : la PCR pour les usines d’eau potable

L’eau potable est un milieu dans lequel les micro-organismes sont, fort heureusement, peu nombreux. Il a donc été nécessaire de mettre au point un protocole analytique qui concentre ces micro-organismes avant d’extraire leur ADN. L’automatisation complète du protocole d’analyse n’a été possible qu’à partir de méthodes innovantes, notamment au niveau de la lyse cellulaire.

Le processus analytique de Gen Plus® repose ainsi sur la succession d’étapes de préparation de l’échantillon qui aboutissent à l’obtention d'un échantillon de 200 μL d’ADN purifié. Cet échantillon est analysé ensuite par PCR en temps réel (voir figure 4). L’ensemble des étapes de l’analyse est mis en œuvre sur une machine qui regroupe des outils automatisés pilotés par une unité de commande centralisée.

[Photo : Figure 4 – Étapes analytiques de Gen Plus®.]

Les performances

La Direction Recherche et Développement teste Gen Plus® depuis mi-2003 un prototype installé sur l'usine Eau de Paris de clarification des eaux de la Dhuis, qui dessert notamment le parc Disneyland Paris (voir figure 5). Les essais sont menés principalement sur Escherichia coli.

Un premier travail a été effectué sur l’analyse PCR afin de caractériser les performances de détection d’ADN d’Escherichia coli selon les critères explicités dans le projet de norme T90 EN 13 concernant la “Détection et la Quantification des Legionella — Méthode générale par PCR”. Les quantités d’ADN standard utilisées allaient de 5 fg (soit 1 unité génome ou l’équivalent ADN d'une cellule) à 50 pg (soit 50 000 unités génome). L’analyse statistique a permis de calibrer la méthode PCR et de définir le seuil de détection à 5 fg et le seuil de quantification à 250 fg (soit 50 unités génomes).

Des échantillons d’eau, dopée ou non, ont ensuite été analysés en parallèle avec Gen Plus® et avec d'autres méthodes (méthode normalisée NF 93081 en Unités Formant Colonies – UFC – et Colilert™ de IDEXX en Nombre le Plus Probable – NPP). Les résultats obtenus (voir figure 6) montrent une bonne cohérence avec les méthodes d’analyse classiques et notamment la méthode normalisée (NF 93081). Ils prouvent l’efficacité de Gen Plus® qui permet d’atteindre des seuils de détection de quelques organismes dans 100 mL.

Enfin, des tests spécifiques ont été réalisés selon le même principe que précédemment mais sur des échantillons d’eau dopée en Escherichia coli (~10⁶ bactéries dans 2 litres) et chlorée. Après 10 min de contact, la solution a été analysée avec Gen Plus® et avec la méthode normalisée. Les deux méthodes ont conduit à des résultats quasi identiques (ex : 10 UG pour 20 UFC). Il semble donc que Gen Plus® ait la capacité de ne pas détecter l’ADN des cellules mortes, ce qui offre de grandes potentialités pour le futur.

Sur le prototype, la durée totale d'une analyse est d’environ 6 heures. Ceci permet de réaliser quatre analyses automatiques par jour avec le matériel existant. À terme, un séquençage des étapes de l’analyse devrait permettre de réaliser jusqu’à six analyses par jour si besoin.

[Photo : Figure 5 – Un prototype a été installé sur l’usine “Eau de Paris” de clarification des eaux de la Dhuis, qui dessert notamment le parc Disneyland Paris.]

Un vaste champ d’applications

L’industrialisation de Gen Plus® est en cours et aboutira à la commercialisation d'un outil tout à fait novateur qui n’a aucun équivalent à ce jour. L'implantation de Gen Plus®, directement sur les sites de production, permettra de répondre à un besoin croissant de sécurisation de la qualité microbiologique de l’eau, qu'il s'agisse d’eau potable, d’eaux en bouteille ou d'eau de process, dans l’industrie agroalimentaire par exemple. Gen Plus® peut être également un atout à l'avenir face à l’évolution du contexte réglementaire dans le domaine de l'environnement.

[Photo : Figure 6 – Comparaison entre Gen Plus® et les méthodes normalisées et Colilert.]
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