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Friches industrielles : à chaque site une solution

30 octobre 2009 Paru dans le N°325 à la page 77 ( mots)
Rédigé par : Corinne DRAULT-PEZARD

Le développement des villes aidant, de nombreuses friches industrielles se retrouvent aujourd'hui au coeur de zones urbaines. Grâce à des outils méthodologiques bien maîtrisés permettant de rechercher et traiter les sources de pollution, des solutions existent pour réaménager les sites pollués par des activités anthropiques anciennes ou récentes. Le marché est en pleine expansion en France.

[Photo : sans légende]

Quand une entreprise soumise à la législation sur les installations classées reçoit une autorisation d'exploitation, l'arrêté préfectoral précise clairement que la remise en état du site incombe au dernier exploitant du terrain concerné ou, le cas échéant, à son prédécesseur. En cas de défaillance, notamment pour cause de liquidation judiciaire, l'État peut se substituer à lui mais uniquement pour sécuriser le site et notamment pour extraire les déchets les plus dangereux, mais en aucun cas pour dépolluer ou remettre en état pour l'usage prévu du site.

C'est ainsi que sont apparues ces dernières décennies, notamment en zones urbaines à périurbaines, les friches industrielles. Anciennes mines, usines à gaz abandonnées, usines chimiques et pétrochimiques, décharges sauvages, anciens terrains militaires, stations-service désaffectées... En

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[Photo : La réhabilitation de la friche industrielle Wonder à Lisieux (14), ci-dessous avant et après, est le fruit d’une collaboration étroite entre Malesherbes Promotion (promoteur de l’opération), l’EPRT Normandie, la ville de Lisieux et Ikos Sol Méx, chargée de la dépollution. Ikos a mis en place une barrière hydraulique pour le traitement de la nappe et un système de confinement de la dalle du bâtiment (1500 m² au sol) avec collecte et traitement des gaz du sol. ICF Environnement a assuré la maîtrise d’œuvre des opérations de dépollution pour le compte de la ville de Lisieux.]

France, il y aurait près de 3 500 sites ayant abrité une activité industrielle recensés depuis une quinzaine d’années par le Ministère de l’Écologie comme potentiellement pollués. « En réalité, estime Thierry Blondel, expert en environnement et hydrogéologie et gérant du Cabinet Conseil Blondel, et selon les critères actuels définissant ce qu’est un terrain ou un site potentiellement pollué, il y en aurait en fait plus de 300 000… ». Les polluants ? Le plus souvent des hydrocarbures, des produits chlorés, des métaux lourds essentiellement.

Afin d’éviter leur multiplication, la législation s’est heureusement quelque peu « durcie ». Aujourd’hui, même les pollutions du sol qui ne menacent pas directement l’environnement doivent être traitées, alors qu’auparavant une simple mise sous surveillance du site était exigée. Il en va de même pour les collectivités locales. Celles qui exploitaient des décharges non autorisées aujourd’hui fermées ont obligation de les réhabiliter. Enfin, le Grenelle de l’Environnement s’est penché dernièrement sur la question des friches (les « brownfields » des pays anglo-saxons), encourageant leur reconversion au détriment de l’ouverture de nouveaux sites industriels sur des terrains agricoles « sains ».

Pour Hubert Bonin, Président de l’UCIE, « Cette reconversion est un facteur essentiel pour la qualité de vie dans nos espaces urbains, mais cette activité représente aussi un moteur important de l’activité économique ».

Enfin, troisième catégorie d’acteurs et non des moindres, les entreprises spécialisées en travaux de dépollution qui jouent un rôle majeur sur le marché avec 233 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés par les entreprises « travaux » membres de l’UPDS. Les sociétés adhérentes à l’UPDS, qui s’est fixé comme principale mission d’aider ses adhérents dans leur recherche de la satisfaction client et de la protection de l’environnement et de la santé, représentent près de 70 % du marché français lié à ce domaine.

[Encart : Reconversion des friches : l’Ademe propose une méthodologie En matière de reconversion de friches, l’Ademe est particulièrement active depuis deux ans, au point d’avoir copiloté avec le Ministère un groupe technique regroupant 25 experts. Ce groupe de travail a réalisé un site Internet disponible en consultation nationale. Ce site propose une méthodologie qui articule, de manière opérationnelle, les différentes phases d’un projet urbain sur des friches polluées, avec ou sans dépollution des sols. Il présente, de manière interactive, les points clés qui permettent de mener à bien une opération de reconversion : – les 4 phases principales de la méthodologie : intégration du projet dans l’aménagement urbain ; conception et réalisation ; rôle des intervenants ; retour d’expérience ; – les montages juridiques et les interventions ; – les bonnes pratiques ; – les sources d’information financière, juridique et technique. Pour consulter ce site : www.developpement-durable.gouv.fr/amenagement/sitespollues Par ailleurs, l’Ademe peut financer les études d’aide à la décision qui facilitent la reconversion des friches. Pour en savoir plus : www.ademe.fr]

En ville, un marché en pleine expansion

Si, évidemment, la réhabilitation des friches situées en pleine campagne intéresse peu de monde, faute de rentabilité, en ville, la situation est bien différente ; il y a toujours des collectivités locales ou aménageurs pour acheter et réhabiliter les terrains pollués en vue d’un projet d’aménagement. Ainsi, de plus en plus de friches industrielles sont devenues exploitables grâce à l’augmentation du prix du foncier, alors que d’autres friches se retrouvent dans des endroits véritablement stratégiques au cœur ou à proximité des villes, en raison de l’expansion du tissu urbain. Exemple, au Royaume-Uni, le site « The Avenue » à Chesterfield s’étendant sur 98 hectares sera prochainement réhabilité par Sita Remediation, filiale de Suez Environnement en joint-venture avec deux autres sociétés : Volker Stevin UK et DEME Environnement.

[Encart : Qui fixe le seuil de dépollution ? Un tenement industriel, ou tout terrain dit « à passif », ne peut jamais être remis dans un état équivalent à celui qui existait avant toute exploitation ou activité anthropiques, ou à un « éventuel état initial » du site. La réhabilitation d’un site, ou la remise en état d’un tenement « à passif », sera considérée comme effective, du moins par l’administration de contrôle et pour les sites relevant des ICPE (DRIRE-DREAL), seulement quand les études préalables à la gestion des pollutions reconnues, au droit ou en périphérie proche du tenement concerné, auront permis de définir, sur la base de diagnostics de pollution des milieux potentiellement impactés, de schémas conceptuels, d’évaluations quantitatives des risques sanitaires et de scénarii d’exposition des futurs occupants du site, des seuils ou des objectifs de réhabilitation conformes à la réglementation et aux normes en vigueur (pour les milieux ou médias : eau, air, déchets, aliments…), et, concernant les sols et en l’absence d’une loi sur les sols en France actuellement, à la démarche nationale de remise en état, basée sur la notion de « risque selon usage » issue de la réglementation spécifique aux ICPE.]
[Photo : Valgo propose une offre intégrée de réhabilitation des friches industrielles : déconstruction, dépollution et structuration des opérations de développement.]

L'ensemble des étapes de dépollution viennent de débuter en septembre 2009 et s'échelonneront sur 5 ans jusqu'à la reconversion finale du site prévue en 2014. « Se situant à quelques encablures de Chesterfield, cette ancienne mine de charbon devenue par la suite usine chimique jusqu'à sa fermeture en 1992 accueillera divers projets de développement (terrains sportifs, espaces verts, etc.) et passera ainsi de “Brownfield” à “Greenfield” », précise Edouard Hénaut, PDG de Sita Remediation Europe.

Les acteurs de la dépollution

Le plus souvent, il s’agit d’un industriel en tant que Maître d’Ouvrage, d'une société d'économie mixte ou encore d'un opérateur mandaté par une collectivité territoriale. De nombreux industriels, en raison de la complexité des dossiers, s’adressent à des prestataires spécialisés qui exercent une activité d’ingénierie, distincte de la partie travaux, qui permettra d’identifier et de formaliser les actions à mener dans les délais et en fonction du budget impartis. C'est par exemple le cas de Guigues Environnement, de Burgeap Igip, d’Ati-services, de Brézillon, du Cabinet Conseil Blondel, de Sogreah, ICF Environnement, ERM France ou encore de Neoprism Consultants. Une autre voie consiste à solliciter des entreprises spécialisées dans la dépollution proposant des solutions “clé en main” qui comprennent des prestations d'ingénierie juridique et financière (recherche d’aides) ainsi que des solutions techniques de déconstruction et de dépollution. C’est par exemple le cas de Idra Environnement ou de Valgo, qui proposent une solution intégrée.

[Encart : Réserve naturelle de la Crau : une situation d’urgence Le 7 août 2009, la rupture accidentelle d'un oléoduc transportant des hydrocarbures et appartenant à la SPSE (Société du Pipeline Sud Européen) avait entraîné le déversement de plusieurs milliers de m³ de pétrole dans la réserve naturelle des Coussouls au sein de la plaine de la Crau (Bouches du Rhône). La société ICF Environnement, filiale du groupe IRH Environnement, a réalisé l'ingénierie de la réhabilitation après un état des lieux complet de la situation. Sita Rémediation, filiale de Suez Environnement, a été sollicitée pour assurer le transport et l'évacuation des terres polluées hors site, technique retenue car susceptible de préserver au mieux la ressource en eau et la biodiversité de la réserve. Pour ce contrat, plus de 40 000 tonnes de terres polluées sur une zone de 5 ha ont ainsi été transportées vers la plateforme de traitement et de valorisation des terres polluées au centre de Bellegarde dans le Gard.]
[Encart : « Traitabilité des sols pollués » : un guide méthodologique pour le choix des techniques de traitement Le choix d’une technique de traitement doit tenir compte, selon les situations rencontrées, du retour d'expérience mais aussi des incertitudes qui pèsent sur l’aptitude d'un procédé à répondre aux besoins définis dans le cadre du plan de gestion. Des incertitudes peuvent être liées à l’application d'un traitement innovant mais aussi à la nature complexe de la pollution, à son hétérogénéité, ou encore aux objectifs de traitement particulièrement contraignants imposés par la proximité de milieux sensibles. Dans le cas le moins favorable où les retours d’expérience quant aux technologies disponibles et à leurs performances ne permettent pas de choisir clairement la technique de traitement apte à atteindre les objectifs de réduction du risque, le maître d’ouvrage doit pouvoir disposer d'une procédure standard lui permettant de définir la technique de traitement la plus adaptée compte tenu des objectifs fixés. C’est dans cette optique que l'Ademe a réalisé un programme d'études visant à définir une telle méthodologie qui permette d'une part de sélectionner les techniques applicables et d’autre part, d'évaluer a priori les performances des techniques retenues. Ce programme a conduit à élaborer un guide qui s'adresse aux maîtres d’ouvrage, assistants à maître d’ouvrage, maîtres d'œuvre et bureaux d'études. Ce guide est destiné à la présélection des techniques avec l'objectif d’écarter les techniques clairement inadaptées à partir de la connaissance de paramètres simples concernant le site, le(s) polluant(s) et le sol, et de pointer les paramètres susceptibles de limiter la faisabilité et les performances des techniques. Les techniques présélectionnées doivent ensuite faire l'objet d'essais de traitement et de caractérisations complémentaires présentés sous la forme de cahiers des charges en vue de vérifier la faisabilité du traitement et l’atteinte des objectifs. Le guide « Traitabilité des sols pollués » est à présent téléchargeable gratuitement sur le site www.ademe.fr/sps Coordinateur du programme : Emmanuel Vernus, Insavalor — Division Polden Responsable Ademe : Frédérique Cadiere]
[Encart : Quand une pollution des sols apparaît, les promoteurs recherchent bien souvent une solution rapide de traitement. Une solution consiste à excaver les terres pour les faire traiter en biocentre. Cette formule permet de libérer rapidement les terrains et présente l'avantage d'emporter un transfert de responsabilité à la société chargée du traitement.]

offre intégrée de réhabilitation.

« Grâce à la société d’investissement Landfors que nous avons récemment sponsorisée, nous pouvons désormais acheter des terrains et les réhabiliter pour les revendre ensuite à un promoteur en vue d’un projet immobilier », explique François Bouché, PDG de Valgo. « Nous sommes les seuls actuellement à proposer cette offre intégrée permettant la séparation du risque technique et du risque financier ». Ainsi travaillent au sein de la société toulousaine des chimistes, des ingénieurs juridiques, des géologues et des financiers. Avec une longueur d’avance sur le marché de la réhabilitation de sites pollués en projets immobiliers, « récemment, nous avons racheté une friche dans le quartier de la Viste à Marseille que nous allons réhabiliter pour le compte du promoteur ICAD en vue d’un projet immobilier de résidences collectives à prix modéré ».

Une gestion des sites maîtrisée

En France, les circulaires ministérielles du 8 février 2007 ont établi les modalités de caractérisation, de gestion et de réaménagement des sites pollués, permettant de sécuriser le processus de remise en état d’un site, sous le contrôle de la police administrative en charge de ces questions (DRIRE / DREAL), notamment lors de la cessation d’activité d’un site industriel ou assimilé. Selon les situations, deux approches de gestion ont été définies : l’interprétation de l’état des milieux (IEM) et le plan de gestion (PG). L’IEM concerne des sites

[Encart : Traitements hors sites : une solution rapide Quand une pollution des sols apparaît suite aux travaux d'excavation, les promoteurs recherchent bien souvent une solution rapide de traitement et d’élimination hors site pour ne pas ralentir le chantier. Une solution consiste à excaver les terres pour les faire traiter en biocentre. Cette formule, rapide et flexible permet de libérer rapidement les terrains et présente un avantage de taille puisqu’elle emporte un transfert de responsabilité à la société chargée du traitement. Plusieurs prestataires tels Biogénie, 3L Normandie, ExtractEcoterres, GRS Valtech, Ikos Sol Meix, Sita Remédiation ou Séché Environnement exploitent des centres de traitement spécialisés dans lesquels plusieurs procédés sont susceptibles d’être mis en œuvre sur une large variété de terres, des sables aux terres argileuses et une large gamme de concentration de polluants (hydrocarbures, HAP...) de quelques milligrammes jusqu’à plusieurs grammes par kilo.]

À Rennes, Biogénie participe à la requalification d’un site

La Zac Rabelais/Rouault fait partie des opérations de renouvellement urbain menées dans le cadre de la requalification globale de l’axe sud de la ville de Rennes (35), qui s’étend depuis la rocade jusqu’à l’Esplanade Général de Gaulle. D’ici 2011, plus de 180 logements verront le jour sur ce site ainsi qu’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui s’ouvrira sur le jardin public Albert Renouf.

Mais des études menées entre août 2007 et janvier 2008 ont permis de déceler des pollutions sur une des parcelles de l’opération, à l’emplacement d’un ancien garage automobile. Les sols, l’air contenu dans les sols et les eaux souterraines présentent notamment des traces d’hydrocarbures aromatiques et de solvants chlorés, liées aux activités de l’ancien garage. Avant d’entreprendre les travaux de terrassement nécessaires à l’aménagement du terrain, une opération de réhabilitation des sols en trois étapes a été confiée à Biogénie.

La première étape a consisté à purger et traiter les gaz du sol au moyen d’un dispositif de ventilation forcée ou “venting”. La technique consiste à implanter des puits verticaux dans le sol au droit de la zone à traiter, d’aspirer au moyen d’une installation spécifique les gaz du sol, puis de les faire passer sur un charbon actif spécifique capable de retenir les polluants en présence. La première phase doit durer trois semaines pour laisser place à une seconde phase de traitement des eaux d’exhaure.

Les eaux de nappe sont pompées directement en fond de fouille lors de la phase de réalisation des parkings souterrains via un système automatisé, pour être ensuite traitées par une technique dite de “stripping” qui consiste à provoquer la volatilisation des polluants volatils dissous dans l’eau, au moyen d’un courant d’air traversant le liquide à contrecourant. Les polluants volatils transférés dans l’air sont alors traités par filtration sur charbon actif avant d’être contrôlés et rejetés au milieu ambiant.

[Photo : Colas Environnement, l’un des plus anciens intervenants en France dans le domaine des sites et sols pollués, maîtrise l’ensemble des techniques de dépollution et développe des techniques innovantes de récupération d’hydrocarbures (extraction séquencée de flottant) et de biodégradation ciblée (COHV, hydrocarbures…) grâce à une équipe de spécialistes en mécanique des fluides, génie des procédés, chimie, biologie, électricité, automatisme/instrumentation, hydrogéologie…]
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Terres excavées : quand la législation actuelle bloque le “système possible” de recyclage ou valorisation hors site...

Point de vue du Dr. Thierry Blondel, Expert en environnement et hydrogéologie, Gérant du Cabinet Conseil Blondel, et Past-Président-Fondateur de l’association de professionnels de l’environnement : l’UCIE.

« En France, les terres excavées “polluées” sont généralement considérées comme des déchets, qu’elles soient “dépolluées au préalable” selon les méthodologies et les réglementations existantes (circulaire du 08/02/07 et code de l’environnement), ou “faiblement polluées” voire “faiblement non inertes” (en référence à la réglementation existante sur les déchets en France).

À l'heure actuelle et notamment pour les sites en milieu urbain, les terres polluées terrassées lors de projets d’aménagement, et donc excavées, sont hélas encore majoritairement évacuées hors site et éliminées en décharges ou installations de stockage de déchets (ISD). D’où un surcoût pour le promoteur ou l'aménageur, obligé notamment de gérer l’évacuation et le stockage hors site des terres excavées notamment dans le cadre d'opérations constructives (réalisation de sous-sols, de fondations ou de parkings souterrains, implantation de réseaux enterrés, de voiries ou de VRD...), y compris pour celles pourtant reconnues en préalable comme ne présentant aucun risque sanitaire ou environnemental particulier.

Cet état de fait bloque actuellement de nombreux dossiers de réhabilitation ou de reconversion d’anciennes friches industrielles ou de terrains à passif, notamment en zone urbaine à périrubaine.

Ce type de terres excavées “dépolluées en préalable”, ou “faiblement polluées” voire “faiblement non inertes”, peut néanmoins “officieusement”, et en attente d’un cadre réglementaire adapté, être réutilisé sur site, lorsque c'est possible et souvent moyennant des servitudes ou restrictions d'usage devant être reportées dans les documents d’urbanisme, notamment le PLU...

Pour ce qui est de la gestion “hors site” de ce type de terres excavées, la “seule filière” actuellement admise au niveau réglementaire consiste en un envoi “pur et simple” en décharge/ISD : d’où des surcoûts souvent importants, et d’où le blocage, actuellement, de certains projets de réhabilitation d’anciennes friches ou de terrains à passif.

Dans les faits, il apparaît que l’essentiel des problèmes actuellement rencontrés en France, concernant la “gestion hors site” des terres excavées, “dépolluées”, “faiblement polluées” ou “faiblement non inertes”, est lié à une mauvaise retranscription réglementaire au niveau français de la directive européenne sur les décharges, notamment dans le cadre de l’arrêté ministériel du 15 mars 2006 concerné.

Des diagnostics de pollution, notamment accompagnés par des campagnes de mesures sur site, sont ainsi réalisés. Les résultats des analyses effectuées sont alors comparés aux valeurs de gestions réglementaires existantes (milieux ou médias concernés : eau, air, déchets, aliments...), ou à des objectifs de réhabilitation définis sur la base de calculs de risques sanitaires, définis sur la base d’un schéma conceptuel du site, de scénarii d’exposition des futurs occupants, et des valeurs toxicologiques de référence existantes pour les polluants concernés. Notamment, en cas de constat, à l'issue des phases de diagnostics, d’une dégradation du milieu par rapport à son état initial (lorsque connu), ou par comparaison aux fonds géochimiques naturels présents dans les sols et/ou les eaux (superficielles et souterraines) et des critères d’acceptabilité en ISDI des déchets réputés “inertes” (notion toute relative spécifique à certains types de déchets...).

Un espoir semble poindre à l'horizon néanmoins : la France a en effet normalement jusqu’au 12 décembre 2010 pour retransposer en droit national les prescriptions et recommandations issues de la directive Cadre sur les déchets de novembre 2008 qui prévoit notamment une gestion plus souple de tout déchet, donc notamment des terres excavées “faiblement polluées”, ou même “dépolluées” avant terrassement et évacuation hors site d’origine, avec l’introduction de la notion de réemploi, de recyclage et de valorisation, avant d’envisager leur élimination en décharge/ISD.

L’augmentation annoncée de la pression fiscale sur les déchets, notamment par le biais d’une augmentation substantielle du montant de la TGAP à la tonne, sera également, du moins nous l’espérons tous, un “bras de levier” qui devrait favoriser les solutions de valorisation et de recyclage, avant envoi quasi-systématique, comme à l'heure actuelle, des terres excavées “dépolluées”, “faiblement polluées” ou “faiblement non inertes” en décharge/ISD.

“Non impactés par une activité anthropique”, une évaluation quantitative des risques sanitaires est donc effectuée. Parce qu’elle permet de mieux évaluer les risques de dépassement des seuils de concentration des polluants lors d’une réhabilitation, les maîtres d’ouvrage, les bureaux d’études engagent systématiquement pour tout projet de réhabilitation de site une évaluation quantitative des risques sanitaires.

[Encart : GRS Valtech favorise la revalorisation des terres traitées Dans le cadre de projets d'aménagement, de construction ou de réhabilitation, d’importants volumes de matériaux terrassés satisfont aux objectifs de dépollution du site mais sont considérés comme “non inertes” du point de vue de la réglementation. Ces terres “non inertes” doivent alors être dirigées vers des filières agréées au même titre que des terres polluées ou des déchets. GRS Valtech a développé un procédé novateur de traitement physico-chimique des matériaux, afin de rendre inertes ces matériaux très faiblement pollués. Les matériaux traités, rendus ainsi inertes, peuvent être évacués vers des filières de réutilisation ou valorisés sous condition (remblais, aménagement de carrières, etc.). Ce procédé a été développé pour favoriser le développement de projets de valorisation foncière de friches industrielles et favoriser la revalorisation des terres traitées. Il a été éprouvé sur différents chantiers parmi lesquels : - Traitement et valorisation en remblais sur site de 75 000 tonnes de matériaux dans le cadre de la réhabilitation d'une friche industrielle à Toulouse, - Sur le chantier de création de la future place nautique à Lyon : traitement et recyclage de 70 000 tonnes de terres valorisées en remblais sur des chantiers à proximité de Lyon, - Sur divers chantiers en région parisienne pour le traitement d’environ 120 000 tonnes de matériaux.]
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[Photo : PLM Équipements, distributeur du procédé Isoc qui permet de favoriser la biodégradation aérobie des polluants in situ en saturant la nappe phréatique en oxygène dissous, a également conçu une unité permettant l’aération de biopiles. La technologie de traitement par biopile favorise la biodégradation aérobie des polluants présents dans les terres excavées en stimulant l'activité microbienne.]

Dans les phases d’études où les maîtres d’œuvre sollicitent de plus en plus la mise en œuvre d'une démarche géostatistique. Cette approche, proposée par des experts indépendants tels que Geovariances, a été validée depuis 2002 par des organismes indépendants tels que l’Ademe, l’association GeoSiPol et le MEEDM. Par une analyse rigoureuse de l'information disponible sur le niveau de contamination (information historique, résultats d’analyse, diagnostics réalisés), la démarche géostatistique permet à la fois d’estimer et de localiser les volumes de sol contaminés, de préciser l'incertitude sur ces volumes et donc d'orienter la dépollution. Dans certains cas, la mise en évidence par la géostatistique de zones mal reconnues peut conduire le maître d’œuvre à réaliser des investigations complémentaires, plutôt que d’initier un chantier sans en maîtriser l’ampleur financière (optimisation de la stratégie d’échantillonnage). Dans le cadre particulier du démantèlement d'anciens sites nucléaires, des organismes et entreprises comme le CEA, AREVA ou EDF introduisent également dans leur approche une démarche géostatistique pour mieux caractériser leurs sites et optimiser leurs chantiers d’assainissement. Face à l’évolution des contraintes législatives et à l'augmentation des coûts de dépollution, la démarche géostatistique constitue une solution d'aide à la décision fiable, basée sur des méthodes largement éprouvées, solution qui répond aux attentes des donneurs d’ordre.

Des actions simples de gestion du site peuvent par la suite être mises en place, visant à sécuriser, à traiter localement ou à confiner les terrains reconnus comme “dégradés”, et présentant potentiellement un risque sanitaire et environnemental. Dans le cas où ces actions s’avéreraient insuffisantes, un plan de gestion (PG) doit alors être mis en œuvre.

Le plan de gestion est un outil méthodologique qui est utilisé lorsque la situation permet d’agir aussi bien sur l’état du site (par des aménagements ou des actions de dépollution) que sur les usages. Il peut être utilisé.

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[Encart : Biologie moléculaire ARN et ADN pour traiter les composés chlorés En laboratoire, des biopuces ADN ont été développées (projet EvasolSita Remediation) pour permettre, avec un simple échantillon d'eau de nappe, d’évaluer la compétence de la microflore naturelle à biodégrader les solvants chlorés comme le TCE ou PCE considérés aujourd'hui comme polluants majeurs car persistants, bioaccumulables et toxiques. Ces biopuces ADN (oligonucléotidiques) détectent la présence de séquences homologues complémentaires parmi les acides nucléiques extraits de l'écosystème étudié et apportent une réponse rapide sur la faisabilité et le rendement d'un traitement biologique anaérobie. Côté pratique, sur un site comportant une nappe impactée par des éthylènes chlorés, Colas Environnement en collaboration avec Enoveo (startup de Centrale de Lyon) ont mis en évidence les voies de dégradation microbiologique de ces polluants. La technologie Enoveo par QPCR (Quantitative Polymerase Chain Reaction) a permis de quantifier la présence (ADN) et l'activité (ARN) des bactéries puis des gènes codant les différentes voies de biodégradation pour chaque métabolite (PCE, TCE, DCE et chlorure de vinyle). Pour Colas, il a donc été facile, sur le terrain, de dimensionner le traitement par voie anaérobie, caractérisée comme prépondérante, en favorisant les mécanismes de biodégradation du TCE jusqu’à l’éthylène dans des conditions anoxiques. Le taux d'abattement de la pollution est de 80 % pour la somme des éthylènes chlorés sur l'ensemble des ouvrages.]
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[Photo : GRC exploite trois centres de traitement et de recyclage de terres polluées (Traitement biologique, lavage physico-chimique, désorption thermique & immobilisation avec possibilité de traitements spécifiques au cas par cas). Les centres actifs sur le marché français sont situés à Anvers (Kallo) et Zeebrugge. Ils sont accessibles par voies terrestres, fluviales et maritimes. Le traitement inclue le transport et la prise en charge des procédures d’export, les analyses de contrôles, le traitement et la valorisation des terres traitées.]

pour tout projet d’aménagement effectué sur un ancien site industriel. Avant de débuter une IEM ou un plan de gestion, dans les deux cas, un état des lieux doit être réalisé permettant de véritablement appréhender l’état des pollutions des milieux potentiellement impactés par les anciennes activités réalisées sur le tenement.

concerné, et des voies de transfert de pollution potentielles, sur site et hors site. Cet état des lieux permet également de définir, du moins de manière préliminaire et toujours dans le cadre du plan de gestion, lorsque nécessaire, les meilleures techniques disponibles, selon une démarche « coûts-avantages », pour permettre la dépollution de tout ou partie du site concerné, et/ou la mise en place de servitudes ou restrictions d’usage, et/ou la surveillance renforcée du site.

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Mais en pratique, les modalités de caractérisation, de gestion et de réaménagement des sites pollués suscitent encore certaines réserves. Pour un important acteur du secteur qui souhaite garder l’anonymat, « L'absence de cadre légal en France permet encore et toujours de tout faire et son contraire (...). Il faudra bien qu’un jour soit posée la question de fond : à quand une politique de gestion des sols pollués avec cadre juridique et approche scientifique ? Je suis effrayé de voir qu'en France, il soit toujours permis de faire des prélèvements de sol à la tarière pour un diagnostic de pollution des sols. Question de moyen et de volonté politique... »

À chaque friche, son traitement

Le choix des technologies de traitement est orienté par plusieurs paramètres : la nature des polluants, la nature du terrain, la disponibilité des techniques possibles, le coût du traitement, etc.

Une chose est certaine : il n’y a pas de méthode standard ou « miracle » de dépollution. Chaque site et chaque contexte de pollution sont différents. Le plus souvent, le traitement d’une friche industrielle nécessite le recours à une combinaison de technologies et de techniques qui se succèdent dans le temps (gestion itérative), ou qui sont mises en œuvre dans certaines zones du site uniquement. Les technologies sont très nombreuses et complexes. Pour simplifier, on distingue deux grands types de traitement : les traitements hors site (dans un biocentre ou par un stockage en décharge...), et les traitements sur site ou

[Encart : HydrauFaraday : un procédé intéressant de confinement hydraulique HydrauFaraday développé par Sogreah en collaboration avec le CEA est un procédé de confinement hydraulique qui repose sur le principe de fonctionnement d'une cage de Faraday. L’idée à l’origine de ce dispositif de confinement passif est que dans une approche source-vecteur-cible, le dispositif HydrauFaraday revient à supprimer le vecteur. En effet, les sols pollués ne peuvent générer une contamination de la nappe à l’extérieur du site que si les polluants sont véhiculés par les écoulements souterrains. La « cage de Faraday hydraulique » est constituée de puits et de galeries drainantes, entourant le site pollué. L’écoulement passera alors préférentiellement de l’amont hydraulique du site à l’aval par ces voies privilégiées à pertes de charges faibles (perméabilité infinie), plutôt qu’à travers le sous-sol du site pollué beaucoup moins perméable. Le résultat de ce détournement des eaux souterraines de l’amont vers l’aval est qu’au droit du site, la nappe présente un gradient quasiment nul. Il n’y a donc plus d’écoulement souterrain et les polluants ne migrent plus. Par ailleurs, dans la mesure où le système agit sur la répartition des pressions dans l’aquifère, il a un impact vertical qui s’étend au-delà de la profondeur du dispositif (par rapport, par exemple, à des parois étanches qui impliquent un ancrage dans un aquitard pas trop profond). Il est ainsi possible d’immobiliser une pollution profonde à partir d’une infrastructure relativement superficielle (cas des solvants chlorés plus denses que l’eau).]
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[Photo : Deep Green a lancé une nouvelle technologie, le Thermopile® basé sur une désorption thermique in situ, c’est-à-dire sans excaver ni déplacer les terres polluées.]

« In situ », divisés en deux grandes familles : les traitements biologiques et les traitements physicochimiques.

Les traitements biologiques « sur site » ou « in situ »

Comme dans la plupart des traitements biologiques, la bio-remédiation utilise la capacité de certains micro-organismes à dégrader des polluants organiques, en particulier les hydrocarbures légers. Ils s’en nourrissent et les transforment en eau et dioxyde de carbone. La technique, proposée par plusieurs prestataires comme ATI Services, Biobasic Environnement, Extract-Ecoterres, Idra, Brézillon, Apinor (groupe Ramery Environnement), Colas Environnement, ICF Environnement, GRS Valtech, Serpol ou Ikos Sol Meix, est l’une des moins coûteuses. Serpol propose des systèmes de traitement biologiques in situ sur des pollutions pétrolières contenant notamment des MTBE et ETBE. Un projet de recherche est actuellement en cours dans le cadre du pôle de compétitivité Chimie-Environnement Axelera.

De son côté, Biobasic Environnement a développé récemment une approche spécifique permettant d’optimiser les rendements de traitement par procédés biologiques utilisés pour la dépollution de sols contaminés. L’approche est basée sur la sélection des souches de micro-organismes endogènes les plus efficaces et sur leur réintroduction dans le sol à traiter dans des conditions plus appropriées à la dégradation. Les souches sont tout d’abord amplifiées à partir d’échantillons de sol contaminé, puis subissent une sélection permettant de distinguer celles qui présentent les meilleures caractéristiques métaboliques. Les paramètres de bioaugmentation (source de carbone, conditions physico-chimiques, …) peuvent alors être spécifiquement mis au point à l’échelle du laboratoire, afin de définir le procédé de traitement le plus adapté au sol à dépolluer (nature du sol, polluants). Le développement de cette approche intégrée permettrait d’aboutir à des augmentations de 30 % des taux d’abattement de pollution.

Ces techniques peuvent être utilisées dans des stratégies aussi bien in-situ que ex-situ et sur de nombreux polluants même les plus récalcitrants comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, par exemple. Le bio-venting est une « variante », associant l’aspiration des gaz du sol (venting) au traitement biologique. La multiplication des micro-organismes est stimulée par la circulation d’air, et les molécules qu’ils dégradent en molécules plus petites sont aspirées avec les gaz du sol.

La phytoremédiation, lente, gourmande en espace mais bon marché, est une technique utilisée notamment dans le cas de pollution aux métaux lourds. Elle consiste à implanter sur le site des végétaux sélectionnés pour leur faculté à fixer dans leurs racines ou leurs parties aériennes les métaux. Parmi les plantes capables d’éliminer les polluants, certaines présentent un intérêt particulier pour des sites spécifiques.

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[Encart : 3L Ingénierie et Finance élargit son offre Le Groupe 3L Ingénierie et Finance est présent sur le marché du traitement et de la valorisation des terres polluées par désorption thermique. L'entreprise met en œuvre différentes techniques de traitement, soit sur site, ce qui est le cas dans le cadre de la remise en état des sols et sous-sols de l'ancienne usine à gaz de Lyon Gerland, soit au travers de sa plateforme de transit et de traitement située sur Sotteville-lès-Rouen en Seine-Maritime. Dotée d'une capacité de traitement de 150 000 tonnes par an, l’entreprise dispose d'un quai de transfert fluvial. Son positionnement en bord de Seine lui permet, dans le cadre de projets importants, de proposer un transport par voie maritime ou fluviale, massifiant ainsi le transport et réduisant de fait le bilan carbone qui résulterait du transport par route. Actuellement, l’entreprise, au travers de son programme de recherche, développe une unité de traitement par lavage des matériaux. Cette nouvelle activité, complémentaire du traitement par désorption, permettra de répondre à partir de 2010 à une gamme de pollutions plus large et offrira ainsi une prestation complète permettant de traiter aussi bien les pollutions par métaux lourds que celles par hydrocarbures lourds et HAP. Axées sur des outils de valorisation des matériaux issus des sites et sols pollués, les techniques proposées permettront une réutilisation des produits de traitement dans les filières de valorisation du secteur des travaux publics et interviendront en substitution des ressources minérales issues des extractions minières et carrières. Vue du chantier de Lyon Gerland]
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[Photo : Idra Environnement a traité par stabilisation sur site par liant hydraulique 15.000 tonnes de boues de la DCM de Lorient.]

Parmi les plantes capables d’éliminer les métaux lourds : l’orge (Hordeum vulgare) et l'avoine (Avena). Récemment, des chercheurs de l'UMR 6191 (CEA/CNRS/Univ Aix-Marseille 2) de l’Institut de biologie environnementale et de biotechnologie (Cadarache) et de l’Inra (Montpellier) ont découvert une petite molécule largement présente chez les plantes, la nicotianamine, qui serait impliquée dans la régulation des concentrations de nombreux métaux essentiels tels que le fer, le zinc et le cuivre et jouerait un rôle important dans le chargement, la mobilisation et la distribution de la forme ionique de ces métaux dans les différentes parties de la plante. Bien qu’encore mal connues, les propriétés de fixation des métaux de cette nouvelle molécule pourraient s’avérer prometteuses. L'intérêt de la phytoremédiation est de ne sortir aucun m³ de terre polluée du site, comme cela se fait lors de dépollutions classiques. Les plantes sont arrachées et incinérées.

Plus spécifiquement, la phyto-stabilisation consiste à utiliser les plantes en prairies avec ou sans amendement spécifique pour réduire la mobilité des polluants des sols par précipitation ou absorption des racines, ou tout simplement pour limiter l’érosion. Les polluants sont bloqués in situ sous une forme souvent moins toxique. Il existe en France, sur le site de Salsigne (Aude), la mise en œuvre d'une expérimentation à grande échelle (projet Ademe-Groupe IRH Environnement) de la phyto-stabilisation de l’arsenic sur plusieurs hectares d’un ancien site minier. Enfin, l'atténuation naturelle contrôlée repose sur le fait que la toxicité de certains polluants décroît naturellement avec le temps. On parle de “biodégradation”. L’atténuation naturelle contrôlée (MNA des anglo-saxons, pour “monitored natural attenuation”), voire renforcée (ENA des anglo-saxons : pour “enhanced natural attenuation”), consiste à contrôler et vérifier que les conditions de cette évolution sont réunies tout au long de la dépollution. À titre d’exemple, pour dépolluer le site des Prés de Vaux, ancienne zone industrielle située dans la courbe du Doubs face à la citadelle de Vauban, Besançon a fait un choix 100 % écologique en utilisant uniquement des plantes et des bactéries.

Les technologies physico-chimiques “sur site” ou “in situ”

Comme les techniques biologiques, elles s'appliquent aussi bien aux traitements des sols que des nappes éventuellement contaminées.

Pour la dépollution des sols, une technique domine, même si elle s’avère peu économe en énergie : la désorption thermique. Le procédé consiste à volatiliser les terres polluées par des produits organiques, même chlorés, au sein d'un tambour rotatif.

[Encart : L’INSA de Lyon mène des travaux de recherche sur les procédés de traitement des sols pollués Le LGCIE (Laboratoire de Génie Civil et Ingénierie Environnementale) de l'INSA de Lyon s'est engagé depuis plusieurs années dans l’étude du traitement des sols et sédiments pollués par des procédés physico-chimiques d’extraction, éventuellement couplés à d'autres traitements. Deux orientations sont étudiées : extraction en phase aqueuse ou en phase vapeur. Dans le premier axe, nous étudions le lavage à l'aide de molécules complexantes dérivées de l'amidon, les cyclodextrines (CD). Ces molécules d’origine naturelle sont une alternative intéressante aux solvants organiques ou aux tensioactifs plus classiquement utilisés. Nos travaux ont montré que la β-CD native (obtenue par dégradation enzymatique de l'amidon) est nettement moins active que ses dérivés isopropylés, méthylés et carboxylés obtenus par substitution des groupements hydroxyles libres des unités glucose. L'effet du pH et de la force ionique dépend logiquement de la nature chimique du polluant, l’effet étant particulièrement sensible pour les molécules ionisables. L’effet de la température est très faible, probablement par un effet de compensation entre l'augmentation de la solubilité aqueuse des polluants avec la température et la diminution concomitante de la stabilité des complexes avec les CD. L'adsorption et la désorption en milieu dispersé (batch) des CD et des polluants cibles sur divers sols plus ou moins argileux ou riches en matière organique a été explorée. Dans tous les cas, les quantités de CD retenues par les sols testés sont faibles puisqu’elles demeurent inférieures à 10 g/kg de sol sec. L'immobilisation des CD augmente avec les teneurs en matière organique et en argile du sol mais dépend aussi du type d’argile impliqué. La β-CD native est toujours davantage retenue sur les matrices ciblées que les CD modifiées. Outre le lavage par cyclodextrines qui concerne des polluants organiques hydrophobes peu ou pas volatils, notre équipe a également développé des travaux sur l’extraction des composés organiques volatils (COV) sous pression réduite. Même si cette technique est déjà relativement éprouvée au niveau industriel, les facteurs déterminants sur l’efficacité de la technique tels que l'âge et la nature de la pollution, la perméabilité du sol ou sa teneur en matière organique, sont encore trop mal connus pour pouvoir dimensionner d’une manière optimale un tel procédé de dépollution. Nos travaux ont démarré en septembre 2006 par la thèse d’O. Boudouch qui avait pour but l'étude de l’évolution de la perméabilité ainsi que le développement d'une méthode innovante pour la conception des systèmes d’extraction basée sur l’atteinte d'une vitesse critique de l’air au sein des pores du sol. Un pilote d’essai a été construit et instrumenté dans cet objectif, simulant à l’échelle laboratoire un procédé d’extraction sous pression réduite. Un modèle mathématique permettant d'analyser les résultats obtenus a été élaboré. Nous avons ainsi pu décrire avec succès l'influence de la caractérisation de l’évolution de la perméabilité relative à l’air, au cours des opérations de dépollution, sur l’estimation du temps optimal de traitement. Ces travaux vont continuer en collaboration avec le LTDS UMR 5513 pour l'application de l’extraction sous pression réduite aux zones saturées d'un sol pollué. Rémy Gourdon - Directeur adjoint du LGCIE]
[Encart : Oxyterre® : un nouveau procédé d’oxydation chimique sur site Oxyterre® de Brézillon est un procédé de traitement chimique de terres polluées par des composés organiques peu volatils par de la chaux vive (CaO). Peu de travaux portent sur l'utilisation de la chaux vive (CaO) pour traiter des terres polluées par des hydrocarbures (Boelsing, 1988 ; Moulinec, 1988), et les paramètres réactionnels ne sont pas toujours décrits. La première partie du développement, menée en partenariat avec le centre de recherche de Lhoist et l'Institut National Polytechnique de Lorraine a eu pour objectif d'évaluer les potentialités du traitement à la chaux d'une terre contaminée par des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques dans le contexte d'un procédé ex situ, c’est-à-dire après excavation de la terre. Ces travaux ont montré que l'application du traitement à la chaux permettait d’obtenir des taux de dégradation des HAP voisins de 100 %, et ont permis de déterminer l'importance respective des paramètres testés.
[Photo : Procédé Oxyterre® : vue intérieure de l'unité pilote.] La deuxième partie du développement, menée par Brézillon, a eu pour objectif la mise au point d'un pilote industriel permettant de simuler en vraie grandeur toutes les phases du traitement et d’en faire varier tous les paramètres. Cette phase a abouti à la réalisation d'un pilote homothétique à l'unité de traitement industrielle, containerisé et automatisé. Les travaux sur le pilote ont abouti à un procédé dont la mobilité et la modularité permettent des applications sur site ou en centre fixe et qui peut s'adapter à des volumes de traitement de tailles très diverses. Ils ont également montré que le champ d’application d’Oxyterre® est particulièrement large et débouche sur des accords de partenariat avec les industriels pour des traitements spécifiques. Oxyterre® se positionne naturellement en concurrence des traitements thermiques avec comme avantages un bilan environnemental favorable, une simplicité et une modularité de l’unité de traitement qui autorisent des interventions sur site pour de faibles quantités et un coût moins élevé avec un différentiel qui aura tendance à augmenter du fait que le procédé n’utilise pas de combustible.]

Incliné dans lequel un brûleur produit une chaleur inférieure à 500 °C, ce qui détruit les polluants sans détruire la terre. « La plus grande opération de désorption thermique jamais réalisée est celle que nous lançons sur le site de Chesterfield », précise Edouard Hénaut chez SITA Remediation (Suez Environnement). D’autres sociétés proposent en France cette technologie, comme Colas Environnement, Serpol, Cap Environnement, GRS Valtech, Sol Environment, Sita Remediation ou encore Séché Eco-services. Spécialiste de la désorption thermique, Deep Green a lancé une nouvelle technologie, le Thermopile® basé sur une désorption thermique in situ, c’est-à-dire sans excaver ni déplacer les terres polluées. Il rend donc possible la gestion des cas de pollution du sol sur des zones sensibles et urbaines (galeries souterraines, métros…) pour lesquelles l’excavation n'est pas envisageable. Dans les cas où l'excavation doit néanmoins être pratiquée, cette méthode d'intervention supprime les nuisances liées à l’excavation et réduit fortement la consommation énergétique. Le Thermopile® in situ repose sur deux principes : l'utilisation de l’énergie des contaminants des terres et la récupération de la chaleur produite pour détruire les polluants. GRS Valtech exploite également un procédé exclusif de traitement in situ des terres par désorption thermique qui met en œuvre des pointes chauffantes électriques et exploite donc uniquement la conductivité thermique du sol. Comme ce paramètre est pratiquement constant quelle que soit la nature des terrains, la performance du traitement n’est pas affectée par les hétérogénéités (comme c’est le cas pour la plupart des autres techniques in situ qui sont tributaires de la conductivité hydraulique des sols).

Suivant le type de polluant, les puits chauffants sont portés à une température comprise entre 400 et 700 °C. Pour les sols toujours, le lavage in situ est une autre méthode consistant à faire circuler dans la terre de l'eau additionnée de tensio-actifs, ce qui libère et entraîne les produits organiques. Ils sont ensuite séparés par décantation au niveau du sol. Enfin, l’aspiration des gaz du sol est un procédé consistant à extraire les polluants volatils par des réseaux de drainage qui aspirent directement les gaz dans le sol. Les vapeurs récupérées sont ensuite condensées, absorbées par du charbon actif ou incinérées.

Plus rarement, sur certains sites riches en zinc ou mercure, on peut recourir à l'extraction des métaux par vaporisation et par lavage. Ou encore à la fixation des métaux à l'aide de liants hydrauliques. Le procédé repose sur l’ajout à la terre polluée de ciment ou de chaux, destiné à empêcher la pollution de se déplacer. Le produit obtenu est laissé en place, utilisé comme matériau ou envoyé en décharge. Idra Environ-

[Encart : Comment évaluer le comportement à la lixiviation des sols ? Qu’il s’agisse d'un sol en place ou excavé, destiné à être réutilisé sur ou hors site, avant ou après un traitement éventuel, la caractérisation des sols s’appuie le plus souvent sur la seule quantité totale de polluants présents dans le sol. La composition totale n'est toutefois pas adaptée pour évaluer la propension de ces polluants à un transport dans le sol, vers les eaux souterraines et les eaux superficielles. En effet, une fraction significative de la teneur totale en de nombreux constituants est en grande partie non lixiviable, c’est-à-dire qu'elle n'est pas transférée en phase aqueuse dans des conditions d’exposition. Ainsi, un aspect clé de l’évaluation des solutions de gestion possibles pour les sols et les terres excavées éventuellement dépolluées est leur relargage dans la phase aqueuse. Pour cela, deux situations sont à examiner distinctement selon qu’il s’agit de comparer ou de vérifier la conformité du sol à des valeurs de référence ou bien s'il s‘agit de déterminer le comportement à la lixiviation dans le cadre d'une évaluation d'impact. Dans le premier cas, ce sont des exigences réglementaires qui imposent généralement le protocole de l'essai de lixiviation, comme c'est le cas pour l’admission en installation de stockage. La norme NF ISO 18772 « Lignes directrices relatives aux modes opératoires de lixiviation en vue d'essais chimiques et écotoxicologiques ultérieurs des sols et matériaux du sol » présente les essais qu'il est envisageable de réaliser selon les conditions rencontrées. Dans le deuxième cas, la caractérisation s’inscrit dans le schéma conceptuel selon les composantes du risque « source – voie de transfert – milieu récepteur ». Il s'agit de la caractérisation du terme source. La norme NF ISO 18772 présente une méthode en sept étapes adaptée à la caractérisation du terme source de sols et terres excavées. Cette méthode est dérivée de la norme européenne NF EN 12920 de caractérisation du comportement à la lixiviation des déchets. Dans ce cas, plusieurs essais sont nécessaires pour caractériser le relargage des sols selon les conditions spécifiées. Le résultat de cette évaluation est une description de la source en termes de relargage, en fonction du temps et d'influences extérieures, pour un scénario donné. Fort de ses 20 ans de travaux sur la caractérisation des déchets et des sols pollués et notamment de sa contribution à la normalisation européenne, Insavalor – Division Polden dispose sur la plateforme EEDEMS (Évaluation Environnementale des Déchets Matériaux et Sols pollués) des équipements et compétences nécessaires pour la mise en œuvre de ces méthodologies à l’échelle du laboratoire et à échelle pilote. Emmanuel Vernus, Co-directeur, Insavalor – Division Polden]

nement a traité par ce procédé 15000 tonnes de boues de la DCNS de Lorient. Les technologies d’oxydation in situ sont également prometteuses pour traiter de nombreuses contaminations aussi bien en zone saturée qu’en zone insaturée. Les technologies Oxidis (oxydation in situ) et Bionappe (biodégradation in situ) sont par exemple exploitées par SITA Remediation depuis de nombreuses années. ICF Environnement, également pionnier en la matière, dispose de nombreuses références.

La technique, qui ne représentait encore, selon une étude de l’Ademe, que 3,5 % des tonnages traités en 2006, consiste en l’injection d’oxydants puissants tels le peroxyde d’hydrogène, l’ozone, le permanganate de potassium ou les persulfates. Elle a fait ses preuves sur des polluants organiques de type aliphatique non saturé ou aromatique, chlorés ou non et peut également être mise en œuvre sur les hydrocarbures aliphatiques saturés (octane, hexane) et sur les alcanes chlorés. Principale difficulté, l’efficacité du contact polluant/oxydant qui conditionne le résultat exige une parfaite maîtrise des travaux souterrains associée à une bonne connaissance des polluants. Arcadis a réalisé plusieurs dépollutions ciblées sur des HAP au droit d’anciennes usines à gaz et sur des hydrocarbures courants au droit de stations-services. Mais des avancées significatives sont enregistrées notamment en matière d’injection. Ainsi, Hub Environnement a développé récemment deux nouveaux procédés, “Oxyjet” et “Jet-Extract”, permettant de s’affranchir des problèmes de colmatage, avec un procédé d’injection dérivé des technologies de consolidation in situ des sols. L’injection avec de tels moyens permet un traitement plus ciblé, plus homogène, et avec des rayons d’influence plus conséquents, réduisant ainsi la difficulté de mise en contact oxydant-polluant.

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