Le développement des villes aidant, de nombreuses friches industrielles se retrouvent aujourd'hui au coeur de zones urbaines. Grâce à des outils méthodologiques bien maîtrisés permettant de rechercher et traiter les sources de pollution, des solutions existent pour réaménager les sites pollués par des activités anthropiques anciennes ou récentes. Le marché est en pleine expansion en France.
Quand une entreprise soumise à la législation sur les installations classées reçoit une autorisation d'exploitation, l'arrêté préfectoral précise clairement que la remise en état du site incombe au dernier exploitant du terrain concerné ou, le cas échéant, à son prédécesseur. En cas de défaillance, notamment pour cause de liquidation judiciaire, l'État peut se substituer à lui mais uniquement pour sécuriser le site et notamment pour extraire les déchets les plus dangereux, mais en aucun cas pour dépolluer ou remettre en état pour l'usage prévu du site.
C'est ainsi que sont apparues ces dernières décennies, notamment en zones urbaines à périurbaines, les friches industrielles. Anciennes mines, usines à gaz abandonnées, usines chimiques et pétrochimiques, décharges sauvages, anciens terrains militaires, stations-service désaffectées... En
France, il y aurait près de 3 500 sites ayant abrité une activité industrielle recensés depuis une quinzaine d’années par le Ministère de l’Écologie comme potentiellement pollués. « En réalité, estime Thierry Blondel, expert en environnement et hydrogéologie et gérant du Cabinet Conseil Blondel, et selon les critères actuels définissant ce qu’est un terrain ou un site potentiellement pollué, il y en aurait en fait plus de 300 000… ». Les polluants ? Le plus souvent des hydrocarbures, des produits chlorés, des métaux lourds essentiellement.
Afin d’éviter leur multiplication, la législation s’est heureusement quelque peu « durcie ». Aujourd’hui, même les pollutions du sol qui ne menacent pas directement l’environnement doivent être traitées, alors qu’auparavant une simple mise sous surveillance du site était exigée. Il en va de même pour les collectivités locales. Celles qui exploitaient des décharges non autorisées aujourd’hui fermées ont obligation de les réhabiliter. Enfin, le Grenelle de l’Environnement s’est penché dernièrement sur la question des friches (les « brownfields » des pays anglo-saxons), encourageant leur reconversion au détriment de l’ouverture de nouveaux sites industriels sur des terrains agricoles « sains ».
Pour Hubert Bonin, Président de l’UCIE, « Cette reconversion est un facteur essentiel pour la qualité de vie dans nos espaces urbains, mais cette activité représente aussi un moteur important de l’activité économique ».
Enfin, troisième catégorie d’acteurs et non des moindres, les entreprises spécialisées en travaux de dépollution qui jouent un rôle majeur sur le marché avec 233 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés par les entreprises « travaux » membres de l’UPDS. Les sociétés adhérentes à l’UPDS, qui s’est fixé comme principale mission d’aider ses adhérents dans leur recherche de la satisfaction client et de la protection de l’environnement et de la santé, représentent près de 70 % du marché français lié à ce domaine.
En ville, un marché en pleine expansion
Si, évidemment, la réhabilitation des friches situées en pleine campagne intéresse peu de monde, faute de rentabilité, en ville, la situation est bien différente ; il y a toujours des collectivités locales ou aménageurs pour acheter et réhabiliter les terrains pollués en vue d’un projet d’aménagement. Ainsi, de plus en plus de friches industrielles sont devenues exploitables grâce à l’augmentation du prix du foncier, alors que d’autres friches se retrouvent dans des endroits véritablement stratégiques au cœur ou à proximité des villes, en raison de l’expansion du tissu urbain. Exemple, au Royaume-Uni, le site « The Avenue » à Chesterfield s’étendant sur 98 hectares sera prochainement réhabilité par Sita Remediation, filiale de Suez Environnement en joint-venture avec deux autres sociétés : Volker Stevin UK et DEME Environnement.
L'ensemble des étapes de dépollution viennent de débuter en septembre 2009 et s'échelonneront sur 5 ans jusqu'à la reconversion finale du site prévue en 2014. « Se situant à quelques encablures de Chesterfield, cette ancienne mine de charbon devenue par la suite usine chimique jusqu'à sa fermeture en 1992 accueillera divers projets de développement (terrains sportifs, espaces verts, etc.) et passera ainsi de “Brownfield” à “Greenfield” », précise Edouard Hénaut, PDG de Sita Remediation Europe.
Les acteurs de la dépollution
Le plus souvent, il s’agit d’un industriel en tant que Maître d’Ouvrage, d'une société d'économie mixte ou encore d'un opérateur mandaté par une collectivité territoriale. De nombreux industriels, en raison de la complexité des dossiers, s’adressent à des prestataires spécialisés qui exercent une activité d’ingénierie, distincte de la partie travaux, qui permettra d’identifier et de formaliser les actions à mener dans les délais et en fonction du budget impartis. C'est par exemple le cas de Guigues Environnement, de Burgeap Igip, d’Ati-services, de Brézillon, du Cabinet Conseil Blondel, de Sogreah, ICF Environnement, ERM France ou encore de Neoprism Consultants. Une autre voie consiste à solliciter des entreprises spécialisées dans la dépollution proposant des solutions “clé en main” qui comprennent des prestations d'ingénierie juridique et financière (recherche d’aides) ainsi que des solutions techniques de déconstruction et de dépollution. C’est par exemple le cas de Idra Environnement ou de Valgo, qui proposent une solution intégrée.
offre intégrée de réhabilitation.
« Grâce à la société d’investissement Landfors que nous avons récemment sponsorisée, nous pouvons désormais acheter des terrains et les réhabiliter pour les revendre ensuite à un promoteur en vue d’un projet immobilier », explique François Bouché, PDG de Valgo. « Nous sommes les seuls actuellement à proposer cette offre intégrée permettant la séparation du risque technique et du risque financier ». Ainsi travaillent au sein de la société toulousaine des chimistes, des ingénieurs juridiques, des géologues et des financiers. Avec une longueur d’avance sur le marché de la réhabilitation de sites pollués en projets immobiliers, « récemment, nous avons racheté une friche dans le quartier de la Viste à Marseille que nous allons réhabiliter pour le compte du promoteur ICAD en vue d’un projet immobilier de résidences collectives à prix modéré ».
Une gestion des sites maîtrisée
En France, les circulaires ministérielles du 8 février 2007 ont établi les modalités de caractérisation, de gestion et de réaménagement des sites pollués, permettant de sécuriser le processus de remise en état d’un site, sous le contrôle de la police administrative en charge de ces questions (DRIRE / DREAL), notamment lors de la cessation d’activité d’un site industriel ou assimilé. Selon les situations, deux approches de gestion ont été définies : l’interprétation de l’état des milieux (IEM) et le plan de gestion (PG). L’IEM concerne des sites
À Rennes, Biogénie participe à la requalification d’un site
La Zac Rabelais/Rouault fait partie des opérations de renouvellement urbain menées dans le cadre de la requalification globale de l’axe sud de la ville de Rennes (35), qui s’étend depuis la rocade jusqu’à l’Esplanade Général de Gaulle. D’ici 2011, plus de 180 logements verront le jour sur ce site ainsi qu’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui s’ouvrira sur le jardin public Albert Renouf.
Mais des études menées entre août 2007 et janvier 2008 ont permis de déceler des pollutions sur une des parcelles de l’opération, à l’emplacement d’un ancien garage automobile. Les sols, l’air contenu dans les sols et les eaux souterraines présentent notamment des traces d’hydrocarbures aromatiques et de solvants chlorés, liées aux activités de l’ancien garage. Avant d’entreprendre les travaux de terrassement nécessaires à l’aménagement du terrain, une opération de réhabilitation des sols en trois étapes a été confiée à Biogénie.
La première étape a consisté à purger et traiter les gaz du sol au moyen d’un dispositif de ventilation forcée ou “venting”. La technique consiste à implanter des puits verticaux dans le sol au droit de la zone à traiter, d’aspirer au moyen d’une installation spécifique les gaz du sol, puis de les faire passer sur un charbon actif spécifique capable de retenir les polluants en présence. La première phase doit durer trois semaines pour laisser place à une seconde phase de traitement des eaux d’exhaure.
Les eaux de nappe sont pompées directement en fond de fouille lors de la phase de réalisation des parkings souterrains via un système automatisé, pour être ensuite traitées par une technique dite de “stripping” qui consiste à provoquer la volatilisation des polluants volatils dissous dans l’eau, au moyen d’un courant d’air traversant le liquide à contrecourant. Les polluants volatils transférés dans l’air sont alors traités par filtration sur charbon actif avant d’être contrôlés et rejetés au milieu ambiant.
Terres excavées : quand la législation actuelle bloque le “système possible” de recyclage ou valorisation hors site...
Point de vue du Dr. Thierry Blondel, Expert en environnement et hydrogéologie, Gérant du Cabinet Conseil Blondel, et Past-Président-Fondateur de l’association de professionnels de l’environnement : l’UCIE.
« En France, les terres excavées “polluées” sont généralement considérées comme des déchets, qu’elles soient “dépolluées au préalable” selon les méthodologies et les réglementations existantes (circulaire du 08/02/07 et code de l’environnement), ou “faiblement polluées” voire “faiblement non inertes” (en référence à la réglementation existante sur les déchets en France).
À l'heure actuelle et notamment pour les sites en milieu urbain, les terres polluées terrassées lors de projets d’aménagement, et donc excavées, sont hélas encore majoritairement évacuées hors site et éliminées en décharges ou installations de stockage de déchets (ISD). D’où un surcoût pour le promoteur ou l'aménageur, obligé notamment de gérer l’évacuation et le stockage hors site des terres excavées notamment dans le cadre d'opérations constructives (réalisation de sous-sols, de fondations ou de parkings souterrains, implantation de réseaux enterrés, de voiries ou de VRD...), y compris pour celles pourtant reconnues en préalable comme ne présentant aucun risque sanitaire ou environnemental particulier.
Cet état de fait bloque actuellement de nombreux dossiers de réhabilitation ou de reconversion d’anciennes friches industrielles ou de terrains à passif, notamment en zone urbaine à périrubaine.
Ce type de terres excavées “dépolluées en préalable”, ou “faiblement polluées” voire “faiblement non inertes”, peut néanmoins “officieusement”, et en attente d’un cadre réglementaire adapté, être réutilisé sur site, lorsque c'est possible et souvent moyennant des servitudes ou restrictions d'usage devant être reportées dans les documents d’urbanisme, notamment le PLU...
Pour ce qui est de la gestion “hors site” de ce type de terres excavées, la “seule filière” actuellement admise au niveau réglementaire consiste en un envoi “pur et simple” en décharge/ISD : d’où des surcoûts souvent importants, et d’où le blocage, actuellement, de certains projets de réhabilitation d’anciennes friches ou de terrains à passif.
Dans les faits, il apparaît que l’essentiel des problèmes actuellement rencontrés en France, concernant la “gestion hors site” des terres excavées, “dépolluées”, “faiblement polluées” ou “faiblement non inertes”, est lié à une mauvaise retranscription réglementaire au niveau français de la directive européenne sur les décharges, notamment dans le cadre de l’arrêté ministériel du 15 mars 2006 concerné.
Des diagnostics de pollution, notamment accompagnés par des campagnes de mesures sur site, sont ainsi réalisés. Les résultats des analyses effectuées sont alors comparés aux valeurs de gestions réglementaires existantes (milieux ou médias concernés : eau, air, déchets, aliments...), ou à des objectifs de réhabilitation définis sur la base de calculs de risques sanitaires, définis sur la base d’un schéma conceptuel du site, de scénarii d’exposition des futurs occupants, et des valeurs toxicologiques de référence existantes pour les polluants concernés. Notamment, en cas de constat, à l'issue des phases de diagnostics, d’une dégradation du milieu par rapport à son état initial (lorsque connu), ou par comparaison aux fonds géochimiques naturels présents dans les sols et/ou les eaux (superficielles et souterraines) et des critères d’acceptabilité en ISDI des déchets réputés “inertes” (notion toute relative spécifique à certains types de déchets...).
Un espoir semble poindre à l'horizon néanmoins : la France a en effet normalement jusqu’au 12 décembre 2010 pour retransposer en droit national les prescriptions et recommandations issues de la directive Cadre sur les déchets de novembre 2008 qui prévoit notamment une gestion plus souple de tout déchet, donc notamment des terres excavées “faiblement polluées”, ou même “dépolluées” avant terrassement et évacuation hors site d’origine, avec l’introduction de la notion de réemploi, de recyclage et de valorisation, avant d’envisager leur élimination en décharge/ISD.
L’augmentation annoncée de la pression fiscale sur les déchets, notamment par le biais d’une augmentation substantielle du montant de la TGAP à la tonne, sera également, du moins nous l’espérons tous, un “bras de levier” qui devrait favoriser les solutions de valorisation et de recyclage, avant envoi quasi-systématique, comme à l'heure actuelle, des terres excavées “dépolluées”, “faiblement polluées” ou “faiblement non inertes” en décharge/ISD.
“Non impactés par une activité anthropique”, une évaluation quantitative des risques sanitaires est donc effectuée. Parce qu’elle permet de mieux évaluer les risques de dépassement des seuils de concentration des polluants lors d’une réhabilitation, les maîtres d’ouvrage, les bureaux d’études engagent systématiquement pour tout projet de réhabilitation de site une évaluation quantitative des risques sanitaires.
Dans les phases d’études où les maîtres d’œuvre sollicitent de plus en plus la mise en œuvre d'une démarche géostatistique. Cette approche, proposée par des experts indépendants tels que Geovariances, a été validée depuis 2002 par des organismes indépendants tels que l’Ademe, l’association GeoSiPol et le MEEDM. Par une analyse rigoureuse de l'information disponible sur le niveau de contamination (information historique, résultats d’analyse, diagnostics réalisés), la démarche géostatistique permet à la fois d’estimer et de localiser les volumes de sol contaminés, de préciser l'incertitude sur ces volumes et donc d'orienter la dépollution. Dans certains cas, la mise en évidence par la géostatistique de zones mal reconnues peut conduire le maître d’œuvre à réaliser des investigations complémentaires, plutôt que d’initier un chantier sans en maîtriser l’ampleur financière (optimisation de la stratégie d’échantillonnage). Dans le cadre particulier du démantèlement d'anciens sites nucléaires, des organismes et entreprises comme le CEA, AREVA ou EDF introduisent également dans leur approche une démarche géostatistique pour mieux caractériser leurs sites et optimiser leurs chantiers d’assainissement. Face à l’évolution des contraintes législatives et à l'augmentation des coûts de dépollution, la démarche géostatistique constitue une solution d'aide à la décision fiable, basée sur des méthodes largement éprouvées, solution qui répond aux attentes des donneurs d’ordre.
Des actions simples de gestion du site peuvent par la suite être mises en place, visant à sécuriser, à traiter localement ou à confiner les terrains reconnus comme “dégradés”, et présentant potentiellement un risque sanitaire et environnemental. Dans le cas où ces actions s’avéreraient insuffisantes, un plan de gestion (PG) doit alors être mis en œuvre.
Le plan de gestion est un outil méthodologique qui est utilisé lorsque la situation permet d’agir aussi bien sur l’état du site (par des aménagements ou des actions de dépollution) que sur les usages. Il peut être utilisé.
pour tout projet d’aménagement effectué sur un ancien site industriel. Avant de débuter une IEM ou un plan de gestion, dans les deux cas, un état des lieux doit être réalisé permettant de véritablement appréhender l’état des pollutions des milieux potentiellement impactés par les anciennes activités réalisées sur le tenement.
concerné, et des voies de transfert de pollution potentielles, sur site et hors site. Cet état des lieux permet également de définir, du moins de manière préliminaire et toujours dans le cadre du plan de gestion, lorsque nécessaire, les meilleures techniques disponibles, selon une démarche « coûts-avantages », pour permettre la dépollution de tout ou partie du site concerné, et/ou la mise en place de servitudes ou restrictions d’usage, et/ou la surveillance renforcée du site.
Mais en pratique, les modalités de caractérisation, de gestion et de réaménagement des sites pollués suscitent encore certaines réserves. Pour un important acteur du secteur qui souhaite garder l’anonymat, « L'absence de cadre légal en France permet encore et toujours de tout faire et son contraire (...). Il faudra bien qu’un jour soit posée la question de fond : à quand une politique de gestion des sols pollués avec cadre juridique et approche scientifique ? Je suis effrayé de voir qu'en France, il soit toujours permis de faire des prélèvements de sol à la tarière pour un diagnostic de pollution des sols. Question de moyen et de volonté politique... »
À chaque friche, son traitement
Le choix des technologies de traitement est orienté par plusieurs paramètres : la nature des polluants, la nature du terrain, la disponibilité des techniques possibles, le coût du traitement, etc.
Une chose est certaine : il n’y a pas de méthode standard ou « miracle » de dépollution. Chaque site et chaque contexte de pollution sont différents. Le plus souvent, le traitement d’une friche industrielle nécessite le recours à une combinaison de technologies et de techniques qui se succèdent dans le temps (gestion itérative), ou qui sont mises en œuvre dans certaines zones du site uniquement. Les technologies sont très nombreuses et complexes. Pour simplifier, on distingue deux grands types de traitement : les traitements hors site (dans un biocentre ou par un stockage en décharge...), et les traitements sur site ou
« In situ », divisés en deux grandes familles : les traitements biologiques et les traitements physicochimiques.
Les traitements biologiques « sur site » ou « in situ »
Comme dans la plupart des traitements biologiques, la bio-remédiation utilise la capacité de certains micro-organismes à dégrader des polluants organiques, en particulier les hydrocarbures légers. Ils s’en nourrissent et les transforment en eau et dioxyde de carbone. La technique, proposée par plusieurs prestataires comme ATI Services, Biobasic Environnement, Extract-Ecoterres, Idra, Brézillon, Apinor (groupe Ramery Environnement), Colas Environnement, ICF Environnement, GRS Valtech, Serpol ou Ikos Sol Meix, est l’une des moins coûteuses. Serpol propose des systèmes de traitement biologiques in situ sur des pollutions pétrolières contenant notamment des MTBE et ETBE. Un projet de recherche est actuellement en cours dans le cadre du pôle de compétitivité Chimie-Environnement Axelera.
De son côté, Biobasic Environnement a développé récemment une approche spécifique permettant d’optimiser les rendements de traitement par procédés biologiques utilisés pour la dépollution de sols contaminés. L’approche est basée sur la sélection des souches de micro-organismes endogènes les plus efficaces et sur leur réintroduction dans le sol à traiter dans des conditions plus appropriées à la dégradation. Les souches sont tout d’abord amplifiées à partir d’échantillons de sol contaminé, puis subissent une sélection permettant de distinguer celles qui présentent les meilleures caractéristiques métaboliques. Les paramètres de bioaugmentation (source de carbone, conditions physico-chimiques, …) peuvent alors être spécifiquement mis au point à l’échelle du laboratoire, afin de définir le procédé de traitement le plus adapté au sol à dépolluer (nature du sol, polluants). Le développement de cette approche intégrée permettrait d’aboutir à des augmentations de 30 % des taux d’abattement de pollution.
Ces techniques peuvent être utilisées dans des stratégies aussi bien in-situ que ex-situ et sur de nombreux polluants même les plus récalcitrants comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, par exemple. Le bio-venting est une « variante », associant l’aspiration des gaz du sol (venting) au traitement biologique. La multiplication des micro-organismes est stimulée par la circulation d’air, et les molécules qu’ils dégradent en molécules plus petites sont aspirées avec les gaz du sol.
La phytoremédiation, lente, gourmande en espace mais bon marché, est une technique utilisée notamment dans le cas de pollution aux métaux lourds. Elle consiste à implanter sur le site des végétaux sélectionnés pour leur faculté à fixer dans leurs racines ou leurs parties aériennes les métaux. Parmi les plantes capables d’éliminer les polluants, certaines présentent un intérêt particulier pour des sites spécifiques.
Parmi les plantes capables d’éliminer les métaux lourds : l’orge (Hordeum vulgare) et l'avoine (Avena). Récemment, des chercheurs de l'UMR 6191 (CEA/CNRS/Univ Aix-Marseille 2) de l’Institut de biologie environnementale et de biotechnologie (Cadarache) et de l’Inra (Montpellier) ont découvert une petite molécule largement présente chez les plantes, la nicotianamine, qui serait impliquée dans la régulation des concentrations de nombreux métaux essentiels tels que le fer, le zinc et le cuivre et jouerait un rôle important dans le chargement, la mobilisation et la distribution de la forme ionique de ces métaux dans les différentes parties de la plante. Bien qu’encore mal connues, les propriétés de fixation des métaux de cette nouvelle molécule pourraient s’avérer prometteuses. L'intérêt de la phytoremédiation est de ne sortir aucun m³ de terre polluée du site, comme cela se fait lors de dépollutions classiques. Les plantes sont arrachées et incinérées.
Plus spécifiquement, la phyto-stabilisation consiste à utiliser les plantes en prairies avec ou sans amendement spécifique pour réduire la mobilité des polluants des sols par précipitation ou absorption des racines, ou tout simplement pour limiter l’érosion. Les polluants sont bloqués in situ sous une forme souvent moins toxique. Il existe en France, sur le site de Salsigne (Aude), la mise en œuvre d'une expérimentation à grande échelle (projet Ademe-Groupe IRH Environnement) de la phyto-stabilisation de l’arsenic sur plusieurs hectares d’un ancien site minier. Enfin, l'atténuation naturelle contrôlée repose sur le fait que la toxicité de certains polluants décroît naturellement avec le temps. On parle de “biodégradation”. L’atténuation naturelle contrôlée (MNA des anglo-saxons, pour “monitored natural attenuation”), voire renforcée (ENA des anglo-saxons : pour “enhanced natural attenuation”), consiste à contrôler et vérifier que les conditions de cette évolution sont réunies tout au long de la dépollution. À titre d’exemple, pour dépolluer le site des Prés de Vaux, ancienne zone industrielle située dans la courbe du Doubs face à la citadelle de Vauban, Besançon a fait un choix 100 % écologique en utilisant uniquement des plantes et des bactéries.
Les technologies physico-chimiques “sur site” ou “in situ”
Comme les techniques biologiques, elles s'appliquent aussi bien aux traitements des sols que des nappes éventuellement contaminées.
Pour la dépollution des sols, une technique domine, même si elle s’avère peu économe en énergie : la désorption thermique. Le procédé consiste à volatiliser les terres polluées par des produits organiques, même chlorés, au sein d'un tambour rotatif.
Incliné dans lequel un brûleur produit une chaleur inférieure à 500 °C, ce qui détruit les polluants sans détruire la terre. « La plus grande opération de désorption thermique jamais réalisée est celle que nous lançons sur le site de Chesterfield », précise Edouard Hénaut chez SITA Remediation (Suez Environnement). D’autres sociétés proposent en France cette technologie, comme Colas Environnement, Serpol, Cap Environnement, GRS Valtech, Sol Environment, Sita Remediation ou encore Séché Eco-services. Spécialiste de la désorption thermique, Deep Green a lancé une nouvelle technologie, le Thermopile® basé sur une désorption thermique in situ, c’est-à-dire sans excaver ni déplacer les terres polluées. Il rend donc possible la gestion des cas de pollution du sol sur des zones sensibles et urbaines (galeries souterraines, métros…) pour lesquelles l’excavation n'est pas envisageable. Dans les cas où l'excavation doit néanmoins être pratiquée, cette méthode d'intervention supprime les nuisances liées à l’excavation et réduit fortement la consommation énergétique. Le Thermopile® in situ repose sur deux principes : l'utilisation de l’énergie des contaminants des terres et la récupération de la chaleur produite pour détruire les polluants. GRS Valtech exploite également un procédé exclusif de traitement in situ des terres par désorption thermique qui met en œuvre des pointes chauffantes électriques et exploite donc uniquement la conductivité thermique du sol. Comme ce paramètre est pratiquement constant quelle que soit la nature des terrains, la performance du traitement n’est pas affectée par les hétérogénéités (comme c’est le cas pour la plupart des autres techniques in situ qui sont tributaires de la conductivité hydraulique des sols).
Suivant le type de polluant, les puits chauffants sont portés à une température comprise entre 400 et 700 °C. Pour les sols toujours, le lavage in situ est une autre méthode consistant à faire circuler dans la terre de l'eau additionnée de tensio-actifs, ce qui libère et entraîne les produits organiques. Ils sont ensuite séparés par décantation au niveau du sol. Enfin, l’aspiration des gaz du sol est un procédé consistant à extraire les polluants volatils par des réseaux de drainage qui aspirent directement les gaz dans le sol. Les vapeurs récupérées sont ensuite condensées, absorbées par du charbon actif ou incinérées.
Plus rarement, sur certains sites riches en zinc ou mercure, on peut recourir à l'extraction des métaux par vaporisation et par lavage. Ou encore à la fixation des métaux à l'aide de liants hydrauliques. Le procédé repose sur l’ajout à la terre polluée de ciment ou de chaux, destiné à empêcher la pollution de se déplacer. Le produit obtenu est laissé en place, utilisé comme matériau ou envoyé en décharge. Idra Environ-
nement a traité par ce procédé 15000 tonnes de boues de la DCNS de Lorient. Les technologies d’oxydation in situ sont également prometteuses pour traiter de nombreuses contaminations aussi bien en zone saturée qu’en zone insaturée. Les technologies Oxidis (oxydation in situ) et Bionappe (biodégradation in situ) sont par exemple exploitées par SITA Remediation depuis de nombreuses années. ICF Environnement, également pionnier en la matière, dispose de nombreuses références.
La technique, qui ne représentait encore, selon une étude de l’Ademe, que 3,5 % des tonnages traités en 2006, consiste en l’injection d’oxydants puissants tels le peroxyde d’hydrogène, l’ozone, le permanganate de potassium ou les persulfates. Elle a fait ses preuves sur des polluants organiques de type aliphatique non saturé ou aromatique, chlorés ou non et peut également être mise en œuvre sur les hydrocarbures aliphatiques saturés (octane, hexane) et sur les alcanes chlorés. Principale difficulté, l’efficacité du contact polluant/oxydant qui conditionne le résultat exige une parfaite maîtrise des travaux souterrains associée à une bonne connaissance des polluants. Arcadis a réalisé plusieurs dépollutions ciblées sur des HAP au droit d’anciennes usines à gaz et sur des hydrocarbures courants au droit de stations-services. Mais des avancées significatives sont enregistrées notamment en matière d’injection. Ainsi, Hub Environnement a développé récemment deux nouveaux procédés, “Oxyjet” et “Jet-Extract”, permettant de s’affranchir des problèmes de colmatage, avec un procédé d’injection dérivé des technologies de consolidation in situ des sols. L’injection avec de tels moyens permet un traitement plus ciblé, plus homogène, et avec des rayons d’influence plus conséquents, réduisant ainsi la difficulté de mise en contact oxydant-polluant.