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Four mixte ou à lit fluidisé

30 octobre 1980 Paru dans le N°48 à la page 89 ( mots)
Rédigé par : Roger JOFFRE

DirecteurSociété LURGI S.A.

INTRODUCTION

La qualité de la combustion des produits à incinérer et la souplesse de son fonctionnement ont imposé le four à lit fluidisé (fig. 1) dans le traitement des boues, en dépit d’un rendement thermique inférieur à celui d’un four à étages (fig. 2) et de limites d’utilisation liées à l’introduction de boues ayant une teneur en matières sèches trop élevée.

La faiblesse du rendement thermique trouve son origine dans l’excès d’air, fonction de la nature et de la qualité des boues, nécessaire à la bonne fluidisation du lit. Cet excès d’air, sur des boues de station d’épuration biologique d’effluents urbains ou industriels par exemple, varie de 1,4 à 2,0 suivant la concentration des boues.

La crise de l’énergie a cependant porté préjudice à ces fours d’incinération réputés être particulièrement voraces en énergie. Deux tendances, en effet, s’opposent : d’une part l’économie d’énergie, et d’autre part l’amélioration de la qualité de la combustion liée à de nouvelles lois d’antipollution atmosphérique qui, dans tous ces procédés, qu’ils soient à étages ou à lit fluidisé, imposent soit une post-combustion onéreuse, soit un recyclage des fumées.

Les recherches entreprises par LURGI pour rendre à l’incinération son rôle primordial ont imposé de travailler dans deux directions principales :

— la déshydratation des boues, avec addition de matières minérales, permet théoriquement d’obtenir des boues autocombustibles à l’entrée du four avec malheureusement une très forte concentration en matières minérales qui peut gêner la marche de ce dernier ;

— l’optimisation des fours par une réduction maximale des coûts d’investissement et d’exploitation. C’est dans cette voie que LURGI peut faire état d’une réalisation intéressante qui est le four à lit fluidisé à préséchage intégré, appelé également « four mixte », car il combine le lit fluidisé avec les étages de séchage d’un four à étages.

[Photo : Schéma d'un four à couche turbulente. a) Chambre de combustion. b) Four de fluidisation. c) Bande d’alimentation. d) Récupérateur (échangeur gaz/air). e) Cyclone (séparateur centrifuge). f) Vers la trémie à cendres.]
[Photo : Fig. 2. — Schéma d'un four à étages avec chambre de combustion additionnelle.]

DESCRIPTION DU PROCÉDÉ (fig. 3)

Nous proposons un four d'un type nouveau, dont la partie supérieure est assimilable à celle d'un four à étages (2, 3 ou 4 étages) et la partie inférieure est celle d’un four à lit fluidisé. Le nombre des étages est fonction de la quantité d'eau à évaporer, c’est-à-dire de la teneur en matières sèches des boues entrantes.

Les boues introduites à la partie supérieure (repère 13), à des concentrations très variables en matières sèches, sont séchées progressivement pendant leur descente d’étage en étage, dans la zone de préséchage (repère 7). Des bras spéciaux qui assurent leur circulation provoquent leur division en particules fines. La teneur en matières sèches de ces particules, au moment de leur introduction dans la zone à lit fluidisé, est de l'ordre de 60 %.

Les boues sont ainsi introduites sur le lit de sable en turbulence (repère 4) reposant sur une grille de fluidisation (repère 3). L’air de fluidisation, comprimé par une soufflante, est préchauffé par les gaz d’échappement du four (repère 8) et introduit sous la grille avec une perte de charge suffisante pour maintenir le lit en turbulence.

Le combustible d'appoint (repère 12), en général du fuel, est introduit, soit dans une chambre de combustion (repère 2) dont les gaz sont mélangés à l'air de fluidisation, soit directement dans la zone de réaction (repère 4).

Les gaz, après combustion, sortent de la zone de fluidisation, traversent une zone de post-combustion (repère 6) et le réchauffeur d’air mentionné ci-dessus, avant d’être épurés dans un électrofiltre ou un laveur à haut rendement.

[Photo : Fig. 3. — Four mixte à étages et à lit fluidisé.]
1. Réacteur.
2. Chambre de combustion.
3. Grille de fluidisation.
4. Zone de réaction.
5. Distribution des boues.
6. Zone de post-combustion.
7. Zone de préséchage.
8. Réchauffeur d’air.
9. Gaz d’échappement.
10. Arrivée d'air de fluidisation.
11. Recyclage des fumées.
12. Combustible d'appoint.
13. Introduction des boues.
14. Sable.

CARACTÉRISTIQUES FONDAMENTALES DU PROCÉDÉ

L’évolution des techniques de conditionnement des boues à l'aide de floculants organiques a permis d'étendre le domaine d'utilisation des boues en acceptant des teneurs en eau jusqu’à 85 %.

Le process de combustion des boues aqueuses, issues des stations d’épuration, s’effectue en principe en deux phases, à savoir :

  • — eau à évaporer (préséchage),
  • — combustion des substances organiques et du combustible d'appoint éventuel (incinération).

On peut dire que le type de four à préséchage intégré offre les conditions idéales, du fait que, pour chaque phase du process, il peut être optimisé. Ce four réunit essentiellement les avantages du four à étages et du four à lit fluidisé.

Si l’évaporation (c’est-à-dire le préséchage) et la combustion de la boue ont lieu au même endroit, par exemple dans la couche en turbulence, les charges exprimées en kg H₂O/m² de grille ou par m² de lit fluidisé sont relativement faibles.

L’inflammation des matières organiques n’intervient qu’après évaporation d’une grande partie de l’eau. La vaporisation totale de l’eau conduit, dans le four à lit fluidisé classique, à un refroidissement du lit et à des variations de température de l’ordre de 400 °C lors de la post-combustion au-dessus de la couche turbulente.

Le combustible d’appoint et les matières organiques sont oxydés incomplètement dans le sable en mouvement, du fait de la température trop basse et du faible temps de séjour.

La combustion devient alors instable, la capacité d’évaporation diminue quand les variations de température augmentent. Les perturbations apparaissent tout au long de la combustion. Cette surcharge de la couche turbulente se rencontre malheureusement trop souvent. Elle est, de plus, aggravée dans les fours de grande section par la distribution non homogène des résidus sur toute la surface de grille. De plus, la surface d’évaporation de grosses particules agglomérées de boues est faible, comparée à celle d’une boue préséchée pratiquement fluide et facilement pulvérisable.

Les à-coups de dosage et de concentration, liés aux caractéristiques propres des boues, modifient la chaîne séchage-combustion dans le lit fluidisé du fait des fortes variations de température qu’ils entraînent et du rattrapage constant qu’ils imposent à la régulation aval.

Ces capacités d’évaporation, fonction du diamètre des particules et de leur distribution, évoluent dans les lits fluidisés de 200 à 800 kg H₂O/h/m² de section horizontale.

Pour remédier à ces inconvénients et réunir les conditions idéales dans le lit fluidisé, à savoir :

  • — suppression des à-coups de distribution,
  • — préséchage pour obtenir un produit facilement pulvérisable,
  • — bonne distribution sur toute la surface du lit,

nous avons utilisé les étages de préséchage du four à étages, connu depuis longtemps ; leur combinaison a permis de réaliser, en une seule unité, préséchage et combustion, en maintenant les aspects favorables de la combustion en lit fluidisé.

CARACTÉRISTIQUES D’EXPLOITATION

Tout en étant d’une conception nouvelle, ce four utilise les éléments de base employés dans la construction de plusieurs milliers d’installations de fours à étages et à lit fluidisé ayant fait leur preuve.

Contrairement au four à étages, l’arbre creux central doit être ici supporté à la partie supérieure du four, ce qui impose de pouvoir absorber les efforts radiaux et verticaux, ainsi que le couple exercé. Le nouveau mécanisme d’entraînement de l’arbre, mis au point à cet effet, a donné entièrement satisfaction.

Par opposition au lit fluidisé classique, ce four présente un fonctionnement très stable en cours de marche, les variations de température intervenant peu. Du fait du long temps de séjour de la charge dans la zone de préséchage, les variations liées à la distribution de la boue et à sa concentration sont pratiquement éliminées.

Sur les installations existantes en service depuis presque quatre ans, l’exploitation a montré clairement que les performances contractuelles étaient toujours remplies, même pour de très fortes variations de concentration des boues. Dans un cas, on a même pu réduire la surface de fluidisation à 50 % de celle initialement prévue.

La sécurité d’exploitation sur un tel four est bien supérieure à celle obtenue sur des fours classiques, du fait de l’alimentation régulière. L’idée préconçue, selon laquelle les parties tournantes des fours d’incinération étaient toujours leur tendon d’Achille et une source d’ennuis en exploitation, accordant sur ce point un avantage au four à lit fluidisé, a jusqu’à présent été infirmée. L’expérience prouve que le four à étages et le four à préséchage intégré pour l’incinération des boues autorisent une plus grande souplesse et une plus grande disponibilité que le four à lit fluidisé. Dans ce four, en effet, par opposition au lit fluidisé intégral, on travaille dans de bien meilleures conditions thermiques et énergétiques.

En fonction du conditionnement des boues et de la teneur totale en sel de ces dernières, des prises en masse du lit peuvent être à craindre pour de faibles fluidisations. Elles conduisent à un arrêt de l’installation.

Une solution à ce problème peut être obtenue, par exemple, pour le four à lit fluidisé, par un renouvellement continu du lit, ce qui complique le système. Avec le préséchage intégré, la surface plus réduite du lit et la forte fluidisation, aidées par le recyclage des gaz, autorisent l’extraction complète des cendres du lit, éliminant pratiquement toute réaction du matériau de ce dernier avec les cendres.

Il existe des installations de concentration et de préséchage des boues précédant une unité d’incinération ; elles peuvent présenter certains avantages par rapport aux installations à séchage intégré ; elles sont toutefois difficiles à exploiter, beaucoup plus chères en investissement et plus onéreuses en exploitation.

COMPARAISON DES DEUX TYPES DE FOURS À LIT FLUIDISÉ

1. Exemple : bilan énergétique.

Le problème posé consiste à incinérer des boues issues d'une station d’épuration d’eaux résiduaires communales, conditionnées à l'aide de polyélectrolyte et centrifugées. Ce sont des boues à 25 % de matières sèches (MS) et 75 % d'eau (H₂O). Il s'agit de traiter 12 000 kg/h de boues, c’est-à-dire : 3 000 kg MS et 9 000 kg H₂O. La teneur en matières organiques (MO) des MS est de 70 %, le PCI des MO étant de 5 000 kcal/kg. La température d'incinération est de 810 °C et le préchauffage de l'air s’effectue à 550 °C.

Le tableau ci-joint montre les valeurs comparatives de base pour les deux types de four, à lit fluidisé sans préséchage (classique) et à préséchage intégré.

On estime qu’environ 50 % de l'eau sont vaporisés dans la zone de préséchage, ce qui réduit de 50 % la surface utile de grille dans le cas du nouveau type de four. Pour ce « four mixte », le débit d’air de fluidisation est également réduit de moitié.

Dans le cas du four classique, l'excès d'air est important (λ très supérieur à 2,0), alors qu'il est faible dans le cas du « four mixte », ceci à cause de la grande différence de surface de fluidisation. Il en résulte des quantités de combustible d'appoint très nettement inférieures par rapport au four classique.

Du fait que le débit d’air est réduit de moitié pour le « four mixte », il en résulte une réduction de la consommation électrique (soufflante d'air) de moitié. En fait, on remarque que la consommation d'énergie électrique est légèrement supérieure à la moitié, car il faut tenir compte de l’entraînement des étages de la zone de séchage.

Sur le tableau, nous avons fait ressortir l’équivalent d'énergie totale économisée avec ce nouveau type de four, mettant en évidence un gain de plus de 1 000 tep/an pour le présent cas.

2. Avantages du « four mixte ».

L'avantage fondamental a été exposé dans le tableau rappelé ci-dessus : il s’agit d'un gain important d’énergie, très appréciable dans les conditions économiques actuelles. Les autres avantages remarquables ont été rencontrés au cours de cet article, comme par exemple : — l'absence de dispositif très élaboré d'introduction de boues, — l'insensibilité aux à-coups de distribution, — la possibilité ultérieure d'augmentation de capacité, — les frais d'investissement réduits pour les installations auxiliaires, comme l'épuration des fumées moins importantes, le réchauffeur d’air plus petit, le circuit d’air moins important, etc.

CONCLUSION

Le four à lit fluidisé à préséchage intégré a trouvé particulièrement son application dans l'incinération des boues d'épuration des eaux résiduaires, qu’elles soient communales ou industrielles.

Lorsque ces boues ont subi le conditionnement et la déshydratation mécanique (filtres-presse, filtres à bande, centrifugeuse ou décantation statique), elles ont une teneur en eau qui peut atteindre 90 % et le préséchage intégré présente alors des avantages importants, comme nous avons essayé de l’exposer au cours de cet article.

Il y a lieu de mentionner qu'il peut être intéressant d'ajouter aux boues liquides des refus de grille, des produits de dessablage, des huiles usées, des solvants ou des graisses dans la mesure où cet ajout permet une nouvelle amélioration du bilan thermique.

Fours à lit fluidisé

UnitésClassiqueÀ préséchage intégré
---------
Débit horaire
— de MS (dont 70 % MO)kg/h3 0003 000
— de H₂Okg/h9 0009 000
Températures
— de réaction (lit)°C810810
— d'air préchauffé°C550550
Vaporisation spécifique en
— kg H₂Okg/h/m²400400
— vaporisation dans le litkg/h9 0004 500
— préséchagekg/h4 500
Surface utile de grille22,411,2
Débit (normal) d’air de fluidisationNm³/h29 20014 600
Fuel oil d'appointkg/h14217
équivalent àkWh/h1 650198
Consommation horaire d'énergie électriquekWh/h16090
Équivalence d’énergie totale consomméekWh/h1 810288
— soit par an (8 000 h/an)MWh/an14 5002 300
— soit en tonnes équivalent pétroletep/an1 240200
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