Guy LEGRAND — Société Lamson Europe
L'insufflation d'air par compresseur centrifuge dans les stations d’épuration d'eaux usées remplit une double mission :
— apporter aux micro-organismes des boues activées l'oxygène nécessaire au processus aérobie ;
— provoquer une agitation afin de maintenir le plus longtemps possible au contact de l'oxygène les éléments polluants en suspension.
Dans ce type d’insufflation, l'air atmosphérique est comprimé à une pression suffisante pour vaincre tout à la fois les pertes de charge en ligne de la tuyauterie de distribution d’air et la hauteur de liquide dans les bassins (figure 1).
La quantité et la qualité de l'eau polluée traitée dans une station sont variables, ce qui implique que le système d’aération doit fournir un débit d’air également variable s’adaptant à la demande d’oxygène.
Ces dernières années, de nombreuses stations d’épuration de petite, moyenne ou grande importance se sont équipées de soufflantes et de compresseurs centrifuges en remplacement des surpresseurs volumétriques, lesquels sont aujourd'hui de plus en plus abandonnés en raison de leur bruit et du coût de la vitesse variable.
Il est communément admis que l’aération par compresseur dans une station d’épuration est une application dite à pression constante ; mais en réalité, il s’agit d'un système dont la caractéristique essentielle est d’être à pression variable.
En effet, si nous nous référons à la figure 1, nous pouvons noter que les pertes de charge dans ces systèmes sont l'addition des pertes dans la tuyauterie d’aspiration du compresseur, des pertes dans le collecteur de distribution au refoulement du compresseur, des pertes dans les diffuseurs d’air et des pertes dues à la pression de l’eau (en fonction du niveau de l'eau dans le bassin).
Généralement, la pression correspondant à la colonne liquide représente la majeure partie de la perte de charge totale, et sa valeur reste constante ; par contre, les diffuseurs présentent une perte de charge variable suivant leur degré d’encrassement ; il en est de même pour le collecteur de refoulement, dont la perte de charge varie suivant le débit d’air et ce, proportionnellement au carré du débit. Ainsi, si le débit nominal est réduit à 50 %, la perte de charge sera égale approximativement (0,50 × 0,50) au quart de la pression nominale (figure 2).
De plus, un facteur de sécurité est ajouté à la perte de charge totale afin de couvrir l'« imprévu ». Il apparaît alors comme évident que l’aération par compresseur n'est pas un système à pression constante.
Maintenant que nous connaissons la forme du système résistant, il y a lieu de s’assurer de la sélection correcte de la soufflante afin qu'elle consomme le minimum d’énergie quand elle opère sur une large plage de volume, de pression et de température.
La température de l’air aspiré varie facilement sur une année de –5 °C jusqu'à +40 °C, avec une humidité relative pouvant atteindre 100 %; cette incidence de la température sera évoquée en détail plus loin.
Une soufflante centrifuge constitue une machine tournante à la fois simple et complexe : simple parce qu'elle ne possède qu'une seule pièce en mouvement, le rotor, constitué de l’arbre et des impulseurs. Complexe parce qu'il s'agit d'un compresseur dynamique, la pression augmentant en fonction de la vitesse du gaz, en raison de la rotation des impulseurs à l'intérieur du corps de compression, l’énergie étant transmise au gaz par l’augmentation de sa vitesse : quand il quitte le dernier impulseur, il pénètre à grande vitesse (entre 100 et 300 m/s) dans le diffuseur, dans lequel l'énergie/vitesse est convertie en énergie/pression par ralentissement de la vitesse du gaz.
Si la soufflante ne possède qu'un impulseur (Turbo), la conversion d’énergie s’effectue au travers d’un seul diffuseur (volute) auquel s’ajoute bien souvent un divergent. Par contre, si la soufflante possède plusieurs impulseurs, le gaz, ayant quitté le premier diffuseur, est dirigé sur le second impulseur au travers d’un canal de retour où il est à nouveau accéléré. Cette compression multi-étagée sera répétée autant de fois qu'il sera nécessaire pour atteindre la pression finale requise.
Il est important de noter que l’énergie (kW) d'un compresseur centrifuge est transmise au gaz à l'intérieur de l’impulseur et que cette énergie ne peut être réduite après que le gaz ait quitté l’impulseur.
Contrôle du volume et de la pression d’une soufflante centrifuge
Les caractéristiques pression-volume d’une soufflante centrifuge peuvent être modifiées soit par variation de la vitesse, soit par un laminage de l'aspiration au moyen d’une vanne-papillon ou d’ailettes ajustables.
La régulation débit-pression est obtenue grâce à l’utilisation de systèmes d’entraînement à vitesse variable tels que turbines à gaz ou à vapeur, moteurs thermiques, moteurs électriques et convertisseurs de fréquence. Cependant, les exigences de variation de volume et de pression que l’on rencontre habituellement dans les installations d’aération biologique des stations d’épuration d’eaux urbaines ou industrielles se prêtent très bien à la régulation dite « par laminage » du débit d’air à l'aspiration par l'intermédiaire d'une vanne-papillon. La soufflante fonctionne alors à vitesse constante, étant généralement accouplée à un moteur à induction ou à un moteur asynchrone.
Les soufflantes centrifuges destinées à l’aération d‘installations de traitement d’eau remplissent essentiellement deux fonctions :
- réglage du volume d’air, de manière à adapter la soufflante aux exigences du procédé (demande en oxygène) ;
- contrôle du point de pompage, afin d’éviter à la soufflante de fonctionner en zone d’instabilité.
Outre les paramètres pression et volume d’air du point de fonctionnement souhaité, une soufflante centrifuge doit respecter un certain nombre d'autres conditions.
Le débit d'une soufflante centrifuge dépend du système résistant : plus grande est la résistance en ligne, plus faible est le débit. Cela représente la caractéristique fondamentale d'un système résistant lequel n’est en rien influencé par les performances de la soufflante.
Un graphique regroupant la courbe caractéristique du système résistant et les courbes de performance de la soufflante met en évidence les points de fonctionnement de la soufflante à l'intersection des courbes (figure 4).
Si l'on place une vanne-papillon dans la tuyauterie d’aspiration de la soufflante, sa fermeture provoquera la chute de la caractéristique débit/pression ; la soufflante centrifuge continuera à charger le système résistant, mais à un débit et une pression plus bas (figure 5).
Comme indiqué sur la figure 4, une soufflante centrifuge ne fonctionnera pas obligatoirement à un volume et une pression donnés pour la simple raison qu’elle a été sélectionnée pour ces performances : la soufflante fonctionnera uniquement là où la courbe du système résistant coupe la courbe volume-pression.
La pression développée par une soufflante centrifuge à vitesse constante varie avec la température et la densité de l’air à l’aspiration (figure 6). Étant donné que la résistance d’un système d’aération varie, la soufflante recherchera un point d’équilibre par augmentation ou diminution du débit. Les courbes de puissance et de pression-volume se décalent vers le haut lorsque la température à l’aspiration diminue. La figure 6 illustre cette incidence des changements de température sur les caractéristiques de la soufflante.
À une température d’aspiration moyenne d’environ 15 °C, le débit de la machine sera celui indiqué au point « b ». Si la température d’aspiration tombe à 10 °C (la densité augmente), le point de fonctionnement de la soufflante se situe alors au point « c », point où la courbe de caractéristiques pression-volume et la pression requise sont en équilibre ; inversement, si la température monte à 40 °C, la soufflante entrera en fonctionnement au point « a ».
Il est indispensable de sélectionner une soufflante centrifuge de façon qu’elle fournisse le débit et la pression requis aux conditions d’aspiration les plus défavorables telles que pression d’aspiration la plus basse (filtre d’air colmaté) et température d’aspiration la plus élevée (point « a » de la figure 6).
Dès lors que la pression augmente lorsque la température à l’aspiration chute, un moyen de réglage est indispensable pour maintenir le débit prévu. Dans le cas d’une soufflante à vitesse constante, on réalise ce réglage par un laminage à l’aspiration au moyen d’une vanne-papillon qui a pour effet d’« abaisser » la courbe de caractéristique de la soufflante, comme indiqué sur la figure 5.
Toutes les soufflantes centrifuges possèdent une caractéristique appelée « pompage », ou point de débit minimum, en-dessous duquel les performances de la soufflante sont instables. Cette instabilité se manifeste par des pulsations de pression et des inversions de flux à l’intérieur de la soufflante et du système. Ces pulsations peuvent entraîner de sérieux dégâts mécaniques ; il est donc nécessaire de prévoir un dispositif anti-pompage.
Le pompage a lieu lorsque la résistance du système est plus importante que la pression produite par la soufflante : il se produit approximativement à 50 % du débit nominal pour une machine munie d’impulseurs réactifs. Lorsque le pompage se produit, l’air comprimé reflue subitement à travers la soufflante et ressort par l’aspiration. Cette inversion tend à diminuer la pression dans le système, permettant ainsi une recompression normale, et le cycle se répète. Le pompage peut ainsi varier en intensité d’un bruit à peine audible à un choc violent.
La courbe caractéristique (figure 7) met en évidence les zones dans lesquelles le pompage se produit ; pour s’en préserver, l’essentiel est de maintenir un débit plus important que le débit de pompage.
Le pompage peut être évité par l’un des moyens suivants :
- • échappement d’air à l’atmosphère ou bypass (une dérivation permanente nécessite normalement un refroidissement avant réintroduction) ;
- • limitation du laminage à l’aspiration par positionneur sur la vanne-papillon ;
- • réglage de la vitesse (si envisageable) ;
- • diminution du système résistant.
Ces opérations peuvent être réalisées aussi bien manuellement qu’automatiquement.
Fonctionnement en parallèle
Dans une installation de soufflantes centrifuges en parallèle, le débit fourni par chacune des soufflantes peut être contrôlé individuellement (figure 8).
La figure 9 fait apparaître que la somme des débits de chaque machine doit être égale au débit total, et que la pression de refoulement est définie par la courbe du système résistant à ce débit. Si deux soufflantes identiques, fonctionnant à la même vitesse suivant la
SOUFFLANTES EN PARALLÈLE AVEC BY-PASS
courbe de pression-volume (II), sont connectées au système, elles fonctionneront ensemble selon la courbe (III) et équilibreront le système résistant au point A. Chaque soufflante nécessitera la puissance indiquée sur la courbe de puissance (IV). La courbe (V) fait apparaître la puissance combinée des deux soufflantes en parallèle.
Si l'une seulement des soufflantes est en fonctionnement sur le système — courbe (I) — elle s’équilibrera à l’intersection de sa courbe de performance et du système résistant, soit au point E ; le volume n’est pas celui qui était prévu à l’origine mais légèrement plus élevé ; le point F représente la puissance nécessaire.
Les soufflantes présentant des courbes de pression en hausse constante (impulseurs réactifs) sont plus adaptées au fonctionnement en parallèle parce que les faibles variations de pression ont peu d’incidence sur le débit.
Si plusieurs soufflantes de même capacité doivent fonctionner en parallèle sur un même réseau, on peut rencontrer des problèmes au démarrage des soufflantes additionnelles. La figure 10 montre un arrangement de soufflantes fonctionnant en parallèle avec mise à l’atmosphère.
Après que l’une des soufflantes ait démarré sur le collecteur commun de refoulement, l'étanchéité des unités restées à l’arrêt est réalisée au moyen de clapets anti-retour placés au refoulement. Si une seconde soufflante doit démarrer, elle devra produire suffisamment de pression pour ouvrir le clapet anti-retour (figure 7). On notera qu’au débit zéro la pression est inférieure à celle du collecteur de refoulement, ce qui signifie que dans ces conditions le clapet anti-retour ne s’ouvrira pas et que la soufflante passera en pompage.
La seule solution permettant d’obtenir la pression nécessaire à l'ouverture du clapet est d’augmenter le débit d’air de la soufflante, ce qui est réalisé par la mise à l’atmosphère du débit refoulé. L’augmentation de pression résultante supérieure à celle du collecteur commun autorise l’ouverture du clapet anti-retour et positionne la soufflante sur la ligne. La vanne de mise à l'atmosphère est alors fermée et les deux soufflantes en parallèle opèrent correctement. La même procédure de démarrage devra être respectée pour les soufflantes centrifuges suivantes.
La figure 11 illustre une méthode différente, utilisée pour mettre en route des soufflantes additionnelles ; un débit complémentaire est obtenu par ouverture de la vanne de by-pass. L’usage d’une telle vanne doit être soigneusement contrôlé, les by-passages de longue durée pouvant provoquer un excès de température et donc endommager la soufflante centrifuge. De plus, lorsque plusieurs soufflantes entraînées par moteurs électriques fonctionnent en parallèle et régulent leur débit par laminage, il est conseillé d’utiliser des ampèremètres sur chaque moteur pour équilibrer la charge. En d'autres termes, dans ce cas il convient de positionner les vannes à l’aspiration pour que les ampèremètres mesurent sensiblement la même valeur. Si les charges ne sont pas équilibrées, il peut arriver que la soufflante à faible charge se mette à pomper subitement et que son clapet anti-retour se referme en battant brutalement.
Séquences de fonctionnement
Les différentes séquences de fonctionnement du système s’ordonnent comme suit :
- * ouverture de la vanne de by-pass ou de la vanne d’échappement d’air à l’atmosphère ;
- * fermeture totale de la vanne-papillon à l’aspiration ;
- * démarrage de la soufflante centrifuge ;
- * ouverture de la vanne-papillon à l’aspiration jusqu’au point minimum de fonctionnement, c’est-à-dire légèrement au-dessus de la limite de pompage ;
- * fermeture de la vanne d’échappement d’air à l’atmosphère ou du by-pass.
La phase d’arrêt est en général moins délicate que le démarrage. Dans le cas d’entraînement par moteurs électriques, une temporisation se met en route lorsque le moteur s’arrête, temporisation qui est réglée de manière à permettre un refroidissement suffisant du moteur avant redémarrage.
Instrumentation, contrôle et système de sécurité
Les instruments, les appareils de contrôle et de sécurité destinés aux soufflantes centrifuges varient considérablement selon l’application, la localisation, les dimensions et le type des soufflantes, le fait qu'il y ait ou non une maintenance sur l'installation, et la préférence du client.
Le minimum recommandé des dispositifs de sécurité comprend une protection anti-pompage et le contrôle des températures sur les roulements.