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Filtration en protection des membranes d'osmose inverse et d'ultrafiltration

30 mai 1991 Paru dans le N°146 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Jean-roger MERMOZ et Véronique GIN

Pour allonger la durée de vie des membranes utilisées en ultrafiltration et en osmose inverse tout en maintenant leurs performances, il est nécessaire que l’eau qui entre en contact avec ces membranes soit de bonne qualité.

Dans la pratique, il s’avère en effet que les plus graves problèmes observés sur les membranes sont dus au contact avec la membrane d’une eau chargée de matières en suspension, ce qui entraîne son colmatage plus ou moins rapide. Actuellement il existe des méthodes pour mesurer le pouvoir colmatant lié à la teneur en contaminants particulaires et colloïdaux de l’eau. En Europe, on utilise la méthode du Fouling Index (ou indice de colmatage), qui consiste à faire passer sur un disque de membrane de 0,45 µm, sous pression, à des instants différents, une même quantité d’eau et à comparer les temps de passage (annexe 1).

La valeur du Fouling Index varie en fonction de la nature de l’eau : c’est ainsi qu’une eau de surface (lacs, rivières ou réservoirs), riche en matière organique et de faible minéralisation pourra correspondre à un Fouling Index non mesurable ; une eau souterraine (de forage profond), à forte minéralisation et faible taux de matière organique présentera un indice peu élevé (souvent inférieur à 5). Même les eaux de ville peuvent présenter des valeurs d’indice importantes et nécessiter un prétraitement.

Il existe une relation directe entre ces valeurs d’indice et l’encrassement des membranes d’ultrafiltration et d’osmose inverse qui intervient en général à plus ou moins longue échéance. L’installation de préfiltres est alors conseillée pour améliorer la qualité de l’eau : ils permettent en effet de réduire la valeur de l’indice à un niveau permettant de minimiser cet encrassement.

Dans les installations de traitement d’eau utilisant l’osmose inverse, cette opération permet des nettoyages moins fréquents des membranes, donc une augmentation de leur durée de vie. Dans celles qui emploient l’ultrafiltration, où l’eau est utilisée pour le rinçage final (destiné à éliminer les restes de souillures désorbées ainsi que les restes de nettoyants et de désinfectants), la préfiltration évite le colmatage prématuré de la membrane.

Les fabricants de membranes et les sociétés de nettoyage se sont penchés sur ce problème et recommandent de ne pas dépasser les valeurs suivantes de l’indice de colmatage des eaux mises en contact avec les membranes :

  • • Installations d’osmose inverse : 3 pour les membranes constituées de fibres creuses et 5 pour les membranes enroulées en spirale.
  • • Installations d’ultrafiltration : 2 (voire 1) pour les membranes organiques ou minérales.

Pour obtenir une eau correspondant à ces critères, il est recommandé de placer un préfiltre avant les membranes. Le préfiltre idéal doit présenter les caractéristiques suivantes :

  • • il doit abaisser le Fouling Index au-dessous des valeurs requises par le constructeur ou la société de nettoyage en place (NEP) (valeurs de 5, 3 ou 2 suivant le cas), quelle que soit la valeur initiale de l’eau et avec une efficacité continue tout au long de la vie du filtre ;
  • • il doit posséder une forte capacité de rétention en poids afin d’allonger la durée de vie du filtre ;
  • • il doit être très poreux pour diminuer la perte de charge du système initial et augmenter sa durée de vie ;
  • • le coût de la préfiltration (rapport du prix d’achat à la durée de vie du filtre) doit être raisonnable*.

* Le prix d’un préfiltre sera toujours négligeable par rapport à celui d’une membrane d’osmose inverse.

[Photo : Appareil de mesure de l'indice de colmatage.]

Tableau I

Résultats d'essais Degrémont (plateforme de Colombes) — Filtre Profile 5 µm, débit 1 m³/h

Essai n° 1

Échantillon Indice de colmatage (avant → après)
1ᵉʳ échantillon 14 → 3
2ᵉ échantillon 13 → 3

Essai n° 2

Échantillon Indice de colmatage (avant → après)
1ᵉʳ échantillon 7 → 2
2ᵉ échantillon 8 → 2

Tableau II

Essais industriels

Filtre Profile II Seuil de rétention absolu Indice Fouling Couleur membrane d’analyse
Eau brute 13 Brun foncé
Y100 10 µm 4,2 Brun
Y050Z 5 µm chargé* 1,9 Brun clair
Y030Z 3 µm chargé* 2 Brun clair
Y010Z 1 µm chargé* 0,9 Blanche

* Le filtre profondeur Profile II Plus est chargé positivement, ce qui permet la rétention de microcontaminants chargés négativement, de tailles inférieures aux seuils de filtration.

Le préfiltre se caractérise, en outre, par son seuil de rétention, lequel se définit de façon absolue par la norme AFNOR E48676, comme étant « le diamètre de la plus grosse particule sphérique et indéformable qui passe à travers un filtre dans des conditions données ».

Les conditions des essais à effectuer pour déterminer ce seuil de rétention sont données en annexe 2.

La capacité de faire chuter le Fouling Index est donc liée à la structure du médium filtrant. Celui qui entre dans la composition du filtre Profile présente des caractéristiques qui répondent parfaitement aux besoins des industriels.

Le filtre Profile II

Ce filtre se compose (figure 1) :

  • • d'une partie externe, où le diamètre des pores varie continuellement et graduellement depuis la partie amont jusqu'à la partie aval, en assurant un seuil de rétention absolu ;
  • • d'une partie interne, où le diamètre des pores est uniforme ; cette section assure un seuil de rétention absolu.

Cette structure en profondeur permet une grande capacité de rétention. Contrairement à ce qui existe dans les autres filtres de même catégorie, le diamètre de la fibre du filtre Profile II n'est pas constant : on obtient ainsi une densité et une compressibilité uniformes, ce qui lui assure une plus grande porosité, et donc une meilleure durée de vie, contrairement aux cartouches constituées de fibres agglomérées ou bobinées, qui peuvent être décrochées du médium filtrant et entraînées dans le filtrat ; d’autre part, il est fréquent que sous l’effet d’une variation de débit ou de pression, elles relarguent une partie importante des agglomérats retenus. Ce n’est pas le cas de la cartouche en cause, laquelle, fabriquée à partir de filaments continus réalisés entièrement en polypropylène, sans liants ni surfactants, est constituée de telle sorte que les risques de relargage de contaminants et de médium filtrant sont totalement éliminés.

Grâce à ces avantages, l'installation de Profile II en amont des membranes d’osmose inverse et d’ultrafiltration fait chuter sensiblement le Fouling Index de l'eau, comme le montrent des essais réalisés par la société Degrémont : une cartouche de 25 cm de hauteur et de seuil 5 µm absolu, soumise à un débit de 1 m³/h, réduisait à 3 le Fouling Index d'une eau initialement compris entre 13 et 15. Sur d'autres échantillons, de Fouling Index 7 et 8, les valeurs sont tombées à 2 (tableau I).

Des tests effectués dans l'industrie ont confirmé les résultats précédents, obtenus…

[Photo : Test « Single Pass ».]

Tableau III

Rapport bêta et efficacité (e)

e % = (bêta (X) – 1) × 100 / bêta (X)

Rapport bêta (X) Efficacité (%)
50 98 %
100 99 %
1 000 99,9 %
10 000 99,99 %

Tableau IV

Rapport bêta et granulométrie — Filtre Profile 3 µm

Taille des particules (X) Rapport bêta Efficacité (%)
3 µm 5 000 99,98 %
2 µm 1 000 99,9 %
1 µm 100 99 %
0,7 µm 10 90 %

Annexe 1

Détermination de l'indice de colmatage d'une eau

Appareillage. Reproduit sur la figure 2, il utilise une membrane à 0,45 μm de 47 mm de diamètre ; il nécessite en outre l'emploi d'une éprouvette graduée de 500 ml et d'un chronomètre.

Principe de la mesure. L'eau est filtrée sur la membrane sous pression constante de 2 bars. Les matières colmatantes sont retenues par le filtre, et le débit de l'eau diminue en conséquence. On mesure la durée (t) nécessaire pour le passage de 100 ml (ou 500 ml) aux quatre temps suivants : 0, 5, 10, 15 minutes. Ces valeurs permettent alors de calculer par la méthode ci-après un indice qui donne une bonne idée du caractère plus ou moins colmatant de l'eau.

Mode de calcul de l'indice. La valeur de l'indice est donnée par la formule

FI = (1/T) · (t₀/tₓ) · 100

dans laquelle on a :

t₀ = durée de passage de l'échantillon au temps 0, tₓ = durée de passage de l'échantillon au temps 5, 10 ou 15 mn, T = paramètre égal à 5, 10 ou 15 (suivant le cas).

On calcule tout d'abord t₀/tₓ ; si le résultat est supérieur à 0,2, l'indice sera déterminé par la formule :

FI = (1 – t₀/t₁₅) · 100

Dans le cas contraire, cela signifie que l'eau est colmatante et la valeur donnée par la formule (1) n’est pas assez représentative ; il faut alors procéder aux ajustements ci-après. On calcule t₀/t₁₀. Si le résultat est supérieur à 0,2, l’indice sera alors déterminé par la formule :

FI = (1 – t₀/t₁₀) · 100

Si le résultat est inférieur à 0,2 (eau très colmatante), l’indice sera de même déterminé par la formule :

FI = (1 – t₀/t₅) · 100

Valeurs repères. Suivant la valeur de FI déterminée ci-dessus, l'eau examinée se classe comme suit : 0 à 3 = non colmatante ; 3 à 6 = peu colmatante ; 6 à 20 = très colmatante.

Annexe 2

Évaluation des performances des filtres pour liquides

La méthode consiste à évaluer les performances d’un filtre, et à les quantifier à l’aide du rapport bêta (X), X désignant la taille des particules à arrêter. Schématiquement ce rapport définit l’efficacité d’un filtre par rapport à l’arrêt de particules de taille supérieure ou égale à un seuil donné : on compte le nombre de particules supérieures ou égales à X microns : en amont : N_am ; en aval : N_av. L’expression du rapport bêta (X), pour la taille de particules X donnée, est représentée par la formule :

β(X) = N_am / N_av

La définition précise de l’essai qui conduit au calcul du rapport bêta (X) a fait l’objet d’une norme internationale. Ce test, décrit dans la norme ISO-4572 s’applique aux fluides hydrauliques ; un test dérivé permet de mesurer l’efficacité d’un filtre utilisé pour des liquides aqueux : c’est le test modifié. Il consiste à alimenter de façon constante, à débit nominal, un filtre avec une suspension, en solution aqueuse, de particules de silice, jusqu’à obtention d’une perte de charge correspondant au colmatage.

Le comptage des particules est réalisé en continu, côté amont et côté aval, sur 6 tailles de particules. La suspension de silice est l’ACFTD (Air Cleaner Fine Test Dust), dont la granulométrie est utilisée comme référence. Le schéma simplifié du banc d'essai est porté sur la figure 3. Plusieurs laboratoires en Europe possèdent cet équipement.

Le calcul du rapport bêta (X) conduit au calcul de l’efficacité pour un seuil donné, par la formule :

% efficacité = (1 – 1/β(X)) · 100

Cette formule conduit à des chiffres parfois trompeurs : ainsi, un filtre d’un rapport bêta (3) de 100 aura une efficacité de 99 % pour des particules de taille supérieure ou égale à 3 μm (tableau II), ce qui peut sembler satisfaisant ; en fait, ce filtre laisse passer une particule sur 100, ou 10 particules sur 1 000 ; pour des pollutions amont très importantes, la contamination aval pourra donc rester importante.

Dans tous les cas de figure, pour un seuil donné et pour un maximum d’efficacité, le rapport bêta devra être très élevé (tableau IV).

[Photo : La gamme de filtres Profile]

Filtration d'eau sur site industriel

sur une plate-forme pilote (tableau II). Ces essais avaient pour but de protéger des membranes de filtration tangentielle au cours du nettoyage, le fabricant demandant un Fouling Index inférieur à 1,5.

Cette seconde série d’essais montre que le Profile II 10 µm permet de diviser par 3 le Fouling Index initial (13). De même, un Profile II 5 µm chargé satisfait un objectif de Fouling Index inférieur à 2.

Le « Profile II Plus » 1 µm chargé positivement correspond aux normes du fabricant de membranes de micro-filtration tangentielle. La membrane blanche montre que les contaminants colloïdaux bruns foncés ont été parfaitement retenus.

Un Profile II 10 µm, précédant un Profile II 1 µm, le protégera en réduisant le Fouling Index initial.

Ces filtres Profile II permettent dans de nombreux cas d’éliminer les problèmes posés par des développements excessifs de micro-organismes, soit dans les centrales de déminéralisation soit au contact des membranes d'ultrafiltration (notamment présence d'algues dans les conduits et sur les matériels en aval). Ils constituent aujourd’hui un complément judicieux aux techniques d’osmose inverse et d'ultrafiltration.

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[Encart : texte : APPEL AUX AUTEURS Notre numéro de septembre sera consacré au TRAITEMENT DES EAUX — Installation de réseaux — Conditionnement des eaux — Incinération des déchets — Échangeurs de Chaleur — Travaux immergés — Eaux dans l'industrie alimentaire. Le numéro d’octobre se rapportera à la DÉSINFECTION DES EAUX — Réhabilitation des lacs et cours d'eau — Étanchéité — Télétransmissions — Traitement des eaux de piscines — Traitement des eaux de chaudières — Traitement des effluents. Les auteurs intéressés par la parution gracieuse d’un article concernant ces matières (ou celles relevant de leur technique) sont cordialement invités à nous faire part rapidement de leur intention.]
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