[Photo: Concours scolaire, l'un des dessins primés]
En 1990, le Ministère de l’Agriculture a proposé à la profession agricole que soit accordé un label à des opérations locales de conseil visant explicitement la réduction de la pollution des eaux par les nitrates. Le cahier des charges pour l’obtention de ce label, édité en 1991, a été établi par le CORPEN (Comité d’Orientation pour la Réduction de la Pollution des Eaux par les Nitrates). C’est l'ANDA (Association Nationale pour le Développement Agricole) qui coordonne cette action.
Claires Fontaines : un engagement local
Soucieux de retrouver la clarté des sources de leur région, les agriculteurs des cantons de Ligueil-Descartes ont engagé l’opération
[Photo : Périmètre de la zone Ferti-Mieux/Claires Fontaines]
“Claires Fontaines”
L’objectif est de préserver la qualité naturelle des eaux de surface et souterraines par la mise en œuvre de pratiques limitant les déperditions d’azote. “Claires Fontaines” est avant tout une action de communication qui traduit sur le terrain la “directive Nitrates” imposée par l'Union Européenne dans les zones vulnérables et prévoyant dans le cadre du décret français d'application des programmes d’actions dès 1996. La profession agricole a pris les devants en engageant des opérations de sensibilisation et de formation, en s’appuyant par ailleurs sur l'objectif de protection du patrimoine naturel défini dans la loi sur l’eau. Les recommandations de Ferti-Mieux sont consignées dans un recueil, le “code des bonnes pratiques agricoles” (voir encadré ci-dessous). L’opération est localisée en Indre et Loire, au Sud-Est du département. Elle porte sur 26 communes (2 cantons), couvrant 59 000 hectares dont la majeure partie est en zone vulnérable (Figure n°2).
Elle concerne 500 agriculteurs répartis sur 43 000 ha de SAU.
Claires Fontaines : genèse et évolution
Participants :
De nombreux partenaires : les agriculteurs, la Chambre d’Agriculture, le GDA de Ligueil-Descartes, les Distributeurs d’eau, les Administrations (DDAF, DDASS, AELB...), les Élus, les Organismes Économiques et Techniques, et diverses Associations (Fédération de pêche...).
Historique :
- 1994 : réalisation du diagnostic agronomique préalable à la mise en place de l’opération et définition des priorités d’action ;
- 1995 : premières actions sur le secteur, installation du comité de pilotage, pré-labellisation en juin ;
- 1996 : poursuite des travaux, présentation du dossier de demande de labellisation ;
- 1997 : mission d’évaluation par l’ANDA pour l’obtention du label, maintien d'une communication active.
Organisation :
Le comité de pilotage se réunit deux fois par an pour faire le bilan des actions menées et pour définir les nouvelles orientations à prendre par ordre de priorité. Le comité technique assure l’animation sur le terrain et la mise en œuvre des actions définies en comité de pilotage. Il se réunit régulièrement pour assurer la rédaction des messages techniques destinés aux agriculteurs ou l’organisation de réunions en collaboration avec les différents partenaires. Il est divisé en trois groupes : la section “eau”, la section “céréales”, la section “élevage”.
Originalités de l’opération :
L’originalité de Claires Fontaines est triple. Elle s’adresse à la fois aux éleveurs et céréaliers sur une zone de grande taille où tous les types de sols du département sont représentés. Elle concerne aussi bien les eaux superficielles que souterraines. Elle axe sa communication grand public, notamment par le biais des écoles.
La qualité, du champ à la source
Sur le secteur, l'eau potable provient uniquement de nappes souterraines :
- l’aquifère des calcaires lacustres (1 captage) et des faluns (1 captage) est très vulnérable en raison de sa faible profondeur et de la perméabilité des sables et faluns qui sont au-dessus. Les concentrations en nitrates sont proches de la norme, à 50 mg/l ou la dépassent.
[Encart :
Le code des bonnes pratiques agricoles
C’est un recueil de recommandations dont la mise en œuvre est facultative hors des zones vulnérables.
Il contient :
- les périodes où l’épandage de fertilisants est inapproprié,
- les restrictions d’épandage (pente, humidité, neige ...),
- les conditions de stockage des effluents,
- la limitation de la fertilisation d'origine animale à 210 kg d'azote par ha, puis à terme 170 kg par ha,
- le maintien d'un couvert végétal en période pluvieuse,
- l’établissement d'un plan de fertilisation par exploitation.
]
[Photo : Info-Flash régulier sur la fumure azotée, janvier 1997]
[Photo : fumiers de bovins : témoignage d’éleveurs locaux, mai 1996]
- - l'aquifère des calcaires du Sénonien-Turonien (5 captages) est vulnérable malgré sa localisation plus profonde, car ces calcaires présentent de nombreuses fissures. Les teneurs y sont variables ;
- - l'aquifère des sables du Cénomanien (12 captages) est le plus profond (environ 100 m) et représente 50 % de la ressource en eau potable de la zone. Sa qualité nitrates est bonne, mais il est peu productif.
Pour les grands cours d'eau, Indre, Vienne et Creuse, l'eau est globalement de mauvaise qualité. Pour les autres, la qualité se dégrade de l’amont vers l’aval, jusqu’à une eau hors classe sur la Claise et l’Esves à leur confluence avec la Creuse.
Sur le secteur, la teneur en nitrates des rivières varie de 10 à 50 mg/l.
Une action basée sur la communication
La stratégie de communication a été conduite principalement dans deux directions.
Communication à destination des agriculteurs
- - premier apport d’azote sur les céréales (Figure n°3) ;
- - proposition d'un calcul gratuit de fertilisation. Conseil de fertilisation AZOBIL pour 44 parcelles en 1995 et 51 en 1996 ;
- - conseil de fumure sur céréales à paille ;
- - conseil de fumure sur maïs à ensilage ;
- - proposition de calcul de balance azotée à la parcelle ;
- - information sur les pièges à nitrates.
Des messages spécifiques sont adressés aux éleveurs
- - fumiers et lisiers de bovins : des valeurs qui comptent (Figure n°4).
Des messages d'information et de sensibilisation sont diffusés
- - l'origine et la qualité de l'eau sur le secteur : du champ à la source, l’enjeu de l’eau ;
- - la directive Nitrates.
Les réunions sur le terrain s’articulent autour de plusieurs actions
- - réunions de « bout de champ » réalisées en 1995 avec les adhérents du GDA, soit environ 20 à 25 personnes par session ;
- - permanences JUBIL. Trois ont été assurées en 1996 ;
- - démonstration de huit matériels d'épandage (Figure n°5) sur six fumiers différents, en partenariat avec la FDCUMA. Présence de plus de 100 agriculteurs à Paulmy en septembre 1995 ;
- - pesées d’épandeurs et analyses de fumiers et lisiers. 23 pesées en 1995 et 11 analyses en 1996.
[Photo : Journée technique sur l’épandage, 12.09.95]
Les interventions diverses
- - participation aux assemblées générales de CUMA (à Abilly en 1996) ;
- - présentation au forum des grandes cultures (au Louroux en juin 1996) ;
- - présentation au forum de l’élevage (à Saint-Branchs en 1996) ;
- - présentation au Syndicat National de l'Industrie des Engrais lors de la réunion du Comité Régional de Fertilisation du Centre (à Chambray en septembre 1996).
Communication à destination du grand public
L’information tout public s'est appuyée sur une présentation synthétique de l’opération Claires Fontaines et de Ferti-Mieux via la presse locale (Nouvelle République, Renaissance Lochoise). Par ailleurs, une note d'information a été adressée aux 26 mairies du secteur pour diffusion en 1996 dans les bulletins municipaux.
Enfin, une conférence de presse a eu lieu le 22 juin 1995 à l’occasion de la pré-labellisation. Celle-ci sera reconduite pour l’obtention du label en 1997.
L’information en milieu scolaire reposant sur un concours de dessins a été organisée pour les écoles primaires du secteur. L’objectif était de sensibiliser les enfants et …
[Photo : La malle pédagogique « à la découverte de l'eau »]
leurs parents aux problèmes de l'eau, des nitrates et de l’agriculture. Le but était également de faire connaître l’opération et d'établir un lien avec les enseignants pour éventuellement retravailler ensemble par la suite. Les dessins primés le 21 janvier 1997 (Figure n°1 et 8) pourraient servir de base de réflexion à l’élaboration d'un logo. Des informations spécifiques ont été menées de manière complémentaire par les distributeurs d'eau :
- intervention en milieu scolaire (visite des stations d’eau potable et usines d’assainissement de Ligueil en 1995),
- présentation d'une malle pédagogique pour les classes de CM1-CM2 (Figure n°7).
Des journées d'information sur l'eau sous la forme de quatre demi-journées ont été réalisées, les 3-4-5-6 octobre 1995 à Sepmes, Ligueil, Le Louroux et Paulmy. Elles portaient sur la qualité des eaux souterraines, l’alimentation en eau potable et les normes de consommation, ainsi que sur la directive Nitrates. Ces actions du comité technique “eau” conduites par la DDASS, la DDAF, et les distributeurs d’eau ont mobilisé environ 50 agriculteurs, malgré la période défavorable. Elles seront reconduites en 1997. Une présentation de l’exposition sur l’eau du Centre technique régional de la consommation a été faite lors du forum de St-Branchs en 1996.
[Photo : Concours scolaire ; l’un des dessins primés]
Conclusion
Dans le cadre de l'application de la directive Nitrates du 12/12/91 et du décret français du 04/03/96, l’opération Claires Fontaines développée en Touraine s'inscrit dans une politique concrète d’accompagnement. Les premiers enseignements de cette action en cours de labellisation Ferti-Mieux indiquent clairement la nécessité d'un programme de communication fort et varié. Cette stratégie d’information - outre la cible agricole - passe par une sensibilisation de tous les acteurs locaux.
Références bibliographiques
■ Anonyme (1991), Le point sur : l’opération Ferti-Mieux. BIMA, 06 juin.
■ IEVAIN, BOUSQUET N. (1992), FertiMieux, une action de développement qui « marche ». L’Information Agricole n°615.
■ ANDA (1995), FertiMieux : ensemble nous protégeons ce qui est précieux. Document de présentation, mars.
■ (1996), Claires Fontaines - du champ à la source : l’enjeu de l’eau. L’Action Agricole de Touraine, 5 janvier.
■ (1995), Environnement, réduction de la pollution azotée : FertiMieux. Terre de Touraine, 30 juin.
■ SEBILLOTTE J. (1991), La directive Nitrates et ses enjeux. Courants n°12, décembre.
■ Directive n°91/676/CEE (1991), Directive du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, 12 décembre.
■ Décret n°96-163 (1996), Programmes d'action à mettre en œuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, 04 mars.
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