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Fabrication des canalisations fibres ciment

30 octobre 1980 Paru dans le N°48 à la page 79 ( mots)
Rédigé par : P TROADEC

UN PEU D'HISTOIRE En 1889, un industriel autrichien, Ludwig HATSCHEK, découvre, de façon tout empirique l'affinité de l'amiante pour le ciment en présence d'eau. Il met au point les premières plaques qu'il découpe en losanges : l'ardoise amiante-ciment est née. Beaucoup plus tard, ce phénomène sera expliqué par l'affinité électrochimique entre les fibres d'amiante et le ciment. Ludwig HATSCHEK dépose le brevet de son invention sous le nom de ETERNIT. En 1922, un industriel français Joseph CUVELIER achète le brevet pour la France et entreprend de l'exploiter dans une usine qu'il fait construire à Prouvy, sur les bords de l'Escaut à proximité de Valenciennes. Cette usine fabrique tout d'abord des ardoises, plaques ondulées, moulages en amiante-ciment puis à partir de 1928 des tuyaux. Aujourd'hui la Société ETERNIT-Industries exploite cinq usines d'amiante-ciment dont quatre fabriquent des tuyaux (Prouvy, Paray-le-Monial, Rennes et Albi).

[Encart : texte : Le terme pluraliste de « fibres-ciment » tend à remplacer dans la profession, le terme spécialisé « amiante-ciment » afin de tenir compte des premiers résultats obtenus dans les recherches tendant à substituer aux fibres d'amiante des fibres d'origine minérale et organique, naturelles ou synthétiques pour en améliorer encore certaines caractéristiques des produits traditionnels amiante-ciment sans en grever le prix de revient. C'est ainsi que certains produits destinés au bâtiment sont fabriqués à partir de nouvelles fibres en complément ou en remplacement de l'amiante. Cependant à ce jour pour les canalisations seules les fibres d'amiante sont utilisées industriellement.]

LES MATIÈRES PREMIÈRES

L'amiante-ciment est un produit de synthèse, résultant du mélange intime et homogène d'amiante et de ciment en présence d'eau.

1. Les Amiantes

L'amiante est un minéral d'origine métamorphique qui se trouve sous forme de roches extraites en filons ou en gisements, essentiellement au Canada, en U.R.S.S., en Afrique du Sud. Il en existe de nombreuses variétés. La plus utilisée est le chrysotile qui est un silicate de magnésie hydraté de formule structurale :

Mg₃ (Si₂ O₅) (OH)₄

La propriété la plus curieuse de l'amiante est de se cliver quasiment à l'infini, non en lamelles comme le mica, mais en fibres possédant une élasticité et une résistance à la traction très élevées.

Cette finesse à l'extrême peut atteindre 2×10⁻⁵ mm de diamètre, c'est-à-dire 1000 à 2000 fois plus fine qu'un cheveu, et la résistance à la traction dépasser très largement celle de l'acier 225 daN/mm² (acier : 50 à 150 daN/mm²).

La consommation annuelle est de 50 000 tonnes d'amiante provenant des principaux pays producteurs exportateurs : Canada (50 %), U.R.S.S. (30 %), Afrique du Sud (20 %).

[Photo : SCHEMA MACHINE TUYAUX]

Ces amiantes sont acheminés par bateau jusqu’à Anvers, Dunkerque et Le Havre puis par péniche ou S.N.C.F. jusqu'aux différentes usines où le stock réel est de 2 à 3 mois.

Les amiantes subissent un prédéfibrage dans des broyeurs à meules de granit en présence d'eau, destiné à écraser les buchettes d'amiante pour séparer les fibres sans les rompre puis un défibrage dans un défibreur : l'amiante et l'eau sont mis en rotation afin d'obtenir la séparation la plus complète des fibres les unes des autres.

Pour fabriquer des canalisations, des mélanges comportant 4 à 5 variétés d’amiante sont utilisés.

2. Les Ciments

La consommation est d’environ 500 000 tonnes de ciment, annuellement.

Pour les canalisations, elle utilise un ciment Portland artificiel classique (CPA 55) qui provient de fournisseurs situés à proximité des usines de fabrication. Les ciments sont acheminés vers les usines par péniche ou par camion.

3. Les Eaux

La consommation d'eau nécessaire aux différentes opérations de fabrication est de l'ordre de 25 % du poids du ciment + amiantes.

Depuis quelques années on équipe les différentes unités de production pour qu’elles utilisent au maximum les eaux recyclées.

C'est ainsi que la nouvelle chaîne-tuyaux de Prouvy dispose d'une station de traitement des eaux (décanteurs et bassins de rétention) qui alimente les machines en eaux claires, le complément provenant du canal proche. La consommation réelle de l'usine se limite ainsi pratiquement à l’eau entrant dans la composition des produits.

LA FABRICATION PROPREMENT DITE

1. Le Mélange

Le mélange amiante plus eau est transféré dans des mélangeurs, où il reçoit un complément d'eau puis les charges de ciment ajustées de manière à obtenir le rapport amiante/ciment désiré (10 à 15 % d’amiante).

Une fois homogénéisé le mélange est prêt à alimenter la machine.

2. La Machine-tuyaux

Le schéma joint présente les principaux éléments de la nouvelle machine P 55 qui est entrée en service à Prouvy au début de l'année 1980.

— Les bacs

Le mélange amiante-ciment-eau en excès est amené par l'intermédiaire de goulottes (non figurées sur le schéma) dans deux bacs équipés :

• d'agitateurs pour maintenir la matière en suspension ; • de vis d'orientation.

Les fibres d'amiante ont tendance sous l'action des forces centrifuges à s'orienter dans le sens circonférentiel, ce qui est bon pour la résistance des tuyaux à la traction et à l’écrasement. Mais, pour une meilleure résistance à la flexion, il faut également des fibres orientées longitudinalement, d'où l'importance de ces vis ;

• de tamis sur la toile desquels, par filtration, vient se déposer une couche de pâte amiante-ciment ; • de rampes de lavage (2 par tamis) à fonctionnement alterné : l'une assure le décolmatage du tamis une fois la pellicule de pâte déposée sur le feutre ; l'autre retire la couche de pâte du tamis pour créer un « blanc » sur le feutre entre la fabrication de deux tuyaux consécutifs.

[Photo : Vue de la machine P55. Au premier plan à gauche, les feutres coucheurs et presseurs ; Au second plan on peut découvrir l'entrée de la première étuve.]

— Le feutre coucheur

Un feutre « coucheur » en nylon reçoit de chacun des deux tamis une fine couche d'amiante-ciment qu'il ira déposer sur les mandrins lors du bobinage des tuyaux.

L'épaisseur de la couche d'amiante-ciment sur le feutre est de l’ordre de 0,3 mm et la teneur en eau de la pâte sur le feutre est d’environ 70 %.

— Les suceuses

Des « suceuses » ou caisses à vide éliminent une partie de l'eau en excès dans la pâte ; la teneur en eau est ainsi réduite à environ 55 %.

— Le feutre presseur

Un feutre « presseur » comprime les couches d’amiante-ciment lors du bobinage du tuyau, les soude entre elles et essore le tuyau.

L'effort transmis au tuyau est de 20 tonnes régulièrement réparties.

— Les mandrins

Les mandrins sont des cylindres d'acier d'un diamètre extérieur de 1 à 2 mm plus petit que le diamètre nominal du tuyau à fabriquer pour tenir compte du calandrage.

C'est sur eux que viennent s’enrouler en continu les pellicules d'amiante-ciment qui présentent la propriété de passer du support le plus filtrant au moins filtrant, donc du tamis au feutre puis du feutre au mandrin.

Quand l'épaisseur désirée sur le mandrin est atteinte, le mandrin est enlevé.

3. Le Marquage, le Contrôle d’épaisseur, le Calandrage

3.1. marquage

Tous les tuyaux sont marqués en creux en leurs deux extrémités à frais, ce qui rend le marquage indélébile.

3.2. calandrage

C'est l'opération de décollage du tuyau de son mandrin par électrolyse d'une partie de l'eau contenue dans le tuyau. Sous l'effet d'un courant continu entre les galets (anode) et le mandrin (cathode) de l'hydrogène se dégage entre mandrin et tuyau, décollant ce dernier et permettant ensuite l'extraction du mandrin.

3.3. coupe à longueur

Le mode de fabrication des tuyaux fait que leurs extrémités ne peuvent être parfaitement nettes et leur longueur exacte.

Le tuyau est donc amené à la longueur de 5 m par découpe au disque et à frais de ses extrémités.

4. Le Mûrissement

Le mûrissement va s'opérer dans des étuves que les tuyaux vont traverser à vitesse lente en étant maintenus en permanence en rotation et après avoir reçu une forme de soutien.

4.1. Formes de soutien

Laisser le tuyau mûrir sans être soutenu entraînerait automatiquement une ovalisation malgré sa rotation permanente.

Les formes de soutien ont pour but de limiter l'ovalisation du tuyau au cours de la première phase de son mûrissement.

4.2. Première étuve

Son rôle est d’accélérer la prise du ciment, donc la résistance du tuyau.

• Longueur : 55 m.

• Température au niveau du tuyau : environ 75 °C.

• Durée de séjour : 1 h 30 à 2 heures.

À mi-parcours, le tuyau a une résistance suffisante pour ne plus risquer de s’ovaliser et la forme de soutien en est alors retirée.

4.3. Reprise d’eau

Le tuyau, au cours de son passage dans la première étuve, s’est passablement déshydraté et, pour continuer normalement sa prise, le ciment a besoin d’un apport d’eau, d’où ce passage de quelques minutes dans une piscine à 40 °C, proche de la température du tuyau à la sortie de la première étuve, pour éviter le choc thermique.

4.4. Deuxième étuve

Son but est d’accroître la résistance du tuyau pour qu’à sa sortie il puisse être immédiatement usiné, bottelé et les bottes gerbées sur parc sans risque.

• Longueur : 70 m.

• Température au niveau du tuyau : 55 à 60 °C.

• Durée de séjour : 2 h 30 à 3 heures.

À la sortie le tuyau a atteint pratiquement les 3/4 de sa résistance finale.

4.5. Remarque

Sur d’autres machines de la Société, les tuyaux à la sortie de la première étuve sont mis en bassin (ou sur dalles et aspergés) pendant une à trois semaines.

5. L’usinage, le bottelage et la mise sur parc

5.1. Usinage

Le mode de fabrication des tuyaux fait que leurs extrémités ne peuvent être parfaitement nettes et leur diamètre extérieur régulier au point de pouvoir être montés tels quels avec nos principaux joints.

Les tuyaux doivent donc être usinés, et en une seule opération, un outil inférieur exécute le chanfrein cependant qu’un outil supérieur de chariotage réalise l’usinage sur quelques dizaines de millimètres.

5.2. Bottelage

Immédiatement après leur usinage, les tuyaux sont bottelés lit par lit, chaque lit étant cerclé automatiquement de deux feuillards métalliques.

L’ensemble de la botte est également cerclé de deux feuillards.

De telles bottes présentent l’avantage, au moment du déconditionnement, de ne pas s’effondrer lorsque les feuillards sont coupés et les tuyaux peuvent être retirés, en toute sécurité, un à un.

5.3. Mise sur parc

À leur entrée sur parc, les tuyaux sont à nouveau réhydratés puis laissés, une semaine environ, sur une aire d’aspersion en discontinu. Cette dernière opération a essentiellement pour rôle de maintenir une atmosphère humide autour des tuyaux et est particulièrement utile par temps chaud et sec.

6. Quelques chiffres

La machine qui vient d’être présentée permet de fabriquer du diamètre 150 au 1000. Elle fonctionne en continu en trois postes de 8 h du lundi au samedi matin. Le personnel chargé de la servir est d’environ 12 personnes et les chiffres ci-dessous donnent une idée des cadences obtenues en tuyaux d’assainissement.

— DN 150 : un tuyau toutes les 30″ environ (3 000 tuyaux/jour soit 15 km).

— DN 200 : un tuyau toutes les 40″ environ (2 400 tuyaux/jour soit 12 km).

— DN 500 : un tuyau toutes les 4′ environ (380 tuyaux/jour soit 1,9 km).

LA FABRICATION ET L’USINAGE DES MANCHONS

Des tuyaux spéciaux dont le diamètre intérieur est sensiblement égal au diamètre extérieur des bouts usinés des tuyaux sont fabriqués comme il est dit ci-dessus à l’exception du mûrissement qui se fait sur dalle chauffante.

Des tronçonneuses assurent ensuite la découpe de ces tuyaux puis des tours automatiques ou manuels réalisent successivement les deux opérations suivantes avec une précision de 5/10 mm :

— un alésage du diamètre intérieur avec copieur ;

— un défonçage simultané des trois gorges.

Tous les manchons sont ensuite marqués au moyen d’une encre indélébile, avant d’être conditionnés par lots, puis sur palettes sous housses rétractables.

LA FABRICATION DES ACCESSOIRES ASSAINISSEMENT

À l’exception de quelques accessoires moulés par injection, ou moulés manuellement, l’essentiel des pièces destinées à équiper les réseaux d’assainissement est réalisé par collage.

[Photo : Banc d’essai à la pression intérieure (1 bar) de l’ensemble des accessoires de la gamme Interliss.]
[Photo : Présentation de l’essai d’étanchéité à la pression extérieure de 1 bar avec déviation du joint Interliss destinée aux canalisations d’assainissement gravitaire.]

Des tours manuels et des aléseuses permettent de préparer les éléments constitutifs à partir de tronçons de tuyaux. Les divers tronçons sont préchauffés avant collage à la colle époxy à deux composants.

Les pièces assemblées séjournent durant 5 h environ dans un four à 25 ° pour assurer la qualité des collages.

LES CONTRÔLES

Les contrôles sont multiples à tous les stades de la fabrication :

  • — sur les matières premières (amiante et ciment),
  • — sur les préparations (qualité du mélange eau-amiante-ciment...),
  • — en fabrication (surveillance des différents paramètres de marche machine),
  • — au moment de l’usinage (aspect, dimensions...),
  • — sur les produits finis.

Des prélèvements en quantité normalisée sont effectués sur chaque poste de fabrication. Les échantillons subissent un contrôle dimensionnel (bouts usinés des tuyaux, diamètres fond de gorge des manchons...). Les tuyaux sont soumis en outre à des essais destructifs (écrasement, éclatement, flexion) destinés à vérifier que les caractéristiques mécaniques obtenues soient conformes aux exigences de la norme.

Pour les tuyaux d’assainissement tous les résultats sont consignés sur des registres vérifiés deux fois par an par les contrôleurs du CSTB, mandatés par les commissions d’agrément NF-SP.

CONCLUSION

Nous avons montré comment sont fabriquées les canalisations pour l’assainissement (écoulements gravitaires) et la pression (refoulements d’eaux usées, adduction d’eau potable, irrigation) et si la description de la fabrication a surtout concerné les canalisations d’assainissement celle des canalisations pression est tout à fait comparable, les principales différences se situant au niveau des mélanges, du mûrissement et des contrôles*.

Toutes canalisations confondues, ce sont, depuis le début du siècle, des centaines de milliers de kilomètres de tuyaux amiante-ciment qui parcourent notre sous-sol.

L’« ancienneté » de ce matériau constitue certainement pour ses utilisateurs actuels le meilleur garant de la pérennité des réseaux qu’il permet de réaliser. Mais ancienneté ne signifie pas immobilisme et les spécialistes de l’assainissement le savent bien, ils sont journellement confrontés aux exigences de la lutte contre la pollution qui leur interdisent toute erreur sur la qualité des ouvrages constitutifs des réseaux d’assainissement dont ils ont la charge. Et si l’amiante-ciment continue à prendre une part croissante dans l’assainissement, c’est qu’il a fallu associer à cinquante années d’expérience l’esprit d’innovation qui permet les progrès indispensables à la fabrication de canalisations de qualité dans le cadre d’unités de production modernes et performantes.

Les photos ci-dessus illustrent parfaitement les qualités d’étanchéité des réseaux complets d’assainissement que l’on peut réaliser avec les canalisations amiante-ciment.

Et l’étanchéité ne constitue-t-elle pas l’exigence de la prochaine décennie dans le domaine de l’assainissement ?

* En particulier chaque tuyau pression est essayé en bout de chaîne de fabrication à une pression égale à sa classe (ex. : un tuyau DN 200 classe 30, utilisable pour une pression maximale de service de 15 bars est essayé en usine à 30 bars).

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