On classe les différentes catégories de méthanisation en fonction de leur teneur en matière sèche (MS). Celle-ci conditionne la technologie du digesteur utilisée et la mise en œuvre de la digestion qui peuvent être réalisées en continu ou en discontinu.
La méthanisation des « effluents » chargés ou non en matière en suspension se fait jusqu’à 5 à 8 % de MS dans le digesteur. Au-delà, on passe à la digestion des matières solides (déchets, cultures énergétiques...). Jusqu’à 20 % de matière sèche, on est en « fermentation humide » avec un optimum entre 10 et 15 % de MS, et de 20 à 45 % de MS dans le digesteur on passe en fermentation dite « sèche », avec un optimum vers 30 à 35 % de MS. Les digesteurs à la ferme sont principalement des fermentations humides en continu, ou sèches en discontinu. Nous rapportons ici un exemple industriel de fermentation sèche en continu sur culture énergétique. La technologie est directement issue de celle de la méthanisation de la fraction organique des ordures ménagères (ou des biodéchets). Les performances annoncées sont intéressantes.
Si vous souhaitez présenter un article dans le cadre de cette série, merci de le faire parvenir à René Moletta, Moletta Méthanisation – rene.moletta@yahoo.fr
Les usines de digestion anaérobie en fermentation sèche peuvent être exploitées en mode continu ou discontinu. Les usines de digestion sèche continue ont été utilisées dans le secteur des déchets solides ménagers pendant plus de 20 ans en Europe, tandis que les systèmes de digestion sèche discontinue ont été surtout implantés pour la digestion des plantes énergétiques au début du 21ᵉ siècle. Un système discontinu typique requiert moins de traitement mécanique et d'automatisation : en effet, le substrat est chargé dans le digesteur en une fois et y est laissé en fermentation pendant environ 20 à 30 jours. À la fin du cycle, le digesteur est vidé et de la nouvelle matière première vient alimenter le fermenteur. Des précautions supplémentaires doivent être prises à chaque fois que le digesteur est vidé ou traverse des phases de compositions gazeuses explosives.
Un système continu est alimenté à débit constant et exige un traitement et un contrôle supplémentaires du processus. Cet effort est récompensé par des taux
[Photo : Aperçu schématique du système Dranco-Farm.]
De digestion accrus et une digestion plus fiable. Des précautions supplémentaires concernant l’explosion doivent être prises seulement au cours de la première mise en fonctionnement de l’usine. Les deux systèmes exigent bien sûr un contrôle constant pour s’assurer qu’aucune fuite de biogaz dans l’atmosphère ne se produise.
L’installation Dranco-Farm à Niestedt (Allemagne)
L’usine Dranco-Farm, située à Niestedt, fut la première usine de fermentation sèche exploitée de façon continue et traitant des substrats solides de plantes énergétiques. L’installation est alimentée en matière première (en moyenne à plus de 30 % solide), et fonctionne sans aucune addition d’eau. L’usine Dranco-Farm se compose d’un réacteur à alimentation verticale, fait d’acier et sans aucun équipement mobile (mélangeur) à l’intérieur.
Description de l’installation
Les différentes plantes énergétiques (<10-20 mm) sont apportées dans un récipient d’alimentation qui dose continuellement l’apport de mixture vers une unité mélangeuse (figure 1). Au sein de cette unité, une tonne de matière fraîche est mélangée avec environ 6 à 10 tonnes de digestat provenant du fond du digesteur. Le mélange qui en résulte est pompé et déposé de nouveau au sommet du digesteur. Par la suite, le mélange s’écoule du sommet de la biomasse à l’intérieur du digesteur par simple gravité. Comme le digesteur fonctionne à un taux élevé de matière sèche, on peut considérer le flux de biomasse comme un « plug-flow » selon le principe FIFO : first in, first out (premier entré, premier sorti). Un taux élevé de recyclage permet un temps de passage court (d’environ 2 jours).
Ce vaste recyclage de digestat, comme un inoculum, rend n’importe quel équipement de mélange à l’intérieur du digesteur superflu. Le fait que la biomasse soit presque complètement mélangée la protège contre l’acidification.
Le réacteur fonctionne à une température thermophile (environ 55 °C). Comme la biomasse est chauffée par des échangeurs thermiques externes contenant de l’eau de refroidissement des moteurs, aucun équipement de chauffage n’est nécessaire à l’intérieur du digesteur. En conséquence, l’intérieur du digesteur ne contient aucune pièce mobile (pas d’usure ni de casse à l’intérieur du digesteur).
Le digesteur est composé en réalité de deux zones séparées. Une zone supérieure, située au-dessus des zones d’extraction les plus hautes, dans laquelle une fermentation intensive est maintenue en recyclant, de façon constante, le digestat actif et en le mélangeant à de la matière première fraîche. La deuxième zone est la zone de post-fermentation qui permet au digestat de post-fermenter pendant deux à trois jours supplémentaires sans alimentation additionnelle afin que la production de biogaz puisse être prolongée. Cette zone se situe entre les points d’extraction supérieurs, servant à recycler le digestat situé au sommet de la section conique du digesteur, et le point d’extraction au fond du cône.
La matière qui s’écoule des points d’extraction supérieurs jusqu’au point d’extraction du fond n’est ni alimentée ni recyclée, mais est retirée du processus.
Le résidu digéré est envoyé vers un réservoir de stockage, avant d’être répandu sur les champs. Le digestat peut aussi être déshydraté et composté ultérieurement.
Performance de l’installation
Le réacteur à la ferme de Niestedt a un volume total de 1 200 m³, dont un volume actif de 1 100 m³, et a commencé à produire du biogaz à la fin de l’année 2006. De par les tarifs de rachat garantis élevés et les restrictions de permis, la production électrique a été limitée à un maximum de 500 kWel pendant les deux premières années d’exploitation. Une productivité spécifique de biogaz, d’environ 5 à 6 m³ de biogaz par m³ de volume actif du réacteur, pourrait être obtenue. Environ 11 000 à 12 000 tonnes par an de matière première de biomasse ont été nécessaires pour atteindre cette production électrique constante de 500 kWel.
Une production d’électricité et de biogaz très stable a été obtenue pendant les—
[Photo : Vue d’ensemble de l’alimentation (tonne de matière fraîche/jour) et de la production de biogaz dans l’usine Dranco-Farm à Niestedt à partir d’avril 2007 jusqu’à janvier 2010.]
[Photo : Vue d’ensemble sur la biogaz productivité dans l’usine de biogaz Dranco-Farm à Nüstedt à partir d’avril 2007 jusqu’à janvier 2010.]
Les deux premières années de fonctionnement ont été très stables, excepté pour la période allant d’avril à juin 2008 lors du changement de matière première. Cette courte diminution a été dépassée et la production est redevenue très stable dès le mois de juillet (figure 2).
Depuis début 2009, les obstacles administratifs et législatifs ont été surmontés et la permission de produire 1 000 kWel d’électricité a été promulguée. OWS a de suite mis en place des actions visant à augmenter la production de biogaz dans le réacteur Dranco-Farm.
Le tonnage total traité (dans le même conteneur) est passé d’environ 11 500 tonnes à 21 000 tonnes par an. L’ensilage de plantes de maïs entières est actuellement le substrat d’apport dominant, mais aussi l’ensilage de plantes céréalières entières, de tournesol, d’herbe ainsi que du fumier de volaille (solide) (environ 5 %) alimentent le digesteur. Les actions prises ont permis à la productivité de biogaz initiale de ± 6 Nm³/m³ réacteur/jour d’augmenter jusqu’à 10 Nm³/m³ réacteur/jour, ce qui signifie que chaque jour le digesteur produit dix fois son volume en biogaz à 0 °C et à pression standard. Les figures 3 et 4 montrent clairement la hausse de la productivité de biogaz et les taux de chargement à partir de 2009.
En un an, la production électrique de l’usine a augmenté de 500 à 1 000 kWel. Cela représente environ cinq fois le taux moyen de production en mode discontinu pour un volume de charge similaire. Cela est dû au contrôle constant du fonctionnement qui est possible tout au long de la digestion. En conséquence, le volume de digesteur peut être considérablement réduit. En raison de la construction en hauteur, la surface nécessaire est également beaucoup moins importante par rapport au type « tunnel ».
[Photo : Vue d’ensemble sur le taux de charge dans l’usine de biogaz Dranco-Farm à Nüstedt à partir d’avril 2007 jusqu’à janvier 2010.]
[Photo : L’empreinte de l’usine Dranco-Farm à Nüstedt.]
Les plantes sont récoltées entières et mesurent moins de 1 cm de longueur. Elles sont ensilées et viennent progressivement alimenter le digesteur au cours de l’année. Un récipient d’alimentation est rempli deux fois par jour par un chargeur frontal, à partir duquel le reste du digesteur est alimenté automatiquement et en permanence. Le taux d’alimentation est contrôlé afin que la puissance exacte de sortie souhaitée soit produite.
La production moyenne de biogaz par tonne d’entrée se situe actuellement entre 180 et 190 Nm³/t, avec une teneur en méthane moyenne comprise entre 54 % et 56 %. La consommation électrique parasite de l’usine s’élève à 5 %, laissant un rendement électrique net de 95 % à être remis dans le réseau électrique. Les figures 5 et 6 illustrent l’implantation de l’unité.
[Photo : Vue de face de l’usine Dranco-Farm à Nüstedt.]
Conclusion
La digestion en fermentation sèche continue peut atteindre des taux constants très élevés de production de biogaz atteignant 10 fois le volume du digesteur par jour, ce qui équivaut à plus de 5 fois le taux de production moyen réalisé en système de digestion sèche discontinue. Cela est possible car les bactéries peuvent opérer dans des conditions optimisées en permanence et parce que la phase d’acidification suivant la première alimentation est évitée. Le fonctionnement continu ne nécessite ni vidange ni redémarrage du processus afin que les digesteurs soient toujours actifs et complètement anaérobies. Cela réduit aussi considérablement la corrosion et les risques d'explosion lors de l’ouverture des digesteurs.
La première installation de digestion sèche continue, traitant des substrats solides de cultures énergétiques, a prouvé que la digestion sèche continue est réalisable, fiable et qu’elle est une alternative viable aux systèmes de digestion sèche en marche discontinue.
Nota : Le coût d'une unité de 2 MW est d'environ 5 à 6 millions d’€ (R. Moletta).
[Encart : Références bibliographiques
• De Baere, L. and Mattheeuws B. (2010), Anaerobic digestion of MSW in Europe: 2010 update and trends, pp. 24-26, Biocycle (February)
• De Baere, L. and Mattheeuws B. (2008), State of the art 2008: Anaerobic digestion of solid waste, Waste Management World, July-August 2008, 77-89
• De Baere, L. (2007), Dry fermentation of energy crops, Proceedings of the International Energy Farming Congress, Papenburg March 13-15 2007]
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