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Examen de l'état de corrosion des réseaux de distribution d'eaux. Prévision de la durée de vie des réseaux.

30 janvier 2001 Paru dans le N°238 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Robert ROSSET

Il est possible de mesurer l'état de corrosion d'une installation et de prévoir la date à laquelle son remplacement deviendra inéluctable. A partir de la vitesse de la corrosion, on calcule la diminution d'épaisseur prévisible de la canalisation. A partir d'une diminution de 50% de son épaisseur, l'on considère qu'il y a un risque de rupture qui impose de prendre les mesures préventives appropriées.

Cet article est extrait du recueil des conférences “Corrosion et anticorrosion dans les circuits d’eau”, disponible au Cetim (Tél. 01 44 67 35 94)

La corrosion des systèmes de distribution d’eau est extrêmement fréquente et met en péril leur pérennité. Mesurer l'état de corrosion d'une installation permet de prévoir la date à laquelle son remplacement deviendra inéluctable et de prendre les mesures appropriées. 50 % des métaux et alliages ferreux élaborés par l'homme depuis la plus haute antiquité ont disparu à cause de la corrosion.

Pour mesurer la vitesse de corrosion d’une installation, un échantillon du métal décapé chimiquement et poli constitue l’électrode de travail d'un montage électrochimique à trois électrodes. Elle est immergée dans l’eau prélevée sur le site que l'on porte à une température fonction du résultat recherché ; en général :

  • - 20 °C, température moyenne des distributions d'eau froide ;
  • - 55 °C, température moyenne des distributions d'eau chaude sanitaire départ.

Mais toute autre température peut être choisie.

On opère avec un rapport volume/surface de 500 cm et une vitesse de rotation de l’électrode de 1000 tr min⁻¹. On balaye en potentiel de part et d’autre du potentiel d’équilibre à vitesse constante et on enregistre la courbe intensité-potentiel.

À partir de cet enregistrement, en introduisant la masse volumique de la canalisation,

Le progiciel de corrosion fournit : le potentiel d'équilibre à i = 0, la résistance de polarisation Rp (en Ω), l'intensité de corrosion (en µA·cm⁻²) et la vitesse de corrosion (en mm·an⁻¹).

La prévision dans le temps est possible. En effet, à partir de la vitesse de corrosion on calcule la diminution d’épaisseur prévisible de la canalisation, en faisant l’hypothèse que la composition de l'eau et la vitesse de corrosion sont constantes au fil des années.

On considère qu'il y a un risque de rupture à partir d'une diminution d’épaisseur de 50 % et que l'on pourra intervenir pour désoxyder le réseau et mettre en place un traitement préventif (e.g. silicate, silicate-phosphate pour les ECS, inhibiteurs de corrosion des nouvelles générations).

Un tel progiciel présente, sous la forme d’histogrammes, la diminution de l’épaisseur des canalisations en fonction du temps.

La méthode peut être appliquée à toute installation industrielle susceptible d’être dégradée par la corrosion. Les réseaux sprinkler relèvent aussi de la même méthodologie.

On complète l'étude précédente par un examen métallographique des réseaux et par analyse physico-chimique instrumentale des dépôts. L’examen métallographique comporte les opérations suivantes :

  • - un élément de canalisation prélevé sur l’installation est découpé longitudinalement avec soins, sans détacher les couches d’oxydes, pour permettre l’observation visuelle des dépôts ;
  • - on photographie (vue oblique, vue de dessus) la surface interne de la canalisation ;
  • - une désoxydation complète de la découpe par attaque chimique au moyen d'une solution spéciale permet de dissoudre intégralement les couches d’oxydes et/ou de tartre sans attaquer le métal sous-jacent ;
  • - l'examen du métal nu permet de conclure quant à l'importance des crevasses éventuelles, leur profondeur, leur surface (photographie de la découpe désoxydée) ;
  • - la mesure de l’épaisseur restante de la canalisation permet de calculer la perte d’épaisseur à partir de son épaisseur nominale depuis sa mise en place dans le réseau ;
  • - la mesure par pesée du tronçon de canalisation oxydée puis désoxydée donne la densité surfacique des oxydes.

On peut alors conclure sur l’état macroscopique de la canalisation.

Pour l'analyse physico-chimique instrumentale des dépôts, un échantillon du dépôt présent à la surface intérieure de la canalisation considérée (ou de tout autre élément de l’installation : chaudière, échangeur, radiateur...) est prélevé, broyé puis soumis à une analyse par spectrométrie X. On en déduit la composition chimique du dépôt, d’où l'on déduit l'importance de la corrosion, son origine, etc.

Ce type d’analyse s’applique également aux réseaux qui sont à la fois oxydés et entartrés, ainsi qu’à ceux où l’entartrage est prépondérant. Un exemple d’une telle étude est donné ci-après.

Nous traitons l’exemple de l’examen de l'état de corrosion d’un réseau de distribution d’eau chaude sanitaire (ECS) dans le cas de la canalisation d’ECS départ. Celle-ci a un diamètre extérieur nominal de 3,4 cm et une épaisseur nominale de 3,2 mm.

Examen métallographique et mesure d’épaisseur

Un élément de tuyauterie de 5 cm de longueur de la canalisation d'eau chaude sanitaire départ est découpé longitudinalement. La découpe est intégralement désoxydée puis passivée au moyen d'un inhibiteur approprié pour éviter toute oxydation ultérieure.

[Photo : Photographie numérique des découpes de la canalisation d'eau chaude sanitaire départ. (A) : découpe de la canalisation d'origine, vue oblique : on observe un dépôt extrêmement épais, composé de deux couches : - une couche extérieure très mince formée d'un dépôt blanc ; - une couche interne épaisse formée d'un mélange d’oxydes et d’hydroxydes de fer et de phosphate de calcium. (B) : découpe longitudinale, vue de dessus : avant le traitement curatif. (C) : découpe longitudinale, vue de dessus : après le traitement curatif ; c’est la partie (demi-cylindre) située au-dessus de la partie B.]

La découpe longitudinale désoxydée de la canalisation montre la présence de crevasses importantes sur la surface intérieure. À partir de cette découpe désoxydée, on mesure son épaisseur actuelle à l'aide d'un micromètre électronique.

Tableau I – Mesure de l’épaisseur et de la densité surfacique du dépôt d’une canalisation départ d’eau chaude sanitaire

CanalisationECS départ
Épaisseur actuelle (septembre 2000)2,302 mm
Épaisseur nominale3,2 mm
Perte d’épaisseur28 %
Densité surfacique des oxydes400 mg·cm⁻²

Tableau II – Mesure de la vitesse de corrosion de la canalisation considérée, immergée dans l’eau prélevée sur le site étudié

Température58 °C
MilieuEau du site
CanalisationECS départ
Vitesse de corrosion132,7 mm/an
[Photo : Voltampérogramme d'une électrode constituée par la canalisation d'eau chaude sanitaire départ immergée dans l'eau du site à 55 °C. Potentiel à courant nul : −424,4 mV. Résistance de polarisation : 1 898 Ω. Intensité de corrosion : 11 µA·cm⁻². Vitesse de corrosion : 132,7 mm·an⁻¹]

aux parties de la canalisation où l'épaisseur est la plus réduite. Les valeurs d'épaisseur et de la densité surfacique du dépôt sont regroupées tableau 1.

La valeur de la densité surfacique du dépôt présent sur la surface intérieure de la canalisation d’ECS départ est extrêmement élevée : 400 mg·cm⁻².

Mesure électrochimique de la vitesse de corrosion

L’échantillon métallique est décapé chimiquement et poli de manière à constituer une électrode permettant d’obtenir des résultats répétables. On l’immerge dans l’eau prélevée sur le site que l’on porte à 55 °C, température habituelle des distributions d’eau chaude sanitaire.

On opère avec un rapport volume/surface de 500 cm et une vitesse de rotation de l’électrode de 1 000 t·min⁻¹.

On balaye en potentiel de part et d’autre du potentiel d’équilibre à vitesse constante et on enregistre la courbe intensité-potentiel. À partir de cet enregistrement, en introduisant la masse volumique de la canalisation (7,86 g·cm⁻³) le progiciel de corrosion fournit :

  • le potentiel d’équilibre (i = 0) ;
  • la résistance de polarisation Rp (en Ω) ;
  • l’intensité de corrosion (en µA·cm⁻²) ;
  • la vitesse de corrosion (en mm·an⁻¹).

À partir de ce paramètre on calcule la diminution d’épaisseur de la canalisation en faisant l’hypothèse que la composition de l’eau et la vitesse de corrosion seront constantes au fil des années.

On considère qu’il y a risque de rupture à

[Photo : Diminution prévisible de l’épaisseur d’une canalisation initialement de 2,302 mm en fonction du temps. Eau du site à 55 °C. Canalisation d’eau chaude sanitaire départ]
[Photo : Analyse par spectrométrie X du dépôt présent à la surface intérieure d’une canalisation d’ECS départ]

À partir d’une diminution d’épaisseur de 50 % et que l’on pourra intervenir pour désoxyder le réseau et mettre en place un traitement préventif tant que l’épaisseur de la canalisation sera supérieure à 40 % de sa valeur nominale.

Le voltammérogramme obtenu pour la canalisation considérée est représenté figure 2. La vitesse de corrosion à 55 °C est donnée dans le tableau II.

La figure 3 représente, sous la forme d’un histogramme, la diminution de l’épaisseur de la canalisation en fonction du temps.

Analyse du dépôt

Un échantillon du dépôt présent à la surface intérieure de la canalisation a été prélevé, broyé puis soumis à une analyse par spectrométrie X. Le spectre obtenu est représenté figure 4. La composition chimique du dépôt est donnée dans le tableau III.

Tableau III – Analyse par spectrométrie X du dépôt présent sur la surface intérieure d’une canalisation d’ECS départ

Élément% atomique% massique
Silicium3,020,73
Phosphore38,033,01
Calcium40,6541,51
Fer16,6523,69
Zinc0,881,45
Cuivre0,911,48
Magnésium1,871,16

Le dépôt est constitué, majoritairement, de phosphate de calcium et d’une quantité notable d’oxydes et d’hydroxydes de fer. Il contient également de faibles quantités de silice, d’oxyde de cuivre, de zinc et de magnésium.

Conclusion

L’analyse métallographique effectuée montre que la canalisation d’ECS départ est fortement corrodée. Le dépôt présent sur sa surface intérieure est très épais. Sa densité surfacique est de 400 mg·cm⁻².

L’analyse par spectrométrie X du dépôt montre qu’il est constitué, principalement, d’un mélange de phosphate de calcium et d’oxydes et d’hydroxydes de fer.

Cette canalisation a déjà perdu 28 % de son épaisseur d’origine. Elle est, pour peu de temps encore, dans une phase où sa désoxydation suivie d’un traitement de protection est possible.

À partir de 2006, le risque de rupture de la canalisation sera considérable.

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