Your browser does not support JavaScript!

Évaluation du risque toxicologique des sites contaminés. Comparaison entre la France et le Québec

31 mars 2014 Paru dans le N°370 à la page 95 ( mots)
Rédigé par : Aurélie MALVOISIN

La France et le Québec sont confrontés depuis plus de 20 ans à la problématique de la réhabilitation des sites contaminés. L?objectif premier visé par les politiques en place est de supprimer les sources de pollution, afin de garantir notamment la jouissance du site pour les populations. À cette fin, la France et le Québec utilisent un outil reposant sur la même méthodologie générale : l'évaluation des risques toxicologiques. Au-delà de cette méthodologie, des différences existent sur la mise en oeuvre de ces études. Quelles sont ces différences, leurs origines ? Ont-elles une influence sur les résultats des évaluations de risque ?

La réhabilitation des sites contaminés est une tâche complexe, qui fait appel à différentes compétences et se décompose en plusieurs phases. Son objectif est de supprimer l'ensemble des sources de pollution identifiées. Dans les faits, leur suppression totale n’est pas toujours possible et il arrive que des pollutions dites résiduelles demeurent dans les sols ou les eaux souterraines à l'issue des travaux de réhabilitation. Il faut alors s’assurer que ces pollutions résiduelles ne généreront pas de risque sanitaire inacceptable pour les usages retenus. Pour ce faire, la France et le Québec ont recours à l’évaluation des risques toxicologiques.

La démarche générale française des évaluations quantitatives des risques sanitaires (EQRS) est similaire à celle des Évaluations du risque toxicologique d'origine environnementale menées au Québec dans le cadre du Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains (RPRT). En France comme au Québec, les évaluations des risques sanitaires dans le cadre de sites contaminés sont réalisées selon une approche déterministe et non probabiliste. Une analyse complète et approfondie des incertitudes doit alors être conduite pour permettre aux décideurs de disposer de l'ensemble des éléments.

En France, une politique nationale de gestion des sites (potentiellement) pollués a été mise en place en 1993. Les premières versions des outils méthodologiques du 23 avril 1996 avaient pour objectif : une réhabilitation systématique de l'ensemble des sites identifiés comme sensibles à l'issue des études historiques, des diagnostics initiaux et de l’évaluation simplifiée des risques (ESR).

C’est à la fin des années 1990, que cette poli-

[Photo : La refonte des outils méthodologiques, parue le 8 février 2007, a renforcé la gestion des risques suivant l'usage en l'assortissant de règles de cadrage.]

tique s'est infléchie vers une politique de gestion des risques en fonction de l’usage. À cet effet, de nouveaux outils méthodologiques ont été introduits : le diagnostic approfondi et les évaluations détaillées des risques (EDR). L'EDR devait être centrée sur les risques sanitaires des populations présentes ou futures, installées sur ou à proximité du site pollué. Les premières études de risques sanitaires liées aux substances chimiques ont donc été réalisées au début des années 2000 en France.

La refonte des outils méthodologiques, parue le 8 février 2007, a renforcé la gestion des risques suivant l'usage en l'assortissant de règles de cadrage. L'objectif de gestion des sites pollués est la compatibilité entre la qualité des milieux et leur usage, définie de trois manières : la comparaison des concentrations mesurées au bruit de fond ou à l'état initial de l'environnement ; la comparaison aux valeurs de gestion réglementaires disponibles ; l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) si les deux manières précédentes n’ont pas permis d’aboutir. Les études de risques sanitaires constituent une partie intégrante de la méthodologie et en particulier du plan de gestion qui vise à maîtriser les sources de pollution et leurs impacts.

Quand le plan de gestion permet d’éliminer les sources de pollution ou de supprimer les voies de transfert entre les populations et les sources, la question de l’évaluation des risques sanitaires ne se pose plus. En revanche, lorsque les voies de transfert ne peuvent pas toutes être supprimées, il est nécessaire de vérifier que les risques sanitaires résiduels sont acceptables en conduisant une analyse des risques résiduels (ARR). L'ARR est menée pour l’état final du site, tant en matière de pollution résiduelle que de l’usage du site. Si l'EQRS ou l'ARR n’aboutissent pas à des niveaux de risques qualifiés d’acceptables, de nouvelles mesures de gestion seront mises en œuvre.

La méthode utilisée pour réaliser les EQRS repose sur la démarche développée par le National Research Council (NRC) en 1983 qui comprend quatre grandes étapes (INERIS, 2006) :

  1. Identification des dangers ;
  2. Estimation des relations dose-réponse ;
  3. Estimation des expositions ;
  4. Caractérisation des risques sanitaires.

Au Québec, le gouvernement provincial s'est penché sur la problématique des terrains contaminés en 1983. La politique mise en place en 1988 reposait sur une gestion des sites contaminés selon des critères génériques. En mai 1993, les autorités du ministère de l'Environnement ont commandé la révision de cette politique et ont décidé de mettre en place une démarche administrative pour résoudre les cas problématiques où la décontamination aux critères génériques d'usage n’était pas retenue. En 1998, la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés est publiée. Elle repose sur l'utilisation de critères génériques, mais offre désormais la possibilité d’avoir recours à l’analyse des risques pour résoudre les cas problématiques en énonçant les limites applicables. Un groupe de spécialistes en santé et environnement a alors été formé afin d’évaluer les cas soumis et de valider les conclusions des études : le Groupe technique d’évaluation (GTE).

L’évaluation du risque toxicologique pour la santé humaine, accomplie conformément aux quatre étapes du NRC, sert à évaluer le risque que comporte le terrain. Si la situation représente un risque significatif pour la santé, des mesures de gestion du risque sont alors mises en œuvre.

Ainsi, les évaluations des risques sanitaires en France et au Québec sont conduites selon un cadre réglementaire sensiblement similaire, visant une gestion des sites contaminés par la mise en œuvre de mesures de gestion afin de garantir l'usage des terrains sans qu’il y ait de risques inacceptables pour la santé des futurs usagers. Elles suivent la même méthodologie générale établie par le NRC, mais en pratique certaines différences apparaissent.

Valeurs réglementaires :

Origine et état des lieux en France et au Québec

Selon la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés du ministère de l'Environnement au Québec, l’évaluation de la contamination et les objectifs de réhabilitation pour des terrains contaminés sont réalisés selon une approche par critères génériques (A, B et C). Le critère A correspond aux teneurs de fond pour les paramètres inorganiques et à la limite de quantification pour les paramètres organiques. Le critère B est défini comme la limite maximale acceptable pour des terrains à vocation résidentielle, récréative et institutionnelle. Il concerne également les terrains à vocation commerciale situés dans un secteur résidentiel. Enfin, le critère C correspond à la limite maximale acceptable pour des terrains à vocation commerciale, non situés dans un secteur résidentiel et pour des terrains à usage industriel.

Ces valeurs, introduites dans la politique de 1998, correspondent presque intégralement aux critères utilisés aux Pays-Bas qui est le premier État à avoir élaboré une liste de valeurs limites pour la contamination des sols. Un ajustement a été apporté à ces valeurs en 2010 pour les hydrocarbures pétroliers, du fait d'une modification de la méthode analytique (Messier, 2010). Une validation des critères a également été lancée en 2001 par l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les risques associés aux critères B ou C ont été évalués.

selon une approche quantitative d’évaluation du risque toxicologique. Le rapport paru en 2005 concluait à des résultats de l’estimation de ces risques excédant les recommandations du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et dont la contribution de l’exposition liée aux critères est plus importante que celle provenant de l'exposition bruit de fond pour cinq substances : cadmium, plomb, chrome, benzène et xylènes. Les critères n'ont pas été à ce jour modifiés.

En revanche, en France, il n’existe pas de valeurs réglementaires de gestion pour le milieu sol. Seules des gammes de valeurs courantes issues de différents programmes d'études de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) sont disponibles pour les éléments traces métalliques.

Pour les autres milieux (eaux souterraines, eaux de surface, air ambiant, denrées alimentaires...), des valeurs réglementaires sont définies, mais pas pour l’ensemble des substances rencontrées dans le cas des sites contaminés. Elles font l’objet d'une synthèse réalisée par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), mise à jour tous les deux ans.

La démarche française de 1996 avait pour objectifs une hiérarchisation des sites contaminés et une réhabilitation systématique de l'ensemble des sites identifiés comme sensible à l'issue de l'ESR. Le classement des sites était réalisé selon plusieurs critères, dont deux types de concentrations dans les sols : la valeur de définition de source-sol (VDSS), en deçà de laquelle on considérait qu’il n’y avait pas de source sol, et la valeur de constat d’impact (VCI-sols), qui intervenait dans la notation de l'impact sur les sols de surface (0-30 cm). Les VDSS et VCI avaient pour origine plusieurs bases étrangères, en particulier la base hollandaise (INERIS, 2006). Elles avaient été mises à jour en 2000 puis 2002, en intégrant des valeurs françaises.

Très vite, ces valeurs ont été utilisées en dehors de leur contexte (classification des sites), conduisant à des démarches incohérentes de gestion des sites contaminés. L'utilisation de ces valeurs était incompatible avec les règles de l'art des EDR en France. Elles ont donc été abrogées en 2008.

[Photo : En France, le recours à l'EQRS comme outil de gestion est quasi systématique dès lors que l'on aborde la réhabilitation d'un site contaminé.]

Mise en œuvre des évaluations des risques toxicologiques

La première différence apparaît lors de la mise en œuvre de l’évaluation des risques toxicologiques. En France, le recours à l'EQRS comme outil de gestion est quasi systématique dès lors que l'on aborde la réhabilitation d’un site contaminé. Au Québec, selon le bilan des terrains contaminés en 2005, seuls 49 dossiers auraient été traités avec une analyse de risque entre 1995 et 2005 (Messier, 2010).

Au Québec, les évaluations du risque toxicologique réalisées dans le cadre du RPRT sont produites uniquement dans les cas où le plan de réhabilitation prévoit de laisser en place des contaminants dont les concentrations excèdent les valeurs limites. Toutefois, les sites contaminés par des produits pétroliers ne peuvent être ni évalués ni gérés par analyse des risques toxicologiques. En effet, bien que le Québec ait participé à l’élaboration de l'approche méthodologique pour établir un critère de produits pétroliers dans les sols, cette approche n’est pas jugée pleinement acceptable par le MSSS. Ce dernier s'interroge sur la représentativité d'utiliser la toxicité d'une seule substance pour faire foi de celle d'un mélange de substances (Messier, 2010).

Il en est de même pour le cas particulier de terrains contaminés réutilisés pour un usage résidentiel : ils doivent être réhabilités aux critères génériques au moins sur les deux premiers mètres. S’il reste une contamination en profondeur, elle peut faire l'objet d'une évaluation des risques (INSPQ, 2012).

En France, des valeurs de référence existent pour certaines substances pour les milieux d’exposition sauf pour les sols. De ce fait, dans la majorité des cas, la présence de pollution conduit à la mise en œuvre d'une EQRS, quelles que soient la nature et l'origine des contaminants.

L'utilisation des critères génériques au Québec présente des avantages tels que la simplicité de la mise en œuvre des comparaisons aux critères ou encore une homogénéité dans l’interprétation des résultats vis-à-vis des critères.

Elle limite également les responsabilités en matière d'interprétation des données et, dans la majorité des cas, aucune pollution résiduelle n’est laissée en place au-delà des critères. Enfin, elle facilite la lecture et la compréhension des études, notamment pour les non-spécialistes du domaine. Leur utilisation peut toutefois présenter des inconvénients, en particulier quand les pollutions sont difficiles à atteindre ou que le volume de terres polluées est important. Les critères étant en effet génériques, ils

[Photo : L’identification des dangers est la première étape de l’évaluation du risque toxicologique.]

ne tiennent pas compte des configurations propres au site et des différentes caractéristiques de la pollution à traiter (Messier, 2010). A contrario, il est possible de croire qu'une meilleure gestion du risque est réalisée dans une approche au cas par cas, puisque la gestion est adaptée au site et ses spécificités.

L’identification des dangers

L'identification des dangers est la première étape de l’évaluation du risque toxicologique. Elle consiste à déterminer et présenter les situations pouvant comporter un risque pour la santé des usagers. « Il s'agit de déterminer de quelle manière une substance peut être à l’origine d’effets sanitaires et quels sont ces effets sanitaires » (NRC, 1983). Il existe une différence entre les approches française et québécoise pour la mise en œuvre de cette étape. En France, l'ensemble des substances mises en évidence dans différents milieux en concentrations supérieures aux valeurs de référence disponibles, ainsi que celles détectées sans valeurs de référence, est retenu. Si, par exemple, un composé est mesuré en concentration inférieure à la valeur de référence dans les eaux souterraines, il n'est pas pris en compte. Au Québec, dès lors que l'analyse des risques est utilisée, tous les composés doivent être retenus, même ceux dont les concentrations respectent les critères réglementaires. L'approche québécoise est donc plus sécuritaire.

Une fois les substances sélectionnées, une analyse de leur toxicité est réalisée sur la base de la bibliographie disponible. Les sources d’informations internationales consultées sont les mêmes.

L’estimation des relations dose-réponses

« Il s'agit de caractériser la relation entre la dose d’une substance administrée ou reçue et l’incidence d’un effet néfaste dans la population exposée » (NRC, 1983). Le but de cette étape est d’élaborer des valeurs toxicologiques de référence (VTR). En pratique, compte tenu de l’exigence et de la complexité à les élaborer, il est d’usage d'utiliser celles proposées par les organismes reconnus, disposant de procédures mises à jour régulièrement.

Concernant le choix des valeurs toxicologiques de référence, la méthodologie définie et les organismes mentionnés par l’Institut national de santé publique du Québec sont sensiblement équivalents aux modalités de choix des VTR décrites dans la circulaire française du 30 mai 2006. Les valeurs issues d’études chez l’Homme sont préférées à celles dérivées à partir d’études sur les animaux. Par ailleurs, la qualité de l'étude pivot est prise en compte tout comme la reconnaissance de l’organisme ayant établi la VTR. La date de révision, les modes de calcul et les facteurs de sécurité appliqués constituent également des critères de choix. On notera toutefois qu’en France, les dérivations de VTR d’une voie d’exposition à une autre ne peuvent être faites que dans le cas où les effets engendrés sont similaires, quelle que soit la voie d’exposition considérée. Dans le cas contraire, aucune transposition n'est réalisée.

L’estimation des expositions

« Cette étape est le processus de mesure ou d’estimation de l'intensité, de la fréquence et de la durée de l'exposition humaine à une substance déjà présente dans l’environnement ou estimation des expositions potentielles pouvant apparaître avec la mise en circulation de nouvelles substances chimiques dans l’environnement » (NRC, 1983). On s'attache ici à estimer les doses auxquelles les populations pourraient être exposées, en tenant compte de la qualité des différents milieux et des différentes voies d'entrée des substances dans l’organisme. Il s'agit de déterminer pour chaque type de populations exposées : la durée et la fréquence de l’exposition, les voies d’exposition et le niveau d’exposi.

[Photo : Il s’agit de déterminer de quelle manière une substance peut être à l’origine d’effets sanitaires et quels sont ces effets sanitaires.]

Étapes

France

Québec

Réglementation en vigueur

Circulaires ministérielles du 8 février 2007 : gestion des risques suivant l’usage.

Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés de 1998 reposant sur des critères génériques définis pour différents usages.

Valeurs de référence réglementaire

Valeurs de gestion réglementaires pour les milieux d’exposition suivants : eau, air ambiant, aliments, mais pas de valeurs de référence pour les sols.

Critères génériques (A, B et C) dans les sols et les eaux.

Mise en œuvre des évaluations de risques toxicologiques

En cas de dépassement des valeurs de bruit de fond ou des valeurs de gestion réglementaires. En l’absence de valeurs dans les sols et de la difficulté à réaliser des mesures dans le milieu d’exposition pour des projets futurs, les évaluations de risques sanitaires sont souvent utilisées.

Quand le plan de réhabilitation du RPRT prévoit de laisser en place des contaminants en concentration supérieure aux critères génériques. Restriction : pas d’évaluation des risques toxicologiques pour les contaminations d’origine pétrolière et pour les usages avec accès à des parcelles individuelles.

Méthodologie générale

Démarche développée par le National Research Council (NRC) en 1983 comprenant 4 grandes étapes.

Identification des dangers

Prise en compte de l’ensemble des substances mises en évidence dans les différents milieux en concentrations supérieures aux valeurs de référence disponibles (air ambiant, eau, denrées alimentaires) ou ne disposant pas de valeurs de référence.

Prise en compte de l’ensemble des composés mis en évidence, même ceux dont les concentrations respectent les critères réglementaires.

Évaluation de la toxicologie des composés sur les mêmes bases de données mondiales.

Choix des VTR dans les mêmes principales bases de données mondiales.

Estimation des relations dose-réponses

Pas de dérivation voie à voie, sauf si les effets engendrés sont similaires, quelle que soit la voie d’exposition considérée.

Pratique de la dérivation voie à voie.

Estimation des expositions

La justification des choix réalisés est indispensable. Certaines différences dans le choix des critères entre la France et le Québec, parfois liées aux spécificités des cibles.

Absence de synthèse, des valeurs sont usuellement retenues, mais le choix final appartient au bureau d’études.

Paramètres d’exposition faisant l’objet d’une synthèse dans un document de 2012.

Caractérisation des risques

Les risques sanitaires sont usuellement calculés sans prise en compte du bruit de fond.

Prise en compte du bruit de fond.

L’analyste se prononce sur l’acceptabilité des risques, par rapport aux critères suivants précisés dans la réglementation :

- QD par organe cible < 1- ERI < 10-5

L’analyste ne se prononce pas sur l’acceptabilité des risques. Les balises considérées pour l’interprétation des résultats sont les suivantes :

- IR < 0,01- risque de cancer < 10-6

Interprétation des résultats

Analyse des incertitudes.

Validation des études par l’administration française pour les sites soumis au régime des ICPE. En dehors de ce contexte, les études ne sont pas toutes validées.

Validation systématique des études par le GTE.

(…)

Il appartient à l’analyste de présenter et justifier les valeurs retenues pour les différents paramètres nécessaires au calcul de la DJE tels que : le poids, le débit respiratoire, la durée d’exposition pour chaque scénario retenu.

Les cibles sont réparties au Québec en cinq classes d’âge contre trois classiquement considérées en France, sauf cas particulier (crèches par exemple). Dans le rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (2012), l’ensemble des paramètres d’exposition liés aux cibles (poids, débit respiratoire, surfaces corporelles, budget espace-temps, fraction des aliments consommés…) a été étudié (INSPQ, 2012). Pour chacun d’eux, des valeurs à retenir sont données avec la source dont elles sont issues. Une telle synthèse n’est pas disponible à ce jour en France. Il appartient à l’analyste de choisir les paramètres retenus, tout en justifiant les choix, parmi les données disponibles dans la documentation et les bases de données existantes. Les valeurs retenues peuvent être plus représentatives des scénarios et des spécificités des cibles (régionales, populations spécifiques…). Cette méthode peut également conduire à des choix de paramètres inadaptés ou erronés et à des absurdités. De plus, cela rend plus difficile l’expertise des dossiers, puisque même si l’ensemble des choix est explicité, les discussions sont toujours possibles. Toutefois, pour la plupart des paramètres, des valeurs sont usuellement retenues au niveau national. L’existence de différences dans les valeurs retenues n’est pas forcément à considérer comme un point négatif. L’estimation des expositions doit se rapprocher au maximum de la réalité. Il est donc naturel de trouver des différences entre le Québec et la France.

Caractérisation des risques sanitaires

« Il s’agit d’estimer l’incidence des effets sanitaires dans la population en fonction des conditions d’exposition définies dans l’étape précédente » (NRC, 1983).

La prise en compte des risques sanitaires liés au bruit de fond constitue également une différence. Il est d’usage en France que les niveaux de risques soient calculés sans intégrer les expositions au bruit de fond. À contrario, sa prise en compte apparaît comme une des étapes de la démarche détaillée dans le rapport de février 2012 de l’Institut national de santé publique du…

[Photo : La réglementation française prévoit que dans le cas des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les plans de gestion soient validés par les services compétents de l'État.]

Québec. Dans le cas où l’exposition au bruit de fond n’est pas connue ni définissable, la méthodologie québécoise permet de ne prendre en compte que les expositions liées au site et au projet à l’étude. Les niveaux de risques calculés sont alors comparés à une VTR correspondant à 20 % de la valeur de référence, ce qui sous-entend que les sources d’exposition, autres que le projet à l'étude, contribuent à 80 % de la VTR (INSPQ, 2012).

Interprétation des résultats et validation des études

À l'issue de la caractérisation des risques, l'étape suivante est l’interprétation des résultats. Au Québec, il est considéré qu'il n’est pas du ressort de l’analyste de définir si un risque est acceptable ou non (Gautier, 2008). Il se doit de présenter les résultats de façon à ce que le gestionnaire se positionne sur l’acceptabilité du risque, car d'autres critères (social, économique) doivent être pris en compte. Il existe toutefois des balises pour guider l’interprétation. Pour les substances non cancérigènes, les doses totales qui découlent de l’exposition doivent être inférieures ou égales aux valeurs de référence, ce qui correspond à un indice de risque (IR) inférieur ou égal à 1. Pour les substances cancérigènes, le risque doit être inférieur à 1 × 10⁻⁶ (un cas supplémentaire de cancer par million de personnes exposées aux contaminants). En France, les critères d’acceptabilité des risques fixés par la réglementation sont un quotient de danger (QD) pour les mêmes effets toxiques ou par organes cibles (QD = IR) inférieur à 1 et un excès de risque individuel (ERI) pour l’ensemble des substances cancérigènes inférieur à 10⁻⁵. Toutefois l’évaluation des risques toxicologiques est un outil d’aide à la décision. Il appartient donc aux donneurs d’ordres de prendre en compte l’ensemble de ces critères (scientifiques, social et économique).

Une autre différence majeure pouvant être soulignée concerne la validation des évaluations de risques sanitaires. La réglementation française prévoit que dans le cas des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les plans de gestion soient validés par les services compétents de l'État. À ce titre, les ARR sont alors soumises à l'avis des Agences régionales de santé (ARS). Il arrive toutefois dans certains cas, que les sites pollués ne soient plus ou pas soumis au régime des ICPE. Les études ne sont alors pas nécessairement soumises à la validation des services de l'État.

Au Québec, les dossiers de réhabilitation des sites sont adressés au ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP). La validation de l’étude est soumise au GTE, constitué de membres permanents et de membres spéciaux.

Une approche en constante évolution

Les évaluations des risques toxicologiques sont utilisées en France et au Québec comme un outil dans le cadre de la gestion des sites contaminés. Elles reposent sur les mêmes fondements, mais ne sont pas réalisées de la même manière. Le recours aux évaluations des risques ne peut intervenir au Québec que dans certains cas précis alors qu’en France, elles sont couramment réalisées dans les dossiers de réhabilitation. Le cadre québécois apparaît plus figé dans le choix des différents paramètres retenus pour évaluer les risques. Il facilite donc la lecture et l’examen de tels dossiers puisqu’une moins grande liberté est donnée aux analystes. Toutefois, cette liberté peut s’avérer être un atout quand elle permet de se rapprocher au mieux des spécificités du site et qu’elle ne conduit pas à des absurdités ou un manque de rigueur. Il est nécessaire de rappeler que ces études sont des outils d’aide à la décision dans des contextes précis, entachées d’incertitudes qui doivent elles-mêmes être évaluées. L’évaluation du risque toxicologique est un domaine relativement jeune qui se caractérise par une évolution rapide des connaissances et des approches méthodologiques. Il est donc primordial de conserver une ouverture d’esprit et de confronter les différences pouvant exister d’un état à un autre dans le but d’obtenir une évaluation des risques juste et précise.

Références bibliographiques

  • + Équipe scientifique sur les risques toxicologiques, Institut national de santé publique du Québec (2012). Lignes directrices pour la réalisation des évaluations du risque toxicologique d'origine environnementale au Québec. Institut national de santé publique du Québec, gouvernement du Québec, Québec, 144 p.
  • + Messier, V. (2010). Étude de l'applicabilité de l’analyse de risque pour les hydrocarbures pétroliers au Québec. Centre universitaire de formation en environnement, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, 96 p.
  • + Gautier, R. (2008). Lignes de conduite pour le traitement des dossiers de terrains contaminés ayant recours à l’analyse de risque. Groupe technique d'évaluation (GTE), ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, gouvernement du Québec, Québec, 29 p.
  • + Institut national de l'environnement industriel et des risques. (2006). La démarche d’évaluation des risques sanitaires pour les substances chimiques : origine, objectifs et postulats aux États-Unis. Rapport d’étude INERIS-DRC-06-75999/DESP.03a, Paris, 23 p.
  • + Institut national de l'environnement industriel et des risques. (2006). Retour d'expérience sur la gestion des sites pollués en France – VDSS, VClsol, outils génériques pour l'évaluation des sites pollués : Évaluation et perspectives. Rapport d’étude INERIS-DRC-06-75999.DESP/R41, Paris, 76 p.
  • + Institut national de santé publique du Québec. (2005). Validation des critères B et C de la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés. Institut national de santé publique du Québec, Québec, 66 p.
  • + Groupe de travail sur les principes directeurs de gestion du risque toxicologique. (2002). Principes directeurs d’évaluation du risque toxicologique pour la santé humaine de nature environnementale. Ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement du Québec, Québec, 87 p.
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements