Depuis quelques années, les municipalités ont été amenées à prendre diverses mesures — renouvellement d’eau moins important, vidanges plus espacées et surtout introduction des pompes à chaleur — pour économiser l’énergie. Ces mesures, très efficaces en ce qui concerne leur objet principal, ont cependant l’inconvénient de favoriser l’accumulation d’haloformes dans l’eau et dans l’air. Conséquence : l’inconfort pour le public et pour le personnel (essentiellement maîtres-nageurs sauveteurs) peut s’avérer important.
Pourtant, tout le monde a pu constater que ce phénomène n’affecte pas également toutes les piscines. Dans certaines, l’atmosphère est agréable alors que dans d’autres, elle est quasiment irrespirable…
Les produits utilisés pour le traitement de l’eau expliquent en grande partie cette différence.
RAPPEL SUR LES COMPOSÉS HALOGÈNES
Toute eau de piscine contient des matières organiques, essentiellement apportées par les baigneurs ; aussi, le traitement stérilisant — traitement qui est indispensable — à l’aide de chlore gazeux, d’hypochlorite de sodium, de produits chlorocyanuriques ou de brome, entraîne la formation de composés indésirables. Ce sont :
- - les chloramines, par réaction avec les matières azotées ;
- - les dérivés organochlorés, par réaction sur certains composés organiques dits précurseurs (l’acide citrique par exemple en piscine) dont les plus importants sont des trihalogénométhanes, généralement nommés haloformes, tels que le chloroforme et le bromoforme.
La teneur en haloformes de l’eau d’une piscine dépend de la charge en précurseur, de la nature du traitement de désinfection, de la teneur en halogènes, de l’âge de l’eau du bassin et du pH.
Ces haloformes, plus ou moins volatils, se retrouveront partiellement dans l’air. Leur pourcentage y est fonction de la quantité présente dans l’eau, de l’agitation de celle-ci (c’est-à-dire essentiellement de la fréquentation), du renouvellement de l’air extérieur et de la température de l’eau (quasiment constante dans les piscines).
ÉTUDE DES COMPOSÉS CHLORÉS DANS L’EAU
Conditions opératoires
Les mesures ont été effectuées sur 10 piscines couvertes, à raison d’une série de mesures par semaine pendant environ 6 mois (20 × 3 prélèvements) :
- - 4 piscines traitées au Surchlor GR 60, dichloro-isocyanurate de sodium anhydre fabriqué par la S.T.S.,
- - 2 piscines traitées au chlore gazeux,
- - 2 piscines traitées à l’hypochlorite de sodium,
- - 2 piscines traitées au brome.
Afin de rendre les résultats plus représentatifs et applicables à l’ensemble des piscines, pour chaque type de traitement, nous avons choisi une piscine de type industriel ou assimilé, c’est-à-dire un bassin de 300 à 350 m² à forte fréquentation scolaire et une piscine de type traditionnel (800 à 2 000 m²) dont la charge en baigneurs (au mètre cube) est plus faible.
Pour chaque série de mesure, nous avons effectué trois prélèvements qui ont permis de mesurer les teneurs en haloformes dans l’eau d’appoint et dans l’eau du bassin, la teneur en haloformes potentiels par surtraitement (10 ppm d’oxydant pendant 48 heures), les caractéristiques chimiques de l’eau (pH, taux de chlore ou de brome) et la teneur en matière organique, le pourcentage de précurseur dans celles-ci pouvant être considéré comme relativement constant.
Trois méthodes ont été utilisées pour mesurer les matières organiques :
- - oxydabilité au KMnO₄ : cette méthode ne dose que les produits oxydables mais dose en plus éventuellement des produits minéraux réducteurs ;
- - absorbance UV à 250 nm : cette méthode est spécifique des doubles liaisons ;
- - COT (appareil Carlo-Erba) : cette méthode dose le carbone organique total mais tous les composés carbonés ne sont pas des précurseurs d’haloformes.
Aucune des trois n’est donc parfaite mais elles donnent cependant une bonne approche.
Les mesures d’haloformes ont été effectuées par injection directe de l’eau sur un chromatographe en
Phase gazeuse HP avec un détecteur à capture d’électrons. La colonne est isotherme, à une température de 150 °C. Ce procédé est très rapide et d’un maniement sûr, évitant les erreurs de manipulation. Il peut cependant donner des résultats légèrement par excès (formation d’haloformes dans le bloc d’injection).
Résultats
Compte tenu du grand nombre de résultats, ceux-ci sont donnés sous forme de moyennes et de courbes.
Caractéristiques physico-chimiques
Sur ce tableau, on peut constater que le Surchlor produit nettement moins de chlore ; combiné que les autres traitements au chlore, il conduit à des valeurs plus faibles pour les teneurs en matières organiques mesurées pour les méthodes KMnO₄ et UV ; le brome donne les valeurs les plus élevées pour les teneurs en matières organiques mesurées pour les méthodes KMnO₄ et UV.
Tableau des moyennes
Traitement | Cl total g/l | Cl libre g/l | Cl combiné g/l | Oxydabilité KMnO₄ mg/l | Absorption UV mg/l |
---|---|---|---|---|---|
Brome | 1,24 | 5,00 | 4,74 | 0,259 | 6,13 |
Chlore gazeux | 1,36 | 0,90 | 0,66 | 7,61 | 1,76 |
Hypochlorite de sodium | 2,35 | 1,96 | 0,415 | 7,79 | 1,84 |
Surchlor | 2,26 | 2,03 | 0,21 | 7,63 | 1,275 |
* corrigé de la valeur correspondant à la teneur en AC** méthode modifiée avec élimination des bromures.
Résultats des mesures de dérivés organiques chlorés
Pour chaque traitement, nous avons établi des moyennes des différents pics trouvés (produits connus ou inconnus). Pour chaque pic le chiffre donné est la valeur de la teneur trouvée dans le bassin diminuée de celle trouvée dans l’eau d’alimentation (exprimé en ppb).
Certains pics n’apparaissent pas systématiquement, donc en plus de la valeur moyenne nous donnons la fréquence d’apparition et le pourcentage moyen.
Nous avons calculé également le pourcentage du dérivé principal (i.e. CHX₃) par rapport au total (point par point) et le pourcentage de CHX₃, et du total trouvé dans le bassin par rapport à ceux observés lors du traitement à taux élevé.
Le tableau A mentionne les résultats des mesures effectuées. Entre les trois types de traitement chlorés, on peut faire les remarques suivantes :
1) Le Surchlor donne nettement moins d’haloformes que le chlore ou l’hypochlorite de sodium :
TABLEAU ARESULTAT DES MESURES DES DERIVES ORGANO-HALOGENES DANS L’EAU
– pour CHCl₃ : hypochlorite de sodium / Surchlor = 2,835 chlore / Surchlor = 2,058
– pour les organochlorés totaux : hypochlorite de sodium / Surchlor = 2,890 chlore / Surchlor = 2,058
2) La teneur en CHCl₃, par rapport aux dérivés organochlorés totaux est d’environ 80 %, quel que soit le type de traitement.
La formation de trihalométhane varie :
1) En fonction de l’âge de l’eau (courbe 1) à partir de la dernière vidange technique : toutes les courbes tendent vers un palier qui est différent selon les produits de traitement ; l’avantage du Surchlor est très net par rapport au chlore et surtout à l’hypochlorite de sodium.
2) En fonction de la teneur en Cl+ ou Br* (mesure du chlore et brome libre par la méthode au DPD – pastille DPD n° 1 – voir courbe 2) ; on fait les mêmes remarques quant à l’avantage du Surchlor et on observe que, si avec ce dernier la pente de la courbe a tendance à baisser en fonction de la teneur en Cl*, elle semble avoir tendance à croître avec l’hypochlorite de sodium et le chlore ; elle est quasiment linéaire avec le brome.
3) En fonction de la teneur en matière organique : quelle que soit la méthode de mesure de la matière organique, les résultats sont équivalents. On se limite donc à donner la courbe en fonction du carbone organique total (courbe 3). On trouve, dans l’ordre de formation croissante du trihalométhane, le Surchlor, le chlore et l’hypochlorite de sodium. La courbe représentative du traitement au brome se situe encore au-dessus, mais il faut tenir compte du fait que les résultats sont exprimés en poids (le rapport des poids moléculaires étant de l’ordre de 2).
4) En fonction du pH : vu les faibles variations de pH, nous n’avons pu établir de corrélation.
Cette étude statistique de la formation de composés organochlorés dans l’eau des piscines nous a montré d’une manière très nette :
— au niveau des chloramines, que le Surchlor en formait beaucoup moins que l’hypochlorite de sodium ou le chlore ;
— au niveau des haloformes, que le Surchlor en donne nettement moins que le chlore ou l’hypochlorite de sodium (rapport de 2 à 3) ;
— que cette formation dépend de l’âge de l’eau, de la teneur en Cl+ ou Br* et de la teneur en matière organique.
ÉTUDE SUR LES COMPOSÉS ORGANIQUES CHLORÉS DANS L’AIR DES PISCINES
Les haloformes
Mise au point des prélèvements
La teneur en haloformes de l’air des piscines étant relativement faible, il est nécessaire, pour pouvoir les doser, de les recueillir par barbotage de l’air dans un solvant approprié ; d’autre part, ces produits assez volatils sont facilement « strippés », d’où un débit maximum à respecter. L’étude de mise au point a donc porté sur :
— le choix du solvant, notamment en fonction de sa qualité solvante, de son temps de rétention dans la colonne (pour qu’il n’y ait pas interférence avec un des produits à doser) et de la pureté du réactif ;
— le débit de l’air, qui ne doit pas être trop élevé pour éviter le phénomène de stripping mais doit être dosé de telle façon que la quantité dissoute soit dosable avec suffisamment de précision, compte tenu de la durée journalière de travail.
En raison des multiples impératifs techniques et pratiques, nous avons retenu, après un grand nombre d’essais, un barbotage d’air dans le méthanol à raison d’un débit d’air d’environ 30 l/h sur 8 heures. Les prélèvements d’air ont été effectués à une hauteur d’environ 40 cm de la surface du bassin et à environ 2 m de celui-ci. Les analyses ont été effectuées par chromatographie en phase gazeuse (température de la colonne : 125 °C).
Caractéristiques des piscines
Seules sept piscines ont été retenues pour cette deuxième partie, dont les caractéristiques sont mentionnées dans le tableau B.
Tableau B : Caractéristiques des piscines utilisées dans l’étude des composés chlorés dans l’air
Piscine | Traitement | Volume | Surface | Fréquentation | Renouvellement |
---|---|---|---|---|---|
1 | Cl₂ gazeux | 900 m³ | 200 m² | moyenne | très important |
2 | Cl₂ gazeux | 400 m³ | 400 m² | moyenne | pompe à chaleur |
3 | brome « caneton » | — | — | moyenne | 1 h |
4 | surlch « caneton » | — | — | forte | pompe à chaleur |
5 | surlch | 4 000 m³ | 450 m² | moyenne | en 3/4 h |
6 | hypochlorite | 2 300 m³ | 250 m² | moyenne | indéterminé |
7 | brome « tournesol » | — | — | forte | peu important |
Résultats relatifs aux trichlorométhanes
Les résultats sont regroupés sur la courbe a (les traits pleins correspondent à la zone des mesures).
Pour chaque piscine et dans le domaine étudié, le pourcentage des trihalométhanes dans l’air correspond à une fonction linéaire de la teneur en trihalométhanes dans l’eau, ce qui signifie que leur teneur dans l’air dépend directement de la teneur dans l’eau. Les différences entre chaque piscine sont dues à l’agitation mais surtout aux conditions de renouvellement en air frais.
Quelques considérations sur l’ensemble des dérivés organiques chlorés
Les trihalométhanes représentent la plus grande part des dérivés organiques chlorés présents dans l’air :
- — en moyenne 55 % de CHCl₃ pour des piscines traitées au chlore,
- — en moyenne 71 % de CHBr₃ pour celles traitées au brome, contre plus de 80 % dans l’eau, dans les deux cas.
En effet, un certain nombre de composés sont très volatils et ne se rencontrent pratiquement pas avec l’eau (trichlorométhane, chlorobromométhane).
Les résultats sont mentionnés dans le tableau C.
Le chlore actif
Après mise au point de l’appareillage, nous avons opéré avec trois colonnes à garnissage remplies d’une solution d’iodure de potassium acide, le débit d’air étant de 2 m³/h.
La mesure du pouvoir oxydant a été effectuée par iodométrie.
L’ensemble des résultats est reporté sur la courbe b, dont l’examen amène les mêmes remarques que celles relatives à la teneur en dérivés organochlorés.
CONCLUSION
Aussi bien pour les haloformes que pour le chlore oxydant, nous avons pu montrer que dans tous les cas, la teneur de ces éléments dans l’air correspond à une fonction linéaire de leur taux dans l’eau. On peut donc considérer que l’étude de l’eau contenant ces éléments est suffisante pour caractériser le potentiel de la pollution induite dans l’air ambiant.
Par ailleurs, les valeurs maximales observées ont été les suivantes, comparées aux normes d’exposition dans les locaux de travail aux États-Unis (mg/m³) :
Valeurs observées | Normes U.S. | |
---|---|---|
Brome | 0,6 | 0,7 |
Chlore | 0,6 | 3 |
Bromoforme | 0,5 | 5 |
Chloroforme | 0,3 | 50 |
Il faut cependant noter que les mesures ont été effectuées en période hivernale pendant laquelle l’eau est peu chargée. En période estivale des mesures ponctuelles, déclenchées à la suite de problèmes d’odeur, ont montré des teneurs dans l’eau nettement plus élevées (3 à 4 fois). On peut donc craindre que, dans certains cas, la valeur limite de la norme puisse être dépassée pour certains composés.
La nature du traitement stérilisant constitue le facteur essentiel pour agir sur la teneur en dérivés organiques chlorés dans l’air et dans l’eau, l’action sur les autres facteurs — charge en matière organique dans l’eau, âge de l’eau du bassin, teneur en halogène — étant limitée en raison de problèmes de coûts et de la législation.
À cet égard, il est certain que le traitement au Surchlor, toutes choses égales par ailleurs, donne nettement moins de composés organiques halogénés et limite les risques de pollution et d’inconfort des piscines.
Remerciements : Nous remercions la Société Saunier Eau et Environnement pour son aimable contribution à cette étude.
Vers l’utilisation d’une biomasse spécialisée dans le traitement des eaux usées
Gérald SCAMMELL Gamlen (Sybron) S.A.
Durant presque un demi-siècle après la découverte, par Arden et Lockett, du procédé des boues activées, il y a eu très peu de changements importants dans le traitement des eaux usées : des améliorations ont été apportées dans l’application du principe, mais la base des systèmes est restée la même.
Depuis le début des années 60 nous avons vu apparaître une grande variété de procédés, tels que le disque biologique, le biofiltre à garnissage plastique, le traitement à l’oxygène pur, le lit fluidisé, etc. Ce développement des innovations est lié à plusieurs faits :
— l’augmentation du coût de l’énergie qui a renouvelé la recherche de l’économie,
— le développement des transferts d’idées entre les disciplines, spécialement le génie chimique,
— la nécessité de traiter les effluents industriels.
LES EAUX USÉES INDUSTRIELLES
Dans un premier temps, elles étaient souvent envoyées dans une station d’épuration municipale. En théorie, leur forte dilution dans les eaux urbaines et l’apport de nutriments par celles-ci, évitent les problèmes, mais deux tendances ont entravé cette approche :
— l’eau de ville étant d’un prix très élevé, les usines ont cherché à diminuer leur consommation, ce qui a eu pour résultat une augmentation de la concentration des polluants ;
— la croissance des industries de chimie de synthèse, des raffineries, des usines de textile, etc., a créé des effluents toxiques ou difficilement dégradables.
L’augmentation des taxes sur la pollution a incité les industries à réaliser un prétraitement sur le site de l’usine. Pour les effluents de traitement de surface, papeteries et autres, un procédé physico-chimique peut diminuer suffisamment le taux de polluants afin qu’ils soient rejetés à la station d’épuration municipale, mais on trouve de plus en plus de composants sur