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Etude pilote sur la nitrification-dénitrification biologique

27 février 1997 Paru dans le N°199 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Bernard FABRE et Olivier DIETSCH

La Directive Européenne sur les Eaux usées du 21 mai 1991 impose à la station d'épuration des Trois Frontières un rejet en azote global inférieur ou égal à 15 mg/l ou 80 % d'abattement. Cette station n'éliminant pas l'azote, nous avons réalisé une étude pilote pour définir les paramètres nécessaires à une nitrification-dénitrification biologique. Puis, nous avons effectué deux propositions de redimensionnement du traitement biologique, avec création d'une zone d'anoxie en tête. La mise en conformité de la station d'épuration des trois frontières pourrait consister en une multiplication par 3 à 5 de la taille du traitement biologique.

Dans les zones considérées sensibles, la Directive Européenne sur les Eaux Usées élaborée le 21 mai 1991 impose à une station d’épuration traitant une pollution inférieure à 100 000 eq.hab un rejet en azote global de 15 mg l-¹ (ou 80 %) et de 2 mg l-¹ (ou 80 %) pour le phosphore.

La station d’épuration du District des Trois Frontières rejette dans le Rhin et ne traite ni l’azote ni le phosphore. Une étude pilote a été effectuée pour suivre l’évolution de l’azote dans le but de proposer une approche d’un nouveau dimensionnement du traitement biologique. Les travaux relatifs au phosphore ont fait l’objet de deux articles (Fabre et al., 1994 ; Fabre et Dietsch, 1996).

L’azote dans les eaux usées

Il est rejeté en moyenne 13 à 15 g d’azote par habitant et par jour, dont 1/3 sous forme ammoniacale et 2/3 sous forme organique. L’élimination de l’azote par voie biologique consiste à oxyder l’azote ammoniacal en azote nitreux puis en azote nitrique en milieu aérobie, puis à réduire les nitrates en azote gazeux en zone anoxie. Les différentes étapes sont :

  • - assimilation et ammonification : les micro-organismes assurant l’élimination de la charge polluante organique ont besoin d’azote pour leur métabolisme. Ces besoins sont de l’ordre de 5 % de la DBO₅ éliminée par la culture bactérienne.
  • - nitrification : l’équation bilan tenant compte de la synthèse et de l’oxydation donne :
    NH₄⁺ + 1,83 O₂ + 1,98 HCO₃⁻ = 0,021 C₅H₇NO₂ + 1,041 H₂O + 0,98 NO₃⁻ + 1,88 HCO₃⁻ (1)

    1 g d’azote ammoniacal nécessite 4,18 g d’oxygène pour être transformé en azote nitrique. Les paramètres nécessaires à la nitrification sont notamment :

    • - âge de boues > 12 jours
    • - Cm < 0,1 kg DBO₅ / kg MS·j
    • - O₂ dissous > 1,5 mg l-¹
    • - cinétique de nitrification : 72 g d’azote nitrifié / kg MS·j (Pellas et al., 1995)
  • - dénitrification :
    2 NO₃⁻ + 2 H₂O → N₂ + 2,5 O₂ + 3 H₂O (2)

    L’élimination de 1 g d’azote nitrique s’accompagne de la restitution de 2,85 g d’oxygène. Les paramètres nécessaires à la dénitrification sont notamment :

    • - pH > 7
    • - O₂ dissous < 0,2 mg l-¹
    • - DCO / N-NO₃⁻ = 10
    • - cinétique de dénitrification : 72 g d’azote dénitrifié / kg MS·j (Pellas et al., 1995)

La station d’épuration de Village Neuf

La station d’épuration de Village Neuf, assujettie au niveau de rejet « e », a déjà

[Photo : Schéma du pilote]

fait l'objet d'une description détaillée (Fabre et Dietsch, 1996). Le traitement biologique est assuré par deux bassins d’aération de 1 600 m³ chacun, suivis d'un clarificateur de 6 460 m³. Les boues sont recirculées du clarificateur vers le décanteur primaire. Les boues en excès sont envoyées vers un épaississeur.

La station reçoit en moyenne 19 220 m³/j, constitués d’eaux claires et peu chargées dues à des infiltrations d’eau de la nappe phréatique et à des rejets d’eaux peu polluées de la part des industries raccordées. La pollution organique en entrée est peu importante (DCO < 500 mg/l, et DBO₅ < 120 mg/l), la station fonctionnant en sous charge polluante (Tableau I). La pollution azotée est en moyenne de 38 à 47 mg/l en NTK. La pollution apportée par les nitrites et les nitrates est très faible dans l’eau brute. Les charges particulaires sont en général inférieures à 200 mg/l.

On constate (Tableau I) que les pollutions carbonées et particulaires sont parfaitement éliminées, la station respectant la norme de rejet « e ». Le phosphore n'est absolument pas traité sur la station de Village Neuf (Fabre et al., 1994 ; Fabre et Dietsch, 1996). La pollution azotée est éliminée à 50 % bien que la station ne soit pas conçue pour cela, mais le rejet moyen en NGL (25 mg/l) est toujours supérieur à celui qui sera exigé par la Directive Européenne (15 mg/l).

Une consommation de l’azote s’effectue par la croissance cellulaire et il se produit une nitrification dans les bassins d’aération en même temps que s’effectue l’élimination de la pollution carbonée. On constate en moyenne une plus forte teneur en nitrates à la sortie de la station qu’à l’entrée, même si cette teneur reste relativement faible. Ce phénomène est souvent décrit dans la littérature (Pereira, 1996). Pour éliminer l’azote il faudrait un âge de boues d’au moins 10 jours. L’âge de boues actuel, inférieur à 6 jours, est donc beaucoup trop faible et la charge massique est également trop élevée de par le fonctionnement en moyenne charge.

Étude pilote

Le pilote (Figure 1) est un contrôleur de biodégradabilité BIO BLOCK n° K83526 comportant :

  • - un dispositif de commande constitué d'une pompe d’alimentation et d’une pompe de recirculation et un système de production d’air. Les pompes ont fonctionné en discontinu, le débit d’alimentation de 5,7 litres/jour étant égal au débit de recirculation ;
  • - un bassin d’aération par insufflation d’air de 9 litres. La liqueur accède à un clarificateur à fond conique de 5 l par une surverse ;
  • - un système de recirculation des boues du clarificateur vers le bassin d’aération ;
  • - une zone d’anoxie rajoutée en tête afin de réaliser la dénitrification.

Le pilote a été alimenté soit par l'eau issue du décanteur primaire (Essai I), soit par l'eau prétraitée de la station, afin d’éviter de perturber le fonctionnement du pilote par les sables et les graisses (Essai II), la décantation primaire éliminant environ 30 % de la DBO₅.

L’alimentation avec l’eau prétraitée permet d’apporter la pollution carbonée indispensable aux bactéries nitrifiantes présentes dans le bassin d’aération (Martin et Bontoux, 1981). Les charges moyennes entrantes dans le pilote ont été :

Pour l’Essai I :

  • - DCO = 186 mg/l
  • - DBO₅ = 71,5 mg/l
  • - MES = 54 mg/l
  • - NTK = 38,6 mg/l
  • - NGL = 40 mg/l

Pour l’Essai II :

  • - DCO = 309 mg/l
  • - DBO₅ = 98,5 mg/l
  • - MES = 118 mg/l
  • - NTK = 47 mg/l
  • - NGL = 49,6 mg/l

L’élimination des charges carbonées et particulaires est excellente sur le pilote que ce soit avec une alimentation par de l’eau décantée ou par de l’eau prétraitée. Le pilote permet d’obtenir un rejet de norme « e » pour la pollution carbonée et « f » pour la pollution particulaire.

On constate que, lors des essais pilote, les nouvelles normes de rejets sont en général bien respectées pour l’azote (Figures 2 et 3) malgré des rendements faibles certainement dus au fait que les recirculations des boues et liqueur mixte ne sont qu’imparfaitement réalisées. Les paramètres nécessaires à la nitrification-dénitrification ont été en général obtenus. On constate également qu’avec un âge de boues élevé (15 à 20 jours), on a une meilleure élimination de la pollution azotée.

Tableau I : Charges reçues par la station

EntréeSortie% élimination
Débit (m³/j)18 44215 500
DCO (mg/l)2607272
DBO₅ (mg/l)971694
NTK (mg/l)382340
NGL (mg/l)412832
MES (mg/l)958,191,5
[Photo : Figure 2 : NGL entrée et sortie Essai I]

rapport DCO/N-NO3^- s’explique par le fait qu'il n'y a pas de recirculation des nitrates contenus dans les boues, ce qui augmenterait leur concentration en zone anoxie et diminuerait le ratio. Ces résultats montrent la limite du phénomène d’élimination de la charge azotée du fait de la recirculation imparfaite de la liqueur mixte et des boues dans la zone d’anoxie.

Étude d’un nouveau dimensionnement du traitement biologique

Conception

On place en tête la zone d’anoxie qui assure la dénitrification. Le bassin d’aération assure l’élimination de la charge carbonée et l’oxydation de l’azote ammoniacal en nitrates. La recirculation de la liqueur mixte du bassin d’aération vers la zone d’anoxie apporte les nitrates à éliminer formés dans le bassin d’aération et permet d’avoir un ratio DCO/N-NO3^- équilibré et supérieur à 10. La recirculation des boues du clarificateur vers la zone d’anoxie amène la flore dénitrifiante privée d’oxygène dissous et les nitrates résiduels.

Nous proposons deux dimensionnements des nouveaux ouvrages du traitement biologique suite aux essais I et II. Nous nous basons sur un rejet en NGL de 15 mg/l (10 mg/l en NTK, 5 mg/l en NO3^-). Les caractéristiques de l’eau de la station sont conservées, mais nous prenons en compte les rendements épuratoires obtenus sur le pilote notamment pour la DBO5, la charge massique et l’âge des boues.

Nous proposons le dimensionnement de la zone d’anoxie et de la zone aérée, et également estimons la quantité d'oxygène nécessaire à la nitrification-dénitrification. Nous donnons (§ V 2 et § V 3) uniquement les résultats du dimensionnement, les détails étant donnés en annexes.

Annexes

a - Volume du bassin d’aération : V = Quantité de DBO5 à éliminer / Charge volumique.

b - Azote nitrifié : NTK en entrée ‑ NTK en sortie ‑ N des boues avec N boues estimé à 5 % de la DBO5 éliminée (kg/j) (Pellas et al., 1995).

c - Les besoins en oxygène pour éliminer la pollution carbonée sont : Qté O2p = a’ (I0-If) + b’’ × V, avec a’ = 0,65 = quantité d’oxygène nécessaire à l’oxydation de 1 kg de DBO5 I0-If = quantité de DBO5 à éliminer b’’ = quantité d’oxygène nécessaire au métabolisme endogène de 1 kg de matières volatiles en suspension dans les boues, exprimée en kg d’O2/kg MS. Dans notre cas b’’ = 0,07 × V = Volume du bassin d’aération . MS

d - Masse de boues nécessaires à la nitrification - Flux d'azote nitrifié / Vitesse de nitrification avec vitesse de nitrification = 3 g NO3^-/kg MS/h

Masse de boues nécessaires à la dénitrification - Flux d’azote dénitrifié / Vitesse de dénitrification avec vitesse de dénitrification = 3 g NO3^-/kg MS/h

e - Vol. Zone d’anoxie = MS produites / MS Biologique.

[Photo : Figure 3 : NGL entrée et sortie Essai II]

Pour les deux études, le débit d’entrée est fixé à 19 220 m³/j et la teneur en matières sèches des boues dans le bassin d’aération est de 2,2 kg/m³. La charge volumique est de 0,13 kg DBO5/m³.j, la charge massique est fixée à 0,067 kg DBO5/kg M.S.j.

Dimensionnement des ouvrages à partir des résultats de l’Essai I

1 kg de DBO5 éliminée produit 1 kg de MS. La DBO5 en entrée est de 71,5 mg/l et en sortie nous avons obtenu sur le pilote 12 mg/l. La DBO5 à éliminer est donc de 59,5 mg/l soit 1 145 kg/j.

Cela nous permet d’estimer le volume du bassin d’aération pour éliminer cette pollution carbonée. On obtient un volume de 8 800 m³ (Annexe a).

L'étape suivante de notre démarche sera le calcul de la quantité d’oxygène nécessaire à l’élimination de la pollution carbonée et azotée :

- quantité d’oxygène nécessaire pour la nitrification. Nous avons besoin de la quantité d’azote à nitrifier puis à dénitrifier (Annexe b), soit 493 kg d’azote à nitrifier. Comme la nitrification de 1 kg d’azote nécessite 4,18 kg d’oxygène, la nitrification totale nécessite 2 060 kg d’oxygène. - quantité d’oxygène restituée par la dénitrification : 1 kg d’azote dénitrifié restitue 2,85 kg d’oxygène, on aura une restitution de 1 043 kg d’oxygène par les 397 kg d’azote dénitrifié. - quantité d’oxygène nécessaire pour l'élimination de la DBO5 (Annexe c) Les besoins en oxygène pour l’élimina-

tion de la pollution carbonée sont de 2 100 kg d’oxygène. Les besoins totaux en oxygène pour éliminer carbone et azote sont donc de 3 030 kg.

Nous allons maintenant calculer le volume de la zone d’anoxie à l'aide de la vitesse de dénitrification de 3 g de N-NO₃⁻/kg MS h. Le calcul de la quantité de boues produites lors de la nitrification (Pellas et al., 1995) donne 6 847 kg de MS produites. Connaissant la quantité de MS du traitement biologique (2,2 kg/m³), nous pouvons calculer le volume de la zone d’anoxie, soit 3 110 m³ (annexes d et e).

Dimensionnement des ouvrages à partir des résultats de l’Essai II

La DBO₅ en entrée est de 98,5 mg/l et en sortie nous avons obtenu sur le pilote 16 mg/l. La DBO₅ à éliminer est donc de 82,5 mg/l, soit 1 585 kg/j. Cela nous permet de calculer le volume du traitement biologique pour éliminer cette pollution carbonée : 12 190 m³.

- quantité d’oxygène (Annexe c). La quantité d’oxygène nécessaire pour la nitrification est de 2 640 kg pour les 632 kg d’azote à nitrifier. La dénitrification restitue 1 527 kg d’oxygène.

Les besoins en oxygène pour éliminer la pollution carbonée sont de 2 907 kg. Les besoins totaux en oxygène pour éliminer carbone et azote sont donc de 4 020 kg.

- volume de la zone d’anoxie : connaissant la vitesse de dénitrification, nous pouvons calculer la quantité de matières sèches produites, soit 7 445 kg. Connaissant la quantité de MS du traitement biologique (2,2 kg/m³), nous pouvons calculer le volume de la zone d’anoxie : 3 384 m³.

Conclusion

L’étude pilote a permis de montrer que l’effluent de la station est apte à subir une nitrification-dénitrification biologique. La suppression du décanteur primaire permet l’utilisation du carbone organique de l’eau brute pour dénitrifier sans apport d’autre source carbonée. L’application de la Directive entraîne la construction de nouveaux ouvrages ou l’extension de ceux déjà existants. Dans le cas de la station d’épuration des Trois Frontières, il faudrait envisager au minimum d’augmenter de 3 à 5 fois le volume du traitement biologique.

Bibliographie

- Fabre B., Beauseigneur J.P., Clamens B., Dietsch O., 1994. Déphosphatation simultanée sur pilote. Essais d’un nouveau floculant le VTA 24-5. L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, (175), 75-77.

- Fabre B., Dietsch O., 1996. Déphosphatation physico-chimique sur pilote. Application à la station d’épuration de Village Neuf (Alsace). TSM, 11, 61-66.

- Martin G., Bontoux T., 1981. Dénitrification. Tribune du Cébedeau, 457, 34, 527-535.

- Pereira L.B.B., 1996. Modélisation et simulation d’une station d’épuration des eaux usées urbaines par boues activées. Thèse INPL-Biotechnologies et Industries Alimentaires. Nancy.

- Pellas L., Beutler E., Gilles P., 1995. Modélisation déterministe des boues activées et méthodes de dimensionnement classique. TSM, 9, 673-682.

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