Le risque était grand, et à la mesure de ce qu’a apporté de positif sur le plan de l’hygiène publique l’assainissement collectif. Seulement et « fort heureusement », la construction des égouts et des stations d’épuration entraîne des dépenses importantes pour la collectivité si bien que les réalisations étant par force étalées dans le temps, une prise de conscience a pu s’opérer vis-à-vis des choix à faire pour assainir telle ou telle commune. On a pu se rendre compte que les techniques utilisées pour les grandes agglomérations ne pourraient sans inconvénient majeur être transposées pour les plus petites. Pour des raisons financières d’abord, on a pu vérifier que dans certains cas, l’endettement de la commune (pourtant aidée par l’État et/ou les Régions – Départements – Agence de Bassin) dû à la réalisation d’un assainissement collectif peut être tel pour une commune qu’elle doive renoncer pour plusieurs années à tout autre investissement collectif.
Mais aussi pour des raisons techniques : le recours à l’assainissement collectif a pour effet de concentrer les effluents vers un point unique de rejet suivant une station d’épuration dont le fonctionnement nécessite des connaissances techniques plus à la portée des grandes agglomérations que des petites. Les aléas de fonctionnement de la station d’épuration et/ou la concentration des rejets peuvent apporter des désordres au cours d’eau récepteur, tels que la qualité de son eau soit plus mauvaise après réalisation des travaux d’assainissement qu’auparavant.
Cette situation n’est pas hypothétique, elle a été révélée à plusieurs reprises lors de l’élaboration des dossiers d’objectifs de qualité des rivières. Il convenait de choisir un autre système d’assainissement mais force est de reconnaître que pour le Maire d’une commune : s’il envisage un assainissement collectif il ne manque ni de conseillers, ni de sources de financement, par contre si ce n’est pas le cas, il se retrouve bien seul.
par , IGREF,
Sous-Directeur « Pollution et Qualité des Eaux »,
Agence Financière de Bassin « Seine-Normandie »
C’est pour éviter cette difficulté que l’Agence de Bassin « Seine-Normandie » a cherché à examiner le cas d’un certain nombre de communes ou de groupements de communes. Parmi les études entreprises, celle concernant le Canton d’Amfreville-la-Campagne est la plus avancée et la plus complète.
On a cherché dans ce cas particulier à examiner les problèmes techniques et financiers qui se posent quand on veut maintenir et développer un assainissement non exclusivement collectif.
Comme indiqué dans l’article de M. Jean Schneider, une première étude légère a été réalisée sur le canton afin de se rendre compte rapidement si l’hypothèse visant à maintenir au maximum l’assainissement non-collectif était réaliste.
La carte ci-après peut résumer cette phase d’investigation. La réponse était oui à l’hypothèse que l’on vient d’énoncer. Quelques secteurs du canton posaient néanmoins des problèmes qu’il faudrait trancher par un examen plus approfondi.
Compte tenu de ces enseignements, il était possible de lancer l’étude proprement dite visant à définir les modalités de l’assainissement dans ce canton.
LE CAHIER DES CHARGES DE L’ÉTUDE
Outre l’approfondissement de la première étude pour les zones dites « sous réserves » dans le but de lever l’incertitude quant au maintien de l’assainissement autonome, on indiquera ci-après les travaux essentiels à accomplir dans le cadre de l’étude accompagnée de quelques résultats.
1°) Établir un inventaire des moyens d’assainissement existants sur le canton.
Le but de ce travail est de pouvoir définir et chiffrer au niveau de l’aire géographique de l’étude, le coût des travaux éventuels de mise en conformité des dispositifs d’épuration existants. On veut se situer au niveau de ce que l’on pourrait appeler un avant-projet d’assainissement.
[Photo : Carte du canton-pilote d’Amfreville-la-Campagne (27 Eure) avec légende : « Zone Assainissement Autonome – Sous réserves. » et « Zone déjà équipée en Zone Assainissement collectif. »]
Il n'est pas question de visiter chaque maison, cela relèvera du dossier d'exécution. L’étude a porté sur un échantillon au 1/10 (200 maisons inventoriées sur un peu plus de 2 000 dans le canton). Il semble que la taille de l’échantillon soit suffisante. La vérification sera faite lors de l'application concrète sur le terrain.
On peut d’ores et déjà caractériser les installations individuelles présentes dans le canton.
Bacs à graisse :
- — 25 % des habitations visitées en sont dépourvues,
- — 50 % sont de taille insuffisante.
Fosses septiques :
- — 9 % des habitations visitées en sont dépourvues,
- — 70 % sont de taille insuffisante.
Épurateurs ou filtres :
- — 60 % des habitations visitées en sont dépourvues.
Dispersion – rejet :
- — par épandage peu profond : 70 % ;
- — par rejet dans le milieu naturel superficiel : 63 % ;
- — par puits d'infiltration (boitou) : 53 % ;
- — par plateau d’évapotranspiration : 9 %.
Appréciation du fonctionnement des dispositifs par les habitants.
Réponses aux questions :
Votre dispositif d’assainissement vous pose-t-il des problèmes ?
- — non : 61 %,
- — oui : 39 %.
Quel problème ?
- — odeur : 38 %,
- — mauvaise infiltration : 44 %,
- — débordement : 27 %,
- — autres : 3 %.
2) Établissement de documents communaux.
L'objectif poursuivi est de fournir aux responsables de chaque collectivité les contraintes imposées par l'assainissement sur les problèmes d’urbanisme. À cet effet chaque dossier constitué doit comprendre :
— des données générales sur la commune,
* la population et son évolution,
* l’habitat (type de maisons, surfaces des parcelles),
* la consommation d'eau et l'équipement en appareils ménagers (résulte de l'inventaire décrit ci-dessus en utilisant les éléments de la commune s'ils sont suffisamment nombreux ou la moyenne cantonale dans le cas contraire).
— un extrait détaillé de l'inventaire des dispositifs au niveau de la commune ;
— une appréciation de la mise en œuvre de l’assainissement autonome.
Il s'agit de définir des zones homogènes quant aux prescriptions à imposer au niveau de traitement des eaux usées ainsi qu’à leur rejet dans le milieu naturel. La méthode décrite dans l'article « Diagnostic de l'aptitude des sites à l'assainissement autonome » de MM. MAZOIT et VALIN prend dans ce cadre toute son importance.
— une définition des règles particulières à observer.
Il s'agit de décrire les règles à utiliser pour mettre en conformité les dispositifs existants ou définir ceux qui devront être installés pour les nouvelles constructions.
Il va de soi que des éléments relatifs à la taille des parcelles à lotir prennent leur place dans ce chapitre.
3) Mise en œuvre et gestion de l’assainissement.
Comme dans tout avant-projet, il convient de réaliser un devis estimatif des travaux à entreprendre. Ce travail doit être facilité par l'inventaire des dispositifs existants. Le recueil des prix pratiqués par les entrepreneurs dans la zone où se situe l'étude paraît important. Il est en effet probable que les mises en conformité éventuelles seront réalisées par des entreprises locales.
Un point important devra être abordé : est-il possible de définir un système de gestion de cet assainissement non collectif ? Comme tout dispositif, il faut en effet le surveiller, le renouveler : en somme l'entretenir. Des produits de curage périodique des différents éléments doivent être évacués et aboutir dans un lieu où ils n’apporteront pas de nuisance à l'environnement.
EN CONCLUSION
L'étude-pilote réalisée sur le Canton d’Amfreville avait deux objectifs qu'il n’est pas mauvais de rappeler :
— établir la possibilité de réaliser des avant-projets d'assainissement non exclusivement collectifs et définir un cahier des charges pour les études nécessaires à l’établissement de tels avant-projets ;
— étudier la mise en œuvre des travaux nécessaires à la mise en conformité des dispositifs d’assainissement individuel et bâtir un éventuel système de gestion de ces dispositifs.
Concernant le premier de ces objectifs, on peut considérer qu'il est atteint par l'étude sur le canton, mais aussi grâce à quelques autres études en voie d'achèvement ou en cours. Un guide technique doit pouvoir être établi prochainement.
Pour le deuxième objectif, on peut dire que tous les éléments nécessaires à sa réalisation ont été rassemblés dans le cadre de l’étude-pilote. Reste maintenant à les assembler pour voir dans quelles conditions des collectivités qui souhaiteraient maintenir un assainissement non exclusivement collectif pourraient bénéficier d’aides financières et bâtir un système de gestion collectif de ces dispositifs individuels. Cette étude-pilote doit aussi contribuer à enrichir les réflexions du groupe de travail sur l'assainissement individuel installé à l'échelon national.
R. PINOIT.
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