Actuellement, les rejets d’eaux industrielles contenant des quantités relativement importantes de substances phénoliques constituent un problème de plus en plus préoccupant et une menace constante pour l'environnement aquatique.
En effet, en activité normale, une raffinerie peut rejeter jusqu’à 0,5 mg/l de phénol alors qu'une unité de craquage catalytique d’hydrocarbures peut en rejeter jusqu’à 1 mg/l (1).
Cependant, la concentration maximale admissible de phénol dans une eau destinée à la consommation est de 0,001 mg/l (2).
De ce fait, il est important de mettre l'accent sur la nécessité de mise en œuvre des traitements adéquats pour réduire ce type de pollution et la prévenir rigoureusement.
En général, l’élimination de ce type de pollution nécessite le recours au traitement par adsorption sur charbon actif.
En effet, l’efficacité et la fiabilité de cette opération ne sont plus à démontrer.
Ainsi, son emploi sous forme granulaire élimine une gamme très vaste de contaminants qui ne sont peut être même pas détectables.
De plus, l’adsorption offre une plus grande sécurité ce qui, indépendamment des raisons économiques, en a fait la technologie privilégiée pour le traitement des eaux contaminées (3).
L’objectif de ce travail est de mettre en application un déchet de café-boisson comme matériau adsorbant pour la dépollu-
[Photo : Figure n° 1 : Variation de la quantité de phénol adsorbée sur différents charbons actifs en fonction du temps de contact.]
Ce déchet est activé chimiquement et thermiquement avant d’être utilisé. L’intérêt de ce travail est donc triple.
- 1°) Valoriser les déchets de café-boison.
- 2°) Remplacer les produits existants (charbon actif commercial) par ce nouveau matériau aussi performant et moins onéreux.
- 3°) Applications dans la dépollution des eaux.
Cette valorisation permettra de limiter le volume croissant des déchets de café et d’allonger la durée de vie de ces matériaux qui constituent une source de richesse exploitable en charbon actif. La mise en œuvre industrielle du charbon actif varie selon la nature du procédé utilisé ; elle dépend à son tour des caractéristiques de la matière ou de l’effluent à traiter. Cependant, le plus souvent, on utilise dans le traitement des eaux résiduaires industrielles des lits fixes à charbon actif à l’état granuleux dans des colonnes ou dans des filtres appropriés opérant le plus souvent en continu (4).
Étude de faisabilité :
On étudie généralement la faisabilité d’un traitement au charbon actif en obtenant un isotherme d’adsorption pour chacun des composés à éliminer et/ou pour un paramètre global. On obtient des données permettant le tracé des isothermes d’adsorption en traitant des volumes fixes d’eau contaminée par une série de poids connus de charbon actif. Les mélanges charbon-eau sont ensuite brassés pendant un temps suffisamment long pour atteindre l’équilibre. Après élimination du charbon actif par filtration, les concentrations résiduelles sont déterminées par spectrophotomètre U.V-visible dans le cas du phénol. En effet, ce composé ainsi que les molécules aromatiques absorbent intensément dans la partie U.V. du spectre, ce qui fait que cette technique est la plus appropriée pour le dosage de ce type de substance dans les milieux aqueux, car elle offre une grande fiabilité pour sa simplicité, sa précision et sa rapidité.
[Photo : Figure n° 2 : Variation de la quantité adsorbée de phénol en fonction de la température pour le charbon actif préparé et charbon actif (A).]
Bien que les isothermes soient très utiles pour évaluer la faisabilité d’un traitement au charbon actif granuleux et pour avoir une meilleure idée de l’adsorption relative des différents composés ainsi que l’impact de la modification des concentrations d’entrée sur l’obtention de l’équilibre, leur utilisation pratique dans l’industrie de l’eau est très limitée. Les isothermes de laboratoire appliqués à des solutions artificielles à un seul constituant ne doivent être considérés que comme un outil de recherche. L’emploi d’un isotherme d’adsorption sur un échantillon réel de l’eau contaminée donnerait une bien meilleure image, à condition que l’on puisse surmonter les difficultés analytiques inhérentes à la technique lorsqu’elle est appliquée à des composés très volatils ou à des traces de substances organiques présentes à des concentrations ultra-faibles.
Étant donné qu’un isotherme est une image statique d’un ensemble de conditions d’équilibre, il ne peut donner une colonne. Il ne montre pas l’influence de l’adsorption concurrente ni de l’objectif du traitement sur le taux d’utilisation du charbon actif (3).
Pour une meilleure compréhension de la dépollution des eaux usées dans des conditions optimales d’utilisation du charbon actif préparé, nous avons procédé à une étude comparative des caractéristiques de ce nouveau matériau avec ceux existants sur le marché de qualités commerciales connues. Ainsi, deux types de charbon actif ont été utilisés :
Charbon actif A :
Charbon actif B :
L’ensemble de ces trois adsorbants subit l’influence des différents paramètres et en particulier :
- - la température,
- - la concentration initiale du contaminant (phénol),
- - la vitesse d’agitation.
Pour pouvoir disposer de données relatives au temps d’équilibre lors de l’adsorption du phénol sur le charbon actif, il était nécessaire de déterminer la quantité de phénol fixée en fonction de la durée de contact. Les résultats expérimentaux obtenus (figure 1) montrent que pour les charbons actifs préparés [...]
[Photo : Figure 3 : Variation de la quantité adsorbée de phénol en fonction de la vitesse d’agitation.]
Tableau n° 1 : Détermination des constantes de Freundlich à différentes températures
Température |
Charbon actif |
n |
K |
15 °C |
Charbon actif préparé |
1,78 |
0,275 |
15 °C |
Charbon actif A |
0,24 |
0,001 |
15 °C |
Charbon actif B |
0,58 |
0,012 |
25 °C |
Charbon actif préparé |
0,22 |
0,027 |
25 °C |
Charbon actif A |
0,17 |
0,002 |
25 °C |
Charbon actif B |
0,34 |
0,016 |
40 °C |
Charbon actif préparé |
1,00 |
5,00 |
40 °C |
Charbon actif A |
0,38 |
0,52 |
40 °C |
Charbon actif B |
— |
— |
Conditions opératoires : Vagit = 100 tr/min ; tagi = 1 heure
rés et B, l’équilibre est atteint au bout de 10 à 20 mn. Cet équilibre est nettement plus lent avec le charbon A qui nécessite plus d’une heure. Bien que le charbon actif préparé se comporte comme le B pour un temps faible mais diminue pour des temps relativement longs (2 h). Ce comportement n’est pas rare surtout quand les concentrations des solutés sont relativement élevées.
L’examen des courbes obtenues (figure 2) en faisant varier la température permet de dire que celle-ci influe d’une manière très positive sur le taux d’adsorption. En effet, la quantité de phénol fixée sur le charbon A augmente plus de dix fois quand la température augmente de 15 à 25 °C. Par contre, dans le cas du charbon actif préparé, cette augmentation est très significative à faible concentration et surtout lorsque la température passe de 25 à 40 °C.
Toutefois, l’adsorption étant optimale dans un domaine de température restreint ceci permet de dire qu’il existe plusieurs phénomènes physico-chimiques concomitants agissent inversement. En effet, sur le plan thermodynamique, la fixation du phénol sur les charbons actifs est une réaction endothermique puis le phénomène de fixation n’est plus proportionnel avec la température due probablement à l’augmentation du mouvement brownien des molécules de phénol fixées à la surface de l’adsorbant qui augmentent la solubilité du phénol dans l’eau. Dans le système triphasique, souvent les phénomènes de transfert de matière sont conditionnés par les propriétés hydrauliques de l’écoulement environnant. Cette influence est d’autant importante et complexe que le système soit de nature liquide/solide.
En effet, les résultats obtenus (figure 3) en faisant varier la vitesse d’agitation au moment de l’adsorption montrent que la quantité adsorbée est d’autant plus importante que la vitesse d’agitation croît pour une concentration d’équilibre donnée. Ceci peut être expliqué par le fait que la vitesse réduit la couche limite du système et augmente, par conséquent, la diffusion externe du flux de matière. Par contre, la nature de l’écoulement dans de tel système n’a aucun effet sur le transfert de matière interne (intérieur des pores et capillaires).
L’étude de l’influence de la concentration initiale du phénol en solution sur le taux d’adsorption montre qu’il existe une dépendance très nette et croissante pour les différents charbons actifs testés dont le taux d’adsorption est d’autant plus élevé que la concentration initiale du phénol en solution est élevée. Cependant, le charbon actif commercial présente une adsorption légèrement plus quantitative que celle du charbon actif préparé de l’ordre de 20 %.
Modélisation :
Pour mieux exploiter ces différents résultats, il était nécessaire de procéder à une modélisation selon Freundlich. En effet, selon la littérature, on peut déduire que les résultats obtenus vérifient parfaitement la validité de cette loi pour laquelle le taux d’adsorption est une fonction de la concentration du soluté en solution à l’équilibre (tableau 1).
Cependant, il est très difficile de proposer une dépendance mathématique fiable de la variation des constantes n et K en fonction de la température. Ainsi, on a essayé de faire un rapprochement entre une courbe calculée selon le modèle de Freundlich dans des conditions similaires.
[Figure 4 : Modélisation de l’adsorption du phénol sur le charbon actif préparé]
D’après la figure 4 où l’on a représenté la quantité de phénol adsorbée sur charbon actif préparé en fonction de sa concentration en solution à l’équilibre, on peut dire que la courbe calculée décrit relativement bien l’isotherme expérimentale d’adsorption aussi bien à 15 °C qu’à 25 °C.
Conclusion
Les essais expérimentaux entrepris dans cette étude nous ont apporté des résultats très prometteurs. En effet, le charbon actif préparé à partir d’un déchet de café a une action épuratoire certaine sur la dépollution des eaux et offre de nombreux avantages tels que l’aspect économique et son faible coût de fonctionnement.
Par ailleurs, les résultats obtenus peuvent être facilement modélisés selon la loi de Freundlich, ce qui représente de toute évidence un intérêt considérable et un gage pour le calcul et la conception d’une colonne réelle. Ces avantages font de ce nouveau charbon actif un matériau intéressant pour tous les industriels qui sont confrontés au problème des déchets de café non valorisables jusqu’à présent. Mais l’intérêt de ce nouveau matériau et ses applications ne cesseront de se développer car ils sont liés à l’évolution irréversible vers une réglementation sur les déchets et sur les effluents contaminés plus contraignante et à une meilleure protection de l’environnement.
Références bibliographiques
1 Degrémont : « Traitement des eaux de consommation », 8e Éd., Paris, 1978.
2 Fiche toxicologique n° 15, INRS, Paris, 1988.
3 F. Van Santfoort : « Élimination des micropolluents dans l’eau potable », Info. Chimie n° 307, p. 143-147, 1989.
4 F. Perineau, J. Molinier, A. Gaset : « Valorisation de déchets agro-industriels et dépollution des eaux », Info. Chimie n° 228/229, p. 161-166, 1982.
5 K. Benrachedi : « Préparation d’un charbon actif à partir d’un déchet de café », 1er colloque national de Génie Chimique, 5-6 novembre, INH, 1996.