Your browser does not support JavaScript!

Étude de fonctionnement de l'oloïde sur une lagune épuratoire

31 mai 2011 Paru dans le N°342 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Catherine BARRACHIN et Daniel POSTIC

Le lagunage naturel est une technique d'assainissement des eaux usées appréciée pour sa simplicité et sa rusticité. Néanmoins, l'un de ses points faibles est la stratification thermique qui se met en place aux intersaisons engendrant des problèmes d'odeurs et de coloration. Le Cemagref a étudié les capacités de déstratification apportées par l'Oloïde, confirmant les qualités de mélange indiscutable et l'intérêt de ce brasseur-aérateur.

Le lagunage naturel est une technique privilégiée de traitement des eaux usées par les petites collectivités rurales : on ne compte pas moins de 2 500 installations en France.

Le principe de fonctionnement repose sur une dégradation aérobie biologique de la phase dissoute par les bactéries libres, l’oxygène étant fourni par les algues, en période diurne, grâce aux mécanismes naturels de la photosynthèse.

Les lagunes d’épuration sont des infrastructures durables, possédant des qualités indiscutables quant à leur rusticité, leur faible demande en personnel et des capacités épuratoires reconnues et parfois plus efficaces sur certains paramètres que les filières concurrentes (bactériologie, acceptation des surcharges hydrauliques…). Toutefois, celles-ci peuvent être soumises à divers dysfonctionnements : changement de couleur (virage au rose), apparition d’odeurs nauséabondes… dus à des causes diverses telles que la nature des effluents, la présence de lentilles d’eau, etc.

Aujourd’hui, de nombreuses réhabilitations de lagunage ont lieu avec différents scénarios envisagés et proposés :

  • Transformation des bassins en filtres plantés de roseaux ;
  • Association lagunage – filtres plantés de roseaux ;
  • Mise en place de lagunage aéré en tête de station ;
  • Association de lagunage (simple ou aéré) et filtres à sable, filtres rocheux, digues filtrantes, îles flottantes végétalisées.

Chaque solution est déterminée en fonction du type de réseau (unitaire, séparatif), de l’augmentation ou non du nombre d’habitants raccordés, des exigences de qualité du milieu récepteur, des impératifs budgétaires…

Si le premier bassin de lagunage est conservé, il peut être intéressant d’améliorer son fonctionnement par un brassage lent, permettant de résoudre les problèmes de stratification thermique qui se mettent inéluctablement en place surtout au printemps et en automne.

Dans ce cadre, le brasseur-aérateur Oloïde a fait l’objet d’une étude par le Cemagref (A. Lienard, C. Crétollier, Lyon 2009), avec le concours du Satese de l’Ain, sur la station de Saint-André-de-Bouchoux, pour valider son intérêt dans cette application.

[Photo : La forme particulière de l’Oloïde.]

Le brasseur-aérateur Oloïde

En 1929, le mathématicien Paul Schatz invente la forme de l’Oloïde (cette forme est l’enveloppe convexe de deux cercles orthogonaux passant chacun par le centre de l’autre).

Cette forme peut se mouvoir dans l’eau avec une résistance très faible, à la différence des mouvements traditionnels de rotation (hélice).

L’Oloïde (cf. figure 1) est entraîné par deux axes munis de fourches tournant en sens contraire l’un de l’autre à des vitesses variables.

Le mouvement tridimensionnel, pulsatoire induit est nommé « cinématique d’inversion », à la manière d’un cygne sur l’eau, ou d’un pagayeur.

Une des principales applications de l’Oloïde est l’amélioration du fonctionnement des lagunes naturelles.(Il est utilisé dans d’autres domaines tels que les bassins de stockage d’eaux pluviales, d’eau destinée à l’alimentation humaine, les eaux résiduelles de plateformes de compostages etc...)

Étude de l’Oloïde sur une lagune épuratoire

La station d’épuration de Saint André le Bouchoux (cf. figure 2), dimensionnée pour 400 Équivalents-Habitants, comporte une lagune d’une surface de 2400 m², en forme de L, pour une colonne d’eau d’environ 1 m de profondeur moyenne (sauf la surprofondeur en entrée qui est portée à 1,3 m).

Elle est issue du regroupement, en 2005, des deux premières lagunes d’un lagunage naturel alors que la troisième lagune a été transformée en deux filtres plantés de roseaux à écoulement vertical d’une surface unitaire de 300 m².

La station est raccordée à un réseau de type séparatif et peut recevoir une charge de 24 kg de DBO₅/jour pour un volume journalier de 60 m³.

Les niveaux de rejet attendus sont de 25 mg/L en DBO₅, 125 mg/L en DCO et 35 mg/L en MES.

La lagune est munie d’une zone de rétention des graisses en tête d’une surface de 5 à 6 m² délimitée par une cloison siphoïde en bois.

En commun accord avec le maire de la commune, il a donc été décidé de procéder à un essai de l’Oloïde type 400X pendant environ un mois en mai 2009.L’effet attendu est principalement celui d’une déstratification thermique par une agitation relativement douce et permanente : les eaux du fond seront transférées à la surface et soumises à l’activité photosynthétique des algues (maximale dans une tranche d’eau d’environ 25 cm au sein de laquelle peut pénétrer la lumière solaire). L’appareil doit aussi contribuer à l’aération de l’ouvrage par augmentation des échanges gazeux par diffusion depuis l’atmosphère.

L’appareil sera placé peu après le premier tiers du bassin au niveau de sa courbure vers la sortie (voir figures 3 et 4).

Afin de voir l’effet potentiel de l’Oloïde sur des paramètres physico-chimiques pouvant être influencés par le brassage et l’aération, le Cemagref a installé en deux endroits des sondes :– À environ 10 m de l’Oloïde 400, au centre de la diagonale délimitant virtuellement les deux parties de la lagune et donc dans une position assimilable au centre de la lagune, trois sondes de températures situées respectivement à 25, 50 et 75 cm sous la surface (soit à environ 25 cm du fond pour la plus profonde),– À la sortie de la lagune, une sonde de température plongeant dans la partie siphoïde. Cette sonde est très superficielle, en raison de la très faible immersion de la partie siphoïde et de la proximité du talus de la digue.

L’enregistrement débute une semaine avant le démarrage de l’Oloïde 400 pour visualiser les réponses des capteurs avant qu’elles ne soient influencées par le fonctionnement de l’appareil, soit le 29/04. L’Oloïde est mis en marche le 6/05, puis arrêté pendant une semaine. Il sera redémarré le 13/05 au matin jusqu’au mardi 30 juin mais les enregistrements seront stoppés le 27 mai.

Résultats

En l’absence d’agitation, la tranche d’eau superficielle directement soumise au rayonnement solaire s’échauffe plus et a tendance à rester en surface étant donné que sa densité devient plus faible (997 g/L à 25 °C contre 1000 g/L à 4 °C).

[Photo : Schéma de la station de Saint André le Bouchoux.]
[Photo : Oloïde sur la lagune de Saint-André le Bouchoux.]

Le graphe (cf. figure 5) illustre bien ce phénomène puisqu’au cours de la semaine d’enregistrements sans agitation, les températures de surface de la sonde installée au centre de la lagune et celle de sortie présentent des pics très accentués. C’est notamment le cas du 30/04 au 3/05 en raison d'un ensoleillement important et dans une moindre mesure les 4 et 5/05 quand les températures ont chuté et que l'eau superficielle s'est refroidie.

Environ 6 heures après la mise en marche de l’Oloïde 400, le 6/05 vers 11h00, on note que la température de la sonde du fond atteint des valeurs très proches de celles de la sonde de surface et que celles de la sonde placée à mi-hauteur se superposent avec celle de la sortie lagune. En fin de journée, le 7/05, jour très ensoleillé, les températures maximales du fond et de la surface sont quasiment équivalentes entre 18h00 et 19h00.

Durant la deuxième période de fonctionnement continu de l’Oloïde, la température du fond de la lagune est systématiquement supérieure aux températures médiane et haute ainsi qu’à celle de sortie pourtant très superficielle et éloignée de l’Oloïde. Cette température en sortie se superpose très fréquemment avec celle enregistrée à mi-hauteur de la colonne d’eau au centre de la lagune (traits rose et violet).

D’une manière générale, ces températures progressent très régulièrement au gré des températures dans l’air et de l’ensoleillement relativement constant à partir du 16/05 jusqu’au 25/05 avec un effet cumulatif. Celui-ci s'inverse rapidement dès lors que l’ensoleillement faiblit et que les températures externes chutent. Il est d’ailleurs curieux de constater l'harmonie des réponses des sondes qui prouve que le bassin est homogène.

Autre point important à noter : durant tout l’essai aucune prolifération de lentilles d'eau ne s'est faite, à contrario de tous les étés précédents et elles ont proliféré de façon rapide après l’enlèvement de l’appareil fin juin.

Pour compléter les données, la puissance consommée de cet appareil a été mesurée : 223,4 – 227 W (résultats fournis par l’analyseur Elcontrol). S’il fonctionnait en permanence, la consommation annuelle d’énergie représenterait un peu moins de

[Photo : Relevés de températures]

2000 kWh et un coût annuel limité à environ 160 € hors taxes et abonnement, à raison de 0,08 €/kWh (tarif pour particuliers avec un coût unique pour la journée et un abonnement de 6 kW).

En cas de station éloignée de tout raccordement au réseau EDF, il est envisageable d’alimenter l’Oloïde par panneaux photovoltaïques ou par une éolienne (ou une alimentation mixte), via un moteur 24 V.

Conclusions

L’Oloïde est un mélangeur de faible puissance remarquablement efficace pour une puissance spécifique limitée à environ 0,1 W/m² comme cela a été mis en évidence sur la lagune de Saint-André-le-Bouchoux. Ce brassage très doux suffit à rompre la stratification thermique qui se met inéluctablement en place dans les lagunes, même si leur profondeur n’excède pas 1 mètre. Cette déstratification permet de mettre en contact avec l’atmosphère et la lumière solaire la majeure partie du volume d’eau et ainsi d’accroître le développement des algues qui assureront l’oxygénation du bassin.

La limitation du développement des lentilles d’eau qui nuit à la pénétration de la lumière solaire dans la tranche d’eau superficielle ne saurait être attestée au regard de ces seuls essais, mais le mouvement généré par l’Oloïde peut gêner leur installation sur la lagune, si l’on considère leur rapide développement après l’arrêt de l’appareil. Cet appareil permet de résoudre à un moindre coût en investissement et surtout en frais d’exploitation, le problème des stations de lagunage en limite de charge ou subissant des variations de charge (30 % de la charge nominale).

Cette « petite aération-déstratification », associée ou non à des techniques complémentaires d’épuration, est une solution très intéressante tant sur le plan technique que financier pour la réhabilitation de stations de lagunage naturel de nombreuses collectivités.

[Publicité : Editions Technip]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements